Livv
Décisions

TUE, 4e ch. élargie, 19 mai 2021, n° T-254/18

TRIBUNAL DE L'UNION EUROPÉENNE

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

China Chamber of Commerce for Import and Export of Machinery and Electronic Products

Défendeur :

Commission européenne, EJ Picardie

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Gervasoni

Juges :

M. Madise, M. Nihoul (rapporteur), Mme Frendo, M. Martín y Pérez de Nanclares

Avocats :

Me Antonini, Me Monard, Me Maniatis, Me O’Dwyer, Me O’Connor, Me Hommé

TUE n° T-254/18

19 mai 2021

LE TRIBUNAL (quatrième chambre élargie),

Antécédents du litige

1 Le 31 octobre 2016, une plainte a été déposée, conformément à l’article 5 du règlement (UE) 2016/1036 du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2016, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de l’Union européenne (JO 2016, L 176, p. 21, ci-après le « règlement de base »), auprès de la Commission européenne, afin qu’elle engage une procédure antidumping concernant les importations de certains articles en fonte originaires de la République populaire de Chine et de la République de l’Inde.

2 Cette plainte a été présentée par sept producteurs de l’Union européenne, à savoir Fondatel Lecomte SA, Fonderies Dechaumont SA, Fundiciones de Odena, SA, Heinrich Meier Eisengießerei GmbH & Co. KG, Saint-Gobain Construction Products UK Ltd, Saint-Gobain PAM SA et Ulefos Oy (ci-après les « plaignantes »). Elle était soutenue par deux producteurs de l’Union, à savoir EJ Picardie et Montini SpA.

3 Par avis publié au Journal officiel de l’Union européenne le 10 décembre 2016 (JO 2016, C 461, p. 22), la Commission a ouvert une procédure antidumping concernant les importations en cause.

4 Le produit visé par l’enquête consistait en « certains articles en fonte à graphite lamellaire (fonte grise) ou en fonte à graphite sphéroïdal (également appelée fonte ductile), et [l]es pièces s’y rapportant[, c]es articles [étant] d’un type utilisé pour couvrir et/ou donner accès à des systèmes affleurant le sol ou souterrains, et permettre un accès physique et/ou visuel à de tels systèmes » (ci-après le « produit concerné »).

5 L’enquête relative au dumping et au préjudice a porté sur la période comprise entre le 1er octobre 2015 et le 30 septembre 2016 (ci-après la « période d’enquête »). L’examen des tendances pertinentes aux fins de l’évaluation du préjudice a couvert la période allant du 1er janvier 2013 à la fin de la période d’enquête (ci-après la « période considérée »).

6 Le 16 août 2017, la Commission a adopté le règlement d’exécution (UE) 2017/1480, instituant un droit antidumping provisoire sur les importations de certains articles en fonte originaires de la République populaire de Chine (JO 2017, L 211, p. 14, ci-après le « règlement provisoire »). La Commission n’a provisoirement constaté aucune pratique de dumping s’agissant des importations provenant de la République de l’Inde.

7 À l’issue de la procédure antidumping, la Commission a adopté le règlement d’exécution (UE) 2018/140, du 29 janvier 2018, instituant un droit antidumping définitif, portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations de certains articles en fonte originaires de la République populaire de Chine et clôturant l’enquête sur les importations de certains articles en fonte originaires de l’Inde (JO 2018, L 25, p. 6, ci-après le « règlement attaqué »).

8 China Chamber of Commerce for Import and Export of Machinery and Electronic Products (ci-après la « CCCME ») est une association de droit chinois, qui compte parmi ses membres des producteurs-exportateurs chinois du produit concerné. La CCCME a pris part à la procédure administrative ayant conduit à l’adoption du règlement attaqué.

9 Les autres personnes morales dont les noms figurent en annexe I sont neuf producteurs-exportateurs chinois, dont deux ont été sélectionnés par la Commission pour faire partie de l’échantillon des producteurs-exportateurs chinois retenus aux fins de l’enquête.

Procédure et conclusions des parties

10 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 23 avril 2018, les requérantes, à savoir la CCCME et les autres personnes morales dont les noms figurent en annexe I, ont introduit le présent recours. Le mémoire en défense, la réplique et la duplique ont été déposés, respectivement, le 22 août 2018, le 12 novembre 2018 et le 23 février 2019.

11 Par acte déposé au greffe du Tribunal le 26 juillet 2018, EJ Picardie et les autres personnes morales dont les noms figurent en annexe II ont demandé à intervenir dans la présente affaire au soutien des conclusions de la Commission. Par ordonnance du 24 octobre 2018, le président de la première chambre du Tribunal a admis cette intervention.

12 Le 13 décembre 2018, les intervenantes ont déposé au greffe du Tribunal un mémoire en intervention. Les requérantes et la Commission ont déposé leurs observations sur ce mémoire le 24 janvier 2019.

13 La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la quatrième chambre, à laquelle la présente affaire a été réattribuée.

14 Sur proposition de la quatrième chambre, le Tribunal a décidé, en application de l’article 28 de son règlement de procédure, de renvoyer l’affaire devant une formation de jugement élargie.

15 Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (quatrième chambre élargie) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure, a posé des questions écrites aux parties et demandé à la Commission de produire un document. Les parties ont répondu à ces questions et à cette demande de production d’un document dans le délai imparti.

16 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries lors de l’audience du 29 juin 2020.

17 Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

– annuler le règlement attaqué pour autant qu’il s’applique à elles ainsi qu’aux membres de la CCCME mentionnés à l’annexe A.2 ;

– condamner la Commission et les intervenantes aux dépens.

18 Les requérantes demandent également au Tribunal d’ordonner, à titre de mesure d’organisation de la procédure, la production, par la Commission, des calculs et des données sources concernant le volume des importations, le préjudice et la marge de dumping des producteurs-exportateurs chinois et indiens.

19 La Commission, soutenue par les intervenantes, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– rejeter le recours comme irrecevable ;

– à titre subsidiaire, rejeter le recours comme partiellement recevable ;

– à titre encore plus subsidiaire, rejeter le recours comme non fondé ;

– condamner les requérantes aux dépens.

En droit

Sur la recevabilité

20 Soutenue par les intervenantes, la Commission formule, à l’encontre de la recevabilité du recours introduit devant le Tribunal, plusieurs fins de non-recevoir, tirées de :

– l’absence de clarté et de précision de la requête (première fin de non-recevoir, soulevée à titre principal) ;

– l’impossibilité, pour la CCCME, d’agir en son nom propre et au nom de ses membres (deuxième et troisième fins de non-recevoir, soulevées à titre subsidiaire) ;

– l’irrecevabilité du recours en tant qu’il est introduit par les autres personnes morales dont les noms figurent en annexe I (quatrième fin de non-recevoir, également soulevée à titre subsidiaire).

21 Ces fins de non-recevoir sont analysées dans les points qui suivent.

Sur l’absence de clarté et de précision de la requête

22 À titre principal, la Commission soutient, dans sa première fin de non-recevoir, que le recours est irrecevable dans son intégralité, au motif que la requête ne répond pas aux exigences minimales de clarté et de précision prévues à l’article 76, sous d), du règlement de procédure, dès lors que le regroupement des entités contestant le règlement attaqué sous le même vocable de « requérantes » ne permettrait pas d’identifier les demandes présentées par chacune d’entre elles dans la requête.

23 À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 21 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable à la procédure devant le Tribunal conformément à l’article 53, premier alinéa, du même statut, et de l’article 76, sous d), du règlement de procédure, la requête doit contenir, notamment, le nom de la partie requérante ainsi qu’un exposé sommaire des moyens invoqués.

24 Ces éléments doivent être suffisamment clairs et précis pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant, sans autres informations (arrêt du 11 septembre 2014, Gold East Paper et Gold Huasheng Paper/Conseil, T‑444/11, EU:T:2014:773, point 93).

25 En l’espèce, la Commission ne soutient pas que les requérantes ne sont pas dûment identifiées ou que les moyens ne sont pas suffisamment clairs, mais fait valoir que, dans leur recours, les requérantes n’ont pas précisé les moyens invoqués par chacune d’entre elles, alors que ces précisions seraient nécessaires pour évaluer l’incidence de leur statut sur la recevabilité des moyens invoqués.

26 À cet égard, il y a lieu de relever que, contrairement à ce qu’allègue la Commission, les éléments essentiels concernant l’articulation entre les requérantes et les moyens soulevés ressortent de la requête.

27 En effet, il est précisé, au point 1 de la requête, que le recours est introduit, premièrement, par la CCCME pour son propre compte s’agissant de certaines demandes, deuxièmement, par la CCCME agissant pour le compte de ses membres et, troisièmement, par neuf producteurs-exportateurs chinois agissant à titre individuel sans passer par la CCCME.

28 De cette présentation, il résulte que seule la demande en annulation formulée par la CCCME pour son propre compte est limitée.

29 L’étendue du recours introduit par la CCCME agissant pour son propre compte est identifiée, au point 5 de la requête, comme visant la sauvegarde des droits procéduraux dont elle disposerait, étant entendu que, dans ce cadre, celle-ci invoque une violation du principe de bonne administration, des droits de la défense et de certaines dispositions du règlement de base, à savoir l’article 6, paragraphe 7, l’article 19, paragraphes 1 à 3, et l’article 20, paragraphes 2 et 4.

30 Ainsi, contrairement à ce que soutient la Commission, une relation peut être établie, sur la base de la requête, entre les moyens et les requérantes les invoquant.

31 Il en découle que la Commission était en mesure de présenter sa défense en tenant compte de l’incidence des différences de statut des requérantes sur la recevabilité des moyens ainsi que de conclure sur ces points et que le Tribunal peut, de son côté, exercer son contrôle en pleine connaissance de cause, conformément à la jurisprudence mentionnée au point 24 ci-dessus.

32 Dans ces conditions, la première fin de non-recevoir doit être rejetée.

Sur la recevabilité du recours en tant qu’il est introduit par la CCCME en son nom propre

33 Dans son recours, la CCCME indique agir en son nom propre afin de sauvegarder les droits procéduraux qui lui ont été conférés durant l’enquête en application du règlement de base.

34 Selon la Commission, soutenue par les intervenantes, le recours est irrecevable à cet égard, car la CCCME ne serait pas une association représentant l’intérêt de ses membres, mais une émanation de la République populaire de Chine. De ce fait, elle ne saurait invoquer les droits procéduraux qui sont octroyés aux associations représentatives et aux parties intéressées par le règlement de base, mais devrait se voir accorder, au regard de ce règlement, le statut de représentante du pays exportateur, qui lui conférerait, tout au plus, un droit d’information.

35 À l’appui de cette position, qui est avancée à titre subsidiaire et constitue la deuxième fin de non-recevoir soulevée à l’encontre de la recevabilité du recours, la Commission et les intervenantes présentent les éléments suivants.

36 Premièrement, l’article 4 des statuts de la CCCME, en stipulant qu’elle agit sous la supervision, la gestion et l’orientation professionnelle du ministère des Affaires civiles et du ministère du Commerce chinois, établirait que la CCCME constitue un groupe de travail de l’administration chinoise, et non une association professionnelle.

37 Deuxièmement, l’assemblée générale des membres de la CCCME se réunirait une fois seulement tous les cinq ans, comme cela est indiqué à l’article 16 de ses statuts, alors que ladite assemblée est présentée comme étant la plus haute autorité du groupe et qu’elle est censée disposer, à ce titre, des pouvoirs énumérés à l’article 14 des statuts de la CCCME.

38 Troisièmement, les chambres de commerce chinoises seraient issues d’une réorganisation d’institutions gouvernementales et du parti communiste chinois. Leur rôle en tant que prolongement du parti et des autorités publiques n’aurait toutefois pas fondamentalement changé à l’occasion de cette réorganisation. Leur comportement resterait déterminé par les pouvoirs publics, de sorte qu’elles n’auraient pas l’indépendance requise pour pouvoir être considérées comme des associations représentatives.

39 Quatrièmement, la CCCME serait gérée par l’office national compétent pour la gestion des associations, conformément à la législation chinoise applicable aux associations, ce qui aurait pour conséquence qu’elle ne pourrait prendre aucune initiative ni défendre aucune position sans l’autorisation préalable de la République populaire de Chine.

40 Cinquièmement, l’existence de liens étroits avec le ministère du Commerce chinois serait attestée par l’intervention d’un directeur adjoint de ce ministère lors d’une réunion tenue par la CCCME le 9 décembre 2016 afin d’analyser l’enquête alors planifiée par la Commission et qui a mené à l’adoption du règlement attaqué. S’agissant de cette intervention, dont l’existence est attestée par un procès-verbal de ladite réunion produit par les requérantes, la Commission précise qu’elle corrobore le fait que la participation de la CCCME à l’enquête constituait un moyen pour la République populaire de Chine de surveiller son déroulement. C’est pour exercer un tel contrôle que la CCCME aurait été présente de manière systématique lors des vérifications effectuées par les agents de la Commission au siège des producteurs-exportateurs chinois. Ces derniers la mettraient d’ailleurs en copie de tous les courriels échangés avec la Commission, même lorsqu’ils ne sont pas membres de la CCCME.

41 De leur côté, les intervenantes soutiennent que, sur instruction de la République populaire de Chine, la CCCME met en œuvre une stratégie visant à affaiblir la légitimité des mesures de défense commerciale prises par l’Union et par l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Cela se manifesterait par le fait que, dans le présent litige, la CCCME plaide pour obtenir deux changements fondamentaux, à savoir, d’une part, l’extension du contrôle exercé par le Tribunal sur la légalité du règlement attaqué et, d’autre part, l’octroi d’un accès complet aux données confidentielles contenues dans le dossier de l’enquête constitué par la Commission.

42 Sixièmement, les intervenantes font valoir que la CCCME se présente elle-même sur son site Internet comme étant une organisation qui a pour mission d’ajuster et de réglementer le système national d’économie de marché. Dans cet ordre d’idées, elles indiquent qu’un comité de travail pour l’autodiscipline de l’industrie aurait été mis en place, au sein de la CCCME, pour éviter une concurrence nuisible entre entreprises chinoises en matière d’échanges extérieurs et d’ingénierie des marchés étrangers.

43 Septièmement, les attestations fournies par les requérantes montreraient que les 19 entreprises au nom desquelles la CCCME prétend agir n’étaient pas membres de cette entité durant l’enquête, mais le seraient seulement devenues entre décembre 2017 et janvier 2018. La CCCME ne pourrait, dans de telles conditions, prétendre être une véritable association représentative de ces membres. Du reste, le site Internet de la CCCME ne mentionnerait pas les produits en fonte comme une branche d’activités couverte par cette association.

44 Pour prendre position, il convient de rappeler que la tâche incombant au juge de l’Union, lorsqu’il est saisi d’une objection formulée contre la recevabilité d’un recours ou d’une partie du recours, consiste à déterminer s’il est satisfait aux exigences prévues dans la jurisprudence à propos de ce type d’objection.

45 En l’occurrence, il apparaît que, selon la jurisprudence, pour savoir si la CCCME est recevable à introduire un recours en son nom propre, il doit être vérifié si elle dispose, d’une part, de la qualité pour agir et, d’autre part, de l’intérêt à agir, qui sont exigés par l’article 263 TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 17 septembre 2015, Mory e.a./Commission, C‑33/14 P, EU:C:2015:609, point 62 et jurisprudence citée).

–  En ce qui concerne la qualité pour agir

46 S’agissant de la qualité pour agir, l’article 263, quatrième alinéa, TFUE prévoit que toute personne physique ou morale peut former, dans les conditions prévues aux premier et deuxième alinéas de cette même disposition, un recours contre les actes dont elle est le destinataire, contre ceux qui la concernent directement et individuellement et contre les actes réglementaires qui la concernent directement et qui ne comportent pas de mesures d’exécution.

47 La CCCME n’étant pas destinataire du règlement attaqué, il convient de déterminer si, dans la mesure où elle cherche à sauvegarder ses droits procéduraux en introduisant un recours en son nom propre, elle peut se fonder sur le deuxième cas de figure prévu à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, à savoir celui où la partie requérante peut établir qu’elle est, d’une part, individuellement et, d’autre part, directement concernée par l’acte attaqué.

48 Ces deux exigences (affectation individuelle et affectation directe) sont examinées successivement dans les points qui suivent.

49 Selon la jurisprudence, l’affectation individuelle suppose que l’acte attaqué atteigne la partie requérante en raison de certaines qualités qui lui sont particulières ou d’une situation de fait qui la caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, l’individualise d’une manière analogue à celle dont le destinataire d’une telle décision le serait (arrêt du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission, 25/62, EU:C:1963:17, p. 223).

50 Le fait pour une personne ou entité d’intervenir d’une manière ou d’une autre dans le processus menant à l’adoption d’un acte attaqué ne suffit pas à l’individualiser par rapport à l’acte en question (voir, en ce sens, arrêts du 4 octobre 1983, Fediol/Commission, 191/82, EU:C:1983:259, point 31 ; du 17 janvier 2002, Rica Foods/Commission, T‑47/00, EU:T:2002:7, point 55, et du 9 juin 2016, Growth Energy et Renewable Fuels Association/Conseil, T‑276/13, EU:T:2016:340, point 81).

51 En revanche, l’affectation individuelle peut être considérée comme établie lorsqu’une disposition du droit de l’Union impose, pour adopter un acte de l’Union, de suivre une procédure dans le cadre de laquelle cette personne ou entité peut revendiquer des droits procéduraux, dont celui d’être entendue, la position juridique particulière dont elle bénéficie ayant alors pour effet de l’individualiser au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE (voir, en ce sens, arrêts du 4 octobre 1983, Fediol/Commission, 191/82, EU:C:1983:259, point 31 ; du 17 janvier 2002, Rica Foods/Commission, T‑47/00, EU:T:2002:7, point 55, et du 9 juin 2016, Growth Energy et Renewable Fuels Association/Conseil, T‑276/13, EU:T:2016:340, point 81).

52 Dans ce contexte, il convient d’examiner si, au cours de la procédure ayant conduit à l’adoption du règlement attaqué, la CCCME s’est vu accorder, par l’auteur de ce dernier, des droits procéduraux dont elle pourrait chercher la protection en agissant en son nom propre devant le juge de l’Union.

53 Dans le cadre de cet examen, il convient de constater que la CCCME a reçu de la Commission, après l’avoir demandée, l’autorisation d’accéder, en application de l’article 6, paragraphe 7, du règlement de base, au dossier de l’enquête, cette autorisation ayant été conférée le 16 décembre 2016.

54 Par la suite, la CCCME s’est vu adresser par la Commission, conformément à l’article 20, paragraphe 1, du règlement de base, les conclusions provisoires qu’elle avait établies. Selon les éléments du dossier, cette communication est intervenue le 17 août 2017. La CCCME a soumis des observations écrites sur les conclusions provisoires le 15 septembre 2017.

55 Ultérieurement, la CCCME a reçu, le 8 novembre 2017, conformément à l’article 20, paragraphe 2, du règlement de base, les conclusions finales, dans lesquelles la Commission envisageait de recommander l’institution de mesures définitives.

56 En ce qui concerne ces conclusions finales, la CCCME a soumis, le 20 novembre 2017, des observations écrites auxquelles la Commission a répondu, comme cela est indiqué au considérant 9 du règlement attaqué.

57 Enfin, la CCCME s’est vu accorder, par la Commission, le droit de participer à deux auditions organisées dans le cadre de l’enquête, comme le prévoit l’article 6, paragraphe 5, du règlement de base pour les personnes ou les entités qui, dans le délai fixé dans l’avis publié au Journal officiel de l’Union européenne, demandent par écrit à être entendues en démontrant qu’elles sont effectivement des parties intéressées, qu’elles sont susceptibles d’être concernées par le résultat de la procédure et qu’il existe des raisons particulières de les entendre.

58 De ces éléments procéduraux, il résulte que, tout au long de la procédure administrative, la CCCME a été considérée par la Commission comme étant une partie intéressée à laquelle devaient être accordés les droits procéduraux prévus par le règlement de base.

59 La reconnaissance de ce statut et des droits qui en découlent pour la CCCME a été actée dans le règlement attaqué, dans lequel la Commission a indiqué, au considérant 25, que, en application des dispositions contenues dans le règlement de base, cette entité devait être regardée comme étant une partie intéressée représentant, notamment, l’industrie chinoise des pièces en fonte.

60 Sur cette base, il convient de considérer que, ayant ainsi été individualisée par la Commission au cours de la procédure administrative, la CCCME satisfait aux exigences posées par la jurisprudence pour être considérée comme individuellement affectée par le règlement attaqué en ce qui concerne le recours introduit en son nom propre pour la sauvegarde de ses droits procéduraux.

61 Cette conclusion est contestée par la Commission et les intervenantes, qui, sans mettre en cause le fait que des droits procéduraux et un statut particulier ont été accordés à la CCCME durant l’enquête en application du règlement de base, font valoir que cette situation résulte, en fait, d’une erreur. En préparant sa défense devant le Tribunal, la Commission se serait rendu compte que, étant une émanation de la République populaire de Chine, la CCCME ne pouvait, en réalité, se voir accorder le statut et les droits procéduraux prévus par le règlement de base. Même si elle intervient au stade du recours devant le juge, la reconnaissance d’une telle erreur devrait entraîner, selon cette institution, l’irrecevabilité du recours introduit par la CCCME en son nom propre.

62 En réponse à cet argument, d’une part, il doit être rappelé que, saisi d’une objection touchant à la recevabilité, le juge de l’Union doit vérifier s’il est satisfait aux exigences découlant du traité et que cette vérification a conduit à considérer que tel était bien le cas en l’espèce.

63 D’autre part, il convient de relever que l’argumentation de la Commission revient à suggérer que la position juridique qu’elle a conférée à la CCCME, en application du règlement de base, doit être ignorée pour les besoins du présent recours, au motif que cette position résulterait d’une erreur qui lui est imputable.

64 Or, une telle erreur, à supposer qu’elle soit avérée, ne saurait effacer ce qui a été reconnu et conféré durant la procédure administrative, d’autant que l’auteur d’un acte attaqué a la possibilité de corriger les erreurs qu’il commet dans le cadre de l’adoption de celui-ci. Ainsi, cet auteur peut, lorsqu’il s’aperçoit de l’erreur, décider que les droits procéduraux et le statut reconnus sont retirés à la partie concernée, sans préjudice de la possibilité pour celle-ci de demander alors au juge de l’Union de contrôler la validité de la décision ainsi prise (voir, en ce sens, arrêt du 27 janvier 2000, BEUC/Commission, T‑256/97, EU:T:2000:21, points 27 et 84). Si l’erreur est identifiée après la clôture de la procédure administrative, comme cela a été le cas en l’espèce selon l’argumentation présentée par la Commission, l’auteur de l’acte attaqué conserve la possibilité de retirer ce dernier et de reprendre la procédure, en corrigeant l’erreur à l’étape où celle-ci a été commise (voir, en ce sens, arrêt du 16 mars 2016, Frucona Košice/Commission, T‑103/14, EU:T:2016:152, point 61 et jurisprudence citée), sans préjudice, à nouveau, de la possibilité, pour la partie concernée, de contester la décision prise à son égard.

65 Il s’ensuit que doit être rejeté l’argument formulé par la Commission avec l’appui des intervenantes.

66 Pour autant que de besoin, il convient de signaler que la Commission soutient encore que, à supposer que la CCCME puisse revendiquer des droits procéduraux qu’elle tirerait du règlement de base, cette entité devrait être reconnue comme une association représentative au sens dudit règlement, et non comme une partie intéressée au sens du même règlement. Or, le statut d’association représentative donnerait accès à des droits procéduraux plus limités que ceux ouverts aux parties intéressées, avec pour conséquence que le recours devrait être déclaré irrecevable pour certains droits procéduraux invoqués par la CCCME qui ne sont octroyés par le règlement de base qu’aux parties intéressées.

67 Pour répondre à cet argument, il suffit de signaler que cette présentation donnée de la CCCME par la Commission ne correspond pas à ce qui est mentionné dans le règlement attaqué, dont la motivation constitue l’élément à prendre en compte dans le cadre du présent recours.

68 En effet, dans le règlement attaqué, la Commission a reconnu le statut de partie intéressée à la CCCME, sans aucune ambiguïté, comme cela a été indiqué au point 59 ci-dessus. Elle s’est ainsi exprimée en ces termes au considérant 25 :

« [L]a Commission a estimé que le dossier public mis à la disposition des parties, y compris la CCCME, contenait toutes les informations pertinentes pour la défense de leurs intérêts et utilisées au cours de l’enquête. Lorsque les informations concernées étaient jugées confidentielles, le dossier public contenait des résumés pertinents de celles-ci. L’ensemble des parties intéressées, y compris la CCCME, avaient accès au dossier public et étaient libres de le consulter. En ce qui concerne la CCCME, la Commission a noté que, bien qu’elle représente, entre autres, l’industrie chinoise des pièces en fonte, aucun producteur-exportateur particulier retenu dans l’échantillon ne l’avait autorisée à consulter ses informations confidentielles. Dès lors, les conclusions confidentielles communiquées individuellement aux producteurs-exportateurs chinois retenus dans l’échantillon n’ont pas pu être fournies à la CCCME. »

69 Par ailleurs, comme cela ressort des points 53 à 58 ci-dessus, la Commission a reconnu à la CCCME, durant la procédure, aussi bien des droits procéduraux qui sont expressément prévus pour les associations représentatives, tels que ceux consacrés à l’article 20, paragraphes 1 et 2, du règlement de base permettant d’obtenir des informations sur les faits et les considérations essentiels sur la base desquels des mesures provisoires ont été instituées ou sur la base desquels il est envisagé de recommander l’institution de mesures définitives, que d’autres droits procéduraux qui sont octroyés indistinctement à toutes les parties intéressées en vertu du même règlement, tel celui d’être entendu conformément à l’article 6, paragraphe 5.

70 Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu de constater que la CCCME remplit les exigences à satisfaire pour être considérée comme individuellement affectée au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, sans préjudice de la possibilité, pour la Commission, de refuser, le cas échéant, à l’avenir, à la CCCME, le statut et les garanties dont il est question et de celle, pour l’entité concernée, de contester, dans un tel cas, cette décision devant le juge de l’Union.

71 L’affectation individuelle étant ainsi établie, il convient d’examiner si la CCCME peut être considérée comme étant également affectée de manière directe, ce qui requiert qu’il soit satisfait aux conditions suivantes de manière cumulative.

72 D’une part, l’acte attaqué doit produire directement des effets sur la situation juridique de la partie requérante (arrêt du 13 octobre 2011, Deutsche Post et Allemagne/Commission, C‑463/10 P et C‑475/10 P, EU:C:2011:656, point 66).

73 D’autre part, l’acte attaqué ne doit laisser aucun pouvoir d’appréciation aux destinataires chargés de sa mise en œuvre, celui-ci ayant un caractère purement automatique et découlant de la seule réglementation du droit de l’Union sans l’application d’autres règles intermédiaires (arrêt du 13 octobre 2011, Deutsche Post et Allemagne/Commission, C‑463/10 P et C‑475/10 P, EU:C:2011:656, point 66).

74 Ces conditions sont remplies, en l’espèce, dès lors que la CCCME ne peut obtenir le respect de ses droits procéduraux que si elle a la possibilité de contester le règlement attaqué.

75 La CCCME étant ainsi directement affectée en plus de l’être individuellement, il convient de conclure qu’elle a la qualité pour agir en son nom propre en vue d’assurer la sauvegarde de ses droits procéduraux (voir, en ce sens, arrêt du 28 février 2019, Conseil/Growth Energy et Renewable Fuels Association, C‑465/16 P, EU:C:2019:155, points 101 à 109).

76 Pour compléter l’analyse, il est signalé que, dans le mémoire en défense, la Commission a soutenu que la CCCME n’était pas une personne morale au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE. À l’audience, elle a toutefois renoncé à cette fin de non-recevoir après avoir examiné les pièces fournies par les requérantes en ce qui concernait la personnalité juridique de la CCCME au regard du droit chinois, ce qui a été acté dans le procès-verbal d’audience.

–  En ce qui concerne l’intérêt à agir

77 En ce qui concerne l’intérêt à agir, la jurisprudence précise qu’un recours en annulation intenté par une personne physique ou morale n’est recevable que dans la mesure où la partie requérante a un intérêt à voir annuler l’acte attaqué (arrêt du 10 décembre 2010, Ryanair/Commission, T‑494/08 à T‑500/08 et T‑509/08, EU:T:2010:511, point 41 ; ordonnances du 9 novembre 2011, ClientEarth e.a./Commission, T‑120/10, non publiée, EU:T:2011:646, point 46, et du 30 avril 2015, EEB/Commission, T‑250/14, non publiée, EU:T:2015:274, point 14).

78 À cet égard, il convient de relever que l’annulation du règlement attaqué imposerait à la Commission de rouvrir la procédure antidumping et, si elle estimait qu’étaient remplies les conditions prévues dans le règlement de base à cet effet, de permettre à la CCCME d’intervenir dans la procédure en recueillant ses observations conformément au règlement de base.

79 Étant susceptible de produire de tels effets, une annulation pourrait avoir des conséquences juridiques pour la CCCME agissant en son nom.

80 Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que la CCCME présente l’intérêt à agir requis pour introduire en son nom propre le présent recours.

Sur la recevabilité du recours en tant qu’il est introduit par la CCCME au nom de ses membres et sur la recevabilité des arguments soulevés au soutien de ce recours

81 Dans la troisième fin de non-recevoir, également soulevée à titre subsidiaire, la possibilité pour la CCCME d’introduire un recours au nom de ses membres est contestée par la Commission au moyen de quatre arguments.

–  Absence de caractère représentatif

82 La Commission, soutenue par les intervenantes, fait valoir que le droit d’agir en justice reconnu aux associations lorsqu’elles agissent au nom de leurs membres est réservé, dans la jurisprudence, à celles qui présentent un caractère représentatif. Dans la tradition juridique des États membres, ce terme désignerait le caractère d’une entité de droit privé capable de représenter les intérêts collectifs de ses membres tels que ces derniers les ont définis de manière démocratique en son sein. Ledit caractère représentatif serait absent dans le cas de la CCCME, qui devrait être considérée comme une émanation de la République populaire de Chine et ne pourrait ainsi bénéficier de la jurisprudence dont il est question.

83 À cet égard, il convient de relever que, selon la jurisprudence, une association est recevable à introduire un recours en annulation notamment lorsqu’elle représente les intérêts d’entreprises qui sont elles-mêmes recevables à agir (ordonnance du 23 novembre 1999, Unión de Pequeños Agricultores/Conseil, T‑173/98, EU:T:1999:296, point 47, et arrêt du 15 septembre 2016, Molinos Río de la Plata e.a./Conseil, T‑112/14 à T‑116/14 et T‑119/14, non publié, EU:T:2016:509, point 33).

84 La possibilité pour une association d’agir au nom de ses membres repose sur l’avantage significatif que procure cette façon de procéder, en permettant d’éviter l’introduction d’un nombre élevé de recours dirigés contre les mêmes actes par les membres de l’association qui représente leurs intérêts (voir, en ce sens, arrêts du 6 juillet 1995, AITEC e.a./Commission, T‑447/93 à T‑449/93, EU:T:1995:130, point 60 ; du 15 septembre 2016, Molinos Río de la Plata e.a./Conseil, T‑112/14 à T‑116/14 et T‑119/14, non publié, EU:T:2016:509, point 35, et du 30 avril 2019, UPF/Commission, T‑747/17, EU:T:2019:271, point 25).

85 De la jurisprudence citée au point 84 ci-dessus, il résulte que, pour que cet avantage se concrétise, il faut et il suffit, premièrement, que l’association dont il est question agisse au nom de ses membres (qui sont eux-mêmes recevables à agir, ce qu’il convient de vérifier ultérieurement) et, deuxièmement, que l’introduction du recours soit permise par les pouvoirs qui lui sont conférés dans ses statuts.

86 Il convient de vérifier s’il peut être considéré qu’il est satisfait à ces deux exigences en ce qui concerne la CCCME.

87 En ce qui concerne la première exigence, il convient de constater que, pour établir leur statut de membre, la CCCME a fourni au Tribunal, pour chacune des entreprises au nom desquelles est introduit le recours, un document attestant de leur qualité de membre.

88 En ce qui concerne la seconde exigence, il peut être acté que les statuts produits par la CCCME présentent l’objet social à poursuivre par cette association en des termes qui permettent de couvrir une action en justice destinée à défendre les intérêts de ses membres contre des mesures de défense commerciale.

89 Cette constatation est fondée sur l’article 3 des statuts de la CCCME, qui définit son objet social comme visant à « fournir à ses membres coordination, consultation et service ; à maintenir des règles du jeu équitables contre le protectionnisme ; à sauvegarder les droits et intérêts légitimes de ses membres ; et à promouvoir le développement sain des industries mécanique et électronique ».

90 Cette constatation est aussi fondée sur l’article 6, paragraphes 4, 5 et 9, des statuts, qui accorde à la CCCME la capacité d’« organiser les entreprises pour la gestion des recours commerciaux et des litiges en matière de propriété intellectuelle concernant les exportations à l’étranger de produits mécaniques et électroniques de la Chine, de fournir des conseils juridiques et un soutien juridique aux membres, de demander au gouvernement d’enquêter sur les pratiques de concurrence déloyale des entreprises étrangères[,] d’organiser l’élaboration de la réglementation des services de l’industrie, de promouvoir l’autoréglementation de l’industrie[,] de maintenir l’ordre commercial normal des importations et des exportations, ainsi que les intérêts communs des membres […] et d’effectuer d’autres travaux en fonction du besoin des membres ».

91 Pour autant que de besoin, il peut être relevé que l’objet social de la CCCME est décrit dans ses statuts dans des termes similaires à ceux utilisés dans les statuts des associations requérantes dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 28 février 2019, Conseil/Growth Energy et Renewable Fuels Association (C‑465/16 P, EU:C:2019:155, points 60 à 63), dans lequel la Cour a jugé qu’il était satisfait à la condition relative à la qualité pour agir pour lesdites associations.

92 Ainsi, il convient de considérer que sont remplies, en l’espèce, les deux conditions prévues dans la jurisprudence pour l’introduction d’un recours par une association au nom de ses membres.

93 Cette position est toutefois contestée sur deux points par la Commission et les intervenantes.

94 En premier lieu, les intervenantes signalent que les attestations produites par la CCCME pour établir la qualité de membre des entreprises se revendiquant de son organisation ont été établies peu de temps avant l’introduction du recours, sans que cette appartenance ait été démontrée pendant la phase administrative ayant conduit à l’adoption du règlement attaqué.

95 Or, c’est une représentation couvrant l’ensemble de la procédure, y compris la phase administrative, qu’il faudrait établir pour bénéficier de la jurisprudence permettant aux associations d’agir au nom de leurs membres, sans quoi la représentation revêtirait un caractère artificiel, exclusivement lié à l’introduction du recours.

96 À cet égard, il suffit de rappeler que, selon la jurisprudence, la reconnaissance d’un droit d’action aux associations au nom de leurs membres est fondée sur une raison procédurale liée à la bonne administration de la justice, à savoir l’avantage découlant de la concentration, en un recours, d’un ensemble d’actions qui seraient autrement introduites par les entreprises concernées (voir point 84 ci-dessus), et qu’il n’est pas exigé que la représentation couvre l’ensemble de la procédure, y compris la phase administrative, pour permettre à l’association d’introduire un recours au nom de ses membres.

97 En l’espèce, un tel avantage est bien présent, puisque le recours formé par la CCCME au nom de ses membres permet d’éviter l’introduction d’une action par chacun des membres au nom desquels elle agit. En outre, il est constant qu’à la date d’introduction du recours, les entreprises pour le compte desquelles la CCCME agit en justice étaient bien membres de cette association.

98 En second lieu, la Commission, soutenue par les intervenantes, fait valoir que, au-delà des deux exigences qui viennent d’être examinées, une troisième, liée au caractère représentatif de l’association en cause au sens de la tradition juridique commune des États membres, a été introduite par l’arrêt du 28 février 2019, Conseil/Growth Energy et Renewable Fuels Association (C‑465/16 P, EU:C:2019:155).

99 À cet égard, il convient de relever que, dans l’arrêt du 28 février 2019, Conseil/Growth Energy et Renewable Fuels Association (C‑465/16 P, EU:C:2019:155, points 120 à 125), la Cour a considéré que l’absence d’un droit de vote ou d’un autre moyen pour les entreprises de défendre leurs intérêts au sein d’une association ne faisait pas obstacle à l’introduction, par cette dernière, d’un recours au nom de ses membres.

100 Sur cette base, la Cour a annulé l’arrêt du 9 juin 2016, Growth Energy et Renewable Fuels Association/Conseil (T‑276/13, EU:T:2016:340), par lequel, en première instance, le Tribunal, introduisant une exigence s’ajoutant aux conditions examinées ci-dessus, avait considéré que le droit d’action des associations devait être subordonné, lorsqu’elles prétendaient agir au nom de leurs membres, à l’existence d’un droit de vote ou d’un autre moyen permettant à ces derniers de faire valoir leur opinion au sein de l’organisation.

101 Il convient donc d’écarter l’interprétation de l’arrêt du 28 février 2019, Conseil/Growth Energy et Renewable Fuels Association (C‑465/16 P, EU:C:2019:155), donnée par la Commission et les intervenantes, selon laquelle le droit d’agir en justice des associations au nom de leurs membres contiendrait une condition supplémentaire liée au caractère représentatif de cette association au sens de la tradition juridique commune des États membres.

102 Au surplus, il peut être relevé que le législateur de l’Union a fait preuve d’un certain réalisme en envisageant, dans la réglementation antidumping, la situation dans laquelle les importations faisant l’objet d’un dumping proviennent d’un pays n’ayant pas une économie de marché. Ainsi, l’article 2 du règlement de base énonce des règles différentes pour la détermination de la valeur normale selon que les producteurs-exportateurs concernés sont établis ou non dans un pays ayant une économie de marché.

103 Si une condition de représentativité était requise en ce qui concernait une entité se présentant comme une association, il devrait être tenu compte, pour apprécier si cette condition est remplie, d’une part, des particularités de l’État tiers dont elle provient et, d’autre part, du fait que, s’il s’agit d’un État ne disposant pas d’une économie de marché, les autorités publiques interviennent davantage dans le fonctionnement et les activités des entreprises ou des associations actives sur son territoire.

104 Sur la base de ces considérations, il peut être considéré que doit être rejeté le premier argument présenté par la Commission et les intervenantes à l’encontre de la recevabilité du recours introduit par la CCCME au nom de ses membres.

–  Nature du règlement attaqué

105 La Commission soutient, toujours pour contester la possibilité pour la CCCME d’agir au nom de ses membres, que la nature du règlement attaqué fait obstacle à l’application, dans le contentieux relatif aux mesures de défense commerciale, de la jurisprudence sur la recevabilité des recours introduits par des associations.

106 Selon la Commission, le règlement attaqué comporte un faisceau de décisions concernant, chacune, un producteur-exportateur particulier. Les effets d’une éventuelle annulation de ce règlement ne pouvant profiter qu’au producteur-exportateur ayant introduit un recours, il serait essentiel, pour des raisons de sécurité juridique, d’identifier les entreprises demandant ladite annulation par le biais de l’association qui agit en leur nom. Or, cette identification ne serait pas possible, sur la base de la communication au Journal officiel de l’Union européenne relative aux procédures juridictionnelles introduites devant la Cour de justice de l’Union européenne, lorsqu’un recours est introduit par une association au nom de ses membres.

107 À cet égard, il convient de relever que la jurisprudence ne permet pas d’exclure, pour une association, le droit d’agir au nom de ses membres dans le contentieux des mesures de défense commerciale (voir, en ce sens, arrêts du 28 février 2019, Conseil/Growth Energy et Renewable Fuels Association, C‑465/16 P, EU:C:2019:155, point 126 ; du 21 mars 2012, Fiskeri og Havbruksnæringens Landsforening e.a./Conseil, T‑115/06, non publié, EU:T:2012:136, point 29, et du 15 septembre 2016, Molinos Río de la Plata e.a./Conseil, T‑112/14 à T‑116/14 et T‑119/14, non publié, EU:T:2016:509, point 63).

108 Les avantages procéduraux reconnus par la jurisprudence à ce type de recours se présentent également en l’espèce, car les règlements instituant des droits antidumping peuvent affecter un nombre élevé de producteurs-exportateurs identifiés dans ces actes ou concernés par l’enquête qui a précédé leur adoption.

109 Il est vrai que, conformément à la jurisprudence, un règlement imposant des droits antidumping différents ne concerne individuellement chaque opérateur visé que par ses dispositions lui imposant un droit antidumping particulier et en fixant le montant, et non par celles qui imposent des droits antidumping à d’autres sociétés (arrêt du 10 mars 1992, Ricoh/Conseil, C‑174/87, EU:C:1992:108, point 7).

110 C’est ainsi qu’un recours en annulation dirigé contre un règlement imposant des droits antidumping, s’il est accueilli, entraîne l’annulation de ce règlement en tant qu’il impose un droit antidumping à la partie requérante et que ladite annulation n’affecte pas la validité des autres éléments de ce règlement, et notamment du droit antidumping applicable aux autres opérateurs (voir, en ce sens, arrêt du 15 février 2001, Nachi Europe, C‑239/99, EU:C:2001:101, point 27).

111 Cependant, il suffit de constater que les producteurs-exportateurs au nom desquels la CCCME agit sont 19 producteurs-exportateurs chinois identifiés à l’annexe A.2 de la requête comme étant Hebei Cheng’An Babel Casting Co. Ltd, Shanxi Jiaocheng Xinglong Casting Co. Ltd, Tianjin Jinghai Chaoyue Industrial and Commercial Co. Ltd, Qingdao Jiatailong Industrial Co. Ltd, Qingdao Jinfengtaike Machinery Co. Ltd, Shahe City Fangyuan Casting Co. Ltd, Shandong Heshengda Machinery Technology Co. Ltd, Baoding Shuanghu Casting Co. Ltd, Tang County Kaihua Metal Products Co. Ltd, Weifang Nuolong Machinery Co. Ltd, Laiwu Xinlong Weiye Foundry Co. Ltd, Handan Zhangshui Pump Manufacturing Co. Ltd, Zibo Joy’s Metal Co. Ltd, Dingxiang Sitong Forging and Casting Industrial, Jiaocheng County Honglong Machinery Manufacturing Co. Ltd, Laiwu City Haitian Machinery Plant, Lianyungang Ganyu Xingda Casting Foundry, Rockhan Technology Co. Ltd et Botou GuangTai Precision Casting Factory.

112 Il s’ensuit que, conformément à la jurisprudence mentionnée au point 110 ci-dessus, seuls ces membres pourraient bénéficier d’une annulation si le recours introduit en leur nom par la CCCME était accueilli par le Tribunal.

113 Pour cette raison, il convient de rejeter le deuxième argument présenté par la Commission pour contester la recevabilité du recours introduit par la CCCME au nom de ses membres.

–  Membres non retenus dans l’échantillon

114 La Commission rappelle que les membres de la CCCME n’ont pas été retenus dans l’échantillon des producteurs-exportateurs chinois qu’elle a sélectionnés durant l’enquête et soutient que la jurisprudence réserve la qualité pour agir aux seuls opérateurs ayant fait l’objet d’une telle sélection.

115 À cet égard, il y a lieu de rappeler que, comme cela a été indiqué au point 46 ci-dessus, en vertu de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, une personne a qualité pour agir contre les actes dont elle est le destinataire, contre les actes qui la concernent directement et individuellement ou contre les actes réglementaires qui la concernent directement sans comporter de mesures d’exécution.

116 Le premier et le troisième cas de figure prévus dans cette disposition ne concernent pas les membres de la CCCME, puisque, d’une part, ces derniers ne sont pas les destinataires du règlement attaqué (voir, en ce sens, arrêt du 15 septembre 2016, Molinos Río de la Plata e.a./Conseil, T‑112/14 à T‑116/14 et T‑119/14, non publié, EU:T:2016:509, point 39) et, d’autre part, le règlement attaqué comporte des mesures d’exécution, le système instauré par le règlement (UE) no 952/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 9 octobre 2013, établissant le code des douanes de l’Union (JO 2013, L 269, p. 1), dans lequel s’inscrit le règlement attaqué, prévoyant, en effet, que les droits fixés par ce dernier sont perçus sur la base de mesures adoptées par les autorités nationales (voir, en ce sens, ordonnance du 21 janvier 2014, Bricmate/Conseil, T‑596/11, non publiée, EU:T:2014:53, point 72 et jurisprudence citée).

117 Le premier et le troisième cas de figure prévus à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE n’étant pas rencontrés en l’espèce, il convient de déterminer si les conditions prévues pour l’application du deuxième sont remplies en ce qui concerne les membres de la CCCME, ce qui implique l’examen de leur affectation directe et individuelle.

118 En l’espèce, la condition tenant à l’affectation directe est réunie dès lors que le règlement attaqué produit directement des effets sur la situation juridique des membres de la CCCME et que les autorités douanières des États membres, sans qu’elles bénéficient d’une quelconque marge d’appréciation, sont obligées de percevoir les droits imposés par le règlement attaqué (voir, en ce sens, arrêts du 29 mars 1979, ISO/Conseil, 118/77, EU:C:1979:92, point 26, et du 15 septembre 2016, Molinos Río de la Plata e.a./Conseil, T‑112/14 à T‑116/14 et T‑119/14, non publié, EU:T:2016:509, point 62).

119 Quant à l’affectation individuelle, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, les règlements instituant des droits antidumping ont, par leur nature et leur portée, un caractère normatif en ce qu’ils s’appliquent à la généralité des opérateurs économiques intéressés (arrêts du 16 avril 2015, TMK Europe, C‑143/14, EU:C:2015:236, point 19, et du 28 février 2019, Conseil/Marquis Energy, C‑466/16 P, EU:C:2019:156, point 47). Ce caractère normatif ne fait pas obstacle, toutefois, à ce que lesdits règlements puissent concerner individuellement ceux des producteurs et exportateurs du produit concerné auxquels sont imputées les pratiques de dumping sur la base de données relatives à leur activité commerciale. C’est le cas, en général, des entreprises productrices et exportatrices qui peuvent démontrer qu’elles ont été identifiées dans les actes de la Commission et du Conseil ou concernées par les enquêtes préparatoires (arrêt du 28 février 2019, Conseil/Growth Energy et Renewable Fuels Association, C‑465/16 P, EU:C:2019:155, point 79 ; voir, également, arrêt du 16 janvier 2014, BP Products North America/Conseil, T‑385/11, EU:T:2014:7, point 74 et jurisprudence citée).

120 À cet égard, il y a lieu de constater que les membres de la CCCME sont des entreprises productrices et exportatrices du produit concerné qui, d’une part, ont fourni à la Commission des informations en répondant au questionnaire contenu à l’annexe I de l’avis d’ouverture de l’enquête et, d’autre part, sont identifiées dans le règlement attaqué, plus précisément dans l’annexe à laquelle renvoie l’article 1er, paragraphe 2, du dispositif de ce règlement. En tant qu’autres sociétés ayant coopéré identifiées dans cette annexe, les membres de la CCCME se voient appliquer un droit antidumping d’un montant spécifique, différent du montant applicable à toutes les autres sociétés non identifiées auxquelles le règlement attaqué s’applique. Dès lors, et ainsi que le fait valoir la Commission elle-même, comme cela a été indiqué au point 106 ci-dessus, le règlement attaqué comporte un faisceau de décisions concernant, chacune, un producteur-exportateur particulier.

121 Dans ces conditions, il y a lieu de considérer, au regard des critères issus de la jurisprudence tels qu’ils sont rappelés au point 119 ci-dessus, que, en plus d’être directement affectés par le règlement attaqué, les membres de la CCCME sont individuellement concernés par ce règlement.

122 Enfin, les membres de la CCCME disposent d’un intérêt à agir, dès lors que, étant soumis aux droits antidumping imposés par le règlement attaqué, ils ont intérêt à voir annuler ce règlement.

123 Ainsi, il convient de considérer que les membres de la CCCME et, par suite, cette association elle-même remplissent les conditions permettant la recevabilité de leur recours et de rejeter, dès lors, le troisième argument avancé contre cette conclusion par la Commission.

–  Limitation des arguments pouvant être invoqués

124 La Commission soutient que la CCCME ne peut invoquer, au nom de ses membres, une violation des dispositions qui, dans le règlement de base, concernent d’autres éléments que celui portant sur la détermination, par la Commission, du préjudice causé à l’industrie de l’Union.

125 En effet, la Commission relève que le mandat confié à la CCCME par les producteurs-exportateurs chinois durant l’enquête antidumping ne s’étendait qu’à la défense de ces entreprises contre ses affirmations concernant le préjudice. Il en découlerait que les membres de la CCCME auraient accordé à cette entité le droit de les représenter durant l’enquête, et, par conséquent, dans le cadre du présent recours, uniquement pour les défendre contre les appréciations de la Commission portant sur le préjudice.

126 À cet égard, il convient de rappeler que, comme cela est indiqué aux points 88 à 90 ci-dessus, les missions confiées à la CCCME par les statuts présidant à sa création et à son organisation comportent la défense des intérêts de ses membres.

127 Par son caractère général, une telle mission comporte l’introduction d’une action en justice visant à défendre les intérêts de ses membres contre des mesures de défense commerciale et à soulever, dans ce cadre, tout moyen de nature à mettre en cause la légalité de ces mesures, même si le mandat reçu des membres était limité, durant l’enquête, au préjudice.

128 Il convient, par ailleurs, de relever que, selon la jurisprudence, une association dont les missions statutaires incluent la défense des intérêts de ses membres, comme c’est le cas de la CCCME, ne doit pas disposer d’un mandat ou d’une procuration spécifiques, établis par les membres dont elle défend les intérêts, afin de se voir reconnaître la qualité pour agir devant les juridictions de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 15 janvier 2013, Aiscat/Commission, T‑182/10, EU:T:2013:9, point 53), dès lors que, par nature, l’introduction d’un recours est inhérente à la défense de tels intérêts.

129 Ainsi, il convient de rejeter le quatrième argument présenté par la Commission à propos de l’impossibilité, pour la CCCME, d’invoquer, au nom de ses membres, une violation de dispositions ne concernant pas le préjudice causé à l’industrie de l’Union.

Sur la recevabilité du recours en tant qu’il est introduit par les autres personnes morales dont les noms figurent en annexe I

130 À titre subsidiaire, la Commission conteste également la recevabilité du recours en tant qu’il est introduit par les autres personnes morales dont les noms figurent en annexe I.

131 En premier lieu, la Commission soutient que, pour la raison déjà exposée au point 114 ci-dessus, sept des autres personnes morales dont les noms figurent en annexe I, qui sont des producteurs-exportateurs chinois non retenus dans l’échantillon, ne présentent pas la qualité requise pour agir.

132 À cet égard, il convient de considérer que, comme les membres de la CCCME, ces entreprises, qui sont des producteurs-exportateurs du produit concerné, d’une part, ont fourni à la Commission des informations en répondant au questionnaire contenu à l’annexe I de l’avis d’ouverture de l’enquête et, d’autre part, sont identifiées dans le règlement attaqué en tant qu’autres sociétés ayant coopéré énumérées en annexe dudit règlement. À ce titre, leur nom apparaît dans ladite annexe et elles se voient appliquer un droit antidumping d’un montant spécifique, de sorte qu’il faut conclure que le règlement attaqué comporte un faisceau de décisions concernant, chacune, un producteur-exportateur particulier. Ainsi, pour les mêmes raisons que celles exposées aux points 118 à 122 ci-dessus, il convient de conclure que ces sept personnes morales ont l’intérêt et la qualité pour agir.

133 En second lieu, la Commission soutient que les mandats fournis par les autres personnes morales dont les noms figurent en annexe I présentent des irrégularités faisant obstacle à la recevabilité du recours, au motif qu’ils n’identifient pas clairement la fonction des personnes qui les ont signés et n’établissent pas que ces personnes avaient le pouvoir de signer de tels actes.

134 Plus particulièrement, en ce qui concerne sept des autres personnes morales dont les noms figurent en annexe I, la fonction de la personne qui a signé le mandat indiquée serait celle d’« administrateur délégué », de « directeur général », de « contrôleur financier » ou de « directeur », sans autre précision ni que soit justifié si, en vertu du droit chinois, cette personne était habilitée à signer un tel mandat.

135 En ce qui concerne les deux autres personnes morales dont les noms figurent en annexe I, elles auraient fourni un mandat n’indiquant pas la fonction du signataire, sans, par ailleurs, joindre de documents établissant que ce dernier avait le pouvoir de signer un tel acte.

136 À cet égard, il convient de relever que le règlement de procédure n’exige pas, dans sa version résultant du règlement du 23 avril 2015 (JO 2015, L 105, p. 1), la preuve que le mandat donné à l’avocat a été établi par un représentant qualifié à cet effet, comme c’était le cas du règlement de procédure du 2 mai 1991 antérieurement en vigueur [voir, en ce sens, ordonnance du 7 mars 2016, Sopra Steria Group/Parlement, T‑182/15, non publiée, EU:T:2016:165, points 26 à 29 ; arrêts du 28 septembre 2016, European Food/EUIPO – Société des produits Nestlé (FITNESS), T‑476/15, EU:T:2016:568, point 19, et du 17 février 2017, Batmore Capital/EUIPO – Univers Poche (POCKETBOOK), T‑596/15, non publié, EU:T:2017:103, points 19 et 20].

137 Il s’ensuit que la fin de non-recevoir soulevée par la Commission doit être rejetée.

138 Par conséquent, il convient de considérer que les autres personnes morales dont les noms figurent en annexe I sont recevables à agir en annulation contre le règlement attaqué.

Conclusion sur la recevabilité

139 Au regard de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure à la recevabilité, premièrement, du recours en tant qu’il est introduit par la CCCME en son nom propre afin d’assurer la sauvegarde de ses droits procéduraux, deuxièmement, du recours en tant qu’il est introduit par la CCCME au nom des 19 membres qu’elle a identifiés et, troisièmement, du recours en tant qu’il est introduit par les autres personnes morales dont les noms figurent en annexe I.

Sur le fond

140 Les requérantes invoquent six moyens à l’appui de leur recours.

141 Le premier moyen est tiré de la violation de l’article 3, paragraphes 2, 3 et 5 à 7, du règlement de base ainsi que du principe de bonne administration, en ce que la Commission n’a pas fondé ses conclusions concernant le préjudice et le lien de causalité sur des éléments de preuve positifs ni sur un examen objectif.

142 Le deuxième moyen est tiré de la violation, par la Commission, de l’article 3, paragraphes 6 et 7, du règlement de base, dans son analyse du lien de causalité.

143 Le troisième moyen est tiré de la violation, par la Commission, des droits de la défense ainsi que de l’article 6, paragraphe 7, de l’article 19, paragraphes 1 à 3, et de l’article 20, paragraphes 2 et 4, du règlement de base, en refusant aux requérantes de leur donner accès à des informations utiles à la détermination du dumping et du préjudice.

144 Le quatrième moyen est tiré de la violation de l’article 2, paragraphe 10, de l’article 3, paragraphe 2, sous a), de l’article 3, paragraphe 3, et de l’article 9, paragraphe 4, du règlement de base ainsi que du principe de bonne administration, dans la détermination de la marge de dumping, de la sous-cotation des prix et du niveau d’élimination du préjudice.

145 Le cinquième moyen est tiré de la violation, par la Commission, de l’article 2, paragraphe 10, sous b), et de l’article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement de base, en effectuant l’ajustement au titre de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), dans le cadre de la comparaison entre le prix à l’exportation et la valeur normale.

146 Le sixième moyen est tiré de la violation de l’article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement de base, dans la détermination des frais de vente, des frais généraux et des dépenses administratives (ci-après les « frais VAG ») ainsi que des profits utilisés pour construire la valeur normale.

Sur l’étendue du contrôle juridictionnel

147 À titre liminaire, les requérantes soutiennent que le contrôle juridictionnel portant sur le règlement attaqué doit être complet, sans se limiter à l’erreur manifeste d’appréciation qui sous-tend généralement le contrôle, par le juge, des évaluations économiques complexes.

148 Durant l’audience, les requérantes ont précisé que, en formulant cette considération préliminaire, elles n’entendaient pas s’écarter de la jurisprudence existante, mais voulaient seulement souligner que, selon elles, le juge de l’Union devait vérifier l’exactitude matérielle, la fiabilité et la cohérence des éléments de preuve invoqués par la Commission même dans les domaines où cette dernière disposait d’une large marge d’appréciation.

149 À cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, compte tenu du large pouvoir d’appréciation dont jouissent les institutions de l’Union dans le domaine des mesures de défense commerciale, le juge de l’Union doit se limiter à contrôler, dans le contentieux des mesures de défense commerciale, caractérisé par la complexité des situations économiques et politiques qui doivent être examinées, le respect des règles de droit, le respect des règles de procédure, l’exactitude matérielle des faits retenus pour opérer le choix contesté, l’absence d’erreurs manifestes dans l’appréciation de ces faits et l’absence de détournement de pouvoir (voir, en ce sens, arrêt du 19 septembre 2019, Trace Sport, C‑251/18, EU:C:2019:766, point 47 et jurisprudence citée).

150 Dans ce cadre, il appartient au juge, comme le demandent les requérantes, d’une part, de vérifier l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence et, d’autre part, de contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et de vérifier s’ils sont de nature à étayer les conclusions qui en sont tirées (arrêt du 7 avril 2016, ArcelorMittal Tubular Products Ostrava e.a./Hubei Xinyegang Steel, C‑186/14 P et C‑193/14 P, EU:C:2016:209, point 36).

Sur le premier moyen, relatif à la détermination de l’existence d’un préjudice et du lien de causalité

151 Le premier moyen est divisé en six branches.

–  Sur la première branche du premier moyen, concernant le calcul du volume des importations

152 Dans la première branche, les requérantes soutiennent que la Commission a utilisé des données peu fiables fournies par les plaignantes pour calculer le volume des importations faisant l’objet d’un dumping.

153 Cette argumentation est contestée par la Commission.

154 À titre liminaire, il convient de rappeler que, conformément à l’article 1er, paragraphe 1, du règlement de base, tout produit faisant l’objet d’un dumping peut être soumis à un droit antidumping lorsque sa mise en libre pratique dans l’Union cause un préjudice.

155 Selon l’article 3, paragraphe 2, sous a), du règlement de base, l’existence d’un préjudice est déterminée sur la base d’éléments de preuve positifs et comporte un examen objectif, notamment, du volume des importations faisant l’objet d’un dumping.

156 Les données de l’Office statistique de l’Union européenne (Eurostat) sont utilisées pour calculer le volume des importations faisant l’objet d’un dumping (voir, en ce sens, arrêt du 22 mars 2012, GLS, C‑338/10, EU:C:2012:158, point 30). Elles sont classées en fonction de codes issus de la nomenclature combinée (NC). En l’espèce, le produit visé par le règlement attaqué relève de deux codes : le code NC ex 7325 10 00 (fonte non malléable) et le code NC ex 7325 99 10 (fonte malléable), la mention « ex » avant le code indiquant, dans les deux cas, que le produit visé par l’enquête ne relève que d’une partie du code considéré.

157 Pour établir le volume des importations faisant l’objet d’un dumping, il convient d’additionner les transactions ayant fait l’objet d’un enregistrement sous ces codes durant la période considérée, c’est-à-dire entre le 1er janvier 2013 et le 30 septembre 2016.

158 En l’espèce, des ajustements ont dû être effectués pour résoudre trois difficultés s’étant présentées dans le cadre du calcul du volume des importations faisant l’objet d’un dumping.

159 La première difficulté concernait les produits en fonte non malléable (NC ex 7325 10 00). Avant 2014, ces produits faisaient partie d’un ensemble plus large (NC ex 7325 10), ventilé en sous-codes dont trois incluaient le produit concerné, le troisième de ces sous-codes portant le numéro NC ex 7325 10 99 n’étant pas limité, toutefois, à ce produit. À partir de 2014, cette ventilation n’a plus existé. Pour établir le volume des importations faisant l’objet d’un dumping, la Commission disposait seulement des données correspondant au code NC ex 7325 10 00 dont relevait, avec d’autres produits, le produit concerné. Pour résoudre la difficulté, il a fallu isoler, dans ces chiffres plus généraux, ceux correspondant aux importations réalisées, pour le produit concerné, au cours de la période considérée. Pour y parvenir, la Commission s’est fondée sur une proposition, formulée par les plaignantes, qui impliquait deux décisions méthodologiques. Tout d’abord, pour établir la part des importations couvrant le produit concerné dans la catégorie générale, les plaignantes ont suggéré à la Commission de se fonder sur le ratio que représentaient ces importations dans les trois sous-codes qui, avant 2014, fournissaient des données concernant ce produit. Ensuite, pour le troisième de ces sous-codes, qui ne couvrait pas seulement le produit concerné, mais qui était plus large, il a été proposé d’estimer la proportion attribuable au produit concerné à 30 %.

160 Sur la base de ce raisonnement, il a été observé que, avant 2014, pour ce qui concernait les importations chinoises, 60 % du volume comptabilisé comme importations chinoises sous le code NC ex 7325 10 provenait des trois sous-codes correspondant au produit concerné. Pour ce qui concernait les importations indiennes, ce ratio était de 73 %, tandis qu’il était de 50 % pour les autres pays tiers. Ces pourcentages ont alors été appliqués aux importations enregistrées durant la période comprise entre le 1er janvier 2014 et la fin de la période d’enquête sous le code NC ex 7325 10 00.

161 La deuxième difficulté avait trait à la fonte malléable (NC ex 7325 99 10). Le code correspondant à ce produit est resté inchangé tout au long de la période considérée. Toutefois, ce code couvrait également d’autres produits que le produit concerné. Pour résoudre la difficulté, la Commission a eu recours, comme elle l’avait fait pour la fonte non malléable, à une méthode qui avait été proposée par les plaignantes.

162 Tout d’abord, comme l’avaient fait les plaignantes, la Commission a observé que les importateurs du produit concerné en fonte malléable en provenance de la République populaire de Chine avaient commencé à utiliser le code NC ex 7325 99 10 en 2005, lorsque de précédentes mesures antidumping avaient été instituées par le règlement du Conseil (CE) no 1212/2005, du 25 juillet 2005, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de certaines pièces de voirie en fonte originaires de la République populaire de Chine (JO 2005, L 199, p. 1). Pour procéder au calcul des importations concernées par ce code, elle a, sur la base de cette observation, choisi l’année antérieure, à savoir l’année 2004, comme année de référence. Pour cette année de référence, elle disposait de données reprenant, pour la République populaire de Chine, les importations correspondant au code NC ex 7325 99 10, mais ne portant pas sur le produit concerné. Elle a dès lors calculé la quantité du produit concerné par les importations en provenance de la République populaire de Chine sous ce code, en soustrayant du volume des importations de la période considérée les opérations qui avaient été réalisées en 2004. Au terme de ce raisonnement, la Commission a ainsi estimé que, pour la République populaire de Chine, les opérations ayant porté sur le produit concerné relevaient du code NC ex 7325 99 10 dans une proportion de 100 %, à laquelle il convenait de soustraire 14 645 tonnes.

163 Ensuite, un calcul analogue a été effectué pour les importations provenant de la République de l’Inde. Les plaignantes ont observé que, pour le produit concerné, les importations sous le code NC ex 7325 99 10 en provenance de ce pays avaient commencé à partir de 2010. Selon elles, ce phénomène pouvait être expliqué par le retrait de l’engagement de prix minimal dont bénéficiaient la CCCME et certaines sociétés chinoises dans le cadre des précédentes mesures antidumping imposées par le règlement no 1212/2005. À partir de ce retrait, de nombreux opérateurs auraient cherché à s’approvisionner auprès de producteurs indiens. Cela aurait suscité le développement des importations en provenance de ce pays pour le produit concerné. Ayant effectué cette constatation, la Commission, suivant en cela la suggestion présentée par les plaignantes, a calculé la quantité de produit concerné sous le code NC ex 7325 99 10 dans les importations en provenance de la République de l’Inde, en soustrayant le volume des importations de 2009 du volume des importations de la période considérée. Au terme de ce raisonnement, elle a ainsi estimé que les opérations ayant porté sur le produit concerné relevaient du code NC ex 7325 99 10 dans une proportion de 100 %, à laquelle devaient être soustraites 6 074 tonnes.

164 Enfin, les enquêtes effectuées par les plaignantes auraient montré qu’il était peu probable que les importations en provenance d’autres pays tiers relevant de ce code contiennent le produit concerné. La Commission, suivant en cela les plaignantes, a ainsi considéré que, pour les autres pays tiers, les opérations ayant porté sur le produit concerné relevaient du code NC ex 7325 99 10 à concurrence de 0 %.

165 La troisième difficulté concernait les grilles de caniveau. Ces produits sont repris dans les données d’Eurostat correspondant aux codes utilisés pour le produit concerné. Toutefois, comme cela est indiqué au considérant 41 du règlement attaqué, ils ont été exclus de l’enquête. Pour établir le volume des importations faisant l’objet d’un dumping, il a donc fallu soustraire des chiffres disponibles ceux pouvant être attribués aux grilles de caniveau.

166 Pour résoudre cette difficulté, la Commission, agissant de sa propre initiative, s’est fondée sur une estimation des importations de grilles de caniveau. Pour procéder à cette estimation, elle a repris les ventes moyennes de grilles de caniveau réalisées par les producteurs-exportateurs chinois retenus dans l’échantillon pendant la période d’enquête. Ces ventes représentaient 10 % du total des importations retenues pour cette période. Ce pourcentage a été appliqué aux chiffres obtenus pour les importations enregistrées durant la période considérée.

167 Le contexte de la première branche du premier moyen étant ainsi présenté, il convient de relever que, dans cette dernière, les requérantes soulèvent trois griefs concernant le calcul effectué par la Commission pour établir le volume des importations faisant l’objet d’un dumping.

168 Par leur premier grief, les requérantes reprochent à la Commission d’avoir accepté sans vérification les données présentées par les plaignantes, en contradiction avec l’impartialité devant guider son attitude dans ce type de procédure.

169 À cet égard, il convient de relever que, en l’espèce, pour calculer le volume des importations faisant l’objet d’un dumping, la Commission ne s’est pas contentée d’utiliser des données fournies par les plaignantes, mais a recouru, plutôt, à une méthode qui avait été proposée par ces dernières, en veillant, sur la base de cette méthode, qu’elle avait entretemps validée, à effectuer elle-même les opérations conduisant aux chiffres qu’elle a finalement retenus.

170 Dans au moins deux documents, la Commission a expliqué les raisons l’ayant amenée à adopter la méthode proposée par les plaignantes. Ainsi, au considérant 122 du règlement provisoire, elle a indiqué que « les plaignant[e]s [avaient] expliqué dans leur plainte la méthode qu’[elles avaient] utilisée pour obtenir, au moyen des données d’Eurostat, des données relatives aux importations se limitant au produit concerné » et que, « [e]n l’absence d’une méthode et de données plus fiables », elle avait, sur cette base, « déterminé le volume d’importations du produit concerné en provenance de la [République populaire de Chine] au moyen de la méthode susmentionnée et en utilisant les données d’Eurostat, dont elle [avait] exclu les grilles de caniveau[, l]a CCCME n’a[yant] d’ailleurs pas fourni d’autres données ». Par ailleurs, aux considérants 110 et 111 du règlement attaqué, la Commission a notamment indiqué qu’« elle a[vait] observé que la méthode utilisée par les plaignant[e]s pour arriver aux données sur les importations du produit concerné pendant la période considérée était fondée sur les données d’Eurostat », laquelle est ensuite succinctement décrite, et précisé que, « [é]tant donné qu[’elle] n’a[vait] pas trouvé de source d’informations alternative qui refléterait de manière plus précise les données relatives à l’importation du produit concerné, elle [avait] estimé que la méthode fondée sur les données d’Eurostat était la plus appropriée ».

171 La Commission a donc analysé la méthode dont il était question avant de la faire sienne en expliquant en quoi, selon elle, elle lui paraissait adéquate. Ainsi, au considérant 113 du règlement attaqué, la Commission a rejeté la demande de l’association ad hoc d’importateurs indépendants, Free Castings Imports (FCI), et de la CCCME d’exclure le code NC 7325 99 10 ou de prendre en compte un pourcentage de ce code pour le calcul du volume des importations du produit concerné, en indiquant qu’« une analyse des importations effectuées sous ce code NC depuis l’institution des mesures provisoires jusqu’au début du mois d’octobre 2017 a[vait] mis en évidence d’importantes importations (6 796 tonnes) en provenance de la [République populaire de Chine] sous le code TARIC 7325991051, qui recouvr[ait] exclusivement le produit concerné », et que, « [p]ar conséquent, il [était] clair que le produit concerné [était] également importé sous le code NC 7325 99 10 ». À cette occasion, la Commission a précisé qu’elle « ne disposait d’aucun élément prouvant que les importations d’autres produits sous ce code NC [avaient] suivi la même tendance que le produit concerné depuis 2005 » et que, « [d]ès lors, l’utilisation d’un pourcentage sur la période considérée [n’aurait] pas [été] fiable ».

172 Par ailleurs, il y a lieu de relever que la méthode de calcul proposée par les plaignantes n’a pas été acceptée sans vérification de la part de la Commission. En effet, celle-ci s’est déplacée dans les locaux des représentants des plaignantes le 30 mai 2017. Au terme de cette vérification, elle est parvenue à la conclusion, d’une part, que la répartition proposée entre les différents codes NC était l’estimation la plus fiable pour déterminer le volume des importations faisant l’objet d’un dumping et, d’autre part, que cette estimation constituait une approximation objective de ces données en l’absence de données plus détaillées provenant d’une autre source.

173 Dans ces conditions, il convient d’écarter le premier grief présenté par les requérantes, selon lequel la Commission aurait « automatiquement » accepté la méthode proposée par les plaignantes.

174 Les requérantes présentent un deuxième grief, selon lequel les données utilisées par la Commission reposent sur des hypothèses injustifiées et déraisonnables, qui ne sont fondées sur aucun élément de preuve positif, comme elle l’aurait d’ailleurs elle-même reconnu.

175 À cet égard, il convient de relever que, contrairement à ce qu’indiquent les requérantes, la Commission n’a pas reconnu que la méthode de calcul du volume d’importations qu’elle avait retenue ou que les prix à l’importation résultant de cette méthode étaient erronés, déraisonnables ou non fiables.

176 Certes, la Commission a indiqué, au considérant 126 du règlement provisoire, auquel renvoient les requérantes, que, « [v]u que ces données repos[ai]ent sur des statistiques d’importation et que le détail des types de produits concernés n’[était] pas connu, l’évolution des prix n’[était] pas complètement fiable ».

177 Toutefois, cette admission signifie seulement que la méthode utilisée n’a pas donné lieu, comme l’indique la Commission, à un résultat aussi détaillé qu’elle l’aurait souhaité, sans impliquer que, aux yeux de cette institution, les données obtenues par cette méthode soient dépourvues de toute fiabilité et ne puissent aucunement servir dans l’élaboration du règlement attaqué.

178 Il appartient, par conséquent, aux requérantes, si elles entendent contester la fiabilité des données utilisées par la Commission à propos du volume des importations faisant l’objet d’un dumping, d’étayer leurs affirmations par des éléments de nature à jeter un doute, d’une manière concrète, sur la crédibilité de la méthode ou des données utilisées par cette institution [voir, en ce sens, arrêt du 20 septembre 2019, Jinan Meide Casting/Commission, T‑650/17, EU:T:2019:644, point 357 (non publié)].

179 Dans ce cadre, une partie requérante, si elle veut obtenir gain de cause, ne peut se limiter à produire des chiffres alternatifs, par exemple des chiffres obtenus sur la base de données émanant des autorités douanières dont proviennent les importations litigieuses, mais doit produire des éléments susceptibles de mettre en cause celles fournies par la Commission [voir, en ce sens, arrêt du 20 septembre 2019, Jinan Meide Casting/Commission, T‑650/17, EU:T:2019:644, point 357 (non publié)].

180 Par ailleurs, il doit être rappelé que la Commission jouit d’une large marge d’appréciation dans l’analyse des données, y compris celles fournies par Eurostat (arrêt du 23 septembre 2015, Schroeder/Conseil et Commission, T‑205/14, EU:T:2015:673, point 41).

181 En l’espèce, les requérantes contestent cinq hypothèses sur lesquelles la Commission s’est fondée pour procéder au calcul du volume des importations sur la base des données d’Eurostat.

182 À cet égard, il convient de relever que, sur chacun de ces points de contestation, les requérantes ont obtenu durant l’enquête des explications quant à la méthode utilisée pour élaborer les estimations fondant les ajustements opérés par la Commission sur les données d’Eurostat relatives aux importations.

183 Ainsi, en premier lieu, les requérantes contestent que le volume des importations du produit concerné au regard du volume total des importations déclarées sous l’ancien sous-code NC ex 7325 10 99 (fonte non malléable) ait été stable à 30 % de 2009 à 2013, puis soit resté inchangé depuis 2013.

184 Sur ce point, il a été expliqué que, sur les importations totales déclarées sous l’ancien code NC ex 7325 10 99, à peu près 30 % étaient réalisées pour le produit concerné. Selon la Commission, cette estimation pouvait être qualifiée de prudente lorsque les mesures antidumping de 2005 étaient entrées en vigueur. À cette époque, un code du tarif intégré de l’Union européenne (TARIC) à dix chiffres avait été défini pour ce produit, ce qui avait permis à la Commission et aux autorités douanières de connaître les montants exacts.

185 De cette manière, il a été expliqué que le pourcentage de 30 % repris par la Commission correspondait à celui qui avait été constaté après l’adoption du règlement no 1212/2005, lorsqu’avaient été appliqués pour la première fois des droits antidumping sur les importations en fonte originaires de la République populaire de Chine. Par la suite, ce pourcentage a été utilisé par la Commission dans le cadre de la présente procédure en l’absence d’une estimation paraissant plus fiable.

186 En deuxième lieu, les requérantes contestent l’application du pourcentage de 30 %, qui résulte d’une estimation des données propres aux importations en provenance de la République populaire de Chine, à tous les pays d’où provenaient les importations prises en compte dans le cadre de la procédure ayant donné lieu à l’adoption du règlement attaqué.

187 Sur ce point, il a été expliqué que l’estimation de 30 % avait été appliquée aux autres pays tiers parce qu’il n’existait pas de données particulières pour ces pays, les seules informations ayant pu être obtenues étant celles collectées grâce à l’instauration, par le règlement no 1212/2005, des mesures antidumping portant sur les importations en provenance de la République populaire de Chine uniquement.

188 En troisième lieu, les requérantes contestent l’hypothèse selon laquelle le volume des importations du produit concerné au regard du volume total des importations enregistrées sous l’ancien code NC ex 7325 10 serait resté inchangé depuis 2013.

189 Sur ce point, la Commission a expliqué que, pour calculer le volume des importations couvrant le produit concerné enregistrées à partir de 2014 sous le code général NC ex 7325 10, elle s’était fondée sur le ratio que représentaient ces importations dans les trois sous-codes qui, avant 2014, fournissaient des données plus précises concernant ce produit, en prenant séparément les données concernant la République populaire de Chine, la République de l’Inde et les autres pays tiers (voir point 159 ci-dessus).

190 En quatrième lieu, les requérantes contestent l’hypothèse selon laquelle le volume absolu des importations en provenance de la République populaire de Chine, effectuées sous le code NC ex 7325 99 10 (fonte malléable) et ne se rapportant pas au produit concerné, serait resté inchangé depuis 2004.

191 Sur ce point, la Commission a expliqué la méthodologie appliquée pour calculer le volume des importations en provenance de la République populaire de Chine effectuées sous le code NC ex 7325 99 10, consistant à identifier une année au cours de laquelle les importations du produit visé par l’enquête avaient débuté sous ce code dans le pays tiers concerné et à comparer le nombre d’importations enregistrées sous ce code l’année précédant cette année avec celui relatif à la période considérée, de manière à établir le volume d’importations du produit concerné enregistrées sous le code NC ex 7325 99 10 durant la période considérée, correspondant à la différence (voir points 162 à 164 ci-dessus).

192 Enfin, en cinquième lieu, les requérantes contestent l’hypothèse selon laquelle le pourcentage d’importations chinoises de grilles de caniveau au regard du total des importations chinoises serait resté inchangé depuis 2013 et serait identique au pourcentage des importations de grilles de caniveau des producteurs-exportateurs chinois inclus dans l’échantillon au regard de leurs importations totales. Dans ce cadre, les requérantes contestent également l’hypothèse selon laquelle les pays tiers n’exporteraient pas de grilles de caniveau, puisque, sauf erreur de leur part, les pays tiers semblent n’avoir fait l’objet d’aucune exclusion. S’il y a eu exclusion, l’hypothèse, qui serait tout aussi injustifiée, selon les requérantes, serait que le pourcentage d’importations de grilles de caniveau des pays tiers eu égard à leurs importations totales aurait été stable depuis 2013 et identique au pourcentage d’importations de grilles de caniveau des producteurs-exportateurs chinois inclus dans l’échantillon pendant la période d’enquête.

193 Sur ce dernier point de contestation, la Commission a expliqué que, ne disposant pas d’informations sur le volume d’importations des grilles de caniveau qu’il convenait d’exclure du produit concerné, elle s’est fondée sur le pourcentage de grilles de caniveau importées par certains producteurs retenus dans l’échantillon durant l’enquête. Dans sa réponse aux questions du Tribunal, la Commission a précisé qu’elle s’était fondée, dans ce cadre, sur les données de l’échantillon des producteurs-exportateurs chinois et sur celles de l’échantillon de producteurs-exportateurs indiens relatives à la période d’enquête. Cette estimation a été appliquée, ensuite, à toutes les importations, c’est-à-dire à celles en provenance de la République populaire de Chine, de la République de l’Inde et des autres pays tiers.

194 Il ressort des considérations qui précèdent que, dans leurs points de contestation, les requérantes n’ont pas avancé d’éléments permettant de mettre en doute la fiabilité de ces estimations, car, en substance, elles ne contestent pas la fiabilité des estimations sur lesquelles la Commission s’est fondée, mais plutôt leur application à une période postérieure à celle à laquelle les données ayant donné lieu à ces estimations correspondent (première, troisième, quatrième et cinquième hypothèses, visées respectivement aux points 183, 188, 190 et 192 ci-dessus) ou leur application à d’autres pays que celui duquel les données ayant donné lieu à l’estimation sont issues (deuxième et cinquième hypothèses visées respectivement aux points 186 et 192 ci-dessus).

195 Or, la Commission a indiqué qu’elle ne disposait pas de données plus précises et plus récentes qui présenteraient un degré de fiabilité similaire ou plus élevé.

196 Dans un tel contexte marqué, d’une part, par l’absence d’informations plus précises et plus récentes qui présenteraient un degré de fiabilité similaire ou plus élevé et, d’autre part, par le caractère raisonnable et plausible des estimations présentées par la Commission, qui ressort des explications fournies par cette dernière pour justifier leur application, il convient, eu égard à la large marge d’appréciation reconnue à celle-ci, de rejeter le deuxième grief des requérantes, selon lequel les données utilisées par la Commission reposeraient sur des hypothèses injustifiées et déraisonnables qui ne seraient fondées sur aucun élément de preuve positif.

197 Par leur troisième grief, les requérantes considèrent, en substance, que l’absence de données alternatives plus fiables est due au manque de diligence et à la passivité de la Commission, lesquels devraient entraîner, selon elles, l’annulation du règlement attaqué.

198 À cet égard, il convient de relever que, selon la jurisprudence, la Commission est tenue d’examiner d’office toutes les informations disponibles dès lors que son rôle dans une enquête antidumping n’est pas celui d’un arbitre, dont la compétence se limiterait à trancher uniquement au vu des renseignements et des éléments de preuve fournis par les parties à l’enquête. À ce sujet, il convient de relever que le règlement de base, à son article 6, paragraphes 3 et 4, habilite la Commission à demander aux États membres de lui fournir des renseignements ainsi que d’effectuer toutes les vérifications et les contrôles nécessaires (arrêt du 22 mars 2012, GLS, C‑338/10, EU:C:2012:158, point 32).

199 Toutefois, il convient, pour déterminer l’étendue des exigences pesant sur la Commission, de considérer les limites affectant le temps dont elle dispose, compte tenu notamment des délais de procédure, qui peuvent être insuffisants pour procéder aux vérifications, contrôles et investigations qui pourraient être envisagés [voir, en ce sens, arrêt du 20 septembre 2019, Jinan Meide Casting/Commission, T‑650/17, EU:T:2019:644, point 408 (non publié)].

200 Par ailleurs, il faut tenir compte du fait que les données envisagées sont ou non susceptibles d’aboutir, avec une probabilité suffisamment importante, à des résultats plus fiables que ceux obtenus dans les délais applicables [voir, en ce sens, arrêt du 20 septembre 2019, Jinan Meide Casting/Commission, T‑650/17, EU:T:2019:644, point 410 (non publié)].

201 En l’espèce, il apparaît que la Commission n’a pas méconnu la jurisprudence mentionnée aux points 198 à 200 ci-dessus qui lui impose de consulter toutes les sources qui étaient à sa disposition.

202 En effet, s’agissant des informations qui auraient, selon les requérantes, pu être obtenues des autorités douanières nationales, il convient de relever que, comme l’a indiqué la Commission, même si le règlement de base l’habilite à le faire, il serait disproportionné d’exiger de cette institution qu’elle collecte des listes d’importations, transaction par transaction, de la part des autorités douanières de tous les États membres, en les analysant pour déterminer si elles peuvent être prises en compte et en compilant ensuite les données du produit concerné pendant quatre ans pour l’ensemble de l’Union.

203 Dans leurs écritures, les requérantes présentent deux arguments pour contester le comportement de la Commission en ce qui concerne la recherche d’informations fiables.

204 En premier lieu, les requérantes soutiennent que la Commission aurait pu collecter certaines données plus détaillées auprès des autorités douanières nationales de manière à vérifier la fiabilité des hypothèses émises et à généraliser, par la suite, le résultat de cette analyse à l’ensemble des données.

205 À cet égard, il convient de relever que de telles informations ne sont pas immédiatement disponibles, mais qu’elles devraient être collectées, aussi, de manière ad hoc, auprès des autorités nationales concernées. La Commission devrait ensuite attendre la réponse de ces autorités, avec communication des données demandées, pour pouvoir constituer un échantillon de données. Or, une telle manière de procéder représenterait un investissement significatif en termes de charge de travail et requerrait un temps important, ces deux aspects devant être mis en rapport avec les délais de procédure stricts imposés à la Commission, comme cela est indiqué au point 199 ci-dessus.

206 Du reste, un tel échantillon de transactions serait également susceptible de soulever des questions en ce qui concerne la représentativité des transactions sélectionnées, en plus de susciter des doutes sur sa pertinence, puisqu’il ne permettrait pas de calculer avec précision le volume des importations couvrant le produit concerné.

207 En second lieu, les requérantes allèguent que la Commission aurait pu se tourner vers les importateurs, en leur adressant des questionnaires dont les réponses lui auraient permis de vérifier la fiabilité des données utilisées et de faire des corrections.

208 Les institutions de l’Union auraient eu recours à cette source d’informations dans d’autres enquêtes antidumping, telle que celle ayant abouti à l’adoption du règlement d’exécution (UE) no 430/2013 du Conseil, du 13 mai 2013, instituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations d’accessoires de tuyauterie filetés, moulés, en fonte malléable, originaires de République populaire de Chine et de Thaïlande, et concluant la procédure en ce qui concerne l’Indonésie (JO 2013, L 129, p. 1).

209 À cet égard, il convient de relever que, comme la Commission l’a indiqué, il n’était pas possible, en l’espèce, d’obtenir des données plus fiables de la part des importateurs. Tout d’abord, les 28 importateurs qui se sont manifestés durant l’enquête ont fourni, dans leurs réponses au questionnaire contenu à l’annexe II de l’avis d’ouverture de l’enquête, un chiffre global reprenant le volume des importations couvrant le produit concerné et portant uniquement sur les importations en provenance de la République populaire de Chine et de la République de l’Inde, qui étaient les deux pays visés par l’enquête. Ensuite, ces données, en l’espèce, n’étaient pas divisées en fonction des codes NC du produit visé par l’enquête. Enfin, ces réponses n’ont pu être vérifiées que pour les trois importateurs retenus dans l’échantillon qui ont répondu au questionnaire. Or, il n’est pas établi que ces importateurs étaient suffisamment représentatifs de l’ensemble des importateurs du produit visé par l’enquête. En effet, la Commission a indiqué que le marché était fragmenté et se caractérisait par un grand nombre de petites et moyennes entreprises et que, dans un tel contexte, il n’était pas exclu que de nombreux autres importateurs indépendants opérant sur le marché, lesquels n’avaient pas d’intérêt direct à coopérer à l’enquête, ne se soient pas manifestés.

210 Ainsi, il convient de considérer que, en l’espèce, la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en limitant son appréciation, pour le calcul du volume des importations couvrant le produit concerné, aux données issues de la base de données d’Eurostat, telles qu’ajustées sur la base d’hypothèses justifiées et reflétant une estimation raisonnable des chiffres réels relatifs auxdites importations.

211 La première branche doit donc être rejetée.

–  Sur la deuxième branche du premier moyen, relative aux indicateurs macroéconomiques utilisés par la Commission pour établir le préjudice subi par l’industrie de l’Union

212 Dans la deuxième branche, les requérantes contestent la fiabilité des indicateurs macroéconomiques utilisés par la Commission pour établir le préjudice subi par l’industrie de l’Union.

213 À titre liminaire, il convient de relever que, comme cela a été clarifié dans les réponses des parties aux questions du Tribunal, la Commission a apprécié les indicateurs macroéconomiques pour l’ensemble de l’industrie de l’Union.

214 Dans ce cadre, la Commission s’est fondée sur différents types de données. Pour les producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon (ci-après les « producteurs retenus dans l’échantillon »), la Commission a tenu compte de données communiquées par ces producteurs, qu’elle a vérifiées. Pour les autres producteurs de l’Union qui ont déposé la plainte à l’origine de l’enquête ou qui l’ont soutenue (ci-après les « autres plaignants »), elle s’est fondée sur les données qu’elle a tirées des réponses aux questionnaires renvoyés par ces entreprises. Enfin, pour les producteurs de l’Union restants (ci-après les « producteurs restants »), la Commission a utilisé des estimations fournies, à propos de ces producteurs, par les plaignantes.

215 En l’espèce, les requérantes formulent six griefs qui sont contestés par la Commission.

216 Par leur premier grief, les requérantes reprochent à la Commission de ne pas avoir actualisé les données dont elle disposait sur les autres plaignants.

217 À cet égard, il convient de relever que, selon le considérant 136 du règlement attaqué, les données concernant les autres plaignants sont issues des réponses fournies par eux au questionnaire qui leur avait été adressé par la Commission, étant entendu que ces données ont été compilées par les plaignantes et qu’elles ont été « mises à jour par la suite afin de couvrir la période d’enquête ». La Commission a produit un courrier, qu’elle a envoyé à la CCCME, le mercredi 14 juin 2017, et dans lequel elle a indiqué que la compilation des données par les plaignantes avait été effectuée sur la base des réponses au questionnaire, vérifiées par elle, ainsi que des informations recueillies par courriel de la part des producteurs ayant déposé ou soutenu la plainte. Les intervenantes ont, quant à elles, précisé que ces données avaient été actualisées pour exclure les données relatives aux grilles de caniveau et pour intégrer les dernières données trimestrielles disponibles.

218 Les requérantes n’ayant produit aucun élément susceptible de mettre en doute ces affirmations, il convient de rejeter le premier grief.

219 Dans leur deuxième grief, les requérantes contestent le règlement attaqué au motif que, pour l’adopter, la Commission se serait appuyée sur des estimations, et non sur des données réelles, pour les producteurs restants.

220 À cet égard, il convient de relever que le règlement de base ne confère pas à la Commission des pouvoirs d’enquête lui permettant de contraindre des entreprises à participer à l’enquête ou à produire des renseignements. Ainsi, elle dépend de la coopération volontaire des parties pour lui fournir les informations nécessaires dans les délais impartis (voir, en ce sens, arrêt du 20 mai 2015, Yuanping Changyuan Chemicals/Conseil, T‑310/12, non publié, EU:T:2015:295, point 152 et jurisprudence citée).

221 Dans un tel contexte, il s’impose de vérifier si, en l’espèce, la Commission a cherché d’une manière diligente à récolter des données réelles, avant de se fonder sur des estimations construites sur la base des informations qu’elle pouvait obtenir.

222 Dans l’avis d’ouverture de l’enquête, la Commission a invité les producteurs de l’Union fabriquant le produit concerné à participer à la procédure antidumping et toute partie intéressée à faire connaître, dans les 21 jours suivant la date de publication de l’avis d’ouverture, son point de vue sur la sélection de l’échantillon des producteurs de l’Union.

223 La Commission a par la suite informé de manière expresse les plaignantes et d’autres producteurs connus dans l’Union de l’ouverture de l’enquête en les invitant à participer à celle-ci.

224 Par courriel du 16 mai 2017, la Commission a demandé aux représentants des plaignantes, après avoir constaté que les données fournies par ces dernières concernaient seulement leur propre situation, de lui fournir des données macroéconomiques pour l’ensemble de l’industrie. 

225 Dans ces conditions, il ne saurait être reproché à la Commission de s’être fondée sur les estimations fournies par les plaignantes pour ce qui concerne les producteurs restants, dès lors que l’objectif était, conformément à l’article 4, paragraphe 1, du règlement de base, d’obtenir une vision de l’industrie de l’Union dans son ensemble.

226 En outre, comme le relèvent les intervenantes, le recours à des estimations peut s’avérer nécessaire dans le cadre des procédures antidumping lorsque certains producteurs choisissent de ne pas coopérer ou lorsque, comme cela s’est avéré être le cas en l’espèce, certains producteurs de l’Union ont cessé de produire ou d’exister au moment où les données macroéconomiques ont été collectées.

227 Par ailleurs, il y a lieu de rappeler que les estimations ne sont pas des suppositions et que les plaignantes ont suivi une méthode de calcul qui a fait l’objet d’une vérification de la part de la Commission, laquelle a demandé, après ladite vérification, de procéder à des modifications. À cet égard, les intervenantes ont relevé que, contrairement à la proposition des plaignantes d’estimer la production effective des opérateurs en cause, la Commission a décidé de retenir, à la place, la capacité de production de ces producteurs, ce qui a augmenté la production globale de l’Union et diminué l’augmentation des parts de marché gagnées par les producteurs-exportateurs chinois. Les intervenantes en déduisent, sans que cela soit contesté, que ce choix opéré par la Commission a tiré un indicateur du préjudice à la baisse, à l’avantage des producteurs-exportateurs chinois.

228 Le deuxième grief doit donc être rejeté.

229 Dans leur troisième grief, les requérantes soutiennent que les données utilisées par la Commission ont été révisées de manière substantielle sans explication.

230 À cet égard, il convient de relever que, du dossier et des réponses des parties aux questions du Tribunal, il ressort que la Commission a révisé les données macroéconomiques de la manière suivante.

231 Le 7 avril 2017, la Commission a demandé, par courrier, aux représentants des plaignantes de lui fournir, pour le 12 mai 2017 au plus tard, certaines données macroéconomiques pour la période considérée. Le 12 mai 2017, les représentants des plaignantes ont fourni, par courriel, un tableau contenant les données macroéconomiques.

232 Le 15 mai 2017, la Commission a demandé, par courriel, une version non confidentielle de ce document. Le 16 mai 2017, elle a envoyé un autre courriel, demandant la communication d’une version comprenant les données macroéconomiques de l’ensemble de l’industrie de l’Union et excluant les grilles de caniveau. Le 24 mai 2017, la Commission a encore envoyé un courriel aux représentants des plaignantes, les priant d’envoyer les données demandées au plus tard le 29 mai 2017 et d’accepter une vérification de ces données dans leurs locaux le 30 mai 2017.

233 Le 29 mai 2017, les représentants des plaignantes ont fourni, par courriel, une nouvelle version du tableau contenant les données macroéconomiques (ci-après la « deuxième version des indicateurs macroéconomiques »). La Commission a vérifié ces données le 30 mai 2017. Au cours de la visite de vérification, les plaignantes ont présenté des renseignements plus complets sur les données relatives aux producteurs retenus dans l’échantillon, justifiant une mise à jour des chiffres. Par ailleurs, la Commission a indiqué que les données figurant dans la deuxième version des indicateurs macroéconomiques faisaient apparaître des données consolidées pour les producteurs restants, mais que les plaignantes n’avaient pas été en mesure de vérifier la concordance entre ces données et les pièces justificatives dans le délai imparti pour la visite de vérification. L’équipe chargée de la vérification a ainsi demandé aux plaignantes de ventiler les données par producteur connu et de présenter un tableau actualisé en conséquence.

234 Le 1er juin 2017, les représentants des plaignantes ont fourni, par courriel, une nouvelle version non confidentielle des données macroéconomiques (ci-après la « troisième version des indicateurs macroéconomiques »), intégrant les demandes de la Commission. Selon les requérantes, cette version diffère sensiblement de la version précédente. La CCCME a demandé à la Commission, par courriel, d’expliquer les raisons de cette différence. Par courriel, la Commission a répondu qu’il s’agissait d’une mise à jour des données à la suite de la vérification intervenue le 30 mai 2017. Le 2 juin 2017, la Commission a demandé, par courriel, de pouvoir effectuer une vérification des tableaux actualisés dans les locaux des représentants des plaignantes le même jour. Ces derniers ont accepté, par courriel.

235 À la suite de cette vérification, les plaignantes ont fourni à la Commission, le même jour, la quatrième version des indicateurs macroéconomiques, sur une clé USB. Le 12 juin 2017, les représentants des plaignantes ont à nouveau envoyé la quatrième version des indicateurs macroéconomiques, mais, par courriel, cette fois, dans une version confidentielle et non confidentielle. Les intervenantes ont précisé que la troisième version des indicateurs macroéconomiques, qui avait été examinée lors de la visite de vérification, contenait par erreur les données de production de grilles de caniveau de deux producteurs et qu’elle avait été modifiée sur place. Elles indiquent, en outre, que la quatrième version tenait également compte des compléments d’information reçus de l’industrie de l’Union ce jour-là concernant d’autres producteurs.

236 La Commission ajoute encore que, à la suite d’observations présentées par la FCI, le 21 juin 2017, il a été ajouté à la quatrième version des indicateurs macroéconomiques les données d’un producteur de l’Union qui avait été omises par erreur par les plaignantes.

237 Au regard de ces éléments, il doit être conclu que les requérantes ont obtenu une réponse à leur courriel visé au point 234 ci-dessus, dans lequel elles demandaient à la Commission la raison pour laquelle il existait une différence entre la deuxième et la troisième version des indicateurs macroéconomiques.

238 Pour le reste, il convient de relever que, au regard des éléments du dossier et des explications fournies dans les réponses des parties aux questions du Tribunal, les révisions intervenues visaient à compléter, affiner et, donc, améliorer la fiabilité des données. Comme l’ont souligné les intervenantes, certaines des révisions décrites sont intervenues précisément pour tenir compte des objections soulevées par les parties intéressées et acceptées par la Commission. C’est ainsi qu’il a été nécessaire, d’une part, d’ajouter les données d’un producteur de l’Union supplémentaire, que les plaignantes avaient omises, et, d’autre part, d’exclure des données celles qui se rapportaient aux grilles de caniveau, que la Commission avait accepté d’exclure de la définition du produit visé par l’enquête.

239 Dans ces conditions, le troisième grief doit être rejeté.

240 Dans le quatrième grief, les requérantes soutiennent que la liste des sources utilisées par la Commission pour calculer les indicateurs macroéconomiques est entachée d’incohérence, car elle comporterait des données qui, comme les investissements, ne pourraient être prises en compte dès lors qu’elles ne constitueraient pas un indicateur macroéconomique.

241 À cet égard, il convient de relever que, comme cela est indiqué au point 214 ci-dessus, la Commission s’est fondée sur différents types de données en fonction de la catégorie de producteurs de l’Union en cause. Il apparaît ainsi que la liste en cause, laquelle s’intitule « Pièces justificatives additionnelles », ne comprend pas l’ensemble des sources qui ont été utilisées, mais présente un caractère seulement complémentaire eu égard à l’ensemble des données qui ont été utilisées.

242 Par ailleurs, s’agissant du contenu de cette liste, comme les requérantes l’ont indiqué, elle mentionne trois documents intitulés « [nom de la société] re investments ». Toutefois, ce nombre de documents contestés par les requérantes est limité au regard de tous ceux que comporte la liste dont il est question. Ainsi, 13 documents au moins dans l’ensemble des 22 documents listés, concernant, pour certains, des plaignantes, pour d’autres, d’autres producteurs de l’Union, portent sur les « actifs », les « actifs et investissements », les « bilans financiers », les « rapports financiers », l’« emploi », les « emplois indirects » et les « emplois », lesquels sont pertinents pour établir les données macroéconomiques.

243 Enfin, dans des observations déposées par les plaignantes, au cours de l’enquête, celles-ci ont donné des précisions additionnelles sur les sources utilisées pour calculer les indicateurs macroéconomiques, en indiquant ce qui suit :

« [N]ous avons rassemblé les données portant sur les plaignantes et les entreprises ayant soutenu la plainte issues de leurs comptes. Pour les autres entreprises, les plaignantes ont formulé des estimations, sur la base de données extrapolées des bilans financiers de ces autres entreprises, de sites Internet, d’articles de presse et de leur connaissance du marché. »

244 Au regard de l’ensemble de ces éléments, le quatrième grief doit être rejeté.

245 Dans le cinquième grief, les requérantes reprochent à la Commission de s’être uniquement déplacée dans les bureaux des représentants des plaignantes aux fins de vérifier les données fournies par ces dernières. Elles indiquent que la Commission aurait pu, par exemple, contacter les producteurs restants et leur demander de confirmer ou de commenter les estimations pour ce qui les concernait.

246 À cet égard, il convient de relever que, conformément à l’article 6, paragraphe 8, du règlement de base, l’exactitude des renseignements fournis par des parties intéressées quelles qu’elles soient et sur lesquels les conclusions sont fondées doit être vérifiée dans la mesure du possible.

247 Il a déjà été relevé, en réponse à d’autres arguments présentés par les requérantes, que la Commission ne disposait pas de pouvoirs d’enquête lui permettant de contraindre des entreprises à participer à l’enquête ou à produire des renseignements, mais qu’elle dépendait de la coopération volontaire des parties pour lui fournir les informations (point 220 ci-dessus).

248 En l’espèce, la Commission a invité les producteurs de l’Union fabriquant le produit concerné à participer à l’enquête (voir points 222 et 223 ci-dessus). Toutefois, seules les plaignantes ont fourni les informations nécessaires pour calculer les indicateurs macroéconomiques. C’est dans ce contexte que la Commission s’est adressée aux plaignantes pour obtenir des données concernant les producteurs de l’Union n’ayant pas coopéré à l’enquête et qu’elle a reçu, de ces dernières, des estimations les concernant (point 224 ci-dessus).

249 L’article 16, paragraphe 1, du règlement de base permet à la Commission d’effectuer des visites, lorsqu’elle l’estime opportun, afin de vérifier les renseignements fournis.

250 Ainsi, il en découle que la Commission pouvait, pour vérifier l’exactitude des renseignements fournis, procéder à une visite de vérification auprès des auteurs des renseignements en cause, étant entendu que, en l’espèce, ces informations émanaient des plaignantes.

251 S’agissant du fait que cette vérification a été effectuée dans les locaux des représentants des plaignantes, il convient de relever que la Commission a demandé aux plaignantes, dès le début de la procédure, par l’intermédiaire de leurs représentants, de garder tous les « documents justificatifs et feuilles de travail utilisés pour la préparation des questions à cette lettre ainsi que pour les données macroéconomiques indiquées dans la plainte pour les années 2013-2015 ».

252 Pour des raisons pratiques, il était acceptable, pour la Commission, de se déplacer dans les bureaux des représentants des plaignantes aux fins de consulter, en vue d’une vérification, les pièces dont étaient issues les données fournies par ces dernières, étant donné la nécessité de fonder les analyses sur des données fiables et crédibles.

253 Partant, il convient de rejeter le cinquième grief.

254 Dans le sixième grief, les requérantes reprochent à la Commission de ne pas avoir identifié avec précision les éléments faisant l’objet des vérifications. 

255 À cet égard, il convient de relever que, au cours de la procédure, la Commission a précisé que la vérification du 30 mai 2017 porterait sur les « données relatives aux indicateurs macroéconomiques qui [avaient] été soumises (documents source utilisés pour les données déclarées, comment la compilation des données a[vait] été effectuée, comment certains chiffres mentionnés dans la plainte en relation avec la consommation et les importations [avaient] été obtenus, etc.) » et a ainsi identifié, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, les éléments sur lesquels porteraient les vérifications.

256 Cette information ayant été portée à la connaissance des requérantes, le grief doit être rejeté et, partant, la deuxième branche du premier moyen dans son intégralité.

–  Sur la troisième branche du premier moyen, relative à la rentabilité des producteurs de l’Union

257 Dans la troisième branche, les requérantes contestent les chiffres retenus par la Commission pour établir la détérioration qui, selon elle, caractérise l’évolution de la rentabilité des producteurs de l’Union au cours des années ayant précédé l’enquête.

258 Au considérant 162 du règlement provisoire, la Commission a indiqué que la rentabilité des producteurs de l’Union avoisinait les 10 % en 2006, qu’elle n’était plus que de 5,3 % pendant la première année de la période considérée, à savoir l’année 2013, et qu’elle avait continué à se détériorer tout au long de cette période.

259 Sur ce plan, les requérantes présentent trois griefs qui sont contestés par la Commission.

260 Dans leur premier grief, les requérantes font valoir, en substance, que la Commission a annoncé les chiffres retenus pour calculer la rentabilité de l’industrie de l’Union sans fondement, dès lors que les seules données qu’elle a reçues de la part de l’industrie de l’Union auraient été communiquées le 2 octobre 2017, c’est-à-dire postérieurement à l’adoption du règlement provisoire et plus de cinq mois après les vérifications effectuées dans les locaux des représentants des plaignantes.

261 À cet égard, il convient de relever que le grief manque en fait.

262 En effet, les données relatives à la rentabilité pour les années 2006 à 2012 ont, en tout état de cause, été communiquées à la Commission le 11 mai 2017, c’est-à-dire avant, d’une part, l’adoption du règlement provisoire et, d’autre part, les visites de vérification, qui ont eu lieu les 30 mai et 2 juin 2017. Le courriel par lequel les données ont été communiquées a été produit par la Commission, qui a expliqué que ce document avait été communiqué par les plaignantes, de leur propre initiative, dans une version confidentielle, raison pour laquelle il n’avait pas été versé dans le dossier accessible aux parties intéressées, mais uniquement dans la partie du dossier qui était réservée à la Commission. Cette institution a également précisé que le document du 2 octobre 2017 envoyé par les plaignantes n’était autre qu’une version accessible aux parties intéressées du document du 11 mai 2017.

263 Quant à la rentabilité de l’industrie de l’Union durant la période considérée, il s’avère qu’elle a été calculée sur la base des réponses de l’échantillon des producteurs de l’Union au questionnaire que leur a adressé la Commission, qui devait lui être remis le 22 février 2017 au plus tard, à savoir avant l’adoption du règlement provisoire.

264 Le premier grief doit donc être rejeté.

265 Dans le deuxième grief, les requérantes affirment que le document du 2 octobre 2017, mentionné au point 260 ci-dessus, ne fournit aucune information sur les sources utilisées.

266 À cet égard, il suffit de constater que les sources utilisées par les plaignantes pour établir la rentabilité de l’industrie de l’Union de 2006 à 2012 dans le document du 11 mai 2017, réclamées par les requérantes, ne sont pas pertinentes pour analyser la légalité de l’appréciation, par la Commission, des indicateurs microéconomiques. En effet, comme l’a souligné la Commission, malgré une mention du niveau de rentabilité de l’industrie de l’Union en 2006 au considérant 162 du règlement provisoire, elle s’est fondée uniquement sur la rentabilité de l’industrie de l’Union durant la période considérée (1er janvier 2013 au 30 septembre 2016) pour apprécier son évolution, comme cela ressort du considérant 168 dudit règlement.

267 Ce grief est par conséquent inopérant, tout comme l’est, pour la même raison, le troisième grief soulevé par les requérantes, selon lequel les chiffres retenus par la Commission seraient contredits par ceux mentionnés dans la demande de réexamen présentée par l’industrie de l’Union en 2010 au titre de l’expiration des mesures antidumping imposées par le règlement no 1212/2005.

268 En effet, les données concernant la rentabilité de l’industrie de l’Union qui étaient en cause dans cette demande de réexamen se rapportaient nécessairement aux années antérieures à 2010. Or, comme cela est indiqué au point 266 ci-dessus, bien que la Commission ait mentionné l’année 2006 au considérant 162 du règlement provisoire, ce sont les données de la période considérée, à savoir de la période s’étendant du 1er janvier 2013 au 30 septembre 2016, qui étaient pertinentes et qui ont fondé la prise de décision de la Commission.

269 En tout état de cause, comme l’ont fait valoir les intervenantes, la rentabilité estimée dans le cadre de l’enquête l’a été sur la base des données de l’échantillon de producteurs de l’Union, alors que la rentabilité moyenne communiquée par l’industrie de l’Union dans sa demande de réexamen présentée au titre de l’expiration des mesures antidumping imposées par le règlement no 1212/2005 reposait sur les données de six producteurs supplémentaires.

270 Compte tenu des considérations qui précèdent, il convient de rejeter la troisième branche du premier moyen.

–  Sur la quatrième branche du premier moyen, relative à l’échantillon des producteurs de l’Union

271 Dans la quatrième branche, les requérantes contestent le choix effectué, par la Commission, parmi les producteurs de l’Union, pour constituer l’échantillon sur la base duquel elle a évalué les effets des importations faisant l’objet d’un dumping.

272 Dans ce cadre, les requérantes avancent deux griefs qui sont contestés par la Commission.

273 Dans leur premier grief, les requérantes font valoir que la Commission n’a pas invité, de manière effective, les parties intéressées à communiquer leurs observations sur l’échantillon provisoire.

274 En effet, la CCCME aurait eu accès, le 18 janvier 2017, après avoir contacté la Commission sur ce point, d’une part, à un document daté du 12 décembre 2016, intitulé « Proposition d’échantillon de producteurs de l’Union », contenant l’échantillon de trois producteurs de l’Union, et, d’autre part, aux questionnaires envoyés le 16 janvier 2017 par la Commission à « EJ Picardie + 4 autres » producteurs de l’Union selon ce qu’indiquait l’intitulé de ce document.

275 Selon les requérantes, ces documents donnent l’impression que l’échantillon provisoire a été, un moment, étendu à d’autres producteurs de l’Union. Pourtant, le 20 janvier 2017, la Commission aurait versé dans le dossier non confidentiel l’échantillon final des producteurs de l’Union, daté du 16 janvier 2017, dans lequel elle aurait confirmé le choix initial de trois producteurs.

276 Pour les requérantes, ces circonstances montrent que la Commission a communiqué l’échantillon provisoire aux parties intéressées après que l’échantillon final avait été arrêté et que les questionnaires ont été envoyés aux producteurs retenus dans l’échantillon, ce qui constituerait une violation des droits de la défense des parties intéressées et de l’article 17, paragraphe 2, du règlement de base, qui prévoit que la préférence est accordée au choix d’un échantillon en concertation avec les parties intéressées ou avec leur consentement.

277 À cet égard, il convient de relever que, selon l’article 17, paragraphe 2, du règlement de base, « [l]e choix final des parties, types de produits ou transactions, effectué en application desdites dispositions relatives à l’échantillonnage, appartient à la Commission, mais la préférence est accordée au choix d’un échantillon en concertation avec les parties intéressées ou avec leur consentement, sous réserve que ces parties se fassent connaître et fournissent suffisamment de renseignements dans les trois semaines suivant l’ouverture de l’enquête afin de permettre le choix d’un échantillon représentatif ».

278 Pour que la consultation des parties intéressées visée à l’article 17, paragraphe 2, du règlement de base soit effective, elle doit intervenir à un stade où la Commission est en mesure de tenir compte des observations présentées et, le cas échéant, de modifier l’échantillon.

279 Il y a lieu de relever que, en l’espèce, la Commission a indiqué, dans l’avis d’ouverture de l’enquête, qu’elle avait décidé de limiter à un nombre raisonnable les producteurs de l’Union couverts par l’enquête en sélectionnant un échantillon et que, à cette fin, elle avait constitué un échantillon provisoire dont la composition était mise à la disposition des parties intéressées pour consultation. Dans cet avis, la Commission a également précisé que, sauf indication contraire, les parties intéressées souhaitant fournir d’autres informations utiles concernant la sélection de l’échantillon devaient le faire dans les 21 jours suivant la date de publication dudit avis au Journal officiel de l’Union européenne.

280 Dans ses écritures, la Commission fait valoir que la raison pour laquelle le document du 12 décembre 2016, intitulé « Proposition d’échantillon de producteurs de l’Union », n’a pas été initialement versé dans le dossier non confidentiel, comme cela était annoncé dans l’avis d’ouverture, est due à une erreur d’écriture de la part de l’équipe chargée de l’enquête. Le document a accidentellement été signalé comme « confidentiel », alors qu’il aurait dû porter la mention « non confidentiel » pour permettre son accès à l’ensemble des parties intéressées. Dès que la CCCME a fait part à la Commission, le 18 janvier 2017, de l’absence de ce document dans les informations auxquelles cette entité avait accès, ledit document a été signalé comme « non confidentiel » dans le système afin de garantir sa consultation par les parties intéressées, y compris la CCCME.

281 Il s’ensuit que la CCCME a été consultée le 18 janvier 2017, soit un peu plus d’un mois après l’ouverture de l’enquête, c’est-à-dire à un moment où ses observations pouvaient être prises en compte dans le choix de l’échantillon.

282 Or, bien qu’elle en ait eu la possibilité dès ce moment, la CCCME n’a pas déposé d’observations sur la composition de cet échantillon.

283 Certes, les requérantes soutiennent que le nombre d’entreprises retenues dans le choix de l’échantillon aurait été modifié, puis finalisé, avant qu’elles aient été consultées, ce qui aurait eu pour résultat, selon elles, le manque d’effectivité de la consultation, étant donné que la composition de l’échantillon aurait été arrêtée avant qu’elles puissent se prononcer.

284 À supposer que la Commission ait effectivement envisagé de modifier l’échantillon provisoire, puis qu’elle soit revenue sur sa position avant que la CCCME ait pu consulter la composition de l’échantillon proposé, il suffit, en tout état de cause, de relever, en réponse à cet argument, premièrement, que les parties intéressées ont été mises en mesure de se prononcer, en l’espèce, sur la composition proposée pour l’échantillon par la Commission, deuxièmement, que la composition ayant fait l’objet de la consultation comportait trois entreprises et, troisièmement, que l’échantillon final a effectivement porté sur ces trois entreprises.

285 Ainsi, les requérantes auraient pu faire valoir, sur l’échantillon de producteurs de l’Union, des observations que la Commission aurait pu prendre en compte, ce qui implique que, contrairement à ce qu’elles soutiennent, leurs droits de la défense ainsi que l’article 17, paragraphe 2, du règlement de base ont bien été respectés.

286 Pour ces raisons, le premier grief doit être rejeté.

287 Dans leur second grief, les requérantes soutiennent que l’échantillon choisi par la Commission ne représente pas la diversité des situations dans lesquelles se trouvent les producteurs au sein de l’Union, en particulier la situation spécifique que connaîtraient les producteurs d’Europe orientale.

288 Selon la Commission, l’argument formulé sur ce point par les requérantes n’est pas fondé en plus de n’être pas recevable, car formulé pour la première fois devant le Tribunal.

289 À cet égard, il convient de relever, sur le fond, que, en vertu de l’article 4, paragraphe 1, du règlement de base, l’analyse de la Commission doit reposer sur l’ensemble de l’industrie de l’Union afin d’obtenir une représentation fiable de la situation économique de l’industrie sur tout le territoire de l’Union.

290 Néanmoins, la Commission est autorisée, dans les affaires de taille importante, à limiter l’enquête à un nombre raisonnable de parties, en ayant recours à la méthode d’échantillonnage visée à l’article 17 du règlement de base.

291 L’article 17, paragraphes 1 et 2, du règlement de base prévoit deux méthodes pour constituer un échantillon qui puisse être considéré comme représentatif selon ledit règlement. La première méthode consiste, pour la Commission, à se fonder sur un échantillon de parties, produits ou transactions qui présente la caractéristique d’être statistiquement représentatif d’après les renseignements disponibles au moment du choix. En ce qui concerne la seconde méthode d’échantillonnage prévue à l’article 17, paragraphe 1, du même règlement, la représentativité de l’échantillon repose sur le fait qu’il comprend le plus grand volume de production, de ventes ou d’exportations sur lequel l’enquête peut raisonnablement porter compte tenu du temps disponible (voir arrêt du 15 juin 2017, T.KUP, C‑349/16, EU:C:2017:469, point 24 et jurisprudence citée).

292 Par ailleurs, il ressort de l’article 17, paragraphe 2, du règlement de base que le choix final de l’échantillon relève de la Commission en application des dispositions relatives à l’échantillonnage (arrêts du 10 septembre 2015, Fliesen-Zentrum Deutschland, C‑687/13, EU:C:2015:573, point 87, et du 15 mars 2018, Caviro Distillerie e.a./Commission, T‑211/16, EU:T:2018:148, point 48).

293 En outre, il convient d’avoir égard à la circonstance que, lorsqu’elle recourt à des échantillons, la Commission dispose d’un large pouvoir d’appréciation et le contrôle du juge de l’Union est, par conséquent, limité de la manière indiquée aux points 149 et 150 ci-dessus (voir, en ce sens, arrêt du 10 septembre 2015, Fliesen-Zentrum Deutschland, C‑687/13, EU:C:2015:573, point 93).

294 Enfin, la jurisprudence précise que, lorsqu’elle opte pour la seconde méthode d’échantillonnage, la Commission dispose d’une certaine latitude, tenant à l’évaluation prospective de ce qu’il lui est raisonnablement possible d’accomplir dans le délai qui lui est imparti pour mener son enquête (arrêts du 15 juin 2017, T.KUP, C‑349/16, EU:C:2017:469, point 31, et du 15 mars 2018, Caviro Distillerie e.a./Commission, T‑211/16, EU:T:2018:148, point 41).

295 Dans un tel contexte, marqué par l’existence d’un large pouvoir d’appréciation de la Commission et d’une limitation affectant le contrôle du juge de l’Union, il appartient aux requérantes, en application de la jurisprudence, de produire les éléments de preuve permettant au Tribunal de constater que, en composant comme elle l’a fait l’échantillon de l’industrie de l’Union, la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation dans l’évaluation du préjudice (voir, en ce sens, arrêt du 15 mars 2018, Caviro Distillerie e.a./Commission, T‑211/16, EU:T:2018:148, point 49).

296 En l’espèce, la Commission, appliquant la seconde méthode visée au point 291 ci-dessus, a sélectionné l’échantillon sur la base des volumes de production et des ventes les plus élevés, comme l’y autorisait l’article 17, paragraphe 1, du règlement de base.

297 Selon le considérant 13 du règlement provisoire, cet échantillon représentait 48 % du volume total de production et 43 % du total des ventes de l’industrie de l’Union, sans que l’importance du volume de production et du total des ventes de ces producteurs ait été contestée par les requérantes.

298 Ainsi, le choix de cette méthode d’échantillonnage fait échec à la possibilité d’une contestation fondée sur une représentativité géographique insuffisante, les volumes de production, de ventes ou d’exportations inclus dans l’échantillon étant réputés, s’ils sont élevés, fournir une base adéquate pour évaluer la situation dans l’ensemble de l’industrie.

299 Dès lors, c’est à tort que les requérantes considèrent que l’échantillon de la Commission n’était pas suffisamment représentatif au sens de l’article 17, paragraphe 1, du règlement de base pour la raison qu’il n’incluait pas de producteurs d’Europe orientale.

300 Le second grief doit donc être rejeté sur le fond sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur les arguments mis en avant par la Commission sur le plan de la recevabilité.

301 Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de rejeter la quatrième branche du premier moyen.

–  Sur la cinquième branche du premier moyen, relative à l’inclusion de prix intragroupe dans le calcul des coûts de l’industrie de l’Union

302 Dans la cinquième branche, les requérantes soutiennent que, pour calculer le préjudice subi par l’industrie de l’Union, la Commission a utilisé, dans le cas de Saint-Gobain PAM, des prix facturés pour des reventes à l’intérieur du groupe de sociétés dont ce producteur fait partie (usage de prix de transfert), sans évaluer le caractère autonome de ces prix d’achat.

303 Or, pour évaluer la rentabilité effective, la Commission aurait dû comparer, d’une part, la valeur des ventes réalisées à des clients indépendants et, d’autre part, les coûts engagés pour la production des produits et les frais VAG des revendeurs, sans quoi son analyse du préjudice serait faussée.

304 La Commission conteste l’argumentation des requérantes.

305 À cet égard, il convient de relever que, dans sa réponse aux questions du Tribunal, la Commission a expliqué que Saint-Gobain PAM vendait le produit visé, directement, à des clients indépendants, mais également, comme l’ont relevé les requérantes, indirectement, par l’intermédiaire de négociants liés.

306 Toutefois, cette circonstance s’est avérée sans incidence sur l’établissement des coûts de production, dès lors, d’une part, que les deux types de vente impliquent des produits qui ont été fabriqués par l’entreprise considérée et, d’autre part, que la valeur prise en compte dans le cadre du calcul de la Commission correspond aux coûts de production encourus par cette dernière, dans le cadre de la fabrication, indépendamment du type de vente qui interviendrait ensuite.

307 Ainsi, comme l’a indiqué la Commission, le fait que certaines ventes aient été effectuées par l’intermédiaire de sociétés liées n’a eu aucune incidence sur le calcul des coûts de production de Saint-Gobain PAM et, partant, sur l’évaluation du préjudice subi par l’industrie de l’Union.

308 Il est vrai que, dans sa réponse aux questions du Tribunal, la Commission a indiqué que Saint-Gobain PAM achetait certaines matières premières à des entreprises liées.

309 Cependant, pour pouvoir inclure dans son calcul les coûts de production liés à ces transactions, la Commission a vérifié si ces dernières pouvaient être considérées comme des transactions effectuées dans des conditions normales de marché.

310 En effet, en comparant les coûts directs dans les coûts de production unitaires et dans le prix de revente à des parties non liées dans l’Union, elle a constaté que Saint-Gobain PAM se situait dans la même fourchette que les deux autres producteurs de l’échantillon qui n’avaient pas acheté leurs matières premières à des fournisseurs liés.

311 La cinquième branche du premier moyen doit ainsi être rejetée.

–  Sur la sixième branche du premier moyen, principalement relative à la différence dans les pratiques imputées aux producteurs-exportateurs selon qu’ils étaient indiens ou chinois

312 Dans la sixième branche, les requérantes présentent plusieurs griefs dont l’un est ici examiné tandis que les autres le seront, en raison de leur objet, dans d’autres sections du présent arrêt (voir point 325 ci-après).

313 Dans le grief examiné en l’espèce, les requérantes considèrent incompréhensible la conclusion retenue par la Commission selon laquelle aucune pratique de dumping n’a pu être imputée aux producteurs-exportateurs indiens alors que l’existence d’une telle pratique a été constatée pour les producteurs-exportateurs chinois. Selon les requérantes, cette conclusion est incompatible avec les deux éléments de fait suivants. Premièrement, les prix à l’exportation indiens étaient inférieurs aux prix à l’exportation chinois. Deuxièmement, la République de l’Inde ayant été choisie comme pays analogue, les données utilisées par la Commission pour déterminer la valeur normale étaient les mêmes pour les producteurs-exportateurs indiens et chinois.

314 La Commission conclut au rejet de ce grief.

315 Pour prendre position, il convient de relever que, comme le rappellent les requérantes, les importations dans l’Union du produit concerné en provenance de la République de l’Inde ont fait l’objet, parallèlement aux importations en provenance de la République populaire de Chine, d’une enquête visant à établir l’existence éventuelle de pratiques de dumping (voir point 3 ci-dessus).

316 Dans le cadre de l’enquête, la Commission a constaté que, sur la base du volume en tonnes, les prix des importations originaires de la République populaire de Chine étaient en moyenne supérieurs aux prix originaires de la République de l’Inde.

317 Dans le même temps, la République populaire de Chine n’étant pas considérée comme un pays ayant une économie de marché, la valeur normale utilisée pour déterminer s’il existait une pratique de dumping de la part des producteurs-exportateurs chinois a été calculée sur la base des données de la République de l’Inde, conformément à l’article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement de base (ci-après la « méthode du pays analogue »).

318 Or, conformément à l’article 1er, paragraphe 2, du règlement de base, il doit être conclu qu’un produit fait l’objet d’un dumping lorsque son prix à l’exportation vers l’Union est inférieur au prix comparable, pratiqué au cours d’opérations commerciales normales pour un produit similaire dans le pays exportateur.

319 Selon les requérantes, étant donné que, dans le cadre de l’appréciation de l’existence d’une pratique de dumping des producteurs-exportateurs chinois et indiens, la Commission devait tenir compte du fait que, d’une part, la valeur normale était dans les deux cas fondée sur les données indiennes et, d’autre part, les prix à l’exportation des producteurs-exportateurs indiens étaient inférieurs à ceux pratiqués par les producteurs-exportateurs chinois, le corollaire logique était que les producteurs-exportateurs indiens aient des marges de dumping plus élevées et que la Commission constate l’existence d’une pratique de dumping des producteurs-exportateurs de ce pays, dès lors qu’elle est arrivée à une telle conclusion pour ce qui concernait les producteurs-exportateurs chinois.

320 À cet égard, il convient de relever que cette différence entre les producteurs-exportateurs chinois et indiens a été expliquée par la Commission durant l’enquête.

321 Tout d’abord, si la Commission a reconnu que, sur la base du volume en tonnes, les prix à l’exportation indiens étaient en moyenne inférieurs aux prix chinois, elle a expliqué que ces prix ne pouvaient être comparés de manière adéquate. En effet, comme la Commission l’a indiqué en détail au considérant 179 du règlement provisoire, auquel le considérant 19 du règlement attaqué renvoie, la différence de prix s’expliquait, selon elle, par la circonstance que les producteurs-exportateurs indiens exportaient de la fonte grise, qui, étant plus fragile, requérait l’utilisation d’une quantité plus importante de matière première que les produits en fonte ductile originaires de la République populaire de Chine afin de parvenir à un résultat égal. Pour cette raison, les prix chinois étaient plus élevés si la comparaison était effectuée sur la base du volume en tonnes. Il en allait différemment, en revanche, si la comparaison était effectuée par produit, ce qui constituait le critère adéquat s’agissant de ventes à comparer.

322 Ensuite, comme la Commission l’a relevé au considérant 20 du règlement attaqué, il existait aussi une particularité des prix intérieurs des produits indiens sur le plan fiscal, qui impliquaient certains ajustements. De l’analyse effectuée par la Commission, il résultait que la TVA n’était pas appliquée aux prix intérieurs indiens utilisés, en application de la méthode du pays analogue, pour établir la valeur normale servant à déterminer l’existence d’une pratique de dumping depuis la République populaire de Chine. Cette situation créait une asymétrie entre les prix à l’exportation chinois et les prix intérieurs indiens utilisés pour établir la valeur normale. Afin de permettre une comparaison entre ces derniers, la Commission a, dès lors, ajusté la valeur normale en y incluant la TVA et, ainsi, revu à la hausse la valeur normale utilisée pour apprécier l’existence d’une pratique de dumping des producteurs-exportateurs chinois.

323 C’est au terme de ce raisonnement dont la cohérence n’a pu être mise en doute par les requérantes que la Commission a formulé des conclusions différentes en ce qui concernait l’existence d’une pratique de dumping pour les producteurs-exportateurs chinois et les producteurs-exportateurs indiens.

324 Dans ces conditions, le premier grief doit être rejeté.

325 Dans la sixième branche, les requérantes soulèvent encore deux griefs qui seront analysés avec d’autres moyens auxquels ils se rapportent. Ainsi, les requérantes reprochent à la Commission d’avoir refusé à la CCCME tout accès aux informations nécessaires pour vérifier les analyses qu’elle avait effectuées. Ce grief sera analysé dans le cadre du troisième moyen. Par ailleurs, les requérantes contestent le refus opposé par la Commission de collecter des données afin d’évaluer les indicateurs de préjudice par État membre et par catégorie de produit, en fonte grise ou en fonte ductile. Ce grief sera examiné dans le cadre de la deuxième branche du deuxième moyen.

326 Compte tenu des considérations qui précèdent, il convient de rejeter la sixième branche du premier moyen pour ce qui est du grief examiné ci-dessus, en renvoyant à l’analyse qui les concerne pour les deux griefs liés à d’autres moyens, et, par suite, le premier moyen dans son intégralité.

Sur le deuxième moyen, relatif au lien de causalité

327 Divisé en trois branches, le deuxième moyen porte sur l’article 3, paragraphes 6 et 7, du règlement de base, selon lequel la Commission doit examiner dans quelle mesure le préjudice de l’industrie de l’Union découle, le cas échéant, des importations litigieuses, et non d’autres facteurs.

–  Sur la première branche du deuxième moyen, relative à l’absence de simultanéité entre l’augmentation des importations faisant l’objet d’un dumping et la dégradation de la situation de l’industrie de l’Union

328 Dans la première branche, les requérantes contestent le raisonnement développé par la Commission pour établir l’existence d’un lien de causalité entre, d’une part, l’augmentation des importations faisant l’objet d’un dumping et, d’autre part, la dégradation constatée en ce qui concerne la situation de l’industrie de l’Union au cours de la période considérée.

329 Cette branche, qui est contestée par la Commission, est divisée en quatre griefs.

330 Dans leur premier grief, les requérantes soutiennent que, pour établir le lien de causalité, la Commission a comparé les indicateurs économiques au début et à la fin de la période considérée, alors qu’elle aurait dû analyser les tendances observées au cours de cette période. Si elle avait adopté cette approche, elle aurait pu constater que les indicateurs caractérisant la situation de l’industrie de l’Union s’étaient dégradés à partir de 2014. Or, il ressort des données fournies par la Commission que, à partir de ce moment, les importations en provenance de la République populaire de Chine ont diminué. Selon les requérantes, une telle diminution est incompatible avec la conclusion selon laquelle lesdites importations auraient contribué à la dégradation de la situation de l’industrie de l’Union.

331 À cet égard, il convient de relever que les indicateurs repris dans le tableau ci-après ont évolué de la manière suivante au cours de la période considérée.

Indice (2013 = 100)

2013

2014

2015

Période d’enquête

Volume des ventes de l’industrie de l’Union (en tonnes)

100

97

90

89

Volume de production de l’industrie de l’Union (en tonnes)

100

103

96

96

Part de marché de l’industrie de l’Union (en %)

100

97

95

97

Volume des importations en provenance de la République populaire de Chine (en tonnes)

100

124

120

116

Part de marché de l’Union détenue par les importations en provenance de la République populaire de Chine (en %)

100

125

126

126

 

332 De ce tableau, il ressort que, comme l’indiquent les requérantes, le volume des importations en provenance de la République populaire de Chine a diminué, en 2015, au regard du niveau qu’il atteignait en 2014.

333 Cela ne signifie pas, toutefois, qu’un lien de causalité soit exclu entre l’évolution qu’ont connue ces importations et celle qui caractérise les indicateurs concernant l’industrie de l’Union.

334 En effet, le tableau montre que la baisse subie par lesdites importations à partir de 2014 est relative, puisque le niveau d’importation reste nettement supérieur à celui atteint au début de la période considérée (+16 %), de telle sorte qu’il paraît artificiel de parler de diminution des importations si est prise en considération une période plus longue.

335 Par ailleurs, la présentation fournie par les requérantes passe sous silence l’augmentation importante des importations en question entre les années 2013 et 2014 (+24 %). Or, une augmentation d’une telle ampleur a pu saturer le marché de l’Union en conduisant à l’anticipation de commandes par les clients de l’Union avec pour conséquence que les ventes se sont tassées, par la suite, notamment en 2015, année au cours de laquelle le volume des ventes de l’industrie de l’Union a baissé (–10 % par rapport à l’indice de départ) tandis que les importations subissaient elles aussi une diminution, même si cette dernière reste relative au regard de celle subie par les ventes de ladite industrie.

336 Dans leur argumentation, les requérantes mettent en cause, de manière fondamentale, au-delà des considérations spécifiques examinées ci-dessus, la méthode consistant, pour la Commission, à fonder ses conclusions sur la comparaison entre les données caractérisant le début et la fin de la période considérée.

337 À cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, l’idée sous-tendant la fixation d’une « période considérée » est de permettre à la Commission d’examiner une période plus longue que celle couverte par l’enquête proprement dite, de manière à fonder son analyse sur des tendances réelles et virtuelles requérant, pour pouvoir être identifiées, une durée suffisamment longue (voir, en ce sens, arrêt du 7 mai 1991, Nakajima/Conseil, C‑69/89, EU:C:1991:186, point 87).

338 C’est précisément ce qu’a fait la Commission, en l’espèce, en ne limitant pas son analyse aux développements intervenus au cours d’une ou de deux années, mais en examinant les tendances sur une période plus longue [voir, en ce sens, arrêt du 12 décembre 2014, Crown Equipment (Suzhou) et Crown Gabelstapler/Conseil, T‑643/11, EU:T:2014:1076, point 145 (non publié)]. Elle est ainsi parvenue à la conclusion que, au total, les importations faisant l’objet d’un dumping avaient augmenté de 16 % entre 2013 et la fin de la période d’enquête, tandis que le volume des ventes de l’industrie de l’Union avait baissé de 11 % et que la part de marché de cette industrie avait diminué de 3 % au cours de la même période.

339 En définitive, les requérantes, dès lors qu’elles contestent la possibilité pour la Commission de se fonder sur le début et la fin de la période considérée, mettent en cause un choix méthodologique effectué par cette institution.

340 Or, la jurisprudence reconnaît, sur ce type de question, aux institutions de l’Union, une large marge d’appréciation imposant à la partie requérante, si elle veut contester avec succès l’action de ces dernières, de démontrer, à leur égard, l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation (arrêt du 14 mars 2007, Aluminium Silicon Mill Products/Conseil, T‑107/04, EU:T:2007:85, point 71).

341 En l’espèce, force est de constater que, par leurs arguments, les requérantes n’apportent pas d’éléments permettant de constater l’existence d’une telle erreur, mais proposent plutôt une interprétation alternative de l’évolution des indicateurs économiques en notant que l’approche suivie par la Commission leur semble artificielle (voir, en ce sens, arrêt du 4 février 2016, C & J Clark International et Puma, C‑659/13 et C‑34/14, EU:C:2016:74, point 172).

342 Pour ces raisons, le premier grief doit être rejeté.

343 Dans leur deuxième grief, les requérantes relèvent que la Commission a affirmé, au considérant 174 du règlement attaqué, d’une part, que les importations faisant l’objet d’un dumping avaient entraîné une dégradation de la situation de l’industrie de l’Union et, d’autre part, que lesdites importations avaient connu une évolution parallèle à celle de la production de l’Union, à savoir une hausse, suivie d’une baisse.

344 Les requérantes soutiennent que le raisonnement de la Commission est difficile à suivre, dès lors que le fait que l’augmentation des importations faisant l’objet d’un dumping soit concomitante à l’augmentation du volume de production de l’industrie de l’Union et que la baisse des importations qui a suivi soit concomitante à une baisse du volume de l’industrie de l’Union atteste plutôt de l’absence de lien de causalité.

345 À cet égard, il convient de relever que, comme l’indiquent les requérantes, la Commission, dans le règlement attaqué, a fait état d’une évolution parallèle pour les importations faisant l’objet d’un dumping et la production de l’industrie de l’Union.

346 Cette constatation est exacte, dès lors que, comme l’indique le tableau figurant au point 331 ci-dessus, les importations faisant l’objet d’un dumping ont connu une hausse en 2014, passant de l’indice 100 à l’indice 124, tout comme le volume de production de l’industrie de l’Union qui, lui, passait de l’indice 100 à l’indice 103. En 2015, ces indices ont tous deux baissé, les importations faisant l’objet d’un dumping retombant à l’indice 120 et le volume de production de l’industrie de l’Union à l’indice 96.

347 Cela étant, il convient de reprendre les termes utilisés par la Commission dans l’ensemble du considérant 174 du règlement attaqué pour déterminer comment elle est arrivée à la conclusion qu’il existait un lien de causalité entre les importations faisant l’objet d’un dumping et la dégradation de l’industrie de l’Union.

348 Or, sur la base de l’ensemble des explications données par la Commission au considérant 174 du règlement attaqué, il est possible de comprendre pourquoi elle a considéré, au regard des chiffres repris dans les indicateurs de préjudice de l’industrie de l’Union, que ces derniers s’étaient dégradés en même temps que les importations faisant l’objet d’un dumping avaient progressé et qu’un lien de causalité pouvait être établi entre ces deux phénomènes.

349 Au considérant 174 du règlement attaqué, la Commission indique, en effet, que, sur l’ensemble de la période considérée, la tendance enregistrée démontre l’existence d’un lien de causalité entre la dégradation de l’industrie de l’Union, observée en termes de volumes et de parts de marché, et l’augmentation des importations faisant l’objet d’un dumping durant cette période.

350 Cette conclusion est étayée par les chiffres fournis dans le tableau figurant au point 331 ci-dessus, desquels il ressort que les importations faisant l’objet d’un dumping ont augmenté au cours de la période considérée, passant de l’indice 100 à l’indice 116, tandis que les indicateurs caractérisant la situation de l’industrie de l’Union subissaient globalement une baisse, le volume de production passant de l’indice 100 à l’indice 96, celui des ventes de l’indice 100 à l’indice 89 et la part de marché baissant de l’indice 100 à l’indice 97 sur la même période.

351 Ainsi, les requérantes sont en mesure de suivre le raisonnement de la Commission et de comprendre les raisons pour lesquelles elle a conclu, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, que, pour l’ensemble de la période considérée, une coïncidence avait existé, dans le temps, entre l’évolution subie par les importations faisant l’objet d’un dumping et les indicateurs relevés au point 350 ci-dessus.

352 Pour ces raisons, le deuxième grief doit être rejeté.

353 Dans leur troisième grief, les requérantes contestent l’affirmation de la Commission selon laquelle la baisse de la consommation dans l’Union n’a pas rompu le lien de causalité entre l’augmentation des importations faisant l’objet d’un dumping et la dégradation des indicateurs caractérisant la situation de l’industrie de l’Union.

354 À cet égard, il convient de relever que, au considérant 191 du règlement provisoire, la Commission a reconnu que la consommation du produit concerné avait baissé au cours de la période considérée.

355 Toutefois, la Commission a souligné, au même considérant, que l’existence de cette baisse et l’influence qu’avait pu exercer cette dernière sur l’évolution des indicateurs n’avaient pas pu rompre le lien de causalité entre l’augmentation des importations faisant l’objet d’un dumping et le préjudice subi par l’industrie de l’Union.

356 Pour justifier cette position, la Commission s’est fondée sur trois séries de chiffres. Premièrement, elle a observé que la consommation avait baissé de 8 % pour le produit concerné. Deuxièmement, elle a constaté que le volume des ventes avait diminué de 11 % pour l’industrie de l’Union. Ce second chiffre étant plus élevé que le premier, elle a considéré que la diminution du volume des ventes ne pouvait être expliquée entièrement par la baisse de la consommation. Troisièmement, elle a signalé que, dans le même temps, les importations faisant l’objet d’un dumping avaient augmenté de 16 %. Selon elle, cette augmentation a permis d’expliquer la différence entre la baisse de la consommation et celle, plus importante, ayant affecté le volume des ventes de l’industrie de l’Union.

357 Dans leur argumentation, les requérantes n’ont pas mis en avant l’existence d’éléments permettant de considérer que, en formulant ce raisonnement, la Commission avait commis une quelconque erreur manifeste d’appréciation. Au contraire, il apparaît qu’un tel raisonnement est conforme à la jurisprudence [voir, en ce sens, arrêt du 12 décembre 2014, Crown Equipment (Suzhou) et Crown Gabelstapler/Conseil, T‑643/11, EU:T:2014:1076, point 122 (non publié)].

358 Le troisième grief doit donc être rejeté.

359 Dans leur quatrième grief, les requérantes contestent que, comme l’a indiqué la Commission dans le règlement attaqué, la sous-cotation résultant des importations faisant l’objet d’un dumping ait pu dégrader la part de marché et les bénéfices des producteurs de l’Union, dès lors que la part de marché de l’industrie de l’Union a augmenté durant la période pendant laquelle une sous-cotation a été établie, à savoir la période d’enquête, passant de l’indice 95 à l’indice 97.

360 À cet égard, il apparaît que, pour établir le lien de causalité, la Commission s’est fondée, d’une part, sur l’existence d’une sous-cotation (de l’ordre de 31,6 % à 39,2 %) établie pour la période d’enquête et, d’autre part, sur le fait que, durant la période considérée, la part de marché de l’industrie de l’Union avait enregistré une baisse de 2,1 points de pourcentage tandis que celle des importations faisant l’objet d’un dumping augmentait de 5,6 points de pourcentage.

361 Dans ce contexte, la question qui se pose est de savoir si la Commission peut se fonder sur une sous-cotation constatée pour la période d’enquête afin d’établir une incidence sur l’industrie de l’Union durant l’ensemble de la période considérée.

362 À cet égard, il convient d’abord de rappeler que la sous-cotation est analysée, conformément à l’article 3, paragraphes 2 et 3, du règlement de base, pour déterminer si les importations faisant l’objet d’un dumping ont pu avoir une incidence, en termes de prix, sur les ventes du produit similaire de l’industrie de l’Union. Elle est établie au moyen des données fournies par les producteurs-exportateurs retenus dans l’échantillon, notamment aux fins de déterminer leurs marges de dumping. Or, ces données sont calculées sur la base de la période d’enquête. Dans ces conditions, il ne saurait être considéré que la Commission a pu commettre une erreur en calculant la sous-cotation sur le fondement de données concernant cette période (voir, en ce sens, arrêt du 24 septembre 2019, Hubei Xinyegang Special Tube/Commission, T‑500/17, non publié, sous pourvoi, EU:T:2019:691, point 51).

363 Ensuite, il y a lieu de souligner qu’un rapport existe entre, d’une part, la détermination de la sous-cotation des prix et, d’une façon plus générale, de l’effet des importations faisant l’objet d’un dumping sur le prix du produit similaire de l’industrie de l’Union, au titre de l’article 3, paragraphes 2 et 3, du règlement de base, et, d’autre part, l’établissement d’un lien de causalité, au titre de l’article 3, paragraphe 6, du règlement de base (voir arrêt du 24 septembre 2019, Hubei Xinyegang Special Tube/Commission, T‑500/17, non publié, sous pourvoi, EU:T:2019:691, point 32 ; voir également, en ce sens, arrêt du 30 novembre 2011, Transnational Company « Kazchrome » et ENRC Marketing/Conseil et Commission, T-107/08, EU:T:2011:704, point 59).

364 Les éléments de preuve de l’existence d’un préjudice, y compris ceux relatifs à l’effet des importations en dumping sur le prix du produit similaire de l’industrie de l’Union, sont, en effet, pris en compte dans le cadre de l’analyse menée par la Commission concernant le lien de causalité, visé à l’article 3, paragraphe 6, du règlement de base. Dès lors, la comparaison effectuée par la Commission dans le cadre de l’article 3, paragraphe 3, du règlement de base doit servir de fondement à son analyse relative à l’existence d’un lien de causalité entre les importations en dumping et le préjudice subi par l’industrie de l’Union (arrêt du 24 septembre 2019, Hubei Xinyegang Special Tube/Commission, T‑500/17, non publié, sous pourvoi, EU:T:2019:691, point 57).

365 Il en résulte qu’il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir pris en compte une sous-cotation constatée pour la période d’enquête afin d’évaluer ses effets sur la dégradation de l’industrie de l’Union, appréciée sur une période plus large.

366 Dans un tel contexte, la circonstance que, durant l’année de l’enquête, au cours de laquelle la sous-cotation a été établie, la part de marché de l’industrie de l’Union a augmenté, alors qu’elle a connu une baisse en 2014 et en 2015 et, de manière générale, durant la période considérée, ne saurait invalider le lien de causalité établi à cet égard par la Commission.

367 Pour ces raisons, le quatrième grief doit être rejeté.

368 Dans leur cinquième grief, les  requérantes soutiennent que la Commission aurait dû évaluer l’évolution des parts de marché et des importations faisant l’objet d’un dumping en distinguant les produits en fonte ductile des produits en fonte grise.

369 Étant étroitement lié au deuxième grief de la deuxième branche du deuxième moyen, il sera examiné dans le cadre de ce dernier.

370 Compte tenu des considérations qui précèdent, il convient de rejeter la première branche du deuxième moyen pour ce qui est des quatre griefs examinés ci-dessus, en renvoyant à l’analyse qui le concerne pour le cinquième grief lié à une autre branche.

–  Sur la deuxième branche du deuxième moyen, relative à la nécessité d’effectuer une analyse du préjudice par segment

371 Selon les requérantes, la Commission ne pouvait affirmer de manière générale que les importations faisant l’objet d’un dumping avaient causé le préjudice constaté, mais aurait dû établir, à l’aide d’une analyse par segment, l’existence d’un lien entre ces deux éléments.

372 La Commission soutient que cette branche n’est pas fondée, en plus d’être irrecevable, car les arguments exposés par les requérantes ne seraient pas articulés juridiquement.

373 Sur la recevabilité, il convient d’observer que les requérantes invoquent une violation de l’article 3, paragraphes 6 et 7, du règlement de base, en ce que la Commission n’aurait pas évalué comment les importations faisant l’objet d’un dumping, consistant en un type de produit (standard et presque exclusivement en fonte ductile), pouvaient avoir causé le préjudice constaté alors que ce dernier comprenait également d’autres types de produits. Dès lors qu’il est possible, d’une part, d’identifier les dispositions concernées et, d’autre part, de comprendre l’argument des requérantes, la présente branche doit être déclarée recevable.

374 Sur le fond, les requérantes invoquent l’arrêt du 28 octobre 2004, Shanghai Teraoka Electronic/Conseil (T‑35/01, EU:T:2004:317), à l’appui de leur argumentation.

375 Au point 127 de l’arrêt du 28 octobre 2004, Shanghai Teraoka Electronic/Conseil (T‑35/01, EU:T:2004:317), le Tribunal a jugé que le Conseil n’avait pas violé le règlement de base en procédant à une analyse par segment du produit concerné dans cette affaire, à savoir des balances électroniques, afin d’évaluer les différents indicateurs de préjudice. Le Tribunal a relevé qu’une analyse par segment n’était pas exclue par le règlement de base et que les institutions pouvaient y recourir, notamment si les résultats obtenus selon une autre méthode se révélaient biaisés pour une raison ou une autre. Dans cette affaire, le Conseil avait indiqué, au considérant 83 du règlement qui était attaqué, que la méthode du calcul des prix de vente moyens toutes balances électroniques confondues aurait altéré les résultats en raison de « l’évolution de la répartition des ventes (c’est-à-dire des modifications substantielles du volume des ventes dans les différents segments entre 1995 et la période d’enquête) ».

376 Par ailleurs, il convient de relever que, dans l’arrêt du 24 septembre 2019, Hubei Xinyegang Special Tube/Commission (T‑500/17, non publié, sous pourvoi, EU:T:2019:691), invoqué par les requérantes dans leur réponse aux questions écrites du Tribunal, il a été jugé que, dès lors que la Commission avait constaté que le produit considéré (à savoir, dans cette affaire, certains tubes et tuyaux sans soudure en fer ou en acier) relevait de trois segments différents (pétrole et gaz, construction, et production d’électricité), elle devait tenir compte de cette segmentation dans la détermination de l’existence d’un préjudice et, notamment, dans le cadre de l’analyse de la sous-cotation. Le Tribunal a précisé que l’analyse par segment se justifiait, dans cette affaire, par l’interchangeabilité limitée des produits du côté de la demande, la variation des prix entre les segments, le fait que le plus grand producteur de l’Union échantillonné opérait majoritairement sur le secteur du pétrole et du gaz et que les importations des producteurs-exportateurs échantillonnés se concentraient sur le segment de la construction. Dans ce contexte, le Tribunal a indiqué que l’utilisation d’une méthode de comparaison fondée sur les numéros de contrôle des produits (NCP) pour établir une correspondance entre des types de produits, dite « méthode NCP par NCP », pouvait être utilisée si elle s’inscrivait dans le cadre d’une analyse tenant compte de la segmentation du marché.

377 Des arrêts du 28 octobre 2004, Shanghai Teraoka Electronic/Conseil (T‑35/01, EU:T:2004:317), et du 24 septembre 2019, Hubei Xinyegang Special Tube/Commission (T‑500/17, non publié, sous pourvoi, EU:T:2019:691), il ressort qu’une analyse par segment peut être justifiée lorsque les produits visés par l’enquête ne sont pas interchangeables et lorsqu’un ou plusieurs segments sont davantage susceptibles d’être concernés que d’autres par les importations faisant l’objet d’un dumping.

378 En revanche, une telle analyse par segment n’est pas requise lorsque les produits sont suffisamment interchangeables. Dans un tel cas, l’absence de délimitation claire entre les produits ou les segments (A, B et C) et le rapport existant entre eux font que les ventes des produits A et C par les producteurs de l’Union pourraient, eux aussi, diminuer au profit des importations du produit B vers l’Union. Ainsi, bien que concentrées sur un segment du marché (B), les importations faisant l’objet d’un dumping seraient susceptibles d’avoir un impact sur l’ensemble de l’industrie de l’Union.

379 Ce n’est que dans l’hypothèse où les résultats se révéleraient biaisés, pour une raison ou une autre, qu’une analyse segmentée se justifierait en présence de produits pourtant interchangeables. Dans un tel cas, il appartient à la partie intéressée d’apporter des éléments concrets permettant d’étayer son affirmation selon laquelle différents produits ne sont pas suffisamment interchangeables ou selon laquelle l’absence d’une analyse segmentée en présence de produits suffisamment interchangeables aboutirait, en l’espèce, à des résultats biaisés.

380 Sur cette question de la segmentation, les requérantes présentent trois griefs à l’appui de leur argumentation.

381 Dans leur premier grief, les requérantes renvoient à la plainte ayant donné lieu à l’ouverture de l’enquête. Dans cette plainte, les producteurs de l’Union concernés ont indiqué que les importations faisant l’objet d’un dumping portaient exclusivement sur des produits standard et que la situation était différente dans l’Union, où la production comportait en général 90 % de produits standard et 10 % de produits non standard. Selon les requérantes, dans un tel contexte, seule une analyse par segment aurait pu garantir que le préjudice souffert par l’industrie de l’Union en ce qui concerne ses produits non standard ne soit pas erronément imputé aux importations en provenance de la République populaire de Chine.

382 À cet égard, il convient de relever que les produits standard sont définis, dans la plainte, comme des produits conformes aux normes EN 124 ou EN 1433. Au regard de ces normes, les produits non standard présentent de plus larges ouvertures et sont dotés de caractéristiques supplémentaires censées ajouter de la valeur au produit : étanchéité, système de verrouillage, brevet, etc.

383 Or, l’appartenance de produits à des gammes différentes ne suffit pas pour établir, en soi, leur absence d’interchangeabilité et donc l’opportunité d’effectuer une analyse par segment, dès lors que des produits appartenant à des gammes distinctes peuvent avoir des fonctions identiques ou répondre aux mêmes besoins (voir, en ce sens, arrêt du 10 mars 1992, Sanyo Electric/Conseil, C‑177/87, EU:C:1992:111, point 12).

384 À cet égard, il convient de relever que, en l’espèce, les requérantes n’ont apporté aucun élément sur les éventuels besoins spécifiques et distincts des clients auxquels chacune de ces catégories de produits (standard et non standard) répondrait.

385 Dans ces conditions, il convient de considérer que, en l’absence d’éléments apportés en sens contraire par les requérantes, l’absence d’analyse segmentée distinguant les produits standard et les produits non standard ne contrevenait pas, en l’espèce, aux exigences de la jurisprudence, de sorte que le premier grief doit être rejeté.

386 Dans le deuxième grief, les requérantes soutiennent que, pour évaluer le préjudice de l’industrie de l’Union, la Commission aurait dû distinguer les produits concernés selon qu’ils étaient fabriqués en fonte ductile ou en fonte grise. Cet argument est également soulevé dans le cadre de la sixième branche du premier moyen et du cinquième grief de la première branche du deuxième moyen.

387 À cet égard, il convient de relever que les liens entre la fonte ductile et la fonte grise ont été analysés lors du réexamen des premières mesures antidumping prises à l’encontre des importations effectuées pour ce type de produit à partir de la République populaire de Chine.

388 En l’occurrence, la procédure de réexamen visait à déterminer si les pièces en fonte ductile entraient, comme celles en fonte grise, dans la définition du produit concerné par le règlement no 1212/2005, à savoir certains articles en fonte non malléable.

389 Dans le règlement adopté à l’issue de ce réexamen, à savoir le règlement (CE) no 500/2009 du Conseil, du 11 juin 2009, modifiant le règlement no 1212/2005 (JO 2009, L 151, p. 6), la Commission a considéré que les pièces en fonte grise et les pièces en fonte ductile constituaient un seul produit aux fins de la procédure antidumping, car elles partageaient les mêmes caractéristiques (physiques, chimiques et techniques), étaient destinées aux mêmes usages et étaient interchangeables.

390 Dans ce cadre, la Commission a indiqué que la fonte grise et la fonte ductile provenaient toutes deux d’un alliage de fer et de carbone, même si de légères différences pouvaient exister entre elles au niveau de la structure de la matière première et des matières ajoutées durant le procédé de fabrication. Elle a ajouté que, certes, la fonte ductile, contrairement à la fonte grise, avait des propriétés techniques qui lui permettaient de résister à une contrainte de rupture plus élevée et, plus important encore, d’être déformée dans une mesure bien plus importante, sous une contrainte de compression, sans être fracturée. Toutefois, cette différence est compensée par des caractéristiques mécaniques ou techniques comparables, telles que la capacité de moulage, la résistance à l’usure et l’élasticité. En outre, il ressort du règlement no 500/2009 que la différence susvisée affecte seulement la conception requise de la pièce en fonte (c’est-à-dire la question de savoir si un dispositif de verrouillage est nécessaire), et non sa capacité à convenir pour l’usage prévu, qui est de couvrir ou de donner accès à des systèmes affleurant le sol ou souterrains. Dans son analyse, la Commission a également relevé que les consommateurs percevaient les deux types de pièces en fonte comme un seul et unique produit utilisé pour couvrir des trous d’homme, pour résister à la charge du trafic, pour fournir un accès sûr et aisé aux réseaux enterrés ou pour collecter les eaux de surface (grilles de caniveau) et que les deux types de pièces fournissaient des solutions durables à long terme.

391 En l’espèce, il convient de relever que les requérantes ne fournissent pas d’éléments mettant en cause ces constatations, mais allèguent que, dans certains États membres, il existe une « priorité » ou une « préférence » pour l’un ou l’autre type de fonte. Selon elles, le marché allemand serait ainsi dominé par la fonte grise et le marché français par la fonte ductile.

392 N’étant pas soutenue par des éléments concrets, une telle allégation n’est pas suffisante pour mettre en cause l’analyse de la Commission. En tout état de cause, une simple priorité ne permet pas d’établir avec certitude une absence ou une insuffisance d’interchangeabilité des produits, de sorte que le deuxième grief doit également être rejeté.

393 Dans leur troisième grief, les requérantes soutiennent que la Commission aurait dû évaluer le préjudice de l’industrie de l’Union en distinguant l’Europe orientale du reste de l’Union, en raison des conditions concurrentielles qui seraient moins développées dans cette partie de l’Union.

394 À cet égard, il convient de relever que ce grief n’est pas suffisamment étayé pour pouvoir être dûment analysé, dès lors que les requérantes se sont contentées d’indiquer, sans fournir une quelconque explication spécifique, que l’Europe orientale et d’autres régions de l’Europe ne connaissaient pas les mêmes conditions concurrentielles.

395 Certes, les requérantes relèvent que, dans le règlement no 1212/2005, ayant abouti à l’adoption des mesures antidumping de 2005, la Commission a procédé à une analyse par segment en excluant une zone géographique déterminée, en l’occurrence la France.

396 Cependant, au considérant 73 du règlement no 1212/2005, la Commission a justifié une telle manière de procéder par le fait que la pénétration des importations faisant l’objet d’un dumping était inégale sur le marché de l’Union. En effet, alors que ces importations avaient fortement pénétré les marchés de quatorze États membres, elles ne visaient pas encore le marché français. Parallèlement, les deux producteurs français de l’échantillon pesaient très fortement sur la situation générale de l’industrie de l’Union, dans la mesure où leur production et leurs ventes de pièces de voirie en fonte sur le marché français représentaient quelque 36 % du total de la production et des ventes de cette industrie. Dans ces circonstances particulières, la Commission a jugé opportun de présenter, en sus de l’analyse du préjudice pour l’industrie de l’Union dans son ensemble, une analyse des tendances affichées par certains indicateurs sur le marché de l’Union qui était la cible des importations, à savoir ce marché moins la France.

397 Les requérantes n’ont pas démontré que des circonstances de ce type justifiaient, en l’espèce, d’appréhender séparément le préjudice causé à l’industrie de l’Europe occidentale et à l’industrie de l’Europe orientale, de sorte que le troisième grief et, par conséquent, l’ensemble de la deuxième branche du deuxième moyen doivent être rejetés.

–  Sur la troisième branche du deuxième moyen, relative aux prix des importations et à l’importance de la sous-cotation

398 Dans la troisième branche du deuxième moyen, les requérantes présentent deux griefs, qui sont contestés par la Commission.

399 Dans le premier grief, les requérantes font valoir que la Commission ne disposait pas d’informations fiables sur les prix des importations faisant l’objet d’un dumping.

400 À cet égard, il y a lieu de constater que, au considérant 126 du règlement provisoire, la Commission a admis que l’évolution des prix des importations faisant l’objet d’un dumping n’était « pas complètement fiable » dans la mesure où les données reposaient sur des statistiques d’importation et que le détail des types de produits concernés n’était pas connu.

401 Toutefois, il convient de relever que, dans cet extrait, la Commission, contrairement à ce qu’indiquent les requérantes, n’a pas reconnu que l’évolution des prix des importations faisant l’objet d’un dumping n’était pas suffisamment fiable pour pouvoir être utilisée, mais seulement que le calcul du prix des importations n’avait pas donné lieu à un résultat aussi détaillé qu’elle l’aurait souhaité, sans toutefois qu’elle considère ces données comme étant dépourvues de toute fiabilité et sans envisager qu’elles ne puissent aucunement servir dans l’élaboration du règlement attaqué.

402 Or, le fait que l’évolution desdits prix ne soit pas « complètement fiable » résulte de la circonstance que les données d’Eurostat classent le produit concerné sous des codes qui englobent également d’autres produits et que, pour cette raison, des ajustements ont été effectués sur ces données, comme cela est indiqué aux points 158 à 166 ci-dessus.

403 En réponse à la première branche du premier moyen, il a été jugé que la Commission avait pu se fonder sur ces données, telles que réajustées, pour déterminer le volume des importations faisant l’objet d’un dumping, en l’absence d’informations plus précises, plus récentes et plus fiables.

404 Dans le prolongement de cette appréciation, il convient de considérer que la Commission pouvait également se servir de ces données pour évaluer le prix des importations faisant l’objet d’un dumping et en retracer l’évolution.

405 Le premier grief doit donc être rejeté.

406 Dans le second grief, les requérantes reprochent à la Commission de ne pas avoir suffisamment évalué l’importance de la sous-cotation eu égard à la part de production de l’industrie de l’Union pour laquelle aucune sous-cotation des prix n’avait été constatée.

407 À cet égard, il convient de relever que, au considérant 187 du règlement attaqué, la Commission a indiqué avoir établi que 62,6 % des ventes totales effectuées dans l’Union par les producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon avaient été sous-cotées par les importations faisant l’objet d’un dumping en provenance des producteurs-exportateurs de la République populaire de Chine retenus dans l’échantillon. Pour parvenir à cette conclusion, elle s’est fondée sur le fait que, d’une part, tous les types de produits importés étaient comparables aux types de produits vendus par les producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon et, d’autre part, les prix de tous les types de produits importés avaient sous-coté les prix de vente des types de produits comparables vendus par les producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon. De ces différents éléments, la Commission a conclu que les effets préjudiciables du prix des importations faisant l’objet d’un dumping sur les ventes de l’industrie de l’Union étaient démontrés à suffisance.

408 Selon les requérantes, la Commission ne pouvait parvenir à cette conclusion au regard de la proportion limitée à l’égard de laquelle une sous-cotation avait été effectivement constatée – en l’occurrence 62,6 % des ventes effectuées par les producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon. Selon elles, une telle proportion est, pour deux raisons, insuffisante. La première objection soulevée par les requérantes est que la proportion des ventes pour laquelle une sous-cotation a été établie équivaudrait à 26,9 % seulement des ventes de l’Union, dès lors que l’échantillon de producteurs de l’Union représente 43 % des ventes totales de l’industrie de l’Union. La seconde objection soulevée par les requérantes est que cette proportion de 62,6 % impliquerait qu’aucune sous-cotation n’a été constatée pour la partie restante, pourtant non négligeable, de ces ventes (plus de 37 %). Dans un tel contexte, la Commission aurait dû examiner, selon les requérantes, si un lien de causalité pouvait réellement être établi avec le préjudice constaté pour l’industrie de l’Union dans son ensemble. À ce sujet, elles soulignent que les ventes de l’industrie de l’Union présentaient, par rapport aux importations faisant l’objet d’un dumping, des différences appréciables en fonction des produits (en fonte ductile ou en fonte grise) et des États membres.

409 À cet égard, il convient de relever que, comme cela a été indiqué au point 290 ci-dessus, la Commission est autorisée par le règlement de base à fonder son enquête, dans les affaires de taille importante, sur un nombre de parties déterminé en ayant recours à une méthode d’échantillonnage prévue à l’article 17 dudit règlement, sans que cette possibilité ou les méthodes prévues dans cette disposition aient été mises en cause, en l’espèce, par les requérantes, dans le cadre d’une exception d’illégalité.

410 Dans le cas d’espèce, la Commission a utilisé, au titre de cet échantillonnage, comme cela est indiqué au point 296 ci-dessus, la seconde méthode visée dans cette disposition, à savoir une sélection fondée sur les volumes « les plus élevés » (production et ventes).

411 Dès lors, il convient de considérer, en application du règlement de base, que l’analyse effectuée par la Commission a été fondée sur des données devant être considérées comme étant représentatives, avec pour conséquence que, dès lors qu’elle est constatée pour les ventes des producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon, la sous-cotation des prix doit être tenue comme représentative pour toute l’industrie de l’Union.

412 Ainsi, la première objection des requérantes concernant l’existence d’une sous-cotation pour 26,9 % des ventes de l’Union seulement, laquelle revient, en substance, à remettre en cause la possibilité pour la Commission de se fonder sur des échantillons représentatifs, doit être rejetée.

413 S’agissant de la seconde objection formulée par les requérantes, ces dernières soulignent, dans leur réponse aux questions écrites posées par le Tribunal, que les ventes correspondant aux 37,4 % non pris en compte n’étaient pas comparables aux importations des producteurs-exportateurs chinois retenus dans l’échantillon et, par définition, n’étaient pas sous-cotées.

414 Au soutien de leur argumentation, les requérantes renvoient à l’arrêt du 24 septembre 2019, Hubei Xinyegang Special Tube/Commission (T‑500/17, non publié, sous pourvoi, EU:T:2019:691), annulant un règlement antidumping de la Commission au motif, notamment, que, dans son analyse, cette institution n’avait pas tenu compte de 8 % du volume des ventes des producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon aux fins de l’examen de la sous-cotation des prix, car il n’existait pas de type de produit importé correspondant.

415 Selon les requérantes, la même conclusion s’impose en l’espèce, au regard des similarités existant entre les deux affaires, d’autant que le pourcentage négligé par la Commission serait ici plus important (environ 37 %) que celui identifié dans ce précédent (8 %). Dans les deux affaires, l’ensemble de données utilisé par la Commission pour déterminer les prix de vente unitaire moyens et la rentabilité des ventes dans l’Union à des acheteurs indépendants serait fondé sur l’ensemble des types de produits vendus par les producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon. De la même manière, la Commission aurait établi un lien spécifique, dans les deux dossiers, entre l’analyse de la sous-cotation des prix des importations faisant l’objet d’un dumping et l’évolution des prix de l’industrie de l’Union. Toujours dans la même ligne, la Commission aurait identifié une relation, dans les deux cas, entre, d’une part, la baisse des prix de l’industrie de l’Union et, d’autre part, la détérioration de la rentabilité de ladite industrie ainsi que de celle de ses parts de marché. Enfin, la Commission aurait, en l’espèce, comme dans cette précédente affaire, omis de fournir une motivation spécifique permettant d’exclure que les produits non pris en compte aient pu participer, pour une part non négligeable, à la baisse des prix des producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon.

416 À cet égard, il convient de rappeler que, dans l’arrêt du 24 septembre 2019, Hubei Xinyegang Special Tube/Commission (T‑500/17, non publié, sous pourvoi, EU:T:2019:691), invoqué par les requérantes, le Tribunal s’est prononcé dans un contexte dans lequel la Commission avait elle-même relevé l’existence de segments distincts au sein de l’ensemble constitué par les produits visés par l’enquête. Dans ce contexte, le Tribunal a constaté que l’analyse de la sous-cotation des prix avait été effectuée par la Commission sans faire de distinction entre les segments pourtant identifiés par elle. Par ailleurs, il a considéré que, dans son analyse, cette institution n’avait pas tenu compte de certains types de produits vendus par les producteurs de l’Union échantillonnés, pour lesquels il n’existait pas de type de produit importé correspondant. Dans ce cadre spécifique, il a jugé, au point 74 dudit arrêt, que, « à défaut d’une motivation spécifique à cet égard dans le règlement attaqué, il ne saurait être exclu que les 17 types de produits en question, représentant 8 % du volume des ventes desdits producteurs et peut-être davantage en termes de valeur compte tenu de la variation des prix entre segments, aient participé, pour une part non négligeable, à la baisse des prix des producteurs de l’Union échantillonnés ».

417 Cette situation est différente de celle rencontrée en l’espèce, dans laquelle la Commission n’a pas constaté l’existence de différents segments sur le marché du produit concerné et a amplement expliqué la position qu’elle adoptait sur ce point sans que les requérantes aient pu apporter d’éléments permettant d’invalider ou de mettre en doute cette appréciation.

418 Les requérantes considèrent que leur seconde objection est également soutenue par les conclusions rendues par l’organe d’appel de l’OMC dans le différend « Chine – Mesures imposant des droits antidumping sur les tubes, sans soudure, en acier inoxydable haute performance “HP-SSST” en provenance du Japon » (WT/DS 454/AB/R et WT/DS 460/AB/R, rapport du 14 octobre 2015).

419 À cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, les interprétations de l’accord sur la mise en œuvre de l’article VI du GATT (JO 1994, L 336, p. 103, ci-après l’« accord antidumping »), figurant à l’annexe 1 A de l’accord instituant l’Organisation mondiale du commerce (OMC) (JO 1994, L 336, p. 3), adoptées par cet organe, ne sont pas susceptibles de lier le Tribunal dans son appréciation de la validité du règlement attaqué (voir, en ce sens, arrêt du 1er mars 2005, Van Parys, C‑377/02, EU:C:2005:121, point 54).

420 Au demeurant, il convient de relever que, dans le rapport mentionné au point 418 ci-dessus, l’organe d’appel de l’OMC a indiqué que l’autorité d’enquête, afin d’évaluer objectivement l’effet des importations faisant l’objet d’un dumping sur les prix intérieurs, devait adopter une évaluation dynamique de l’évolution et des tendances des prix dans la relation entre, d’une part, les prix des importations faisant l’objet d’un dumping et, d’autre part, ceux du produit national similaire pendant la durée de la période couverte par l’enquête, en tenant compte de tous les éléments de preuve pertinents, y compris, dans les cas où cela serait approprié, la part de marché relative de chaque type de produit.

421 Cependant, cette affirmation doit être replacée dans son contexte. Dans cette affaire, il avait été établi que les produits en cause, à savoir les tubes, sans soudure, en acier inoxydable haute performance (HP-SSST), devaient être distingués en différents segments sur le marché, correspondant à différentes gammes de produits dont la substituabilité n’avait pas été établie. En outre, durant l’enquête, l’autorité d’enquête chinoise avait observé que, pendant la période couverte par l’enquête, les importations faisant l’objet d’un dumping et les ventes intérieures se concentraient sur des segments différents du marché des HP-SSST. En effet, alors que la majorité de la production nationale chinoise de HP-SSST correspondait à des produits de qualité A, la part de marché détenue par les importations de produits de qualité A faisant l’objet d’un dumping avait été de 1,45 % en 2008 et de 0 % après cette date.

422 C’est dans ce contexte spécifique que l’organe d’appel de l’OMC a estimé que l’autorité d’enquête chinoise ne pouvait se contenter, comme elle l’avait fait, de constater l’existence d’une sous-cotation des prix pour les produits de qualité B et C importés, mais qu’elle devait également tenir compte de la part de marché relative de chaque produit, A, B et C.

423 La situation est différente en l’espèce dès lors que, bien que divisé en codes NCP par la Commission pour les besoins de la comparaison, le produit concerné englobe une variété de types de produits qui demeurent interchangeables.

424 Cette méthode a d’ailleurs été validée par l’organe d’appel de l’OMC dans son rapport cité au point 418 ci-dessus, dès lors que, au point 5.180, il a indiqué que l’autorité chargée de l’enquête n’était pas tenue, au titre de l’article 3.2 de l’accord antidumping, d’établir l’existence d’une sous-cotation pour chacun des types de produits visés par l’enquête ou en ce qui concernait toute la gamme des marchandises constituant le produit national similaire.

425 Dans ces conditions, il convient de considérer que l’existence d’une marge de sous-cotation s’établissant dans une fourchette de 31,6 à 39,2 %, portant sur 62,6 % des ventes des producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon, apparaît suffisante, en l’espèce, pour conclure à l’existence d’une sous-cotation notable du prix par rapport au prix d’un produit similaire de l’industrie de l’Union au sens de l’article 3, paragraphe 3, du règlement de base.

426 Compte tenu des considérations qui précèdent, il convient de rejeter le second grief et, partant, l’ensemble de la troisième branche du deuxième moyen.

427 L’ensemble des arguments présentés dans le cadre du deuxième moyen ayant été rejetés, ce moyen doit être rejeté.

Sur le troisième moyen, relatif au refus de communiquer certaines informations

428 Dans le troisième moyen, les requérantes reprochent à la Commission d’avoir refusé de leur communiquer des informations utiles à la détermination du dumping et du préjudice. Ce reproche est également formulé dans le cadre de la sixième branche du premier moyen.

–  Sur la recevabilité du troisième moyen

429 Selon la Commission, le troisième moyen doit être déclaré irrecevable à l’égard de toutes les requérantes. D’une part, n’étant pas une partie intéressée au sens du règlement de base, la CCCME ne pourrait invoquer une violation de droits procéduraux découlant dudit règlement. D’autre part, n’ayant pas participé à l’enquête en soumettant des observations et en demandant l’accès au dossier non confidentiel, les membres de la CCCME et les autres personnes morales dont les noms figurent en annexe I ne pourraient invoquer une violation de droits procéduraux se rapportant à la non-communication d’informations à leur égard.

430 Pour examiner cette fin de non-recevoir, il convient de distinguer trois cas de figure, qui dépendent de l’identité de l’entité ou de l’entreprise articulant le moyen.

431 Ainsi, le premier cas de figure à examiner est celui dans lequel l’argument est formulé par la CCCME agissant en son nom propre.

432 À cet égard, il convient de relever que la CCCME, dans la mesure où elle a participé à l’enquête et a demandé à pouvoir disposer pour elle-même des informations qui sont visées dans le troisième moyen, dispose de droits procéduraux dont elle peut chercher la protection dans le cadre du présent recours.

433 Dans ces conditions, le troisième moyen est déclaré recevable pour autant qu’il est invoqué par la CCCME agissant en son nom propre.

434 Le deuxième cas de figure à examiner est celui dans lequel le moyen est formulé par les membres de la CCCME et les autres personnes morales dont les noms figurent en annexe I, lesquels mettent en cause le règlement attaqué au motif que ne leur auraient pas été communiquées des informations essentielles à la défense de leurs intérêts.

435 À cet égard, il convient de relever que ces deux catégories sont composées d’entreprises n’ayant pas établi avoir participé à l’enquête ou formulé des demandes visant à se voir communiquer les informations en cause.

436 Or, il ressort du règlement de base et notamment de son article 5, paragraphe 10, que, les institutions étant dans l’incapacité d’identifier toutes les entreprises susceptibles d’être intéressées par une procédure antidumping et de déterminer ainsi à qui devraient être communiquées les informations dont la divulgation est autorisée, il revient aux parties intéressées de se faire connaître et d’indiquer leur intérêt à être informées et à participer à l’enquête.

437 Comme l’indique la jurisprudence, ces parties doivent mettre les institutions en mesure d’apprécier les problèmes que peut leur poser l’absence d’un élément dans les informations qui ont été mises à leur disposition, étant entendu qu’elles ne peuvent se plaindre, devant le juge de l’Union, de ce qu’une information n’a pas été mise à leur disposition si, au cours de l’enquête, elles n’ont formulé auprès des institutions aucune demande la concernant (voir arrêt du 30 juin 2016, Jinan Meide Casting/Conseil, T‑424/13, EU:T:2016:378, point 93 et jurisprudence citée).

438 En conséquence, le troisième moyen ne saurait être considéré comme recevable à l’égard des membres de la CCCME et des autres personnes morales dont les noms figurent en annexe I pour autant que ces entreprises visent à obtenir l’annulation du règlement attaqué au motif que ne leur auraient pas été communiquées des informations qui auraient dû l’être.

439 Enfin, le troisième et dernier cas de figure à envisager est celui dans lequel le moyen est soulevé par les membres de la CCCME et les autres personnes morales dont les noms figurent en annexe I en faisant valoir que les droits de la défense n’auraient pas été respectés à l’égard de la CCCME.

440 À cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, la violation des droits de la défense constitue une illégalité subjective par nature (voir, en ce sens, arrêt du 26 octobre 2010, CNOP et CCG/Commission, T‑23/09, EU:T:2010:452, point 45), ce qui a pour conséquence qu’elle doit être invoquée par la personne concernée elle-même sans pouvoir l’être par une autre partie (voir, en ce sens, arrêt du 1er juillet 2010, ThyssenKrupp Acciai Speciali Terni/Commission, T‑62/08, EU:T:2010:268, point 186).

441 Ainsi, il convient de considérer que, en application de cette jurisprudence, les autres personnes morales dont les noms figurent en annexe I ne peuvent invoquer devant le juge de l’Union une violation des droits procéduraux qui ont été accordés durant l’enquête à la CCCME.

442 Selon les requérantes, le droit de l’Union permet toutefois aux membres d’une association d’invoquer une violation des droits procéduraux exercés par celle-ci si ladite association a agi en leur nom devant la Commission durant l’enquête, étant entendu que, dans un tel cas, ce qu’ils demandent, en définitive, c’est la protection de leurs propres droits, qui auraient été exercés en leur nom par l’association au cours de cette phase administrative.

443 À cet égard, il convient de relever que la possibilité pour une association d’exercer les droits procéduraux de certains de ses membres durant la procédure antidumping a été admise par la jurisprudence (voir, en ce sens, arrêt du 19 septembre 2019, Zhejiang Jndia Pipeline Industry/Commission, T‑228/17, EU:T:2019:619, point 36).

444 Toutefois, cette possibilité a été soumise par cette même jurisprudence à la condition qu’ait été manifestée, durant l’enquête, par l’entité, l’intention d’agir en qualité de représentante de certains de ses membres, ce qui suppose que ces derniers aient alors été identifiés et qu’elle soit en mesure d’établir avoir reçu de leur part le mandat lui permettant d’exercer ces droits procéduraux en leur nom.

445 Or, il ressort du dossier que, en l’espèce, la CCCME ne s’est pas présentée comme telle à la Commission durant l’enquête, mais qu’elle a agi, au contraire, tout au long de celle-ci, comme une entité représentant l’industrie chinoise considérée dans sa globalité.

446 Dans les observations qu’elle a déposées, le 15 septembre 2017, sur le règlement provisoire, la CCCME a ainsi relevé ce qui suit :

« L’intérêt de la CCCME correspond à l’intérêt de l’industrie chinoise de la fonte dans son ensemble. Cet intérêt peut, et cela sera souvent le cas, coïncider avec les intérêts des différents producteurs-exportateurs chinois du produit concerné, mais il est distinct et va au-delà de ces intérêts individuels. En particulier, les membres de la CCCME sont non seulement les producteurs-exportateurs chinois retenus dans l’échantillon, mais aussi des producteurs-exportateurs chinois qui n’ont pas été retenus dans l’échantillon et qui seront dès lors soumis au taux applicable aux “autres sociétés ayant coopéré énumérées dans l’Annexe” ou à “toutes les autres sociétés”. Ses membres incluent également des sociétés qui, à ce stade, n’exportent pas le produit concerné vers l’Union européenne (“UE”) mais qui pourraient envisager de le faire à l’avenir. La participation de la CCCME à la présente enquête vise à préserver l’intérêt collectif de ses membres et de l’industrie chinoise (exportatrice) de la fonte, par opposition aux intérêts individuels de ses membres. Ces intérêts individuels seront revendiqués par les différents producteurs (exportateurs) chinois eux-mêmes, dont certains participent individuellement à la présente procédure. »

447 Dans ces conditions, il ne saurait être considéré que sont remplies les exigences prévues par la jurisprudence pour permettre aux membres de l’association d’agir en protection de droits procéduraux qui auraient été exercés par la CCCME durant la phase administrative.

448 À l’audience, les requérantes ont proposé de produire les mandats qu’auraient donnés les membres de la CCCME pour permettre et demander à celle-ci de revendiquer en leur nom les droits procéduraux auxquels ils pouvaient prétendre.

449 Il convient toutefois de considérer cette offre de preuve comme étant inopérante à ce stade de la procédure, car c’est durant l’enquête que ces mandats, s’ils existaient, auraient dû être présentés pour permettre à la Commission d’accorder aux entreprises concernées les droits procéduraux qu’elles pouvaient réclamer.

450 Eu égard aux éléments qui précèdent, le Tribunal considère que le troisième moyen peut être soulevé par la CCCME agissant en son nom propre comme association représentant l’ensemble de l’industrie chinoise, en écartant comme étant irrecevables les arguments formulés dans le cadre de ce moyen par les membres de la CCCME et par les autres personnes morales dont les noms figurent en annexe I.

–  Sur l’articulation entre les droits de la défense et l’obligation de confidentialité

451 Sur le fond, il convient de relever que, conformément à la jurisprudence, le respect des droits de la défense dans toute procédure ouverte à l’encontre d’une personne et susceptible d’aboutir à un acte faisant grief constitue un principe fondamental du droit de l’Union qui doit être assuré, même en l’absence de toute réglementation concernant la procédure (voir arrêt du 1er octobre 2009, Foshan Shunde Yongjian Housewares & Hardware/Conseil, C‑141/08 P, EU:C:2009:598, point 83 et jurisprudence citée).

452 Selon la Cour, ce principe revêt une importance capitale dans les procédures d’enquêtes antidumping (voir arrêt du 16 février 2012, Conseil et Commission/Interpipe Niko Tube et Interpipe NTRP, C‑191/09 P et C‑200/09 P, EU:C:2012:78, point 77 et jurisprudence citée).

453 En vertu dudit principe, les entreprises intéressées doivent avoir été mises en mesure, au cours de la procédure administrative, de faire connaître utilement leur point de vue, d’une part, sur la réalité et la pertinence des faits et des circonstances allégués et, d’autre part, sur les éléments de preuve retenus par la Commission à l’appui de son allégation quant à l’existence d’une pratique de dumping et au préjudice qui en résulterait (voir arrêt du 16 février 2012, Conseil et Commission/Interpipe Niko Tube et Interpipe NTRP, C‑191/09 P et C‑200/09 P, EU:C:2012:78, point 76 et jurisprudence citée).

454 Dans ce cadre, les institutions de l’Union doivent agir avec diligence en cherchant à donner aux entreprises concernées les indications utiles à la défense de leurs intérêts tout en disposant d’une certaine liberté pour choisir, le cas échéant d’office, les modalités leur semblant appropriées en vue d’une telle communication (arrêts du 27 juin 1991, Al-Jubail Fertilizer/Conseil, C‑49/88, EU:C:1991:276, point 17, et du 3 octobre 2000, Industrie des poudres sphériques/Conseil, C‑458/98 P, EU:C:2000:531, point 99 ; voir également, en ce sens, arrêt du 20 mars 1985, Timex/Conseil et Commission, 264/82, EU:C:1985:119, point 30).

455 Ces principes sont mis en œuvre dans le règlement de base, qui prévoit un système de garanties poursuivant deux objectifs, à savoir, d’une part, permettre aux parties intéressées de défendre utilement leurs intérêts et, d’autre part, préserver la confidentialité des informations recueillies au cours de l’enquête (arrêt du 30 juin 2016, Jinan Meide Casting/Conseil, T‑424/13, EU:T:2016:378, point 96).

456 Les règles relatives à ces deux objectifs sont examinées dans les points suivants.

457 S’agissant du premier objectif, les garanties procédurales assurant le droit à l’information des parties intéressées sont définies, tout d’abord, à l’article 6, paragraphe 7, et, ensuite, à l’article 20 du règlement de base (arrêt du 30 juin 2016, Jinan Meide Casting/Conseil, T‑424/13, EU:T:2016:378, point 97).

458 Ainsi, l’article 6, paragraphe 7, du règlement de base prévoit que, sur demande écrite, les parties intéressées, y compris les exportateurs et leurs associations représentatives, peuvent prendre connaissance de tous les renseignements fournis par toute partie concernée par l’enquête, mis à part les documents internes établis par les autorités de l’Union ou celles des États membres, pour autant que ces renseignements soient pertinents pour la défense de leurs intérêts, qu’ils ne soient pas confidentiels et qu’ils soient utilisés dans l’enquête (arrêt du 30 juin 2016, Jinan Meide Casting/Conseil, T‑424/13, EU:T:2016:378, point 98).

459 De son côté, l’article 20 du règlement de base identifie deux moments pour la communication aux parties intéressées, y compris les exportateurs et leurs associations représentatives, d’une information spécifique sur les faits et les considérations essentiels sur lesquels les mesures antidumping sont susceptibles d’être fondées, à savoir, d’une part, après l’institution des mesures provisoires et, d’autre part, avant l’institution des mesures définitives (arrêt du 30 juin 2016, Jinan Meide Casting/Conseil, T‑424/13, EU:T:2016:378, point 99).

460 S’agissant du second objectif, le règlement de base établit les règles à suivre pour respecter la confidentialité des informations recueillies au cours de l’enquête (voir, en ce sens, arrêt du 30 juin 2016, Jinan Meide Casting/Conseil, T‑424/13, EU:T:2016:378, point 103).

461 Dans ce cadre, l’article 19, paragraphe 1, du règlement de base pose le principe selon lequel les informations confidentielles doivent être traitées comme telles par les autorités.

462 Ces informations sont celles ayant un caractère confidentiel par nature ou parce qu’elles ont été désignées comme telles par les personnes ou les entités les ayant fournies. Relèvent de la première catégorie les informations dont la divulgation avantagerait de façon notable un concurrent ou aurait un effet défavorable notable pour la personne qui a fourni l’information ou pour celle auprès de qui elle l’a obtenue. S’agissant de la seconde catégorie, l’article 19, paragraphe 5, première phrase, du règlement de base interdit à la Commission, aux États membres et à leurs agents de révéler toute information fournie par une personne ou entité ayant demandé qu’elle soit traitée de manière confidentielle sans l’autorisation spécifique de cette dernière.

463 Selon l’article 19, paragraphe 5, seconde phrase, du règlement de base, l’interdiction de divulgation s’applique aussi aux informations échangées entre la Commission et les États membres et aux documents internes des institutions et des États membres, les seules exceptions autorisées étant celles expressément prévues dans le règlement de base.

464 Les deux objectifs poursuivis dans la réglementation étant ainsi présentés, il convient de relever que le droit de l’Union comporte des indications sur la façon dont ils peuvent être articulés (voir, en ce sens, arrêt du 30 juin 2016, Jinan Meide Casting/Conseil, T‑424/13, EU:T:2016:378, point 105).

465 Certaines dispositions figurant dans le règlement de base soulignent l’importance qui est attachée à la confidentialité. Ainsi, l’article 6, paragraphe 7, dudit règlement, rappelé au point 458 ci-dessus, indique que le caractère confidentiel d’un renseignement fourni par une partie concernée par l’enquête s’oppose à ce que les parties intéressées en prennent connaissance. Par ailleurs, l’article 20, paragraphe 4, de ce règlement prévoit que l’information finale doit être donnée « compte tenu de la nécessité de protéger les informations confidentielles » (voir, en ce sens, arrêt du 30 juin 2016, Jinan Meide Casting/Conseil, T‑424/13, EU:T:2016:378, point 105).

466 Dans l’autre sens, la jurisprudence précise que l’impératif tenant au respect des informations confidentielles ne peut vider de leur contenu essentiel les droits de la défense (voir, en ce sens, arrêt du 20 mars 1985, Timex/Conseil et Commission, 264/82, EU:C:1985:119, point 29).

467 Pour articuler les deux objectifs, l’article 19, paragraphe 2, du règlement de base précise que, lorsque des informations confidentielles sont communiquées, un résumé non confidentiel doit être fourni par la partie demandant la confidentialité, ce résumé devant être suffisamment détaillé pour permettre aux parties intéressées de comprendre raisonnablement la substance des informations communiquées.

468 Dans le même but de respecter les droits de la défense quand la confidentialité s’oppose à la divulgation des informations, l’article 19, paragraphe 4, du règlement de base charge les institutions de divulguer des informations générales, notamment les motifs sur lesquels les décisions prises dans le cadre du règlement de base sont fondées.

469 C’est à la lumière de ces principes et dispositions qu’il convient de vérifier si la CCCME a été mise en mesure de faire connaître utilement son point de vue sur la réalité et la pertinence des faits et des circonstances allégués et sur les éléments de preuve retenus par la Commission, étant entendu que, lorsqu’il leur faut concilier les impératifs de confidentialité et le droit à l’information pour les parties intéressées, les institutions concernées doivent apprécier, au regard de ces informations, la situation particulière de la partie intéressée et, notamment, la position que cette partie intéressée occupe sur le marché considéré par rapport à celle de la personne ayant fourni ces informations (voir, en ce sens, arrêt du 30 juin 2016, Jinan Meide Casting/Conseil, T‑424/13, EU:T:2016:378, point 199).

470 Dans cet examen, les trois branches composant le moyen seront examinées successivement.

–  Sur la première branche du troisième moyen, relative à la demande de communication des calculs effectués par la Commission

471 Dans la première branche, la CCCME reproche à la Commission de ne pas lui avoir fourni le détail des calculs de la valeur normale, des marges de dumping, des effets des importations chinoises sur les prix, du préjudice et du niveau d’élimination du préjudice. Selon la CCCME, le fait de disposer des calculs détaillés de la Commission et des données utilisées pour ces calculs est de nature à permettre aux parties intéressées de fournir des observations plus utiles pour leur défense. En effet, ces parties peuvent alors vérifier précisément la manière dont la Commission a utilisé ces données et les comparer à leurs propres calculs, ce qui leur permet d’identifier d’éventuelles erreurs de la part de la Commission qui seraient autrement indétectables.

472 La Commission ne conteste pas que les calculs sollicités par la CCCME puissent constituer des faits et des considérations essentiels au sens de l’article 20, paragraphe 2, du règlement de base pour des parties intéressées telles que les producteurs-exportateurs, qui risquent d’être soumis aux mesures antidumping en cause. Toutefois, elle estime que la CCCME ne peut être considérée comme une partie intéressée au sens du règlement de base, dès lors que cette entité n’est pas elle-même active en tant que producteur ou négociant du produit concerné. Selon la Commission, l’obligation de fournir des informations est moins étendue pour les associations représentatives que pour les parties intéressées, notamment les producteurs-exportateurs.

473 À cet égard, il convient d’abord de déterminer si les calculs auxquels la CCCME a demandé l’accès contiennent des informations confidentielles au sens de l’article 19, paragraphe 1, du règlement de base comme le lui a objecté la Commission durant l’enquête.

474 S’agissant des calculs de la valeur normale, la Commission a expliqué, dans le règlement attaqué, que des méthodes de calcul différentes avaient été utilisées selon le cas de figure envisagé. Ainsi, le premier cas de figure retenu est celui dans lequel le type de produit exporté était identique ou comparable à un type de produit fabriqué sur le marché indien, étant relevé que la République de l’Inde a été choisie comme pays tiers à économie de marché servant de référence pour calculer la valeur normale. Dans ce cas, des méthodes différentes ont été appliquées selon que le type de produit concerné était vendu dans des quantités représentatives ou non sur le marché indien. En effet, lorsque le type de produit vendu l’était dans des quantités représentatives sur le marché indien, ce qui concernait concrètement un type de produit vendu par un producteur indien, la Commission a utilisé les prix de vente pratiqués au cours d’opérations commerciales normales. Lorsque le type de produit en cause n’était pas vendu dans des quantités représentatives sur le marché indien, ce qui concernait tous les autres types de produits identiques ou comparables aux types de produits exportés, la Commission a encore distingué selon que le type de produit était vendu « en quantité suffisante » par au moins un producteur indien, auquel cas elle a utilisé les prix de vente pratiqués au cours d’opérations commerciales normales (ci-après la « deuxième méthode »), ou selon que le type de produit n’était pas vendu, mais produit par au moins un producteur indien, auquel cas elle a construit la valeur normale sur la base des coûts de fabrication, majorés des frais VAG et des profits liés aux ventes intérieures effectuées au cours d’opérations commerciales normales par ce producteur indien (ci-après la « troisième méthode »). Le second cas de figure est celui dans lequel le type de produit exporté n’était pas identique ou comparable à un type de produit fabriqué sur le marché indien. Dans ce cas, la Commission a utilisé une valeur normale fondée sur les ventes de tous les types de produits utilisant la même matière première (fonte ductile ou grise) effectuées par les producteurs indiens sur le marché domestique dans le cadre d’opérations commerciales normales.

475 À la lumière de ces explications, il y a lieu de constater que les calculs de la valeur normale auxquels la CCCME a sollicité l’accès portent sur les prix de vente ainsi que sur les coûts de fabrication, les frais VAG et les profits des producteurs indiens, ventilés par type de produit.

476 Or, des éléments tels que les coûts de fabrication, les frais VAG ou les profits revêtent, en l’espèce, un caractère confidentiel par nature au sens de l’article 19, paragraphe 1, du règlement de base, dès lors que, comme cela est indiqué dans cette disposition, la connaissance de ces éléments par des tiers pourrait, dans la conduite des affaires, avantager de façon notable un concurrent ou avoir un effet défavorable notable pour la personne ayant fourni l’information (voir point 462 ci-dessus).

477 En tout état de cause, il convient de constater que, ayant été inclus dans la version restreinte du questionnaire remis à la Commission, ces éléments ont, comme les prix, été communiqués par les parties à l’enquête à titre confidentiel, entraînant l’obligation, pour les autorités ayant connaissance de ces informations, de respecter cette confidentialité sous peine de violer l’article 19, paragraphes 1 et 5, du règlement de base (voir point 462 ci-dessus).

478 La même constatation s’impose pour les autres calculs sollicités par la CCCME.

479 Ainsi, les calculs des marges de dumping, dès lors qu’ils consistent en une comparaison de la valeur normale et des prix à l’exportation des producteurs-exportateurs chinois retenus dans l’échantillon, portent sur les données de nature confidentielle des producteurs indiens et des producteurs-exportateurs chinois dont les prix sont comparés.

480 De même, les calculs du préjudice, y compris, dans ce cadre, le calcul des effets des importations chinoises sur les prix, comprennent des données à caractère confidentiel. D’une part, les calculs de la sous-cotation, qui permet d’apprécier l’effet des importations sur les prix des produits sur le marché de l’Union, résultent d’une comparaison entre les prix à l’exportation des producteurs-exportateurs chinois retenus dans l’échantillon et les prix de modèles ou de produits similaires de producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon. D’autre part, le préjudice causé à l’industrie de l’Union est évalué en tenant compte de l’incidence des importations sur l’industrie de l’Union. À ce titre, les données de nature confidentielle de l’industrie de l’Union, à savoir les données des producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon relatives aux prix et aux facteurs affectant les prix, aux coûts de la main-d’œuvre, aux stocks, à la rentabilité, aux flux de liquidités, aux investissements, au rendement des investissements et à l’aptitude à mobiliser des capitaux, sont recueillies et analysées pour ce qui concerne les indicateurs microéconomiques évalués par la Commission. Il en est de même pour les données des producteurs de l’industrie de l’Union relatives à la production, aux capacités de production, à l’utilisation des capacités, au volume des ventes, à la part de marché, à la croissance, à l’emploi et à la productivité, pour ce qui concerne les indicateurs macroéconomiques évalués par la Commission.

481 Enfin, toujours dans le même sens, les calculs du niveau d’élimination du préjudice portent également sur des données à caractère confidentiel, en ce qu’ils résultent, quant à eux, d’une comparaison entre les prix à l’exportation et les prix non préjudiciables correspondants pratiqués par l’industrie de l’Union.

482 Ainsi, il ressort de l’analyse menée ci-dessus que l’ensemble des calculs demandés par la CCCME présentent un caractère confidentiel de nature à mériter une protection.

483 Toutefois, il convient de rappeler que, lorsque des informations ne peuvent être communiquées en raison de leur caractère confidentiel, l’article 19, paragraphes 2 à 4, du règlement de base, d’une part, contraint les parties concernées à fournir un résumé non confidentiel de ces informations chaque fois que cela est possible et, d’autre part, oblige la Commission à divulguer des informations générales, notamment les motifs sur lesquels les décisions prises dans le cadre du règlement de base sont fondées.

484 Il y a donc lieu de déterminer si, au vu des informations qui lui ont été communiquées, la CCCME a été mise en mesure, comme le requiert la jurisprudence, de fournir des indications utiles à sa défense.

485 Dans cet examen, il convient de tenir compte de deux aspects, à savoir, d’une part, des informations dont disposait concrètement la CCCME et, d’autre part, de la qualité que cette dernière avait durant l’enquête (voir jurisprudence rappelée au point 469 ci-dessus). Ces aspects sont examinés ci-après.

486 Sur le premier de ces aspects, il convient de relever que, s’agissant des calculs de la valeur normale, afin de protéger les informations commercialement sensibles des producteurs indiens ayant coopéré, mais également des producteurs-exportateurs chinois retenus dans l’échantillon, la Commission a communiqué à la CCCME une description de la méthode de calcul de la valeur normale appliquée selon les cas de figure mentionnés au point 474 ci-dessus et certaines indications concernant le résultat de ces calculs. Ainsi la Commission l’a informée que ce résultat se situait dans une fourchette comprise entre 3000 à 4000 yuan renminbis (CNY) et 8000 à 9000 CNY selon le type de produit. À la suite d’une demande de la CCCME, la Commission a également indiqué, au point 61 de ses conclusions finales et au considérant 67 du règlement attaqué, que la somme des frais VAG et des bénéfices qui avaient été ajoutés dans le cadre de la troisième méthode était comprise entre 1 et 10 % du chiffre d’affaires pour les produits en fonte grise et entre 10 et 20 % du chiffre d’affaires pour les produits en fonte ductile.

487 Pour les calculs de la marge de dumping, la CCCME a eu connaissance de la méthodologie utilisée par la Commission, à savoir, comme cela est indiqué au considérant 92 du règlement provisoire, que cette dernière a calculé la marge de dumping des producteurs-exportateurs retenus dans l’échantillon en comparant la valeur normale moyenne pondérée de chaque type de produit similaire établie pour le pays analogue avec le prix à l’exportation moyen pondéré du type de produit concerné correspondant. La Commission a ainsi obtenu une marge de dumping par type de produit. Elle a ensuite calculé la marge de dumping par producteur-exportateur retenu dans l’échantillon en fonction des types de produits vendus par lui. La CCCME a été informée du fait que le résultat de ces calculs faisait apparaître des marges de dumping s’échelonnant entre 15,5 et 38,1 %.

488 Pour les calculs de la sous-cotation, la CCCME a, comme cela est indiqué aux considérants 127 et 128 du règlement provisoire, été informée du fait que la Commission avait déterminé la sous-cotation des prix pendant la période d’enquête en comparant les prix de vente moyens pondérés par type de produit facturés par les trois producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon à des acheteurs indépendants sur le marché de l’Union, ajustés au « niveau départ usine », et les prix moyens pondérés correspondants par type de produit, facturés à l’importation au premier acheteur indépendant sur le marché de l’Union par les cinq producteurs-exportateurs de la République populaire de Chine retenus dans l’échantillon, établis sur une base de prix « coût, assurance, fret » (CAF) et dûment ajustés pour tenir compte des droits de douane de 1,7 % pour les produits en fonte grise et de 2,7 % pour les produits en fonte ductile. La Commission a ajouté que la comparaison des prix avait été effectuée type par type, sur des opérations effectuées au même stade commercial, après application des ajustements nécessaires et déduction des rabais et des remises. Le résultat de cette comparaison a été exprimé en pourcentage du chiffre d’affaires réalisé au cours de la période d’enquête par les trois producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon et a révélé des marges de sous-cotation s’échelonnant entre 35,4 et 42,7 %, lesquelles ont été ajustées, par la suite, comme cela est indiqué au considérant 122 du règlement attaqué.

489 Pour les calculs sous-tendant l’examen des indicateurs microéconomiques et macroéconomiques, permettant d’apprécier le préjudice causé à l’industrie de l’Union, la CCCME a obtenu les chiffres globaux par indicateur et par année, repris aux considérants 137 à 166 du règlement provisoire.

490 Enfin, pour ce qui concerne le calcul du niveau d’élimination du préjudice, la CCCME a été informée du fait que, afin d’établir le bénéfice qui pourrait être raisonnablement atteint, dans des conditions normales de concurrence, par l’industrie de l’Union, la Commission avait examiné les bénéfices obtenus sur les ventes à des acheteurs indépendants. Le bénéfice cible a été provisoirement fixé à 5,3 %, un taux conforme aux bénéfices générés en 2013 par les ventes à des acheteurs indépendants. La Commission a précisé, à cet égard, que, comme les importations faisant l’objet d’un dumping avaient fortement augmenté en 2014, avant de se stabiliser, elle avait considéré que le niveau de bénéfice de 2013 était représentatif de celui qui aurait pu être raisonnablement atteint dans des conditions normales de concurrence, c’est-à-dire en l’absence d’importations faisant l’objet d’un dumping. La Commission a ensuite déterminé le niveau d’élimination du préjudice sur la base d’une comparaison entre le prix moyen pondéré des importations provenant des producteurs-exportateurs chinois retenus dans l’échantillon, dûment ajusté pour tenir compte des coûts d’importation et des droits de douane, tel qu’il avait été établi pour le calcul de la sous-cotation des prix, et le prix non préjudiciable moyen pondéré du produit similaire vendu sur le marché de l’Union au cours de la période d’enquête par les producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon. La différence éventuelle résultant de cette comparaison a été exprimée en pourcentage de la valeur moyenne pondérée CAF à l’importation. Le résultat de ces calculs a donné un pourcentage compris entre 70,7 et 80,7 %.

491 Sur le second aspect à prendre en compte pour déterminer si la CCCME s’est vu communiquer les informations dont elle avait besoin pour exercer ses droits de la défense, il convient de rappeler que cette entité n’est pas un producteur-exportateur retenu dans l’échantillon. Ainsi, elle ne se trouve pas dans la situation des opérateurs dont les données individualisées, qu’ils ont eux-mêmes communiquées à la Commission, ont été utilisées par cette institution dans ses calculs, afin de procéder aux constatations requises par le règlement de base. Or, c’est à ces opérateurs que la Commission fournit les calculs effectués, chacun pour ce qui le concerne, dont une partie se rapporte aux données qui leur sont propres et qui ne posent pas de problème de confidentialité à leur égard et dont l’autre partie se rapporte aux données de nature confidentielle des producteurs indiens ou de l’Union. Dans la situation qui est la leur, ces explications leur permettent de comprendre, avec les explications fournies par la Commission, les droits qui leur sont imposés, ces explications devant être les plus détaillées et précises possible, afin de leur permettre de contester, le cas échéant, les choix opérés par la Commission.

492 Comme cela a été indiqué au point 58 ci-dessus, la CCCME bénéficiait, durant l’enquête, du statut de partie intéressée au sens du règlement de base. Dans le cadre de l’enquête, elle agissait, selon la présentation qu’elle a donnée d’elle-même au début de la procédure, en tant qu’association représentant l’ensemble des producteurs chinois actifs dans le secteur concerné en République populaire de Chine, à savoir un nombre considérable d’entreprises. À ce titre, elle ne peut prétendre collecter l’ensemble des informations concernant certains producteurs-exportateurs chinois sans l’autorisation de ces derniers. Par ailleurs, elle ne saurait non plus prétendre avoir accès aux données confidentielles des producteurs indiens et de l’Union dont la décision de coopérer à l’enquête dépend notamment des garanties de confidentialité qui leur sont données. Permettre à la CCCME d’obtenir un accès présentant un caractère aussi étendu que celui qu’elle a sollicité ne correspondrait pas aux exigences de respect de la confidentialité incombant aux institutions de l’Union en vertu du règlement de base.

493 Il en résulte que, en l’espèce, la Commission pouvait, comme elle l’a fait, communiquer à la CCCME des informations à la fois précises et sous forme agrégée, pour respecter les obligations de confidentialité, concernant les calculs qu’elle a effectués.

494 Du reste, c’est à la suite de commentaires formulés par la CCCME que la Commission a changé sa méthode de calcul de la valeur normale, en particulier la deuxième et la troisième méthode, à savoir, respectivement, celle qui s’applique lorsque le type de produit exporté est identique ou comparable à un type de produit fabriqué et vendu sur le marché indien en petite quantité et celle qui s’applique lorsque le type de produit n’est pas vendu, mais produit par au moins un producteur indien de l’échantillon. La Commission a finalement construit la valeur normale sur la base des prix de vente pratiqués par ces vendeurs (deuxième méthode), comme cela est expliqué au considérant 66 du règlement attaqué, et sur celle du coût de fabrication, majoré des frais VAG ainsi que des bénéfices liés aux ventes intérieures effectuées au cours d’opérations commerciales normales par le producteur indien en question (troisième méthode), comme cela est expliqué au considérant 67 du règlement attaqué, plutôt que, comme précédemment, en se fondant sur la valeur normale construite sur la base du coût moyen de production du produit similaire de chaque producteur indien. La CCCME a également pu contester le calcul de la valeur normale selon cette troisième méthode et, plus précisément, la prise en compte des frais VAG et des bénéfices d’un seul producteur indien, même si l’argumentation de la CCCME a été rejetée, comme cela est indiqué aux considérants 70 à 72 du règlement attaqué.

495 Dans ces conditions, il convient de considérer que, en l’espèce, la Commission a pu valablement refuser à la CCCME agissant en tant qu’association représentant l’industrie chinoise l’accès aux détails des calculs de la valeur normale, des marges de dumping, des effets des importations chinoises sur les prix, du préjudice et du niveau d’élimination du préjudice, que celle-ci a sollicités durant l’enquête, que, avec les informations qui lui avaient été communiquées et qui sont reprises aux points 486 à 490 ci-dessus, la CCCME disposait, en tant qu’association représentant l’industrie chinoise, des faits et des considérations essentiels sur la base desquels la Commission envisageait de recommander l’institution de mesures définitives et que, tout en préservant la confidentialité des données en cause, la Commission lui a donné la possibilité de présenter utilement son point de vue à cet égard.

496 À l’encontre de cette position, la CCCME invoque deux arrêts.

497 Premièrement, la CCCME invoque l’arrêt du 30 juin 2016, Jinan Meide Casting/Conseil (T‑424/13, EU:T:2016:378), dans lequel le Tribunal aurait jugé que la Commission avait violé les droits de la défense de la partie requérante, en refusant de lui communiquer le détail des calculs de la valeur normale, type de produit par type de produit, ainsi que le résultat de ces calculs.

498 À cet égard, il convient de relever que les faits de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 30 juin 2016, Jinan Meide Casting/Conseil (T‑424/13, EU:T:2016:378), invoqué par la CCCME sont différents de ceux de l’affaire en cause en l’espèce. D’une part, la première affaire concernait un producteur-exportateur retenu dans l’échantillon, et non une association représentant toute une industrie telle que la CCCME, qui, pour les raisons indiquées aux points 491 et 492 ci-dessus, se trouve dans une situation différente de celle d’un tel producteur-exportateur. D’autre part, l’annulation prononcée par le Tribunal dans cette affaire est intervenue, en tout état de cause, dans un contexte spécifique, dans lequel le producteur du pays analogue dont les données étaient reprises dans ces calculs avait autorisé la divulgation de ses données sous-jacentes à ces calculs. Comme le relève la Commission, le Tribunal, dans l’arrêt du 30 juin 2016, Jinan Meide Casting/Conseil (T‑424/13, EU:T:2016:378), a donc condamné un refus qu’elle avait formulé alors que l’opérateur dont émanait les données avait accepté leur divulgation, en considérant que ce qu’avait accepté l’opérateur pouvait l’être par l’institution. En l’espèce, une telle hypothèse ne se retrouve pas, les producteurs indiens, en particulier, n’ayant pas donné leur aval pour une telle divulgation de leurs données.

499 Deuxièmement, la CCCME invoque l’arrêt du 1er juin 2017, Changmao Biochemical Engineering/Conseil (T‑442/12, EU:T:2017:372), dans lequel le Tribunal, pour prononcer l’annulation du règlement qui était attaqué, se serait fondé sur le fait que la Commission avait refusé de fournir des informations concernant le calcul de la valeur normale, notamment la source des prix utilisés pour le produit concerné ainsi que les facteurs affectant la comparaison des prix.

500 À cet égard, il convient de souligner, à nouveau, les différences existant entre la présente affaire et celle ayant donné lieu à l’arrêt du 1er juin 2017, Changmao Biochemical Engineering/Conseil (T‑442/12, EU:T:2017:372). En effet, ce dernier concernait à nouveau la situation, différente de celle d’une association représentant l’ensemble d’une industrie, d’un producteur-exportateur visé par l’enquête. Par ailleurs, la portée de cet arrêt n’est pas aussi étendue que le prétend la CCCME. Tout d’abord, l’annulation décidée par le Tribunal portait sur le refus de communiquer des informations spécifiques concernant le calcul de la valeur normale, à savoir des informations sur le différentiel de prix entre l’acide tartrique DL (objet de l’enquête) et l’acide tartrique L+ (produit dans le pays analogue), sans qu’il ait été question, dans ledit arrêt, de communiquer les prix eux-mêmes. Ensuite, l’annulation a été justifiée par le fait que le refus, formulé par la Commission, de fournir ces informations particulières n’était pas fondé sur un motif valable. En effet, la Commission n’avait pas justifié son refus durant la procédure administrative. Devant le Tribunal, elle a expliqué que, en définitive, c’était pour des raisons de confidentialité que l’information demandée n’avait pas été fournie. Selon le Tribunal, toutefois, une telle explication ne pouvait être avancée pour la première fois devant lui. Elle aurait dû être exposée à la partie requérante durant la procédure administrative. Ainsi, il ressort de l’arrêt susmentionné que le Tribunal n’a pas exclu que la Commission, si elle avait dûment motivé son refus de communication au stade de la procédure administrative, eût pu s’opposer à l’accès de la partie requérante aux informations en cause.

501 Sur la base de ce qui précède, il convient de conclure que la CCCME ne peut avoir accès, en tant qu’association représentant l’industrie chinoise, aux calculs détaillés de la valeur normale, des marges de dumping, des effets des importations chinoises sur les prix, du préjudice et du niveau d’élimination du préjudice, car ils concernent des informations de nature confidentielle. Il ressort des circonstances de l’espèce que les informations que cette entité a obtenues concernant les éléments de faits et les considérations essentiels sur la base desquels la Commission envisageait l’adoption de mesures définitives lui ont permis de défendre utilement ses intérêts en tant qu’association représentant l’industrie chinoise.

502 Durant l’enquête, la CCCME a demandé à ce que ses avocats puissent accéder aux informations mentionnées ci-dessus à charge pour eux de respecter la confidentialité attachée à ces données.

503 À cet égard, il convient de relever qu’une telle modalité n’est pas prévue dans le règlement de base, alors que, comme cela est indiqué aux points 467 et 468 ci-dessus, celui-ci organise de manière précise ce qui doit être fait par les institutions et par les parties disposant des informations concernées lorsque ces dernières présentent un caractère confidentiel. Les institutions et les parties concernées ayant respecté les exigences qui leur étaient imposées dans ce cadre, il n’y a pas lieu de censurer la décision de la Commission de refuser un tel accès.

504 Il convient donc de rejeter la première branche du troisième moyen.

–  Sur la deuxième branche du troisième moyen, relative à la demande de communication des calculs sous forme agrégée

505 Dans la deuxième branche, qui présente un caractère subsidiaire par rapport à la première, la CCCME affirme que la Commission aurait à tout le moins dû fournir les calculs visés dans la première branche sous une forme agrégée, en particulier pour ce qui concerne, d’une part, les calculs de la valeur normale, des effets des importations chinoises sur les prix et du niveau d’élimination du préjudice et, d’autre part, les estimations relatives aux indicateurs macroéconomiques.

506 La Commission conclut au rejet de cette branche.

507 À cet égard, premièrement, il convient de relever que la présentation de données confidentielles sous une forme agrégée ne permet pas nécessairement de leur enlever leur caractère confidentiel. Il en est ainsi, en l’espèce, notamment, des calculs de la valeur normale. La Commission a fait valoir, à juste titre, à cet égard, que, dès lors que, pour certains types de produit, elle avait utilisé les données d’un seul producteur indien et que, pour d’autres, les données concernaient deux ou trois producteurs indiens au plus, l’agrégation des données ne pouvait garantir à suffisance l’impossibilité d’identifier les données individuelles de ces producteurs. Il en est également ainsi pour ce qui concerne les estimations relatives aux indicateurs macroéconomiques, effectuées par les plaignantes pour ce qui concerne la situation des producteurs restants. Dans ce sens, le Tribunal a déjà jugé que la production estimée des producteurs concernés de l’Union, sur laquelle s’était fondée la Commission dans le cadre du calcul de la consommation, avait à juste titre été considérée comme confidentielle, dès lors qu’elle avait pour fondement la connaissance du marché qu’avaient les plaignantes. Le Tribunal a ainsi estimé que, en se limitant à fournir le chiffre de la production totale, la Commission avait agi conformément au règlement de base (arrêt du 25 octobre 2011, CHEMK et KF/Conseil, T‑190/08, EU:T:2011:618, point 231).

508 Deuxièmement, il doit être souligné que, comme l’a fait valoir la Commission, les calculs effectués pour les besoins de l’enquête et les déterminations requises par le règlement de base ne la conduisent pas à disposer, dans tous les cas, de résultats agrégés pour l’ensemble des producteurs concernés.

509 Ainsi, la Commission a indiqué, au considérant 24 du règlement attaqué, que les calculs de la sous-cotation sous la forme agrégée demandée par la CCCME n’existaient pas, car la sous-cotation avait été calculée, uniquement, par type de produit par producteur-exportateur. Chaque producteur-exportateur chinois retenu dans l’échantillon a ainsi reçu les calculs de la sous-cotation pour chacun des types de produits qu’il exportait.

510 La Commission peut, certes, être tenue de générer un document afin de garantir les droits de la défense d’une partie (voir, par analogie, arrêt du 27 novembre 2019, Izuzquiza et Semsrott/Frontex, T‑31/18, EU:T:2019:815, point 53 et jurisprudence citée).

511 Toutefois, cette obligation ne peut s’étendre à une obligation, en l’espèce, pour la Commission, de générer un document, pour une partie telle que la CCCME, à savoir une association représentant l’industrie chinoise, afin de permettre à cette dernière de disposer de l’ensemble des informations sur la base desquelles sont envisagées les mesures de défense commerciale, sous peine de soumettre la Commission à des exigences allant au-delà de celles prévues par le règlement de base en ce qui concerne l’aménagement du respect de la confidentialité des informations dans le but de préserver les droits de la défense des parties intéressées.

512 À cet égard, il convient de relever que le volume des informations demandées par la CCCME, en l’espèce, est tel que la Commission pourrait être entravée dans son activité et dans son enquête si elle devait fournir l’ensemble de ces informations sous une forme aménagée pour les seuls besoins d’une telle entité. Il convient, à cet égard, de rappeler que les différentes étapes d’une procédure antidumping sont enserrées dans des délais stricts. Ainsi, l’article 6, paragraphe 9, du règlement de base impose un délai global de quinze mois pour les enquêtes. L’article 7, paragraphe 1, de ce règlement prévoit que les droits provisoires sont imposés au plus tard neuf mois à compter de l’ouverture de la procédure et, conformément à l’article 9, paragraphe 4, une proposition tendant à imposer des droits définitifs doit être présentée au plus tard un mois avant l’expiration des droits provisoires.

513 Ainsi, l’argumentation développée par la CCCME à l’appui de la deuxième branche ne permet pas de modifier la conclusion à laquelle est parvenu le Tribunal dans le cadre de la première branche selon laquelle la CCCME disposait, en l’espèce, des éléments de fait et des considérations essentiels sur la base desquels la Commission envisageait l’adoption de mesures définitives, et cette entité a ainsi pu défendre utilement ses intérêts d’association représentant l’industrie chinoise.

514 La deuxième branche du troisième moyen doit donc être rejetée.

–  Sur la troisième branche du troisième moyen, concernant d’autres informations demandées par la CCCME

515 Dans la troisième branche, contestée par la Commission, la CCCME énumère trois types d’informations qu’elle considère importantes et auxquelles la Commission lui aurait illégalement refusé l’accès.

516 Dans son premier grief, la CCCME reproche à la Commission de ne pas lui avoir communiqué les informations autres que les caractéristiques figurant dans le NCP, en ce qui concerne les produits des producteurs indiens et de l’Union qui ont été comparés aux produits importés. La CCCME allègue que cette situation l’a empêchée de déterminer si des ajustements étaient nécessaires pour assurer la comparabilité des prix. Cette argumentation est également présentée par les requérantes dans le cadre de la deuxième branche du quatrième moyen.

517 À l’appui de ce grief, la CCCME invoque le rapport de l’organe d’appel de l’OMC dans le différend « Communautés européennes – Mesures antidumping définitives visant certains éléments de fixation en fer ou en acier en provenance de Chine » (WT/DS 397/AB/RW, rapport du 18 janvier 2016).

518 Dans cette affaire, l’organe d’appel de l’OMC a affirmé que, « [d]ans une enquête antidumping faisant intervenir un producteur d’un pays analogue, les exportateurs faisant l’objet de l’enquête [devaient] aussi être informés “des produits spécifiques au sujet desquels la valeur normale [était] déterminée”, faute de quoi ils ne [seraient] “pas en mesure de demander les ajustements qu’ils estim[ai]ent nécessaires” ». Dans ladite affaire, la position de l’organe d’appel était fondée sur la circonstance que, dans ce type d’enquête, les renseignements concernant la valeur normale étaient obtenus auprès d’une source tierce, à savoir le producteur du pays analogue. Dans la mesure où les exportateurs faisant l’objet de l’enquête n’ont pas accès à ces renseignements, ils ne sauraient pas s’ils peuvent demander des ajustements pour tenir compte des différences qui affectent la comparabilité des prix entre les produits exportés et les produits vendus sur le marché intérieur par le producteur du pays analogue. À ces producteurs, il ne suffirait pas de communiquer, selon l’organe d’appel, les « groupes de produits » qui ont servi de base à la comparaison des transactions, en divulguant les NCP. Il faudrait leur fournir tous les renseignements concernant les caractéristiques des produits des producteurs du pays analogue utilisés aux fins de la comparaison des prix.

519 À cet égard, ainsi qu’il a été rappelé au point 419 ci-dessus, selon la jurisprudence, les interprétations de l’accord antidumping adoptées par cet organe ne sont pas susceptibles de lier le Tribunal dans son appréciation de la validité du règlement attaqué (voir, en ce sens, arrêt du 1er mars 2005, Van Parys, C‑377/02, EU:C:2005:121, point 54).

520 Au demeurant, l’interprétation mise en avant par la CCCME ne saurait être utilisée en l’espèce pour apporter une réponse aux questions qui sont soulevées.

521 En effet, l’affaire citée par la CCCME concerne des producteurs-exportateurs dont les données ont été prises en compte pour calculer la marge de dumping. Dans le rapport cité par la CCCME, l’organe d’appel de l’OMC indique, pour justifier la communication des informations relatives aux modèles de produits dans le cas où la méthode du pays analogue est appliquée, que, dans une enquête antidumping « ordinaire », la valeur normale est habituellement déterminée sur la base des ventes de l’exportateur considéré sur son marché intérieur. Selon lui, il pourrait donc être attendu que l’exportateur faisant l’objet de l’enquête ait la connaissance nécessaire de ses propres produits utilisés pour établir à la fois le prix à l’exportation et la valeur normale.

522 Ainsi, un producteur-exportateur dont les données sont examinées par la Commission pour calculer la marge de dumping, s’il se voyait communiquer les caractéristiques des produits du pays analogue, serait en mesure de vérifier, en ayant connaissance de tous les paramètres, la comparabilité de ces derniers produits avec les produits qu’il a lui-même exportés dans l’Union.

523 La situation est toutefois différente en l’espèce, dans la mesure où c’est la CCCME, agissant en tant qu’association représentant l’ensemble de l’industrie chinoise, comme cela a déjà été indiqué aux points 445 et 446 ci-dessus, qui a sollicité l’accès aux renseignements concernant les caractéristiques des produits.

524 S’ils lui étaient divulgués, les renseignements concernant les caractéristiques des produits ne lui permettraient pas de comparer utilement les produits en cause, puisqu’elle ne dispose pas, en principe, des modèles de produits mis sur le marché par les producteurs-exportateurs chinois de l’échantillon qui ont été comparés aux produits indiens.

525 Ainsi, il n’est pas établi que la divulgation des informations concernant les caractéristiques des produits des producteurs du pays analogue aurait permis à la CCCME de mieux assurer ses droits de la défense.

526 En tout état de cause, comme l’a indiqué la Commission durant l’enquête, ces informations présentent un caractère confidentiel. Dès lors, et pour les mêmes considérations que celles invoquées notamment au point 501 ci-dessus, il doit être considéré qu’une association représentant l’ensemble d’une industrie, telle que la CCCME, dispose des faits et des considérations essentiels sur la base desquels des mesures sont envisagées et peut, dès lors, faire valoir utilement son point de vue, lorsqu’elle dispose des types de produits (NCP) comparés pour les calculs requis par le règlement de base.

527 La même conclusion vaut pour la communication des caractéristiques des produits de l’industrie de l’Union, dont les prix sont comparés à ceux des produits chinois afin de calculer la sous-cotation, de sorte que le premier grief doit être rejeté.

528 Dans son deuxième grief, la CCCME estime que la Commission aurait dû lui fournir les calculs concernant le volume des importations en provenance de la République populaire de Chine, de la République de l’Inde et des autres pays tiers ainsi que les documents source.

529 À cet égard, il ressort du dossier que la CCCME avait été informée, durant la procédure antidumping, de la méthode de calcul du volume des importations utilisée par la Commission. Elle connaissait, en particulier, les pourcentages comptabilisés, pour les importations originaires de la République populaire de Chine, de la République de l’Inde et des autres pays tiers, dans les anciens sous-codes qui avaient précédé l’arrivée, en 2014, du code général NC ex 7325 10 00, le montant fixe à soustraire du code NC ex 7325 99 10 pour obtenir les importations originaires de la République populaire de Chine, de la République de l’Inde et des pays tiers, ainsi que le pourcentage à soustraire du total des importations afin d’exclure les grilles de caniveau. Par ailleurs, les données utilisées pour établir ces importations étant extraites des statistiques fournies par Eurostat, qui sont disponibles dans la base publique de données Comext, la CCCME avait à sa disposition toutes les informations utiles pour reproduire les calculs de la Commission dont elle a demandé la communication. Il ne peut, dans ces conditions, être conclu à une violation du règlement de base, de la part de la Commission, sur ce point.

530 Il est vrai que, au point 207 de l’arrêt du 30 juin 2016, Jinan Meide Casting/Conseil (T‑424/13, EU:T:2016:378), invoqué par la CCCME, le Tribunal a conclu à une violation des droits de la défense, en indiquant que l’obtention des calculs effectués par la Commission représentait, dans cette affaire, pour la partie requérante, un gain substantiel d’information qui était de nature à lui permettre de présenter des observations plus pertinentes que celles qu’elle avait déjà présentées. 

531 Toutefois, l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 30 juin 2016, Jinan Meide Casting/Conseil (T‑424/13, EU:T:2016:378), diffère de l’espèce sur deux points importants.

532 Tout d’abord, le niveau de connaissance dont disposait la partie requérante était très inférieur à celui pouvant être constaté en l’espèce. Ainsi, dans l’arrêt du 30 juin 2016, Jinan Meide Casting/Conseil (T‑424/13, EU:T:2016:378), la partie requérante n’avait qu’une connaissance générale de la méthode utilisée pour calculer la valeur normale des types de produits sans correspondance. Elle ignorait quel marché et quels prix de référence la Commission avait utilisés en vue de calculer la valeur de marché de l’ajustement de la valeur normale de ces types de produits, nécessité par les différences de caractéristiques physiques entre ces types de produits et les types de produits correspondants. Dans ces circonstances, le Tribunal a observé que, si la partie requérante avait eu en sa possession les calculs de la valeur normale, type de produit par type de produit, elle aurait été en mesure de comparer les résultats de la Commission avec ses propres résultats obtenus sur la base d’une autre méthode. Ces circonstances sont différentes de notre affaire, dans laquelle la méthode de calcul utilisée par la Commission était connue de la CCCME, comme cela est indiqué au point 529 ci-dessus.

533 Ensuite, le délai dont disposaient les parties pour effectuer leurs calculs était également très différent au regard du nombre de documents à traiter. Dans l’arrêt du 30 juin 2016, Jinan Meide Casting/Conseil (T‑424/13, EU:T:2016:378), la partie requérante disposait d’un délai très limité (sept jours) pour reproduire les calculs de la Commission, lesquels étaient volumineux, car relatifs à 1645 types de produits. Dans la présente affaire, les calculs à effectuer étaient plus limités et la CCCME a reçu les informations requises, concernant la méthode de calcul des importations utilisée, au plus tard lorsque le règlement provisoire a été adopté, lequel fait référence à la plainte, dans laquelle certaines estimations sont précisées et à laquelle la CCCME avait déjà accès.

534 Pour ces raisons, le deuxième grief doit être rejeté.

535 Dans son troisième grief, la CCCME conteste le refus que lui a opposé la Commission de scinder, pour chaque indicateur macroéconomique utilisé en vue d’établir le préjudice subi par l’Union, les chiffres collectés en deux catégories selon qu’ils sont fondés sur des données réelles ou sur des estimations, afin de lui communiquer ces dernières estimations sous une forme agrégée.

536 À cet égard, il convient de relever que, durant l’enquête, la CCCME a eu accès, pour chaque indicateur macroéconomique retenu par la Commission, aux chiffres agrégés, par année, portant sur l’ensemble de l’industrie de l’Union. Ces chiffres agrégés, comme cela est indiqué dans la deuxième branche du premier moyen, résultent d’une compilation de données fournies par les plaignantes et les producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon et d’estimations réalisées par les plaignantes pour ce qui concerne les producteurs restants. 

537 La CCCME estime que ses droits de la défense ont été violés par le refus, émanant de la Commission, de distinguer, dans les chiffres obtenus, d’une part, ceux qui proviennent de données réelles et, d’autre part, ceux résultant d’estimations.

538 À cet égard, il convient de relever que, comme l’a indiqué la Commission, elle n’est pas amenée à effectuer une telle distinction lorsqu’elle évalue le préjudice de l’Union, ce dernier étant apprécié pour l’ensemble de l’industrie de l’Union. Toutefois, comme cela a été indiqué au point 510 ci-dessus, la Commission peut être tenue de générer un document lorsqu’est en cause l’exigence de garantir les droits de la défense de parties intéressées dans le cadre d’une enquête antidumping et doit, conformément à la jurisprudence, dans toute la mesure compatible avec le respect du secret des affaires, communiquer des indications utiles à la défense des intérêts des parties intéressées, en choisissant, le cas échéant d’office, les modalités appropriées d’une telle communication (voir, en ce sens, arrêt du 20 mars 1985, Timex/Conseil et Commission, 264/82, EU:C:1985:119, point 30).

539 En l’espèce, il convient cependant de relever que les données réelles des producteurs retenus dans l’échantillon et des autres plaignants, d’un côté, et les estimations faites pour les producteurs restants, de l’autre, revêtent, même agrégées, une nature confidentielle.

540 Dans ce sens, comme cela est indiqué au point 507 ci-dessus, le Tribunal a jugé dans l’arrêt du 25 octobre 2011, CHEMK et KF/Conseil (T‑190/08, EU:T:2011:618, point 231), que la production estimée des producteurs concernés de l’Union, sur laquelle s’était fondée la Commission dans le cadre du calcul de la consommation, avait à juste titre été considérée comme confidentielle, dès lors qu’elle était fondée sur la connaissance du marché qu’avaient les plaignantes. Le Tribunal a ainsi estimé que, en se limitant à fournir le chiffre de la production totale, la Commission avait agi conformément au règlement de base.

541 S’agissant, comme en l’espèce, d’une demande concernant des données sensibles sur le plan commercial d’une partie de l’industrie de l’Union, émanant d’une association représentant l’ensemble des producteurs-exportateurs chinois actifs dans le secteur ainsi que ceux qui, à l’avenir, seraient amenés à exporter vers l’Union les produits en cause, comme cela a été indiqué aux points 445 et 446 ci-dessus, il convient de conclure que la connaissance, par cette association, des chiffres agrégés portant sur l’ensemble de l’industrie de l’Union pour chacun des indicateurs macroéconomiques retenus par la Commission suffisait pour lui permettre de défendre ses intérêts.

542 La troisième branche doit donc être rejetée et, partant, l’ensemble du troisième moyen.

Sur le quatrième moyen, relatif à la comparabilité des prix utilisés pour calculer la marge de dumping et analyser le préjudice

543 Le quatrième moyen repose sur trois branches, qui sont contestées par la Commission.

–  Sur la première branche du quatrième moyen, relative à la méthode NCP par NCP

544 Dans la première branche, les requérantes contestent la simplification qui aurait été opérée, par la Commission, durant l’enquête, s’agissant des caractéristiques associées aux NCP utilisés pour calculer la marge de dumping et pour analyser le préjudice.

545 À cet égard, il convient de rappeler, à titre liminaire, que les NCP sont des codes utilisés dans les enquêtes antidumping pour établir une correspondance entre des types de produits. Lors de l’enquête, les entreprises contactées sont invitées à classer leurs produits dans des catégories auxquelles correspondent ces codes. À ces derniers sont attachées des caractéristiques destinées à décrire les produits concernés.

546 En l’espèce, la Commission, durant l’enquête, a écarté des codes concernés certaines caractéristiques qui, bien qu’elles leur fussent originellement attachées, ne lui semblaient pas pertinentes. Ainsi, le NCP communiqué aux producteurs indiens afin qu’ils classent leurs produits comprenait, à l’origine, quinze caractéristiques. Durant l’enquête, certaines seulement ont été retenues pour les besoins de la comparaison : une seule caractéristique (matière première) pour les cas où le produit en cause n’était ni fabriqué ni vendu par un producteur indien retenu dans l’échantillon et trois caractéristiques (matière première, indice de charge et type de produit) dans les autres cas.

547 Selon la Commission, la pratique consistant à écarter certaines caractéristiques aux fins de la comparaison est habituelle lorsque les types de produits sont complexes, car elle permet de trouver une certaine correspondance entre des types de produits qui, autrement, ne pourraient être comparés.

548 Dans leur argumentation, les requérantes formulent, à l’encontre de cette approche, deux griefs, qui sont contestés par la Commission.

549 Dans leur premier grief, les requérantes soutiennent que les quinze caractéristiques initialement attachées aux NCP pertinents étaient importantes et auraient dû être conservées tout au long de l’enquête sans que la Commission puisse procéder à la simplification qui a été mentionnée au point 546 ci-dessus.

550 À cet égard, il convient de relever que, lorsque le produit concerné contient une large gamme de biens qui présentent des disparités considérables quant à leurs caractéristiques et à leurs prix, il peut s’avérer indispensable de les regrouper sous des catégories plus ou moins homogènes (arrêt du 4 mars 2010, Sun Sang Kong Yuen Shoes Factory/Conseil, T‑409/06, EU:T:2010:69, point 172 ; voir également, en ce sens, arrêt du 18 novembre 2015, Einhell Germany e.a./Commission, T‑73/12, EU:T:2015:865, point 76).

551 Selon la jurisprudence, cette opération a pour objet de permettre une comparaison équitable entre des produits comparables et d’éviter ainsi un calcul erroné, d’une part, de la marge de dumping et, d’autre part, du préjudice, en raison de comparaisons inadaptées (arrêt du 4 mars 2010, Sun Sang Kong Yuen Shoes Factory/Conseil, T‑409/06, EU:T:2010:69, point 172).

552 Si elles entendent mettre utilement en cause l’approche utilisée par la Commission dans ce cadre, les requérantes doivent démontrer que la codification proposée par cette institution est manifestement inappropriée (voir, en ce sens, arrêt du 4 mars 2010, Sun Sang Kong Yuen Shoes Factory/Conseil, T‑409/06, EU:T:2010:69, point 180).

553 Or, en l’espèce, les requérantes n’ont produit aucun élément démontrant de manière concrète en quoi cette codification aboutissait à des catégories de produits manifestement inadéquates.

554 En l’absence de tels éléments, il ne peut être considéré que les requérantes aient démontré le caractère manifestement inapproprié de la codification utilisée par la Commission, et le premier grief doit, par conséquent, être rejeté.

555 Dans leur second grief, les requérantes reprochent à la Commission de n’avoir pas retenu les mêmes caractéristiques attachées aux NCP, d’une part, pour la détermination du dumping et, d’autre part, pour l’analyse du préjudice.

556 À cet égard, il convient de relever que, comme cela a été indiqué aux points 550 et 551 ci-dessus, la nomenclature NCP est utilisée pour identifier les types de caractéristiques qui, à l’intérieur de la catégorie constituée par le produit concerné, permettent de comparer les prix et les valeurs dans le cadre de l’enquête.

557 Comme l’indique la Commission, l’usage de cette nomenclature dans un contexte impliquant un pays n’ayant pas une économie de marché a pour conséquence que les caractéristiques provenant de cette nomenclature ne sont pas nécessairement identiques selon qu’il s’agit d’analyser le préjudice ou de déterminer la marge de dumping.

558 Pour analyser le préjudice, les produits en provenance de la République populaire de Chine sont comparés avec ceux produits dans l’Union. L’objectif étant d’examiner l’effet de l’importation des premiers sur le prix des seconds, il doit exister, pour effectuer cette comparaison, une correspondance entre les types effectivement comparés.

559 Dans le cadre de la détermination du dumping, la comparaison porte sur les prix de vente des producteurs-exportateurs sur leur marché domestique et ceux des produits exportés vers l’Union par ces mêmes producteurs-exportateurs. Pour effectuer cette détermination en l’espèce, il a dû être tenu compte du fait que la République populaire de Chine n’était pas considérée comme un pays présentant les caractéristiques d’une économie de marché. En vertu de l’article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement de base, cette circonstance rend impossible l’usage, aux fins de la comparaison, des prix qui sont pratiqués sur le marché domestique chinois.

560 C’est dans ce cadre qu’a lieu la construction de la valeur normale. Pour construire cette valeur normale, la Commission cherche le pays qui, parmi ceux présentant les caractères d’une économie de marché, se trouve être le plus proche, sur le plan économique, de la République populaire de Chine. En l’occurrence, le pays qui a été choisi est la République de l’Inde.

561 Pour effectuer la comparaison décrite ci-dessus, la Commission doit alors identifier les produits se trouvant être les plus proches, au regard des caractéristiques attachées aux NCP, de ceux exportés par les producteurs-exportateurs chinois vers l’Union. Pour effectuer cette identification, les services de la Commission écartent progressivement les caractéristiques qui ne permettent pas de trouver une correspondance entre les produits concernés, jusqu’à ce qu’ils aient pu identifier celles qui permettront une comparaison.

562 Dans un tel contexte, la différence entre les NCP utilisés dans le cadre de la détermination du dumping et dans le cadre de l’analyse du préjudice peut être expliquée par celle existant entre les produits à comparer, en vue d’effectuer les calculs nécessaires dans ces deux cadres.

563 Pour ces raisons, le second grief doit être rejeté, car il ne peut être reproché à la Commission de n’avoir pas retenu les mêmes caractéristiques attachées aux NCP, d’une part, pour la détermination du dumping et, d’autre part, pour l’analyse du préjudice.

564 Les deux griefs ayant été rejetés, la première branche du quatrième moyen doit être écartée dans son intégralité.

–  Sur la deuxième branche du quatrième moyen, relative à l’absence d’informations concernant les caractéristiques des produits comparés

565 Dans la deuxième branche, les requérantes affirment que, même si elle a divulgué les NCP utilisés, la Commission n’a fourni aucune information sur les modèles de produits ayant fait l’objet de la comparaison, avec pour conséquence qu’elles ont été empêchées de déterminer si des ajustements étaient nécessaires pour assurer la comparabilité des prix.

566 À cet égard, il convient de relever que les membres de la CCCME et les autres personnes morales dont les noms figurent en annexe I n’ont pas établi avoir participé à l’enquête ou formulé une demande à la Commission visant à se voir communiquer les informations en cause.

567 N’ayant ainsi pas mis la Commission en mesure d’apprécier les problèmes que pouvait leur poser l’absence de ces éléments dans les informations mises à leur disposition, les membres de la CCCME et les autres personnes morales dont les noms figurent en annexe I ne sauraient être recevables à invoquer la deuxième branche du quatrième moyen à l’appui de leur recours, conformément à la jurisprudence citée au point 437 ci-dessus.

568 S’agissant, en outre, de cette branche en tant qu’elle est soulevée par la CCCME, il y a lieu de relever que la même argumentation, présentée par cette entité dans le cadre de la troisième branche du troisième moyen, a été rejetée aux points 519 à 527 ci-dessus.

569 Par conséquent, il convient de rejeter la deuxième branche du quatrième moyen.

–  Sur la troisième branche du quatrième moyen, relative à l’ajustement au titre des coûts de production de la fonte ductile

570 Dans le cadre de la troisième branche, les requérantes soutiennent que la Commission aurait dû procéder à un ajustement des prix indiens pour en assurer la comparabilité avec les prix chinois. Le manque de spécialisation des producteurs indiens dans la fabrication de produits en fonte ductile aurait un impact sur les coûts de production retenus par la Commission dans le cadre de son analyse. Ces coûts seraient nettement supérieurs à ceux supportés par les producteurs-exportateurs chinois, en raison du manque d’économies d’échelle et de savoir-faire des producteurs indiens.

571 Les requérantes présentent, dans ce cadre, deux griefs qui sont contestés par la Commission.

572 Dans leur premier grief, les requérantes soutiennent que la demande d’ajustement ne pouvait être rejetée au motif, opposé par la Commission, qu’elle s’était assurée du caractère représentatif des ventes indiennes.

573 À cet égard, il convient de relever que, comme elle l’a indiqué au considérant 89 du règlement attaqué, la Commission a vérifié si les ventes intérieures de produits en fonte ductile du seul producteur indien inclus dans l’échantillon qui fabriquait de tels produits, et dont les prix ont été retenus, étaient représentatives au sens du règlement de base, c’est-à-dire si, conformément à l’article 2, paragraphe 2, de ce règlement, elles représentaient au moins 5 % du volume total des ventes dans l’Union, si ces ventes n’avaient pas été effectuées à perte et si elles représentaient des opérations commerciales normales.

574 Contrairement à ce que soutiennent les requérantes, ces vérifications permettent de considérer que, en ce que ses ventes intérieures de produits en fonte ductile représentaient au moins 5 % du volume total des ventes dans l’Union, le producteur indien dont les données ont été utilisées possède un certain savoir-faire et dispose d’une certaine capacité de production, ce qui va à l’encontre de l’objection tirée d’un manque de savoir-faire et d’économies d’échelle de l’industrie indienne pour la production de fonte ductile en raison de la faible quantité produite.

575 Partant, le premier grief doit être rejeté.

576 Dans leur second grief, les requérantes font valoir qu’il était impossible d’étayer une demande d’ajustement, sans avoir accès aux données relatives aux coûts de production des producteurs indiens, ni à un résumé de ces informations. Ainsi, la Commission aurait méconnu la jurisprudence issue de l’arrêt du 8 juillet 2008, Huvis/Conseil (T‑221/05, non publié, EU:T:2008:258, points 77 et 78), qui interdit d’imposer à une personne revendiquant un ajustement une charge de la preuve déraisonnable.

577 À cet égard, il y a lieu de rappeler que, au titre de l’article 2, paragraphe 10, du règlement de base, il est procédé à une comparaison équitable entre le prix à l’exportation et la valeur normale en tenant compte, le cas échéant, sous forme d’ajustements, des différences constatées dans les facteurs dont il est revendiqué et démontré qu’ils affectent les prix et, partant, leur comparabilité.

578 Selon la jurisprudence, il appartient à la partie formulant la demande d’établir que l’ajustement sollicité est nécessaire pour rendre comparables la valeur normale et le prix à l’exportation en vue de la détermination de la marge de dumping (voir, en ce sens, arrêt du 16 février 2012, Conseil et Commission/Interpipe Niko Tube et Interpipe NTRP, C‑191/09 P et C‑200/09 P, EU:C:2012:78, point 58 et jurisprudence citée).

579 Ainsi, c’est aux requérantes qu’il appartenait, en application de cette jurisprudence, d’établir, en l’espèce, la nécessité d’un ajustement.

580 Il est vrai qu’il peut être déduit de la jurisprudence invoquée par les requérantes et mentionnée au point 576 ci-dessus qu’une personne sollicitant un ajustement au titre de l’article 2, paragraphe 10, du règlement de base et à laquelle il incombe d’établir la nécessité de l’ajustement sollicité ne doit pas avoir à faire face à une charge de la preuve déraisonnable et qu’il appartient aux institutions de lui indiquer quels renseignements sont nécessaires.

581 Cependant, en l’espèce, sur la base de leur connaissance du secteur, à tout le moins du secteur chinois, les requérantes auraient pu étayer leur demande en indiquant les modèles de fabrication et les ratios de production qui n’aboutissaient pas à un coût de production unitaire excessif.

582 Dans ses échanges avec la Commission, la CCCME s’est toutefois contentée d’observer que les producteurs indiens produisaient, de manière générale, un volume limité de fonte ductile, en déduisant de cette situation que leurs coûts de production unitaire devaient être excessifs et que leurs prix ne pouvaient donc être représentatifs.

583 Dans un tel contexte, également marqué par la confidentialité des informations concernées, il n’était pas inapproprié de la part de la Commission d’exiger de la CCCME qu’elle démontrât, dans un premier temps, que la demande présentait une certaine crédibilité et ne s’appuyait pas seulement sur des suppositions générales.

584 Au regard de ces considérations, il convient de rejeter le second grief et, par conséquent, la troisième branche du quatrième moyen dans son intégralité.

585 Il en découle que le quatrième moyen doit être rejeté.

Sur le cinquième moyen, relatif à l’ajustement effectué au titre de la TVA

586 Par leur cinquième moyen, les requérantes contestent l’ajustement opéré par la Commission à la valeur normale au titre de la TVA.

587 À titre liminaire, il convient de relever que, pour déterminer s’il existait un dumping, la Commission a comparé le prix à l’exportation et la valeur normale. En principe, la valeur normale est calculée sur la base des prix payés ou à payer, au cours d’opérations commerciales normales, dans le pays exportateur, à savoir la République populaire de Chine. Toutefois, ce pays n’étant pas considéré comme un pays ayant une économie de marché, la valeur normale a été calculée, en l’espèce, à partir des prix de ventes intérieures en Inde, conformément à l’article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement de base.

588 Des considérants 79 à 81 du règlement attaqué, il ressort que, en l’espèce, la Commission a procédé à un ajustement au titre de la TVA, afin de garantir la comparabilité entre le prix à l’exportation au départ de la République populaire de Chine et la valeur normale indienne, en se fondant sur l’article 2, paragraphe 10, sous b), du règlement de base. Pour le prix à l’exportation, dans la mesure où le taux de TVA à l’exportation en République populaire de Chine s’élevait à 17 %, dont 5 % étaient remboursés, la Commission a retenu un prix à l’exportation incluant un taux de TVA de 12 %. Pour la valeur normale, dans la mesure où les prix indiens excluaient la TVA, la Commission a entendu leur appliquer la TVA chinoise de 17 %, en soustrayant 5 % de ce pourcentage, compte tenu de l’article 2, paragraphe 10, sous b), du règlement de base.

589 Le cinquième moyen est divisé en deux griefs qui sont contestés par la Commission.

590 Par leur premier grief, les  requérantes soutiennent que l’article 2, paragraphe 10, sous b), du règlement de base ne permet pas de procéder à l’ajustement décrit. En effet, selon les requérantes, il ressort des termes de cette disposition qu’elle n’autorise un ajustement que lorsque les coûts de la valeur normale ne sont pas perçus ou sont remboursés lors des exportations. En l’espèce, il n’existerait cependant pas d’« impôts indirects supportés par le produit » vendu en Inde ni d’« impôts indirects supportés par le produit » vendu en République populaire de Chine. En fait, l’ajustement de la Commission viserait à corriger une situation dans laquelle il existe uniquement des impôts indirects sur les ventes à l’exportation de la République populaire de Chine vers l’Union, qui ne sont pas remboursés. Mais le texte de l’article 2, paragraphe 10, sous b), du règlement de base ne permettrait pas de réaliser un ajustement pour tenir compte de cette situation.

591 À cet égard, il convient de relever que, selon l’article 2, paragraphe 10, du règlement de base, la comparaison entre le prix à l’exportation et la valeur normale doit être équitable. À cet effet, la comparaison est faite, au même stade commercial, pour des ventes effectuées à des dates aussi proches que possible et en tenant dûment compte d’autres différences qui affectent la comparabilité des prix.

592 Dans les cas où la valeur normale et le prix à l’exportation établis ne peuvent être ainsi comparés, il est tenu compte dans chaque cas, sous forme d’ajustements, des différences constatées dans les facteurs dont il est revendiqué et démontré qu’ils affectent les prix et, partant, leur comparabilité. 

593 Lorsqu’il est opéré, l’ajustement a pour but de rétablir la symétrie entre la valeur normale et le prix à l’exportation d’un produit. Cette symétrie constitue ainsi un élément clé, correspondant à la nécessité d’établir la comparabilité des prix au sens de l’article 1er, paragraphe 2, du règlement de base (arrêt du 16 décembre 2011, Dashiqiao Sanqiang Refractory Materials/Conseil, T‑423/09, EU:T:2011:764, points 42 et 43).

594 L’article 2, paragraphe 10, du règlement de base énumère des facteurs au titre desquels des ajustements peuvent être opérés, parmi lesquels l’imposition à l’importation et les impôts indirects. L’article 2, paragraphe 10, sous b), dudit règlement dispose ainsi que « [l]a valeur normale est ajustée d’un montant correspondant aux impositions à l’importation et aux impôts indirects supportés par le produit similaire et les matériaux qui y sont physiquement incorporés, lorsque le produit est destiné à être consommé dans le pays exportateur, et qui ne sont pas perçus ou qui sont remboursés lorsque le produit est exporté dans l’Union ».

595 L’article 2, paragraphe 10, sous k), du règlement de base précise qu’un ajustement peut également être opéré au titre de différences relatives à d’autres facteurs non prévues à l’article 2, paragraphe 10, sous a) à j), s’il est démontré que ces différences affectent la comparabilité des prix, comme l’exige le présent paragraphe, et, en particulier, si les acheteurs paient systématiquement des prix différents sur le marché intérieur à cause d’elles.

596 Par ailleurs, il convient de relever que, selon la jurisprudence, le large pouvoir d’appréciation dont les institutions disposent en matière antidumping s’applique aux faits justifiant le caractère équitable de la méthode de comparaison appliquée, la notion d’équité devant être concrétisée par les institutions au cas par cas compte tenu du contexte économique pertinent (voir, en ce sens, arrêt du 16 décembre 2011, Dashiqiao Sanqiang Refractory Materials/Conseil, T‑423/09, EU:T:2011:764, point 41).

597 En l’espèce, premièrement, il convient de relever que l’article 2, paragraphe 10, sous b), du règlement de base n’envisage pas expressément l’ajustement de la valeur normale du pays analogue pour tenir compte de la TVA à l’exportation dans le pays d’où proviennent les importations faisant l’objet d’un dumping. Bien que la Commission ait commis une erreur de droit en faisant application de cette disposition, cette erreur n’a eu, dans les circonstances de l’espèce, aucune influence déterminante quant au résultat de son appréciation du cas lui étant soumis, dans la mesure où l’article 2, paragraphe 10, sous k), du règlement de base permet à la Commission de procéder à un tel ajustement dans le but de rétablir la symétrie entre la valeur normale et le prix à l’exportation du produit concerné et de garantir une comparaison équitable entre ces deux valeurs.

598 Deuxièmement, il doit être relevé que le choix opéré, en l’espèce, par la Commission de comparer la valeur normale et le prix à l’exportation « TVA incluse » ne saurait être censuré, au regard du large pouvoir d’appréciation dont elle dispose en ce qui concerne la méthode de comparaison appliquée.

599 Dans l’arrêt du 16 décembre 2011, Dashiqiao Sanqiang Refractory Materials/Conseil (T‑423/09, EU:T:2011:764), le Tribunal a reconnu le caractère équitable d’une telle méthode de comparaison entre la valeur normale et le prix à l’exportation de certaines briques de magnésie originaires de la République populaire de Chine. Il a ainsi été jugé que c’était sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation que le Conseil avait pu considérer que, en l’espèce, la comparaison entre la valeur normale et le prix à l’exportation sur une base « TVA incluse » constituait une méthode de comparaison équitable, puisque ladite comparaison avait été effectuée, dans le respect de l’exigence de symétrie entre la valeur normale et le prix à l’exportation, au même stade commercial, pour des ventes simultanées tant domestiques qu’à l’exportation, qui étaient toutes soumises à l’application d’un taux de TVA de 17 %. 

600 Or, en l’espèce, dès lors que la Commission est en droit de retenir un prix à l’exportation incluant la TVA, puisque la République populaire de Chine applique une TVA à l’exportation de 17 %, dont 5 % sont remboursés, il est justifié qu’elle procède à un ajustement de la valeur normale en lui ajoutant la TVA au taux « net » de 12 %, dans le but de restaurer une symétrie entre ces deux valeurs.

601 Pour ces raisons, le premier grief doit être rejeté.

602 Par leur second grief, les requérantes affirment que l’ajustement en cause ne peut être effectué lorsque la Commission a recours à la méthode du pays analogue. En effet, cette méthode viserait à éviter la prise en considération des prix et des coûts en vigueur dans les pays n’ayant pas une économie de marché, dans la mesure où ces paramètres n’y sont pas la résultante normale des forces qui s’exercent sur le marché. Or, comme le système de remboursement de la TVA serait considéré par la Commission comme une distorsion généralisée dans l’économie chinoise, qui empêche le pays de se voir accorder le statut d’économie de marché, c’est précisément un élément que cette institution ne devrait pas vouloir prendre en compte. En d’autres termes, les requérantes soutiennent qu’il aurait déjà été remédié à la distorsion alléguée du régime de TVA en appliquant la méthode du pays analogue.

603 À cet égard, il y a lieu de relever que, aux termes de l’article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement de base, dans le cas d’importations en provenance de pays qui, comme la République populaire de Chine, n’ont pas une économie de marché, la valeur normale est, en principe, déterminée sur la base du prix ou de la valeur construite dans un pays tiers à économie de marché, en l’espèce la République de l’Inde.

604 Selon la jurisprudence, l’article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement de base vise à éviter la prise en considération des prix et des coûts en vigueur dans les pays n’ayant pas une économie de marché, dans la mesure où ces paramètres n’y sont pas la résultante normale des forces qui s’exercent sur le marché [voir arrêt du 28 février 2018, Commission/Xinyi PV Products (Anhui) Holdings, C‑301/16 P, EU:C:2018:132, point 64 et jurisprudence citée].

605 Toutefois, cela ne signifie pas que la valeur normale ainsi déterminée ne peut faire l’objet d’aucun ajustement. En effet, rien, dans le règlement de base, n’indique que l’article 2, paragraphe 7, sous a), de ce règlement prévoie une dérogation générale à l’exigence d’opérer des ajustements sur le fondement de l’article 2, paragraphe 10, du même règlement, à des fins de comparabilité.

606 Ainsi, dans un cas comme celui de l’espèce, où les institutions déterminent la valeur normale en application de la méthode du pays analogue, conformément à l’article 2, paragraphe 10, du règlement de base, elles doivent tenir compte, sous la forme d’ajustements, des différences constatées dans les facteurs dont il est revendiqué et démontré qu’ils affectent les prix et, partant, leur comparabilité.

607 Cependant, dans le cas où des ajustements de la valeur normale sont envisagés, il est nécessaire que l’article 2, paragraphe 10, du règlement de base soit interprété à la lumière et dans le contexte de l’article 2, paragraphe 7, sous a), du même règlement. Or, pour que cette dernière disposition ne soit pas privée d’effet utile, il convient que les ajustements effectués ne réintègrent pas, dans l’analyse des institutions, des éléments liés aux paramètres qui, dans ce pays, en l’occurrence la République populaire de Chine, ne sont pas la résultante normale des forces qui s’exercent sur le marché (voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général Mengozzi dans les affaires jointes Changshu City Standard Parts Factory et Ningbo Jinding Fastener/Conseil, C‑376/15 P et C‑377/15 P, EU:C:2016:928, point 102).

608 En l’espèce, l’application à la valeur normale du taux de TVA applicable en République populaire de Chine ne revient pas à introduire ou à réintroduire un élément de distorsion du régime chinois dans le calcul de la valeur normale déterminée sur la base de la méthode du pays analogue.

609 En effet, si la Commission a pu considérer, dans les textes produits par les requérantes, le régime de la TVA chinois comme créant des distorsions, c’était uniquement, comme elle l’indique, en raison de la manière dont la République populaire de Chine appliquait la TVA à l’exportation, en prévoyant le remboursement de cette TVA pour certains produits et pas pour d’autres.

610 Pour l’ensemble de ces raisons, il convient de rejeter le second grief et, partant, le cinquième moyen.

Sur le sixième moyen, relatif aux frais VAG ainsi qu’aux profits

611 Dans le sixième moyen, les requérantes soutiennent que, pour établir la valeur normale des types de produits qui n’étaient pas vendus par les trois producteurs indiens inclus dans l’échantillon, mais fabriqués par au moins l’un d’entre eux, la Commission ne pouvait utiliser les frais VAG ainsi que les bénéfices liés aux ventes intérieures effectuées au cours d’opérations commerciales normales réalisées par ce producteur.

612 Selon les requérantes, la Commission ne peut justifier sa position en s’appuyant sur l’article 2, paragraphe 6, du règlement de base, comme elle l’a fait au considérant 71 du règlement attaqué. En effet, cette disposition ne s’appliquerait qu’aux sociétés bénéficiant du statut de société opérant dans les conditions d’une économie de marché en vertu de l’article 2, paragraphe 7, sous b), du règlement de base.

613 La Commission conclut au rejet du moyen. Elle précise que, dans la mesure où les requérantes cherchent à invoquer un moyen nouveau, tiré de la violation de l’article 2, paragraphe 6, du règlement de base, ce moyen doit être considéré comme irrecevable, car il n’a été présenté qu’au stade de la réplique.

614 À cet égard, tout d’abord, il convient de relever que la Commission ne présente pas correctement l’argumentation soulevée par les requérantes. En effet, celles-ci soutiennent que la Commission a violé l’article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement de base, disposition qui indique comment calculer la valeur normale en cas d’application de la méthode du pays analogue. Selon les requérantes, l’article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement de base exclurait ainsi que la Commission puisse se fonder sur l’article 2, paragraphe 6, dudit règlement, qui fixe les modalités de calcul des frais VAG et des bénéfices, car cette disposition ne s’appliquerait qu’en cas d’importations originaires d’un pays ayant une économie de marché ou aux sociétés d’un pays n’ayant pas d’économie de marché dont il a été décidé qu’elles pouvaient bénéficier du traitement d’une économie de marché en application de l’article 2, paragraphe 7, sous b), du règlement de base. Or, cette argumentation a été soulevée dès le stade de la requête et est, par conséquent, recevable.

615 Ensuite, il convient de rappeler que, comme l’a indiqué la Commission au considérant 67 du règlement attaqué, lorsqu’un type de produit n’était pas vendu par les trois producteurs indiens inclus dans l’échantillon, mais qu’au moins l’un d’entre eux le fabriquait, elle a utilisé une valeur construite dans le cadre du calcul de la valeur normale. Cette valeur a été construite sur la base du coût de fabrication de ce producteur indien, majoré des frais VAG ainsi que des bénéfices liés aux ventes intérieures effectuées au cours d’opérations commerciales normales réalisées par ce producteur.

616 En vertu de l’article 2, paragraphe 6, du règlement de base, « [l]es montants correspondant aux frais [VAG], ainsi qu’aux bénéfices, sont fondés sur des données réelles concernant la production et les ventes, au cours d’opérations commerciales normales, du produit similaire par l’exportateur ou le producteur faisant l’objet de l’enquête ». D’autres méthodes sont ensuite énumérées dans cette disposition, dans le cas où ces montants ne peuvent être ainsi déterminés.

617 Les requérantes ne contestent pas que la Commission aurait pu retenir les frais VAG ainsi que les bénéfices du seul producteur indien qui fabriquait les types de produit en cause conformément à l’article 2, paragraphe 6, du règlement de base, si celui-ci avait été applicable. Elles soutiennent que, dans un cas comme celui de l’espèce, où la valeur normale est, conformément à l’article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement de base, déterminée selon la méthode du pays analogue, les paragraphes 1 à 6 de cet article ne sont pas applicables.

618 À cet égard, il convient de relever que, comme l’ont fait valoir les requérantes au soutien de leur argumentation, il ressort de la jurisprudence que, en vertu de l’article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement de base, dans le cas d’importations en provenance de pays n’ayant pas une économie de marché, par dérogation aux règles établies aux paragraphes 1 à 6 du même article, la valeur normale est, en principe, déterminée sur la base du prix ou de la valeur construite dans un pays tiers à économie de marché (arrêt du 19 juillet 2012, Conseil/Zhejiang Xinan Chemical Industrial Group, C‑337/09 P, EU:C:2012:471, point 66).

619 Ainsi, du libellé et de la structure de l’article 2, paragraphe 7, du règlement de base, il ressort que la détermination de la valeur normale des produits en provenance de la République populaire de Chine en application des règles énoncées à l’article 2, paragraphes 1 à 6, du règlement de base est limitée à des cas individuels spécifiques, non rencontrés en l’espèce, dans lesquels les producteurs concernés ont, chacun pour ce qui le concerne, présenté une requête dûment documentée conformément aux critères et aux procédures énoncés à l’article 2, paragraphe 7, sous c), dudit règlement (arrêt du 23 octobre 2003, Changzhou Hailong Electronics & Light Fixtures et Zhejiang Yankon/Conseil, T‑255/01, EU:T:2003:282, point 40).

620 L’objectif est d’éviter la prise en considération des prix et des coûts en vigueur dans les pays n’ayant pas une économie de marché, dans la mesure où ces paramètres n’y sont pas la résultante normale des forces qui s’exercent sur le marché (arrêt du 19 juillet 2012, Conseil/Zhejiang Xinan Chemical Industrial Group, C‑337/09 P, EU:C:2012:471, point 66). 

621 Il en résulte que la Commission ne peut se départir des prescriptions de l’article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement de base pour calculer la valeur normale, c’est-à-dire qu’elle doit, conformément à cette disposition, déterminer la valeur normale « sur la base du prix ou de la valeur construite, dans un pays tiers à économie de marché, du prix pratiqué à partir d’un tel pays tiers à destination d’autres pays, y compris l’Union, ou, lorsque cela n’est pas possible, sur toute autre base raisonnable, y compris le prix effectivement payé ou à payer dans l’Union pour le produit similaire, dûment ajusté, si nécessaire, afin d’y inclure une marge bénéficiaire raisonnable ».

622 Cela étant précisé, il convient de relever que, mis à part la source des prix ou des coûts qui doivent être retenus, qui correspond au pays tiers à économie de marché choisi par la Commission, à savoir, en l’espèce, la République de l’Inde, et l’ordre de présentation des méthodes énoncées, qui doit être respecté par la Commission comme l’a rappelé la jurisprudence (voir, en ce sens, arrêt du 22 mars 2012, GLS, C‑338/10, EU:C:2012:158, points 24 à 26), l’article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement de base ne donne pas d’indication sur les modalités de calcul du prix ou de la valeur construite dans le pays analogue, en particulier en ce qui concerne les frais VAG et les bénéfices.

623 Dans ce contexte, il n’est pas exclu que la Commission puisse reprendre certains éléments méthodologiques contenus à l’article 2, paragraphes 1 à 6, du règlement de base, à la condition qu’ils ne soient pas manifestement inappropriés et qu’ils n’aient pas pour effet de réintroduire des paramètres du pays originaire qui ne sont pas la résultante normale des forces qui s’exercent sur le marché.

624 En l’espèce, les frais VAG et les bénéfices retenus dans le calcul de la valeur normale construite pour un type de produit en fonte ductile et deux types de produit en fonte grise sont ceux du seul producteur indien qui fabriquait les produits en question et dont, par conséquent, le coût de fabrication a été retenu.

625 Au regard du large pouvoir d’appréciation reconnu à la Commission en matière antidumping, il ne saurait être considéré qu’il était manifestement inapproprié de sa part d’ajouter au coût de fabrication de ce producteur les frais VAG ainsi que les bénéfices se rapportant à ses ventes. Par ailleurs, la prise en compte des seuls frais VAG et des bénéfices de ce producteur indien n’a pas eu pour effet de réintroduire des paramètres de la République populaire de Chine qui n’étaient pas la résultante normale des forces qui s’exerçaient sur le marché.

626 Partant, le sixième moyen doit être rejeté.

Sur la demande de mesure d’organisation de la procédure

627 À la fin de leur premier moyen, les requérantes demandent au Tribunal d’ordonner, à titre de mesure d’organisation de la procédure, la production, par la Commission, d’informations qui avaient déjà été demandées à cette institution durant l’enquête, à savoir les calculs et les données sources concernant le volume des importations faisant l’objet d’un dumping, le préjudice et la marge de dumping des producteurs-exportateurs chinois et indiens.

628 À cet égard, il convient de relever que, selon la jurisprudence, c’est au Tribunal qu’il appartient d’apprécier l’utilité de mesures d’organisation de la procédure (voir arrêt du 9 mars 2015, Deutsche Börse/Commission, T‑175/12, non publié, EU:T:2015:148, point 417 et jurisprudence citée).

629 En l’espèce, les éléments contenus dans le dossier sont suffisants pour permettre au Tribunal de se prononcer, celui-ci ayant pu utilement statuer sur la base des conclusions, des moyens et des arguments développés en cours d’instance et eu égard aux documents déposés par les parties.

630 Il s’ensuit que la demande de mesure d’organisation doit être rejetée ainsi que le recours dans son intégralité, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la recevabilité ou le caractère opérant de tous les griefs contestés par la Commission qui ont été rejetés au fond.

Sur les dépens

631 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérantes ayant succombé, il y a lieu de les condamner à supporter leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission et par les intervenantes, conformément aux conclusions de ces dernières.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre élargie)

déclare et arrête :

1) Le recours est rejeté.

2) China Chamber of Commerce for Import and Export of Machinery and Electronic Products et les autres parties requérantes dont les noms figurent en annexe sont condamnées aux dépens.