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Décisions

Cass. com., 12 mai 2021, n° 19-17.714

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Fenêtres et Portes du Soleil (SARL)

Défendeur :

Label Isolation (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Darbois

Rapporteur :

Mme Bessaud

Avocats :

SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, SCP Rousseau et Tapie

Cass. com. n° 19-17.714

12 mai 2021

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 21 mars 2019), la société Label isolation, spécialisée dans la fabrication de vérandas, a été créée en 2012 par M. et Mme Gabouleaud, anciens salariés de la société Fenêtres et portes du soleil (la société FPS), exploitant un fonds de commerce de fenêtres, portes et volets.  

2. Reprochant à la société Label isolation le démarchage fautif de sa clientèle, des publicités illicites et abusives ainsi que des actes de dénigrement, la société FPS l'a assignée en paiement de dommages-intérêts pour concurrence déloyale.  

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. La société FPS fait grief à l'arrêt de rejeter l'intégralité de ses demandes contre la société Label isolation du fait d'actes de concurrence déloyale commis par cette dernière, alors « que le démarchage de la clientèle d'autrui n'est libre que s'il ne s'accompagne pas d'un acte déloyal ; que constitue un procédé déloyal rendant le démarchage fautif, le détournement de fichier clientèle, peu important le nombre de clients pour lequel le fichier détourné a été utilisé ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la société Label isolation avait utilisé le fichier clientèle conservé par M. et Mme Gabouleaud pour démarcher un client de la société Fenêtres et portes du soleil ; que la cour d'appel a énoncé, pour écarter l'existence d'un acte de concurrence déloyale de la société Label isolation, que l'utilisation par un ancien salarié des fichiers de son employeur afin de prospecter la clientèle ne peut être constitutive de détournement de clientèle et donc de concurrence déloyale que si elle est "massive" et qu'en l'espèce, il n'était pas prouvé que la société Label isolation eût utilisé le fichier clientèle de la société Fenêtres et portes du soleil "de manière systématique aux fins de détournement, le cas de M. Bessou étant isolé" ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a ajouté à3 414 tort une condition à la caractérisation d'un procédé déloyal rendant le démarchage fautif, a violé l'article 1382, devenu 1240 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil :

4. Aux termes de ce texte, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

5. Pour rejeter la demande de dommages-intérêts de la société FPS au titre du détournement de fichiers, l'arrêt, après avoir énoncé que l'utilisation par un ancien salarié ayant fondé une société concurrente des fichiers de son employeur afin de prospecter la clientèle peut être constitutive de détournement de clientèle, et donc de concurrence déloyale, dès lors qu'elle est avérée et massive, retient que si la société Label isolation a utilisé le fichier clientèle de la société FPS pour contacter un client, le courrier de démarchage reprenant une erreur orthographique contenue au fichier, aucun document n'atteste cependant d'une utilisation réitérée de ce fichier.

6. En statuant ainsi, alors que le détournement du fichier clientèle d'un concurrent pour démarcher sa clientèle constitue un procédé déloyal, peu important que le démarchage soit massif ou systématique, la cour d'appel a violé le texte susvisé.  

Sur le moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

7. La société FPS fait le même grief à l'arrêt, alors « que le dénigrement, constitutif d'un acte de concurrence déloyale, s'entend de tout acte qui tend à jeter le discrédit sur un concurrent ; que cet acte peut aussi bien être dirigé vers les clients de la société concurrente que vers d'autres personnes, tels ses partenaires commerciaux ; que la cour d'appel a constaté que Mme Gabouleaud avait adressé le 20 août 2014 à un fournisseur de la société FPS un reportage et un article accompagné d'un propos dénigrant envers la société FPS ; qu'en considérant que ce propos ne pouvait constituer un acte de dénigrement dès lors qu'il n'était pas adressé à un client mais à un fournisseur de la société FPS, la cour d'appel a violé l'article 1382, devenu 1240 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil :4 414

8. Pour rejeter la demande de dommages-intérêts de la société FPS au titre du dénigrement, l'arrêt, après avoir constaté que la société Label isolation n'était pas l'auteur de l'article de presse du journal Var-Matin ni du reportage diffusé sur France 3 Côte d'Azur et ajouté qu'aucun élément factuel ne permettait d'affirmer qu'elle en était le commanditaire, puis relevé que Mme Gabouleaud avait adressé ces documents à un tiers, accompagnés d'un propos dénigrant à l'égard de la société FPS, retient que cet envoi unique n'était pas destiné à un client mais à un fournisseur, de sorte qu'il ne pouvait être analysé comme un acte de dénigrement.  

9. En statuant ainsi, alors qu'un propos dénigrant peut constituer un acte de concurrence déloyale s'il est rendu public, peu important qu'il soit adressé à un client ou à un fournisseur de la personne dont les produits ou services sont mis en cause, la cour d'appel a violé le texte susvisé.  

Sur le moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

10. La société FPS fait le même grief à l'arrêt, alors « que devant la cour d'appel, la société Fenêtres et portes du soleil faisait valoir que les panneaux publicitaires posés par la société Label isolation à proximité du siège et du showroom de la société Fenêtres et portes du soleil étaient illicites, non seulement parce qu'ils ne respectaient pas le règlement local de publicité mais également parce qu'aucune autorisation de voirie n'avait été accordée pour la mise en place de ces panneaux ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen péremptoire, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »  

Réponse de la Cour

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

11. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé.

12. Pour rejeter la demande de dommages-intérêts de la société FPS au titre de la publicité illicite, l'arrêt constate que la violation du règlement local de publicité n'est pas établie par les pièces versées aux débats.

13. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la société FPS invoquant l'illicéité tirée d'un manquement au respect du règlement local de publicité mais également d'un manquement aux règles relatives à l'autorisation de voirie, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

Et sur le moyen, pris en sa cinquième branche

Enoncé du moyen

14. La société FPS fait le même grief à l'arrêt, alors « que l'action en concurrence déloyale n'exige pas la constatation d'un élément intentionnel ; qu'en énonçant, pour exclure l'existence d'une concurrence déloyale de la société Label isolation résultant de la pose des panneaux publicitaires, "que rien n'indique que la société Label isolation aurait intentionnellement violé le règlement dans le but de désorganiser la société Fenêtre et portes du soleil ou de capter sa clientèle", la cour d'appel a violé l'article 1382, devenu 1240 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil :

15. Pour rejeter la demande de dommages-intérêts de la société FPS au titre de la publicité illicite, l'arrêt retient que rien n'indique que la société Label isolation aurait intentionnellement violé ce règlement dans le but de désorganiser la société FPS ou de capter sa clientèle.

16. En statuant ainsi, alors que l'action en concurrence déloyale suppose seulement l'existence d'une faute, sans requérir un élément intentionnel, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il écarte des débats la pièce n 7 du bordereau de la société Label isolation et dit n'y avoir lieu à annulation du jugement du tribunal de commerce de Fréjus en date du 4 juillet 2016, l'arrêt rendu le 21 mars 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;  

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Aix-en-Provence, autrement composée ;

Condamne la société Label isolation aux dépens ;  

En application de l'article 700 du code de procédure civile,  

Rejette la demande formée par la société Label isolation et la condamne à payer à la société Fenêtres et portes du soleil la somme de 3 000 euros.