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Décisions

Cass. 3e civ., 5 juillet 1995, n° 93-17.674

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Beauvois

Rapporteur :

M. Chollet

Avocat général :

M. Weber

Avocats :

SCP Piwnica et Molinié, Me Roger

Cass. 3e civ. n° 93-17.674

5 juillet 1995

Sur le premier moyen :

Attendu, selon les arrêts attaqués (Nancy, 2 décembre 1992 et 9 juin 1993), que la société des Grands Magasins ardennais a consenti à Mme X... la sous-location d'un emplacement dans une galerie marchande pour une durée de 23 mois à compter du 1er octobre 1987 ; que cette société lui ayant, par lettre du 4 décembre 1989, demandé de libérer les lieux, Mme X... a demandé le bénéfice du statut des baux commerciaux et la réparation du préjudice résultant de la résiliation unilatérale du bail ;

Attendu que Mme X... fait grief aux arrêts de la débouter de ses demandes, alors, selon le moyen, 1° qu'aux termes de l'article 3-2 du décret du 30 septembre 1953, lors de l'entrée dans les lieux du preneur, le bailleur, par dérogation au statut des baux commerciaux, peut consentir la jouissance d'un local à usage commercial dans lequel le preneur exerce son activité et celui-ci, à l'expiration du bail de dérogation dont la durée ne peut excéder 2 ans, bénéficie d'un bail 3, 6, 9 ans si le bailleur le laisse en possession des lieux ; que la cour d'appel qui a constaté que le bailleur avait consenti à Mme X... un bail dérogatoire se référant à l'article 3-2 du décret précité et qu'il n'était pas contesté que le bailleur, après l'expiration du bail, avait continué de percevoir sans protestation ni réserve les loyers versés par le preneur à qui il avait promis de consentir un bail 3, 6, 9 ans mais qui, pour débouter Mme X... de sa demande en paiement d'une indemnité d'éviction a qualifié le bail et a estimé que l'arrivée de son terme avait eu pour effet de soumettre les parties à un bail à durée indéterminée soumis, pour les modalités de rupture, à l'article 1738 du Code civil, a, en statuant ainsi, violé, par refus d'application, l'article 3-2 précité et, par fausse application, l'article 1738 du Code civil ; 2° que, par application de l'article 3-2 du décret du 30 septembre 1953 et de l'article 1181 du Code civil, la promesse du bailleur de consentir un bail 3, 6, 9 ans à l'issue de la période de 23 mois prévue par le bail dérogatoire conclu avec le preneur à la condition expresse qu'aucune difficulté ne surgisse au cours de l'exécution de ce bail, entraîne la conclusion d'un bail soumis au statut, faute pour le bailleur d'avoir fait constater une éventuelle difficulté et faute pour lui d'avoir imposé au preneur de libérer les lieux à l'arrivée du terme contractuel ; que la cour d'appel, qui, pour rejeter la demande en paiement d'une indemnité d'éviction formée par Mme X... aux fins de réparer le préjudice né de la rupture par le bailleur du bail 3, 6, 9 ans ainsi formé, a retenu qu'il incombait à cette dernière de mettre en demeure le bailleur d'exécuter sa promesse, a, en statuant ainsi, violé les dispositions susvisées ; 3° que, conformément aux articles 1 et 3-2 du décret du 30 septembre 1953 et à l'article 1134 du Code civil, le fait, pour le bailleur d'un local à usage commercial, de déroger au statut des baux commerciaux par un bail d'une durée de 23 mois et de promettre la conclusion, à son échéance, d'un bail de 3, 6, 9 ans, manifeste sa volonté de reconnaître que le preneur, par son activité, réunit les conditions pour bénéficier du statut des baux commerciaux et le bailleur n'est plus fondé à dénier au preneur le bénéfice du statut édicté pour la seule protection de ce dernier ; que la cour d'appel qui a retenu, pour refuser à Mme X... toute indemnité d'éviction, que celle-ci ne justifiait pas exploiter un fonds de commerce mais qui s'est abstenue de rechercher si la conclusion d'un bail dérogatoire au statut et la promesse faite par le bailleur de consentir un bail 3, 6, 9 ans ne valait pas reconnaissance, par le bailleur, du droit pour le preneur de se prévaloir du statut des baux commerciaux, a privé sa décision de base légale au regard des dispositions susvisées ; 4° que, par application de l'article 3-2 du décret du 30 septembre 1953, dans le cas où le bailleur ne manifeste pas, lors de l'échéance du terme fixé par le bail dérogatoire sa volonté de voir le preneur libérer les lieux loués, l'accord, ultérieurement donné par ce dernier de libérer les lieux loués sans réserve des droits attachés à la propriété commerciale acquis par l'effet de la loi à compter de l'échéance du bail dérogatoire, n'entraîne pas renonciation à se prévaloir des droits acquis et notamment de la réparation du préjudice né de l'éviction ; que la cour d'appel, qui, pour refuser de condamner le bailleur à payer une indemnité d'éviction au preneur, s'est déterminée par le fait que Mme X... avait accepté de libérer les lieux loués mais qui n'a pas recherché si la volonté expresse, que celle-ci a exprimée, de se prévaloir de la propriété commerciale et de son droit au paiement d'une indemnité d'éviction n'imposait pas au bailleur de respecter des droits acquis par l'effet de la loi et auxquels le preneur avait déclaré ne pas renoncer, a, en statuant ainsi, privé sa décision de base légale au regard de la disposition susvisée ;

Mais attendu qu'ayant constaté que la lettre du 24 septembre 1987 faisant état d'une promesse de transformation du bail visait un loyer mensuel de 5 000 francs, alors que la convention signée le lendemain stipulait un loyer fixé, cette fois, à la somme de 4 000 francs par mois, la cour d'appel, qui, ayant relevé l'absence de gestion indépendante et de clientèle propre et exactement retenu que l'espace délimité, sur le sol de l'hypermarché par des cloisons légères à hauteur d'homme, ne constituait pas un local au sens de l'article 1er du décret du 30 septembre 1953, n'avait pas à procéder à des recherches que ses constatations rendaient inopérantes, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision de ce chef ;

Sur le second moyen : (sans intérêt) ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.