Cass. com., 12 mai 2021, n° 19-14.676
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Entrepôts et transports Barbe (SA)
Défendeur :
Philippe Fauveder et Compagnie (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Darbois
Rapporteur :
Mme Le Bras
Avocats :
SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Ohl et Vexliard
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 15 janvier 2019), la société Entrepôts et transports Barbe, ayant pour nom commercial Seafrigo (la société Seafrigo), et la société Philippe Fauveder et compagnie (la société Fauveder) sont toutes deux spécialisées dans le transport de marchandises sous température dirigée, dit « reefer ». Reprochant à la société Fauveder d'avoir commis divers actes de concurrence déloyale à son préjudice, notamment en embauchant en février 2015 deux anciens salariés, M. Limare et Mme Serdyukova, qui étaient liés à elle par une clause de non-concurrence, la société Seafrigo l'a assignée en paiement de dommages-intérêts.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche, ci-après annexé
2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
3. La société Seafrigo fait grief à l'arrêt de rejeter toutes ses demandes, alors « que tout employeur qui maintient dans ses fonctions un salarié, après avoir pris connaissance d'une clause de non-concurrence souscrite par ce dernier, commet un acte de concurrence déloyale et engage sa responsabilité délictuelle à l'égard de la victime de l'infraction ; qu'en l'espèce, après avoir indiqué que la société Fauveder avait pris connaissance de la clause de non-concurrence le 20 mai 2015, postérieurement à l'embauche des deux salariés, la cour a énoncé qu'en poursuivant ses relations avec ses clients situés dans la zone interdite par les clauses de non-concurrence, tout en maintenant dans leurs fonctions les deux salariés tenus par ces clauses, la société Philippe Fauveder et compagnie n'avait pas commis de faute, dès lors que l'activité de transport sous température dirigée, à laquelle étaient affectés les deux salariés, n'était qu'une branche de l'activité plus large de transport de marchandises exercée par la société Fauveder ; qu'en statuant ainsi, après avoir constaté que M. Limare et Mme Serdyukova étaient liés par une clause de non-concurrence leur interdisant d'entrer au service d'une société concurrente de la société Seafrigo ou exerçant une activité concurrente, sans en déduire que la société Philippe Fauveder et compagnie, concurrente directe de la société Seafrigo, s'était nécessairement rendue complice de la violation des clauses de non-concurrence et avait donc commis une faute, en les maintenant en toute connaissance de cause dans leurs fonctions de directeur et de responsable commercial du développement du transport sous température dirigée dans le secteur de l'agroalimentaire, peu important que la société Philippe Fauveder et compagnie exerce une activité plus large que la seule activité de transport sous température dirigée à laquelle étaient affectés les deux intéressés et qu'elle ait pu la poursuivre après leur embauche, et à tout le moins du 20 mai au 6 octobre 2015, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, et a violé l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle de l'ordonnance du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil :
4. Aux termes de ce texte, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
5. Pour débouter la société Seafrigo de toutes ses demandes, l'arrêt constate, par motifs propres et adoptés, que la société Fauveder a pris des mesures pour faire respecter la clause de non-concurrence à compter du 15 octobre 2015, date des deux notes de service qu'elle a adressées à M. Limare et Mme Serdyukova à la suite de l'ordonnance de référé rendue par le président du tribunal de commerce de Saint-Nazaire du 6 octobre 2015, afin de les inviter à respecter scrupuleusement leur obligation de non-concurrence jusqu'au 17 février 2016 pour le premier et 21 février 2016 pour la seconde, dates d'échéance de la clause.
6. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait que le nouvel employeur connaissait dès le 20 mai 2015 l'existence de la clause de non-concurrence qui liait ses salariés à leur précédent employeur, de sorte qu'il était tenu, à compter de cette date, sans attendre celle du 15 octobre suivant, de s'assurer que la clause était respectée par ses salariés et ne pouvait, sans commettre de faute, maintenir ses salariés dans leurs fonctions en violation de leurs obligations stipulées dans la clause, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant le jugement, il déboute la société Entrepôts et transports Barbe de toutes ses demandes formées contre la société Philippe Fauveder et compagnie et en ce qu'il statue sur les dépens et l'indemnité de l'article 700 du code de procédure civile dans les rapports entre ces deux parties, l'arrêt rendu le 15 janvier 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rouen.