Cass. com., 31 janvier 2006, n° 04-13.676
COUR DE CASSATION
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Tricot
Rapporteur :
Mme Garnier
Avocat général :
M. Main
Avocats :
Me Bertrand, SCP Thomas-Raquin et Bénabent
Attendu, selon l'arrêt déféré, que la société Aoste a déposé le 11 septembre 2000 auprès de l'Institut national de la propriété industrielle (INPI) une demande d'enregistrement de la marque dénominative "Aoste excellence" pour désigner en classe 29 divers produits alimentaires ; que, par décision du 15 juillet 2003, le directeur de l'INPI a rejeté partiellement cette demande pour les produits de charcuterie et de salaisons, jambons, autres que le jambon et le lard bénéficiant des appellations d'origine "Valle d'Aosta jambon de Bosses" et "Valle d'Aosta lard d'Arnad" ; que, sur recours formé par la société Aoste, la cour d'appel a annulé la décision du directeur de l'INPI en ce qu'il avait partiellement rejeté la demande d'enregistrement ; que le directeur de l'INPI a formé un pourvoi en cassation contre cette décision ;
Sur la recevabilité du pourvoi contestée par la défense :
Attendu que la société Aoste fait valoir que le pourvoi formé par le directeur de l'INPI, qui, lorsqu'il statue sur la délivrance d'un titre de propriété industrielle, rend une décision juridictionnelle, doit être déclaré irrecevable conformément aux dispositions de l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Mais attendu que la délivrance d'un titre de propriété industrielle par le directeur de l'INPI constitue un acte administratif individuel ; que dès lors, la faculté qui lui est donnée, aux termes de l'article L. 411-4 du Code de la propriété intellectuelle, de former un pourvoi en cassation satisfait aux exigences d'un procès équitable ; que le pourvoi est recevable ;
Sur le premier moyen :
Vu les articles 13-1 et 14-1 du règlement CE du Conseil du 14 juillet 1992, ensemble l'article L. 711-4 du Code de la propriété intellectuelle ;
Attendu que pour annuler la décision du directeur de l'INPI ayant rejeté partiellement la demande d'enregistrement de la marque "Aoste excellence", l'arrêt relève que cette marque, qui désigne les mêmes produits que ceux couverts par les appellations d'origine protégées enregistrées par le règlement n° 1263/96 de la commission du 1er juillet 1996, ne reprend pas l'origine exacte des produits protégés puisque la provenance est composée à la fois de "Valle d'Aosta" désignant la vallée des Alpes et du lieu de fabrication plus précis "Bosses" pour le jambon, "Arnad" pour le lard ; qu'il retient que la primauté sur la marque des deux appellations d'origine protégées par la législation communautaire ne peut être invoquée à elle seule pour interdire l'enregistrement d'une marque postérieure, déclinaison d'une marque notoire, qui ne comporte qu'un mot simplement évocateur de l'origine géographique des produits, sans démontrer le caractère trompeur de celle-ci pour le public ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait d'un côté que la marque litigieuse déposée postérieurement à l'enregistrement des deux appellations d'origine protégée reprenait l'une des composantes de ces appellations et était évocateur de l'origine du produit, et d'un autre côté que la marque désignait des produits identiques à ceux couverts par les appellations d'origine protégées, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 26 février 2004, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence.