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Décisions

CA Paris, Pôle 4 ch. 9, 20 mai 2021, n° 18/06224

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Défendeur :

BM Bymycar (Sasu)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Trouiller

Conseillers :

Mme Bisch, M. Gouarin

TI Juvisy-sur-Orge, du 15 janv. 2018

15 janvier 2018

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Selon bon de commande en date du 9 mai 2014, M. Bruno O. a acquis auprès de la société BM Bymycar un véhicule d'occasion de marque BMW série 7 730 d 258 ch moyennant le prix de 52 900 euros.

Le véhicule a été livré et une facture a été établie le 15 mai 2014 au prix de 52 900 euros.

En janvier 2016, M. O. s'est rendu compte que le véhicule ne comportait que 245 chevaux et non les 258 mentionnés dans le bon de commande.

Invoquant un défaut de conformité entre le véhicule acheté et le véhicule livré, M. O. a, le 23 mars 2016, mis en demeure la société BM Bymycar de lui verser la somme de 6 000 euros.

Saisi le 23 septembre 2016 par M. O. d'une demande indemnitaire, le tribunal d'instance de Juvisy-sur-Orge, par jugement contradictoire du 15 janvier 2018 auquel il convient de se référer, a débouté M. O. de toutes ses demandes.

Le tribunal a relevé que le bon de commande valait contrat de vente entre les parties, que la charge de la preuve de la non-conformité incombait à l'acheteur qui, en l'espèce, ne rapportait pas cette preuve.

Par déclaration en date du 23 mars 2018, M. O. a relevé appel de la décision.

Dans ses dernières conclusions remises le 8 janvier 2021, M. O. demande à la cour de bien vouloir :

- réformer le jugement en toutes ses dispositions,

- condamner la société BM Bymycar à lui verser la somme de 6 000 euros à titre indemnitaire, outre les intérêts légaux à compter du 23 mars 2016 et leur capitalisation, la somme de 1 000 euros au titre du préjudice moral et la somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles,

- débouter la société BM Bymycar de toutes ses demandes et la condamner aux entiers dépens.

Au soutien de ses demandes, l'appelant fait valoir que l'intimée n'a pas délivré le bien vendu et qu'elle doit indemniser le préjudice directement subi.

Il estime que le tribunal aurait dû prendre en compte la facture émise par le vendeur commerçant qui mentionne une puissance différente de celle mentionnée dans le bon de commande, que l'intimée a livré le véhicule correspondant à la facture et que la carte grise mentionne bien que la puissance fiscale est de 180 kW ce qui correspond à 245 chevaux. Selon lui, il rapporte donc la preuve de la non-conformité.

Il souligne la mauvaise foi de l'intimée qui est pourtant un professionnel de l'automobile et considère avoir été dupé par son contractant.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 11 janvier 2021, la société BM Bymycar demande à la cour de bien vouloir :

- à titre principal, confirmer le jugement toutes ses dispositions,

- débouter M. O. de sa demande d'indemnisation pour préjudice moral,

- condamner M. O. à lui payer la somme 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens, dont distraction conformément à l'article 699 du code de procédure civile, au profit de Me O.,

- à titre subsidiaire, limiter le préjudice de M. O. à la somme de 735 euros, rejeter sa demande d'indemnisation pour préjudice moral et dire que chacune des parties conservera la charge de ses frais et dépens.

Au soutien de ses prétentions, l'intimée fait valoir qu'en cas de différence entre un bon de commande et une facture, il faut se référer au bon de commande qui a valeur de contrat entre les parties, que la facture produite ne suffit pas à démontrer les allégations de M. O. qui ne produit aucune expertise, que rien n'établit que le véhicule livré ait 245 chevaux et que la carte grise ne constitue pas un justificatif de la motorisation du véhicule puisqu'elle est établie sur la base de la facture.

Elle souligne que les deux évaluations produites par l'appelant sont imprécises et ne tiennent pas compte de nombreux paramètres affectant la valeur d'un véhicule, que l'appelant ne produit aucune évaluation exacte de son véhicule et que l'attestation produite, non régulière, n'a aucune valeur probante.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 janvier 2021.

SUR CE,

Aux termes de l'article 1604 du code civil, la délivrance est le transport de la chose vendue en la puissance et possession de l'acheteur.

La notion de conformité ou non-conformité est inhérente à l'obligation de délivrance. Ainsi l'acheteur ne peut être tenu d'accepter une chose différente de celle qu'il a commandée. Le vendeur est tenu de livrer un bien conforme au contrat. La non-conformité est une inexécution de l'obligation de délivrance. Ce défaut s'apprécie au jour de la vente et la preuve de la non-conformité incombe à l'acquéreur qui soulève cette exception.

En l'espèce, il n'est pas contesté que selon bon de commande n° 8300 en date du 9 mai 2014, M. O. a commandé à l'intimée un véhicule de marque BMW modèle série 7,730 d 258 ch Exclusive pour le prix de 52 900 euros, que cet achat a fait l'objet d'une facture du 15 mai 2014 et que le véhicule a bien été livré.

M. O. invoque une non-conformité concernant la puissance fiscale du véhicule.

À l'appui de sa demande, il souligne que la facture du 15 mai 2014 concerne un véhicule BMW série 7 modèle 730 d 245 ch Exclusive et que la carte grise comporte à la rubrique P.2 le chiffre 180.

En tant que professionnel de l'automobile, l'intimée ne peut contester que la rubrique P.2 correspond à la puissance nette maximale, exprimée en kW et qu'une puissance de 180 kW correspond à 245 ch, ce qui est d'ailleurs repris dans la fiche descriptive du véhicule qu'elle produit.

Elle ne saurait par ailleurs remettre en cause la validité et la conformité de la facture qu'elle a elle-même rédigée lors de la livraison du véhicule sauf à soutenir qu'elle aurait émis une facture ne correspondant pas au bien livré.

Au demeurant, le numéro de série du véhicule est strictement identique sur les trois documents produits.

L'examen du bon de commande, de la facture et de la carte grise, dont l'authenticité n'est pas remise en cause, établissent la non-conformité invoquée sans qu'il soit nécessaire de recourir à une expertise.

C'est donc à tort que le tribunal a estimé que M. O. ne rapportait pas suffisamment la preuve de la non-conformité entre le véhicule commandé à un professionnel et celui qui lui a été livré. Le jugement sera par conséquent infirmé en toutes ses dispositions.

Pour évaluer son préjudice, M. O. produit deux estimations du site La centrale, spécialisée dans la vente de véhicules d'occasion, concernant les deux modèles et estime que l'écart s'élève à 6 000 euros.

À titre subsidiaire et pour s'opposer à cette évaluation, l'intimée produit deux fiches de description qui indiquent le prix des deux modèles à l'état neuf et une différence de 1 300 euros, soit une différence de 735 euros de nature à compenser la légère perte financière subie sur ce malentendu.

Comme le relève à juste titre l'appelant, les évaluations produites par l'intimée émanent de la société BM Bymycar qui fait partie du même groupe que celle-ci, ce qui leur ôte tout caractère objectivement probant.

Réciproquement, il n'est pas contestable qu'en matière de véhicule d'occasion, les évaluations produites par l'appelant ne permettent pas d'établir avec certitude que les véhicules présentent les mêmes caractéristiques.

Au vu des pièces produites, il sera alloué à M. O. une somme de 3 000 euros en réparation de son préjudice économique.

Il lui sera également alloué une somme de 500 euros en réparation de son préjudice moral résultant par le fait d'avoir été dupé sur la puissance de son véhicule par un vendeur professionnel.

Ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter de la mise en demeure et la capitalisation des intérêts sera ordonnée, en application de l'article 2254 du code civil, dans sa version applicable au litige.

La société BM Bymycar, partie perdante en appel, devra en supporter les dépens et conservera la charge de ses frais irrépétibles.

Il n'apparaît pas inéquitable d'allouer à M. O. une somme de 2 500 euros au titre de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement par arrêt rendu contradictoirement en dernier ressort, par mise à disposition au greffe,

- Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Statuant de nouveau,

- Condamne la société BM Bymycar Marne-la-Vallée à verser à M. Bruno O. la somme de 3 000 euros en réparation de son préjudice économique et la somme de 500 euros en réparation de son préjudice moral, outre les intérêts au taux légal à compter du 23 mars 2016 ;

- Ordonne la capitalisation des intérêts ;

Y ajoutant,

- Condamne la société BM Bymycar Marne-la-Vallée à payer à M. Bruno O. une somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamne la société BM Bymycar Marne-la-Vallée aux entiers dépens.