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Décisions

CA Paris, 4e ch. B, 15 décembre 2000, n° 1999/21052

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

British American tobacco (Sté), Directeur de l'INPI

Défendeur :

Ruault

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Boval

Conseillers :

M. Mandel, M. Regniez

Avocats :

Me Guiziou, Me Hélène

Directeur de l'INPI, du 24 août 1999

24 août 1999

Monsieur Edouard ROUAULT dit Eddie BARCLAY a déposé le 17 novembre 1998 une demande d’enregistrement n° 98 759 989 portant sur le signe “CIGARES EDDIE BARCLAY” pour désigner les produits suivants de la classe 34 : ”tabac, articles pour fumeurs, allumettes”.

Le 23 février 1999, la société BRITISH AMERICAN TOBACCO (BRANDS) Inc. a forme opposition a l’enregistrement de la marque susvisée pour l’ensemble des produits ci-dessus cites, en se prévalant de ses droits ant6rieurs sur la marque BARCLAY déposée le 15 février 1985, enregistrée sous le n° 1337923 et renouvelée le.12 Janvier 1995 pour les produits suivants de la classe 34 : “tabac manufacture ou non, articles pour fumeurs"

Par décision du 24 aout 1999, le directeur général de TINPI a rejeté l’opposition, retenant que le signe conteste ne constituait ni la reproduction totale, ni l’imitation de la marque antérieure.

BRITISH AMERICAN TOBACCO a formé le 20 août 1999 un recours à I’encontre de cette décision en sollicitant son annulation, en raison du risque de confusion existant en réalité entre les signes.

L’INPI a conclu au rejet de ce recours.

M. ROUAULT a également conclu au rejet, sollicitant en outre la condamnation de I’opposante a lui payer la somme de 10 000 francs par application de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Le ministère public a été entendu en ses observations.

SUR CE, LA COUR :

Considérant que selon BRITISH AMERICAN TOBACCO, le signe litigieux constitue la reproduction partielle ou à tout le moins l’imitation de la marque antérieure BARCLAY ; qu’elle fait valoir que :

- comme l’avait admis le directeur général de TINPI dans un projet de décision du 28 juin 1999, dans la marque incriminée, le terme BARCLAY ne se fond pas dans un ensemble dans lequel il perdrait son pouvoir distinctif propre,

-  le risque de confusion a été a tort écarté par l’INPI qui a relevé que “le diminutif anglais EDDIE et le nom BARCLAY constituent un pseudonyme désignant un personnage notoirement cornu” alors que la notoriété n’avait pas été démontrée et que les dispositions de l’article L 713-6 du Code de la propriété intellectuelle s’opposeraient à ce qu’un homonyme (à plus forte raison un pseudonyme) puisse utiliser son propre nom & titre de marque,

-  en toute hypothèse, le risque de confusion entre les signes est certain, le consommateur ne pouvant qu’attribuer la même origine aux produits, les cigarettes ou produits de tabac vendus sous la marque EDDIE BARCLAY étant perçus comme une déclinaison de la gamme de cigarettes et produits du tabac de BARCLAY qui est notoire ;

Considérant que selon M. ROUAULT, au contraire, l’adjonction du prénom EDDIE a BARCLAY qui identifie un personnage particulier forme un ensemble au sein duquel BARCLAY perd son caractère distinctif propre, et les parties ne sont pas “homonymes” au sens de l’article L. 713-6 invoquée ; qu’il relève en outre qu’il existe entre les deux marques des différences intellectuelles, phonétiques et visuelles qui rendent impossibles tout risque de confusion entre les signes ;

Considérant que l’INPI, reprend l’argumentation contenue dans sa décision et souligne qu’il ne peut être tire argument de l’existence d’un projet de décision en sens opposé à la décision en définitive retenue, un projet n’étant qu’un acte préparatoire qui peut être modifie et qu’il ne peut lui être fait grief d’avoir invoqué la notoriété d’Eddie BARCLAY qui n’était pas contestée au cours de la procédure d’opposition ;

Considérant cela expose que comme le soutient exactement l’INPI, un projet de décision n’étant qu’un acte préparatoire, il ne saurait être tire argument de la modification de sa position sur I’existence d’un risque de confusion ;

Considérant que selon les dispositions de l’article L. 713-2 du Code de la propriété intellectuelle : “sont interdits, sauf autorisation du propriétaire...., la reproduction, I ’usage ou l’apposition d’une marque, même avec I ’adjonction de mots tels que : formule, façon, système, imitation, genre, méthode, ainsi que l’usage d’une marque reproduite, pour des produits ou services identiques à ceux désignés dans l’enregistrement” ;

Considérant qu’en l’espèce la marque n’étant pas reproduite à l’identique mais avec des ajouts, ce texte ne saurait s’appliquer ; qu’il convient de rechercher s’il existe un risque de confusion entre les signes au sens de l’article L. 713-3 du Code de la propriété intellectuelle ;

Considérant qu’il ne saurait été reproché à l’INPI d’avoir pris en considération la notoriété du pseudonyme Eddie BARCLAY qui n’avait pas été contestée par la requérante, celle-ci ayant toutefois souligné que la notoriété n’était pas lié aux produits visés par la marque; qu’en revanche au soutien de son opposition, BRITISH AMERICAN TOBACCO ne s’était pas prévalue de la notoriété de sa marque, affirmant seulement dans une note du 3 août 1999 de manière incidente que la “marque est mondialement connue, et disponible en France dans les bureaux de tabac” ; que la Cour ne saurait en conséquence se référer à cette notoriété, au demeurant non démontrée ;

Considérant qu’en l’espèce, le fait que les deux signes comportent le même terme BARCLAY ne suffit pas à créer un risque de confusion pour un consommateur d’attention moyenne ; qu’en effet :

-  visuellement, au-delà de cette reprise, la structure des deux signes est très différente (trois mots dans la marque incriminée, un seul dans la marque opposée), ce qui donne un rythme phonétique tout autre par lequel, avec l’accroche du mot cigares (certes non distinctif), les deux autres termes “EDDIE BARCLAY” sont mis en valeur,

-  intellectuellement, l’expression “EDDIE BARCLAY”, dotée d’un pouvoir évocateur certain, lié au personnage public ainsi désigné, est perdue comme identifiant une personne par son prénom et son nom, alors que le terme isolé BARCLAY n’a aucune évocation particulière, (ne constituant pas la dénomination de l’entreprise) ;

Considérant que les signes présentant des différences visuelles, phonétiques et intellectuelles, l’identité ou la similitude non contestée existant entre les produits désignés par les deux marques n’est pas suffisante pour créer un risque de confusion pour un consommateur d’attention moyenne n’ayant pas les deux signes simultanément sous les yeux ou ne les entendant pas immédiatement l’une après l’autre, ou pour lui faire croire que les produits désignés par ces marques proviennent d’entreprises liées économiquement;

Que le recours sera rejeté ;

Considérant qu’en conséquence est dénuée de pertinence l’argumentation de la requérante tirée des dispositions de l’article L. 713-6 du Code de la propriété intellectuelle qui autorise dans certaines conditions l’utilisation d’un nom patronymique malgré une marque identique, puisqu’il vient d’être dit que les signes ne sont pas source de confusion et que le nom BARCLAY n’est pas utilisé seul mais associe au prénom EDDIE ;

Considérant que l’equité ne commande pas d’allouer une indemnité au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS :

Rejette le recours de la société BRITISH AMERICAN TOBACCO a l’encontre de la décision du directeur de Institut National de la propriété industrielle ;

Dit que le greffier notifiera la présente décision par lettre recommandée avec avis de réception aux parties ainsi qu’au directeur de l’Institut National de la Propriété industrielle.