CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 11 mai 2011, n° 10/12007
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Frogs 2000 (SARL), Sarrion
Défendeur :
Axa France Iard (SA), Argos Innovation (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Pimouille
Conseillers :
Mme Chokron, Mme Gaber
Avocats :
SCP Taze-Bernard Belfayol-Broquet, Me Kesic, SCP Bommart-Forster-Fromantin, Me De Marcellus
FAITS ET PROCEDURE
Considérant que la société ARGOS INNOVATION, intimée, n'a pas constitué avoué ; qu'elle s'est vue notifier, dans les conditions de l'article 908 du Code de procédure civile, la déclaration d'appel et les conclusions des appelants, par une assignation du 13 octobre 2010 qui n'a pu faire l'objet d'une remise à personne ;
Que l'arrêt sera, par application des dispositions de l'article 473 alinéa 1 du Code précité, prononcé par défaut ;
Considérant, sur le fond, qu'il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, au jugement déféré et aux écritures des parties ;
Qu'il suffit de rappeler que Christian SARRION, titulaire depuis 1997 d'un portefeuille de brevets couvrant en France (FR n° 97 13 547), en Europe (EP n° 0 938 390 B1) et dans le monde (PCT/FR97/02059), un dispositif de redressement des carrosseries de véhicules automobiles froissées et bosselées et la société FROGS 2000, bénéficiaire des droits d'exploitation, se sont inquiétés dans le courant du mois de novembre 2005 de ne pas recevoir de la société de conseil en propriété industrielle ARGOS INNOVATION, les demandes en paiement des annuités afférentes aux brevets concernés ;
Qu'ils apprenaient, en février 2007, au terme de l'état des lieux opéré par le Cabinet de conseil en propriété industrielle MOUTARD, auquel ils venaient de transférer la gestion du portefeuille, que 7 brevets sur 16 se trouvaient frappés de déchéance tandis que d'autres devaient faire l'objet de procédures en restauration des droits ;
Qu'ils assignaient, dans ces circonstances, par actes du 6 juin 2008, la société ARGOS INNOVATION et son assureur en responsabilité civile professionnelle, la société AXA FRANCE IARD, en réparation des préjudices subis ;
Que le tribunal, aux termes du jugement dont appel, a, pour l'essentiel, retenu à la charge de la société ARGOS INNOVATION des manquements dans l'exécution de son mandat, faute d'avoir fait le nécessaire pour maintenir en vigueur les brevets notamment en informant son mandant de l'échéance des annuités et l'a condamnée, in solidum avec la société AXA FRANCE IARD, à payer à la société FROGS 2000 et à Christian SARRION, les sommes de :
- 10 000 euros au titre des frais de dépôt,
- 39 498 euros au titre des frais de restauration,
- 1 333,54 euros, en remboursement des annuités,
soit un total de 50 831,54 euros,
outre la somme de 4000 euros par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Considérant que Christian SARRION et la société FROGS 2000, estimant insuffisantes les indemnités allouées par le tribunal, poursuivent l'infirmation du jugement du seul chef de la réparation du préjudice et déclarent agir à cet égard directement contre l'assureur de la société ARGOS INNOVATION, la société AXA FRANCE IARD ;
Considérant que la société AXA FRANCE IARD, demande aux termes du dispositif de ses conclusions l'infirmation du jugement déféré ; qu'il ressort toutefois des motifs de ses écritures qu'elle ne remet aucunement en cause la responsabilité de la société ARGOS INNOVATION à l'endroit des appelants, ni sa garantie, mais se borne à contester les prétentions élevées au titre du préjudice ;
Qu'il s'ensuit que le débat est en définitive circonscrit, devant la cour, à l'évaluation du préjudice subi par Christian SARRION et la société FROGS 2000 par la faute de la société ARGOS INNOVATION ;
Qu'il est à cet égard constant que Christian SARRION a été déchu de ses droits en France, Suisse, Belgique, Espagne, Canada, Italie, Pays-Bas ; que des procédures en restauration de ses droits ont été conduites avec succès par le Cabinet MOUTARD en Allemagne, Grande-Bretagne, Irlande, Luxembourg, Portugal et demeurent en cours à Monaco ; que la protection conférée par le brevet n'a pas été affectée en Chine, au Japon, aux Etats-Unis d'Amérique ;
Considérant que les appelants demandent, en premier lieu, une somme de 208 070,51 euros, représentant le montant des investissements réalisés pour la mise au point de l'invention brevetée ;
Que la société AXA FRANCE, poursuivant sur ce point la confirmation du jugement entrepris, estime que la demande n'est pas justifiée et conclut à son rejet ;
Mais considérant que les appelants produisent en cause d'appel non seulement le bilan comptable de l'année FROGS 2000 pour l'année 2006 indiquant sur la ligne 'immobilisations incorporelles-frais de développement' une somme de 208 078 euros HT, mais les factures relatives aux travaux d'étude et de conception de l'invention, à la réalisation des maquettes et des prototypes, à la rédaction et à la correction des revendications, aux traductions, pour un montant total de 208 078 euros HT ;
Qu'il convient toutefois de tenir compte, dans l'évaluation du préjudice subi par les appelants, des éléments d'appréciation tenant, d'une part, à l'amortissement dont l'investissement initial a été l'objet dans les huit années d'exploitation de l'invention qui se sont écoulées entre le dépôt des brevets en 1997 et la déchéance pour défaut de paiement des annuités acquise en 2005, d'autre part, à la restauration des droits sur 5 des 16 brevets protégeant l'invention, enfin, à l'absence d'incidence de la faute commise par la société ARGOS INNOVATION sur les droits attachés au brevet en Chine, au Japon, aux Etats-Unis d'Amérique ;
Que le préjudice subi par les appelants sera fixé, au regard de ces circonstances, à 50 000 euros ;
Considérant que les appelants réclament, en deuxième lieu, une somme de 58 898,35 euros au titre des frais exposés (taxes, constitution de mandataires étrangers) pour les formalités de dépôt en France, en Europe et dans le monde ;
Or considérant qu'il a été précédemment relevé que les droits ont été restaurés en Allemagne, Grande-Bretagne, Irlande, Luxembourg, Portugal et ont été maintenus en vigueur en Chine, au Japon, aux Etats-Unis d'Amérique ; qu'en conséquence, les demandes formées au titre des dépôts effectués dans ces pays ne sont pas fondées ;
Qu'il sera encore souligné, pour ce qui est des brevets déchus, qu'ils ont été exploités pendant 8 ans ;
Que le tribunal a, dans ces conditions procédé à une juste évaluation, en allouant du chef des frais de dépôt une indemnité de 10 000 euros ;
Considérant que les appelants demandent, en troisième lieu, une somme de 59 800 euros pour les frais de promotion des produits brevetés ;
Mais considérant que les factures versées aux débats se rapportent essentiellement à des documents publicitaires et films de démonstration destinés à promouvoir les produits mettant en oeuvre l'invention dans les salons professionnels et dans le réseau de distribution de la société FROGS 2000 ;
Que ces dépenses, exposées dans le cadre de l'activité commerciale de la société FROGS 2000, ne concernent pas directement le brevet ;
Que la demande formée de ce chef sera, par confirmation du jugement déféré, rejetée ;
Considérant que les appelants, en quatrième lieu, prient la cour de fixer, au vu des nouvelles justifications apportées, à 56 525,90 euros, l'indemnité au titre des coûts supportés pour la restauration des droits ;
Considérant que le tribunal a en effet retenu, pour fixer à 39 498 euros les frais occasionnés par les diverses demandes en restauration, les factures afférentes aux procédures engagées en Allemagne, en Suisse, en Irlande, au Luxembourg et en Grande-Bretagne ;
Que les appelants produisent en cause d'appel les factures relatives aux procédures entreprises aux Pays-Bas, en Italie et en Espagne ;
Qu'il résulte de l'examen de ces nouveaux éléments que les demandes en restauration des droits rendues nécessaires par la négligence de la société ARGOS INNOVATION se sont élevés à 56 525,90 euros ;
Considérant, en cinquième lieu, que le tribunal a exactement relevé, au vu des pièces de la procédure, que la société ARGOS INNOVATION n'a pas reversé à qui de droit la somme de 1333,54 qui lui avait été remise par la société FROGS 2000 en paiement d'une facture émise le 15 novembre 2004 au titre de la huitième annuité des brevets belge, français, espagnol, italien lesquels ont été en définitive, par suite du défaut de paiement de la huitième annuité, frappés de déchéance ;
Considérant que les appelants demandent, en sixième lieu, la somme de 208 070,51 euros au titre des frais de développement du brevet de perfectionnement dont elle a dû entreprendre d'urgence la mise au point pour pallier la déchéance du brevet de 1997 ainsi que la somme de 44 964, 82 euros représentant le coût du dépôt du brevet français n° 08 02465 délivré le 3 septembre 2010 ;
Qu'ils indiquent avoir évalué le coût du développement du nouveau brevet par référence au coût généré par le développement du brevet de 1997 admettant implicitement par là-même ne pas être en mesure de justifier des dépenses effectivement engagés ; qu'il est en toute hypothèse observé que les extraits des livres de comptes du Cabinet MOUTARD de 2006 à 2011, produits en pièces 46 à 51, ne permettent aucunement de vérifier que les sommes versées à ce dernier par la société FROGS 2000 sont liées au brevet invoqué ;
Considérant par ailleurs que la délivrance d'un nouveau brevet en 2010 confère à Christian SARRION le bénéfice d'une nouvelle période de protection de 20 ans à compter de la date de dépôt de la demande (2008 en l'occurrence) ;
Qu'il ressort de ces éléments que le prétendu préjudice subi de ce chef par les appelants n'est pas démontré ainsi que l'a pertinemment observé le tribunal ;
Confirme le jugement entrepris sauf en celles de ses dispositions relatives à l'indemnisation des préjudices subis par Christian SARRION et la société FROGS 2000,
Statuant à nouveau des chefs réformés,
Donne acte aux appelants de ce qu'ils agissent directement contre la société AXA FRANCE IARD, assureur de la société ARGOS INNOVATION,
Condamne la société AXA FRANCE IARD à payer à Christian SARRION et la société FROGS 2000 les sommes de :
- 50 000 euros pour le développement du brevet,
- 10 000 euros pour les frais de dépôt,
- 56 525,90 euros au titre des procédures en restauration des droits,
- 1333,54 euros en remboursement des annuités payées en pure perte,
Condamne la société AXA FRANCE IARD aux dépens de la procédure d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile et à payer aux appelants une indemnité complémentaire de 6 000 euros au titre des frais irrépétibles.