CA Lyon, 3e ch. A, 20 mai 2021, n° 18/05688
LYON
Arrêt
PARTIES
Défendeur :
Cercle des Vignerons du Rhône (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Esparbès
Conseillers :
Mme Homs, Mme Clerc
Avocats :
Me Aguiraud, Me Gossweiler, Me Lecroq, Me Pujol
EXPOSÉ DU LITIGE
La SARL Établissements X, était depuis le 13 février 2009, l'agent commercial de la société coopérative Les Coteaux de Visan.
Début 2016, la société Ortas a racheté la cave de Visan regroupant les caves de Rasteau, Gigondas et Visan.
Des différends sont nés entre les parties et le 11 mai 2016, la SARL Établissements X a sollicité indemnisation de son préjudice ce que la société Ortas a refusé.
Par acte du 6 septembre 2017, la SAS Établissements X a fait assigner la société Ortas en réparation de son préjudice.
La société Ortas a soulevé l'irrecevabilité de l'action pour défaut du droit d'agir au motif qu'elle était introduite par la SAS Établissements X alors que l'agent commercial était la SARL Établissements X, la déchéance du droit à indemnité et à titre subsidiaire au fond, elle a invoqué une faute grave privative d'indemnité.
Par jugement du 8 juin 2018, le tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse a :
- déclaré irrecevables les demandes de la SAS Établissements X tendant à voir condamner la société Ortas à lui payer les sommes de :
. 8 295,42 correspondants à la valeur de rachat de sa carte,
. 5 000 à titre de dommages et intérêts pour manœuvres dolosives,
. 2 000 au titre de l'article 700 du code d procédure civile,
sans examen au fond pour défaut de droit d'agir ,
- condamné la SAS Établissements X à payer à la société coopérative d'intérêt collectif agricole à responsabilité limitée Cave de Rasteau Ortas (SARL), la somme de 1 000 au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la SAS Établissements X aux dépens
La SAS Établissements X a interjeté appel le 31 juillet 2018.
Par conclusions déposées le 19 octobre 2018 fondées sur les articles 1103 et 1104 du code civil et sur les articles 12 et 122 du code de procédure civile, la SAS Établissements X demande à la cour de :
- juger recevable et fondée son argumentation,
en conséquence,
- réformer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,
y substituant,
- condamner la SARL Ortas -Cave de Rasteau à lui verser les sommes de :
. 8 295,42 correspondants à la valeur de rachat de la carte Visan,
. 5 000 à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait des manœuvres dolosives réalisées,
. 3 000 en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la SARL Ortas -Cave de Rasteau aux entiers dépens.
Par conclusions déposées le 15 janvier 2019, au visa des articles 9, 122, 515, 696 et 700 du code de procédure civile, L. 134-12 et L. 134-13 du code de commerce, 1134, 1147, 1101 et 1104 du code civil, la société Cercle des Vignerons du Rhône anciennement dénommée Ortas demande à la cour de :
- juger l'appel mal fondé,
à titre principal sur le défaut du droit à agir et la confirmation du jugement dont appel,
- constater qu'elle a contracté en février 2009 avec la SARL Établissements X, inscrite au RCS de Bourg-en-Bresse sous le n° 322 303 710,
- constater que la demanderesse à l'instance est la SAS Établissements X, inscrite au RCS de Bourg-en-Bresse n° 350 570 006,
- constater qu'une transmission universelle de patrimoine est intervenue le 9 juin 2017 entre la SARL Établissements X et la SAS Établissements X,
- rappeler que le contrat d'agence commerciale est un contrat intuitu personae, qui ne peut être transmis par le biais d'une transmission universelle de patrimoine sans accord exprès du cocontractant tiers à l'opération,
- constater qu'elle n'a pas donné son accord à la poursuite du contrat suite à la transmission universelle de patrimoine du 9 juin 2017, dont elle n'a d'ailleurs jamais été informée,
- constater que la SAS Établissements X, RCS de Bourg-en-Bresse n° 350 670 006, ne peut agir contre elle sur le fondement des articles 1103 et 1104 du code civil, en vertu du contrat d'agence commerciale conclu entre elle et la SARL Établissements X,
en conséquence,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
- déclaré irrecevables les demandes de la SAS Établissements X, sans examen au fond pour défaut de droit d'agir,
- condamné la SAS Établissements X à lui payer la somme de 1 000 au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la SAS Établissements X aux dépens,
ajoutant,
- condamner la SAS Établissements X à lui payer la somme de 5 000 au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance,
à titre subsidiaire sur l'irrecevabilité pour déchéance du droit à indemnité, si la cour estime que la SAS Établissements X a qualité à agir,
- constater :
qu'aux termes du courrier recommandé de la SARL Établissements X du 7 avril 2016, la cessation du contrat d'agence commerciale est intervenue le 1er mars 2016 par sa décision unilatérale,
qu'à compter du 1er mars 2016, la SARL Établissements X a cessé d'exécuter sa mission d'agent commercial dans ses intérêts,
que la SARL Établissements X n'a pas notifié dans le délai d'un an à compter de la date de cessation du contrat d'agence commerciale son intention de faire valoir son droit à l'indemnité compensatrice légale de l'article L. 134-12 du code de commerce,
que, ce faisant, la SARL Établissements X a été déchue de son droit à percevoir l'indemnité compensatrice légale de l'article L. 134-12 du code de commerce,
en conséquence, qu'elle n'a pu transmettre ce droit à indemnité à la SAS Établissements X par le biais de la transmission universelle de patrimoine en date du 9 juin 2011,
en conséquence,
- rejeter toutes les demandes, fins et prétentions de la SAS Établissements X,
- condamner la SAS Établissements X à lui payer la somme de 5 000 au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la SAS Établissements X aux dépens de l'instance,
à titre infiniment subsidiaire, si la cour estime que la SAS Établissements X a qualité à agir et n'est pas déchue de son droit à l'indemnité compensatrice légale,
- constater :
que la SARL Établissements X a méconnu à plusieurs reprises ses grilles de prix et consenti des avoirs et autres avantages tarifaires aux clients, sans accord préalable de son mandant, l'insuffisance de ses résultats tenant les attentes de son mandant,
qu'à compter du 1er mars 2016, la SARL Établissements X a cessé de prospecter dans ses intérêts et en conséquence d'exécuter l'ensemble des obligations auxquelles elle était tenue,
qu'elle a procédé à un transfert non autorisé du contrat d'agence commerciale par transmission universelle du patrimoine en date du 9 juin 2017,
que l'ensemble de ces manquements contractuels sont constitutifs d'une faute grave qui justifie la cessation du contrat d'agence commerciale à ses torts,
qu'en raison de ses fautes graves, la SARL Établissements X (et a fortiori la SAS Établissements X) ne peuvent prétendre à l'indemnité prévue à l'article L. 134-12 du code de commerce,
- juger qu'elle n'a commis aucune manœuvre dolosive,
- constater que la SAS Établissements X est défaillante dans l'administration de la preuve d'un quelconque préjudice,
en conséquence,
- rejeter toutes les demandes, fins et prétentions de la SAS Établissements X,
- condamner la SAS Établissements X à lui payer la somme de 5 000 au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la SAS Établissements X aux entiers dépens de l'instance.
MOTIFS
Au soutien de son appel, la SAS Établissements X fait grief aux premiers juges d'avoir jugé, pour déclarer ses demandes irrecevables, que le contrat d'agent commercial de la SARL Établissements X, conclu en considération de la personne du cocontractant, ne pouvait être transmis même par cession partielle d'actif sans l'accord du cessionnaire et de l'agent commercial et qu'en l'espèce l'accord de la société Ortas pour la poursuite du contrat n'avait été ni sollicité ni obtenu alors qu'elle ne sollicite pas la poursuite du contrat mais au contraire une indemnisation en raison de l'attitude parfaitement déloyale de la société Ortas qui ne l'a jamais informée de sa volonté de mettre fin au contrat.
Elle soutient qu'en conséquence, elle est fondée à agir aux lieu et place de la SARL Établissements X.
La société Cercle de Vignerons du Rhône maintient le défaut de qualité à agir de l'appelante tel que retenu par les premiers juges.
Il est acquis au débat que le contrat d'agent commercial a été conclu le 13 février 2009 entre la société Cave de Visan et la SARL Établissements X laquelle a transmis son K bis (inscrite au RCS de Bourg-en-Bresse sous le numéro 322 303 710) et son RIB à la société Ortas, lorsque celle-ci a repris le contrat, le 18 mars 2016.
La SAS Établissements X prétend et justifie par ses productions les faits suivants :
- par procès-verbal du 9 juin 2017, l'assemblée générale extraordinaire (AGE) de la SARL Établissements X a autorisé M. Y, associé, à apporter à la SARL Gilan holding, son associée à parts égales, l'ensemble de ses parts sociales,
- par procès-verbal du même jour de l'associé unique, l'AGE a décidé de procéder à la dissolution immédiate de la SARL Établissements X entraînant la transmission universelle de son patrimoine à la SARL Gilan holding sans qu'il y ait lieu à liquidation, par procès-verbal du même jour, l'AGE de la SARL Gilan holding a décidé sa transformation immédiate en SAS sans entraîner la création d'une personne morale nouvelle et la modification de sa dénomination sociale, devenant Établissements X, la SARL Établissements X a été radiée le 15 septembre 2017, la SAS Établissements X a été inscrite au RCS de Bourg-en-Bresse sous le numéro 350 670 006.
Cette dernière ne conteste ni que le contrat d'agent commercial étant conclu en considération de la personne du contractant, son transfert lors d'une transmission universelle du patrimoine nécessite l'accord de la mandante, ni que cet accord n'a été ni sollicité ni donné.
En conséquence, elle est dépourvue du droit d'agir à l'encontre de l'intimée sur le fondement du contrat d'agent commercial quelles que soient les demandes, celles tendant à l'indemnisation d'un préjudice résultant d'un comportement déloyal de la mandante dans le cadre de la fin du contrat ne pouvant être que fondées sur ce contrat dont elle n'est pas et n'a jamais été titulaire.
Son argument selon lequel, à suivre le raisonnement des premiers juges, il appartenait à la société mandante, une fois informée dans le cadre de l'instance de l'existence de la transmission universelle de patrimoine de notifier sa volonté de mettre fin au contrat d'agence commerciale pour défaut de sollicitation de son accord sur la poursuite est inopérant, la mandante n'ayant pas à notifier une volonté contractuelle à une partie qui n'est pas sa contractante et à laquelle elle dénie précisément pour ce motif le droit d'agir contre elle.
Le jugement entrepris est donc confirmé en ce qu'il a déclaré irrecevables les prétentions de la SAS Établissements X et sur les condamnations qu'il a prononcées au titre des dépens et des frais irrépétibles qui sont conformes aux dispositions des articles 696 et 700 du code de procédure civile.
Succombant dans son appel, la SAS Établissements X doit en supporter les dépens, garder à sa charge les frais irrépétibles qu'elle a exposés et verser à l'intimée une indemnité de procédure de 2 500 pour l'instance d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement déféré,
Condamne la SAS Établissements X à verser à la SARL Cercle des vignerons du Rhône, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure d'appel et pour l'instance d'appel, une indemnité complémentaire de procédure de 2 500,
Condamne la SAS Établissements X aux dépens d'appel.