CA Paris, Pôle 4 ch. 9, 12 mai 2021, n° 18/07557
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
AZ Luxe Auto (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Grandjean
Conseillers :
Mme Trouiller, Mme Bisch
Avocats :
Me Gilles, Me Meylan
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par contrat conclu le 4 février 2016 avec la société AZ Luxe Auto, M. X a acquis un véhicule automobile BMW immatriculé [xxx], mis en circulation le 10 octobre 2006, au prix de 8 700 euros. Le véhicule avait fait l'objet d'un contrat de vente antérieur, le 1er septembre 2015 entre la société Y, spécialisée dans l'achat, l'importation, l'exportation, le commerce et la vente de véhicules neufs ou d'occasion, son activité étant exercée par une plateforme Internet, et la société AZ Luxe Auto, acquéreur, pour le prix de 7 551 euros. Ce premier contrat comporte une clause d'exonération de la responsabilité de la société Y quant à son obligation de délivrance conforme pesant traditionnellement sur le vendeur d'un bien à l'égard de l'acheteur, et quant à l'exclusion de garantie en matière de défauts matériels, au profit de la société Y, notamment pour les véhicules dont la mise en circulation date de plus de 10 ans.
Quinze jours après la vente, M. X a constaté que de l'eau s'infiltrait dans l'un des blocs optiques avant du véhicule, causant ainsi le dysfonctionnement du feu de croisement, et il s'est alors rendu chez un concessionnaire BMW qui, consultant l'historique du véhicule au moyen d'un boîtier électronique, s'est aperçu que le kilométrage avait été minoré de 35 447 km entre le 10 novembre 2010 et le 5 novembre 2012, mais aussi d'un dysfonctionnement de la poignée de la porte avant côté passager ainsi qu'une défaillance de l'embrayage, du volant moteur, et enfin que le numéro de série sur le châssis du véhicule avait été regravé.
Malgré un engagement de procéder au remboursement du véhicule et de frais annexes, à la demande de l'acquéreur, la société AZ Luxe Auto n'a pas exécuté son engagement.
Le 26 juillet 2016, M. X a assigné la société AZ Luxe Auto devant le tribunal d'instance de Villejuif qui, par jugement contradictoire rendu le 29 janvier 2018 auquel il convient de se reporter, a notamment :
- prononcé la résolution de la vente du véhicule BMW immatriculé Aw-743- MF intervenue le 4 janvier 2016 entre la société AZ Luxe Auto et M. Tarlez,
- condamné la société AZ Luxe Auto à restituer à M. X le prix de vente, soit 8 700 euros,
- condamné la société AZ Luxe Auto à verser à M. X la somme de 343, 66 euros,
- condamné la société Y à garantir les condamnations de la société AZ Luxe Auto dans la limite des sommes qu'elle a perçues dans le cadre de la transaction intervenue entre elles soit 7 551 euros,
- condamné in solidum la société AZ Luxe Auto et la société Y à payer à M. X la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire de la décision.
Le tribunal a considéré que les conditions étaient réunies pour prononcer la résolution judiciaire de la vente, dont la société AZ Luxe Auto avait reconnu le bien fondé, il a prononcé en outre sa condamnation à payer la somme de 343,66 euros correspondant à la mutation du certificat d'immatriculation, et sur le fondement des dispositions de l'article 1165 du code civil notamment, il a considéré que M. X est un tiers à la convention liant la société AZ Luxe Auto à la société Y et que la clause exonératoire de garantie au profit de cette dernière, n'est donc pas opposable à l'acquéreur, qui plus est lorsqu'il consommateur.
Le 11 avril 2018, M. X a relevé appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières conclusions remises le 27 décembre 2018, M. X demande à la cour :
- d'infirmer le jugement notamment en ce qu'il a condamné la société Y à garantir les condamnations prononcées à l'encontre de la société AZ Luxe Auto à hauteur de 7 751 euros et en ce qu'il a omis de statuer sur la demande de dommages et intérêts au titre de la perte de jouissance du véhicule,
- et de confirmer la résolution judiciaire de la vente conclue entre M. X et la société AZ Luxe Auto mais de prononcer également la résolution judiciaire de la vente conclue entre la société Y et la société AZ Luxe Auto le 24 novembre 2015, portant sur le même véhicule,
- de condamner in solidum les sociétés AZ Luxe Auto et société Y à restituer le prix de vente du véhicule litigieux à M. X, soit la somme de 8 700 euros, assortie des intérêts légaux à compter de la saisine du tribunal,
- dans l'hypothèse où seule la société Y serait tenue de restituer le prix de vente à M. X, soit la somme de 7 551 euros, de condamner cette société à verser en sus à M. X la somme de 1 149 euros à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice économique causé au concluant,
- de condamner in solidum les sociétés AZ Luxe Auto et société Y à verser à M. X la somme de 343,66 euros correspondant au coût de la carte grise supportée par le concluant,
A titre subsidiaire,
- Si la cour de céans ne prononçait pas la résolution de la vente conclue tant entre le vendeur initial et le vendeur intermédiaire, qu'entre ce dernier et le sous acquéreur, et qu'elle déclarait opposable à M.
Z la clause exclusive de responsabilité contenue dans les conditions générales de la société Y,
- qu'elle déclare ladite clause abusive et, en conséquence, condamne la société Y à verser à M. X, sous acquéreur, la somme de 9 043,66 euros de dommages intérêts au titre du préjudice économique subi.
Sous le visa de l'article L. 211-7 du code de la consommation l'appelant soutient que le défaut de conformité découvert en février 2016 soit un mois après la vente du véhicule existait au moment de sa délivrance.
L'appelant fait encore valoir que le véhicule cédé fait l'objet d'une chaîne de contrats translatifs de propriété et qu'il est par conséquent fondé à rechercher la responsabilité contractuelle de la société Y et de la société AZ Luxe Auto, que les dispositions du code de la consommation lui sont applicables et que par ailleurs, dans ses rapports avec la société Y, l'opposabilité à son encontre de la clause exclusive de garantie de cette dernière dans sa relation contractuelle avec la société AZ Luxe Auto aurait pour effet de créer un déséquilibre significatif entre les parties et que ce faisant, cette clause ne peut avoir d'effet qu'entre les professionnels, qu'en tout état de cause, cette clause est abusive et nécessite la condamnation de la société Y à lui payer des dommages et intérêts au titre du préjudice économique subi.
Aux termes de ses dernières conclusions remises le 27 septembre 2018, la société Y sollicite de la cour qu'elle :
- constate que la clause exonératoire de garantie stipulée entre la société Y et la société AZ Luxe Auto est valable et opposable à M. X,
- rejette toutes les demandes de M. X à l'égard de la société Y,
A titre subsidiaire, dans le cas où la cour estimerait que la limitation de garantie n'est pas opposable, qu'elle :
- confirme le jugement entrepris en ce qu'il a limité la condamnation de la société Y à garantir la société AZ Luxe Auto à hauteur de la transaction intervenue entre elles, soit 7 551 euros,
- condamne M. X à payer à la société Y l'indemnité de 4 804,93 euros, correspondant à la dépréciation subie par le véhicule en raison de son utilisation,
- confirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Y de sa demande de dommages et intérêts s'élevant à 1 149 euros au titre de la réparation de son préjudice économique,
- confirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. X de sa demande de dommages et intérêts s'élevant à 3 000 euros au titre de la perte de son véhicule,
- confirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. X de sa demande de condamner la société Y à garantir la société AZ Luxe Auto pour la somme de 343,66 euros correspondant au coût de la carte grise ;
En tout état de cause :
- condamne M. X à verser à la société Y la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'intimée développe essentiellement la question de l'opposabilité à l'appelant de la clause exonératrice de sa garantie contenue dans ses conditions générales de vente relatives au contrat qui la lie à la société AZ Luxe Auto, en faisant observer que l'article L. 442-6 du code de commerce relatif à la responsabilité engagée de tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, s'il soumet un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, dont l'appelant se prévaut, ne trouve pas application en l'espèce en l'absence de la démonstration du déséquilibre significatif.
L'intimée fait remarquer que par application du principe « nemo plus juris », nul ne peut transférer à autrui plus de droits qu'il n'en a lui-même et que le sous acquéreur ne peut donc pas bénéficier d'une action directe contre le vendeur originaire du bien, si l'acquéreur du bien ne dispose pas lui-même de cette action, de sorte qu'en présence de la clause litigieuse, celle-ci est opposable entre le vendeur originaire et le sous acquéreur.
À titre subsidiaire, l'intimée fait valoir qu'elle serait fondée, si l'appelant triomphait en ses demandes, à obtenir une indemnité de 4 804,93 euros, correspondant à la différence entre le prix de vente du véhicule qu'elle a vendu à la société AZ Luxe Auto et la valeur actuelle du véhicule, moins les frais de réparation estimés par l'appelant.
Elle fait également observer qu'elle ne peut pas garantir un prix supérieur à celui auquel elle a vendu le véhicule et elle soutient enfin que la demande de dommages et intérêts pour perte de jouissance du véhicule est contradictoire avec la demande de résolution de la vente avec restitution du prix.
L'appelant a signifié sa déclaration d'appel et ses conclusions à la société AZ Luxe Auto par acte du 9 juillet 2018, selon les dispositions de l'article 659 du code de procédure civile, mais l'intimée n'a pas constitué avocat.
Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 26 janvier 2021.
SUR CE,
Sur la demande en résolution judiciaire de la vente entre la société AZ Luxe Auto et la société Y et sur l'opposabilité à M. X de la clause exclusive de responsabilité
En l'espèce, M. X demande à la cour de prononcer la résolution du contrat de vente passé le 24 novembre 2015 entre la société Y et la société AZ Luxe Auto.
Il est admis que l'acheteur peut exercer une action résolutoire en défaut de conformité contre le vendeur originaire, disposant à son égard d'une action directe.
Pour autant, le sous acquéreur ne dispose alors d'autres droits que ceux du vendeur intermédiaire.
En effet, l'article 1165 (désormais 1199) du code civil dispose que : « Le contrat ne crée d'obligations qu'entre les parties ».
Il résulte de cet article que les conventions ne nuisent pas aux tiers et ne leur profitent pas, sauf le cas prévu par l'article 1121, mais que le sous acquéreur peut exercer directement une action rédhibitoire, cette action étant celle de son auteur, c'est-à-dire celle du vendeur intermédiaire contre le vendeur originaire, ce dernier ne pouvant être tenu de restituer davantage qu'il n'a reçu, sauf à devoir des dommages et intérêts en réparation du préjudice causé.
En conséquence, toutes les clauses du contrat de vente initial dont le sous acquéreur entend se prévaloir pour en obtenir la résolution, sont opposables au sous acquéreur.
En l'espèce, il est constant que les conditions générales de vente conclues entre la société Y et la société AZ Luxe Auto, prévoient en leur article G-3 prévoit que : « Par dérogation expresse aux dispositions des articles 1604 et 1624 du code civil, la responsabilité de A ne pourra être engagée sur le fondement de l 'obligation de délivrance conforme pesant traditionnellement sur le vendeur d'un bien à l'égard de l'acheteur ».
L'article H de ces conditions générales prévoit quant à lui que : « Aucune garantie en matière de défaut matériel, s'agissant des véhicules, n'est accordée par A dans le cadre des présentes CGV. Cela s'applique notamment mais non limitativement à tout véhicule dont la mise en circulation date de plus de 10 ans ».
Les sociétés Wkda France et AZ Luxe Auto étant spécialisées, la première dans le commerce des véhicules neufs ou d'occasion, et la seconde dans l'achat des véhicules d'occasion, la clause d'exclusion de garantie au profit de la société Y, à laquelle AZ Luxe Auto a souscrit par la conclusion du contrat du 24 novembre 2015 les liant l'une à l'autre, est donc valable.
L'article L. 442-6 du code de commerce dispose que : « Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers : de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ».
L'appelant n'explique pas en quoi cette clause exonératoire de responsabilité crée un déséquilibre significatif dans les droits et obligations respectifs des sociétés Wkda France et AZ Luxe Auto, cocontractants, d'autant que l'intimée explique être un professionnel spécialisé dans l'achat pour revente de véhicules d'occasion, à des conditions de marge suffisamment faible pour permettre à d'autres professionnels d'exercer leur propre activité de vente à des particuliers, contexte dans lequel s'inscrit cette clause exonératoire de responsabilité et il ajoute que la société AZ Luxe Auto n'est tenue d'aucune exclusivité envers elle puisqu'elle peut s'approvisionner auprès d'autres professionnels.
Au surplus, l'équilibre protégé par l'article précité est l'équilibre contractuel, de sorte que M. X qui est tiers à ce contrat ne peut s'en prévaloir au-delà des droits du vendeur intermédiaire.
Il s'induit que la clause de non garantie est opposable et efficace à l'encontre de M. X qui est tiers à ce contrat et ne peut s'en prévaloir au-delà des droits du vendeur intermédiaire.
Au surplus, il faut observer qu'en ayant obtenu la résolution et la condamnation de la société AZ Luxe Auto à en rembourser le prix et à indemniser le préjudice causé, M. X a été rempli de ses droits relatifs à l'acquisition du véhicule litigieux.
M. X est donc mal fondé en sa demande de résolution de la vente initiale.
En l'absence de demande émanant de la société AZ Luxe Auto ou de la société Y relativement à la condamnation de la seconde à garantir la première, la cour ne peut statuer sur la demande sur ce point présentée par M. X qui n'explicite ni en quelle qualité ni pour quel intérêt il formule cette demande.
Sur les demandes de dommages et intérêts
L'appelant demande à la cour, au cas notamment où la résolution judiciaire de la vente conclue entre le vendeur originaire et le vendeur intermédiaire n'est pas prononcée et au cas où la clause exclusive de responsabilité est déclarée opposable au sous acquéreur, de déclarer cependant cette clause abusive et de condamner à lui payer la somme de 9 043,66 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice économique subi.
Une clause abusive, définie aux articles L. 212-1 et suivants du code de la consommation est une mention contractuelle de nature à créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, dans le cadre d'un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur et le code de la consommation établit deux listes de clauses abusives, l'une portant sur les clauses réputées non écrites car interdites, l'autre portant sur des clauses autorisées à condition de rapporter la preuve d'un déséquilibre au détriment du consommateur.
Or, en l'espèce, il a été constaté que l'appelant ne prouve pas que la clause exonératoire de garantie crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat concerné.
La demande de dommages et intérêt est donc rejetée.
L'appelant formule une seconde demande de dommages et intérêts, en tout état de cause, à l'encontre de la société AZ Luxe Auto et de la société Y, au titre de la perte de jouissance de son véhicule qui en raison d'une panne, subie le 3 juin 2017, a rendu son usage impossible, et il fait valoir que dès la première panne est apparue le mois de l'acquisition de son véhicule, il a été privé de la fiabilité élémentaire qu'il pouvait attendre de son véhicule.
Il est rappelé et il est justifié d'après l'historique du kilométrage en date du 17 février 2016, que le kilométrage a été minoré de 35 447 km lors de l'achat du véhicule et que le numéro de châssis a été regravé.
De surcroît, l'appelant produit aux débats un devis de la société : « Garage N. L Auto » en date du 3 juillet 2017, consécutif à la panne qu'a subie le véhicule litigieux le 3 juin 2017, et portant réparation pour un montant total de 3 483,93 euros, en faisant valoir qu'il n'a plus pu utiliser son véhicule et qu'il a été contraint d'user d'autres moyens pour effectuer ses déplacements professionnels.
Si la réalité des dysfonctionnements est avérée, étant apparue un mois après la vente, la durée de l'immobilisation du véhicule et les contraintes que cela a eues pour M. X ne sont pas prouvées.
La qualité réelle du véhicule acquis a cependant nécessairement altéré la jouissance que M. X en attendait, il convient en conséquence de condamner la société AZ Luxe Auto à lui payer la somme de 500 euros au titre du préjudice de jouissance.
La demande de condamnation in solidum dirigée à l'encontre de la société Y, est rejetée pour les raisons qui précèdent.
Succombant dans l'essentiel de ses prétentions en appel, M. X supporte les dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant après débats en audience publique, par arrêt rendu par défaut, mis à disposition au greffe,
- Déclare la clause de non garantie convenue entre la société Y et la société AZ Luxe Auto opposable à M. X ;
- Déboute M. X de sa demande de résolution du contrat de vente conclu entre la société Y et la société AZ Luxe Auto ;
- Confirme le jugement dont appel en toutes ses dispositions non contraires à l'exception de la demande indemnitaire de M. X au titre de son préjudice de jouissance ;
Y ajoutant,
- Condamne la société AZ Luxe Auto à payer à M. X la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts ;
- Rejette toutes autres demandes ;
- Condamne M. Alexis Tarlez aux dépens d'instance et d'appel, ces derniers pouvant être recouvrés par Maître Philippe Meylan, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
- Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.