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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 20 mai 2021, n° 19/05011

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

CLS Rémy Cointreau (SAS)

Défendeur :

Select Wine Merchants Ltd (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Prigent

Conseillers :

Mme Soudry, Mme Lignières

T. com. Paris, du 29 nov. 2018

29 novembre 2018

FAITS ET PROCÉDURE :

La société Select Wine Merchants (ci-après société SWM) est une société de droit canadien qui a pour activité commerciale le référencement et la promotion de vins et spiritueux au Canada.

La société CLS Rémy Cointreau est une société de droit français, filiale de la société Rémy Cointreau, qui a pour activité le commerce de vins et de spiritueux.

Le 28 mai 2008, la société CLS Rémy Cointreau a conclu avec la société SWM un contrat dénommé « exclusive agency agreement », aux termes duquel elle lui a confié la représentation exclusive des champagnes Piper Heidsieck Charles Heidsieck en vue de leur vente et de leur promotion sur le territoire canadien. Ce contrat a été conclu pour une durée de trois ans à compter du 1er juin 2008.

Le 23 octobre 2008, les parties ont conclu un nouveau contrat également dénommé « exclusive agency agreement » en vertu duquel la société CLS Rémy Cointreau a désigné la société SWM comme agent exclusif en vue de la commercialisation et de la promotion de ses produits au Canada. Ce contrat a été conclu pour une durée de trois ans à compter du 1er avril 2009, renouvelable automatiquement pour des périodes successives de trois ans, sauf dénonciation adressée par courrier six mois au moins avant l'échéance.

Par lettre du 21 septembre 2011, la société CLS Rémy Cointreau a averti la société SWM qu'elle ne souhaitait pas renouveler le contrat à son échéance prévue le 31 mars 2012 tout en l'informant de son souhait de négocier un nouvel accord.

C'est ainsi qu'un nouveau contrat a été conclu le 1er avril 2012 pour une durée de trois ans, renouvelable automatiquement par période de trois ans, sauf dénonciation six mois avant l'échéance.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 15 février 2013, la société CLS Rémy Cointreau a résilié ce contrat avec effet au 30 mai 2013 au motif que la société Select Wine n'aurait pas atteint les objectifs de vente fixés.

Le 19 avril 2013, un nouveau contrat a été conclu pour une durée de deux ans à compter du 1er juin 2013, renouvelable automatiquement pour des périodes de deux ans, sauf dénonciation adressée par courrier six mois avant l'échéance.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 26 novembre 2014, la société CLS Rémy Cointreau a informé la société SWM qu'elle mettait un terme au contrat à son échéance prévue le 31 mai 2015, tout en l'informant de son souhait de négocier un nouvel accord.

Se prévalant du fait qu'aucun accord n'avait pu être trouvé, la société CLS Rémy Cointreau a confirmé, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 1er avril 2015, à la société SWM que leurs relations prendraient fin le 1er juin 2015.

Prenant acte de cette rupture, la société SWM a sollicité, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 7 mai 2015, de la société CLS Rémy Cointreau le paiement de l'intégralité des commissions dues, le paiement d'une somme de 6 416 431 $ CAD au titre de l'indemnité de rupture du contrat d'agent commercial ainsi que le versement d'une indemnité compensatrice au titre de son préjudice financier et moral.

Par lettre du 13 mai 2015, la société CLS Rémy Cointreau a contesté devoir une quelconque indemnité de rupture en déniant la qualité d'agent commercial de la société SWM.

C'est dans ces conditions que la société SWM a assigné la société CLS Rémy Cointreau devant le tribunal de commerce de Paris, par acte du 13 août 2015, aux fins de la voir condamner à lui verser la somme de 6 570 354 $ CAD au titre de l'indemnité de résiliation, une somme à chiffrer en fonction des éléments communiqués par la société CLS Rémy Cointreau au titre des commissions dues sur les ventes réalisées du 1er juin au 31 août 2015 et à défaut, la somme de 1 095 059 $ CAD à titre de dommages et intérêts correspondant à quatre mois de commissions, outre une somme de 20 000 euros en réparation du préjudice moral subi.

La société CLS Rémy Cointreau s'est opposée à ces demandes et a formé une demande reconventionnelle de condamnation de la société SWM à lui verser une somme de 629 638 $ CAD en invoquant des détournements frauduleux de marge commis à son préjudice au cours des relations contractuelles.

Dans le cadre de la première instance, la société CLS Rémy Cointreau a soulevé un incident de communication de pièces.

Par jugement du 30 juin 2016, le tribunal de commerce de Paris, statuant sur cet incident, a condamné la société SWM, sous astreinte de 150 euros par jour et par document pendant 30 jours, à communiquer à la société CLS :

- les structures de prix des produits de la société Rémy Cointreau applicables dans la province d'Alberta au Canada, établies par ses soins, et les factures de ces produits qu'elle a adressées à l'AGLC, et ce au titre des années 2008 et 2009,

- les structures de prix des produits de Rémy Cointreau applicables dans la province de la Colombie Britannique au Canada, établies par ses soins, et les factures de ces produits qu'elle a adressées à la BCLDB, et ce au titre des années 2008, 2009, 2010 et 2012.

Par jugement du 29 novembre 2018, le tribunal de commerce de Paris a :

- dit que la Société de droit canadien Select Wine Merchants Ltd a été agent commercial de la société CLS Rémy Cointreau du 2 mai 2014 au 31 mai 2015 ;

- condamné la société CLS Rémy Cointreau à payer à la société de droit canadien Select Wine Merchants Ltd la contrevaleur en euros, au taux de change en vigueur le jour de la signification de la présente décision, de la somme de 1 223 007 $ CAD, déboutant pour le surplus, outre intérêt au taux légal à compter du 13 août 2015, avec capitalisation ;

- dit recevables les demandes reconventionnelles de la société CLS Rémy Cointreau ;

- condamné la société de droit canadien Select Wine Merchants Ltd à payer à la société CLS Rémy Cointreau la contrevaleur en euros, au taux légal en vigueur le jour de la signification de la présente décision, de la somme de 925 821 $ CAD ;

- ordonné l'exécution provisoire sous réserve qu'il soit fourni par le bénéficiaire la caution d'une banque de l'Union Européenne ;

- dit que chaque partie conservera ses frais à sa charge ;

- condamné la SAS CLS Rémy Cointreau aux dépens.

Par déclaration du 5 mars 2019, la société CLS Rémy Cointreau a interjeté appel de ce jugement en ce qu'il a :

- dit que la société de droit canadien Selet Wine Merchants Ltd a été agent commercial de la société CLS Rémy Cointreau du 2 mai 2014 au 31 mai 2015 ;

- condamné la société CLS Rémy Cointreau à payer à la société de droit canadien Select Wine Merchants Ltd la contrevaleur en euros, au taux de change en vigueur le jour de la signification de la présente décision, de la somme de 1 233 077 $ CAD, outre intérêt au taux légal à compter du 13 août 2015, avec capitalisation ;

- dit que chaque partie conservera ses frais à sa charge ;

- débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires ;

- condamné la société CLS Rémy Cointreau aux dépens.

Par conclusions en date du 28 octobre 2019, la société SWM a formé appel incident en vue de voir :

- infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la qualité d'agent commercial pour la période antérieure au 2 mai 2014 ;

- reformer le jugement en ce qu'il a condamné la société Rémy Cointreau à payer à la société Select Wine Merchants la contrevaleur en euros, au taux de change en vigueur le jour de la signification du jugement, de la somme de 1 223 077 $ CAD, outre intérêt légal à compter du 13 août 2015, avec capitalisation ;

- reformer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de la société Select Wine Merchants au titre des commissions dues au titre des ventes réalisées par la société Rémy Cointreau du 1er juin 2015 au 31 août 2015 ;

- infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Select Wine Merchants Ltd à payer à la société Rémy Cointreau la contrevaleur en euros au taux en vigueur le jour de la signification du jugement de la somme de 925 821 $ CAN ;

Prétentions et moyens des parties

Dans ses dernières conclusions du 20 janvier 2021, la société CLS Rémy Cointreau demande à la cour de :

Vu les articles L. 134-1 et suivants du code de commerce,

Vu les articles 3 et 17 de la directive 86/653/CEE,

Vu les articles 1134 et 1147 du code civil (ancien),

Vu les articles 564 et 910-4 du code de procédure civile, et le principe de l'estoppel,

- juger que les contrats conclus entre les sociétés Select Wine Merchants et CLS Rémy Cointreau ne caractérisent pas une agence commerciale ;

En conséquence,

- infirmer le jugement en ce qu'il a jugé que la société Select Wine Merchants aurait eu la qualité d'agent commercial du 2 mai 2014 au 31 mai 2015, et en ce qu'il a condamné la société CLS Rémy Cointreau au paiement d'une indemnité d'un montant de 1 223 077 dollars canadiens, outre intérêts et capitalisation ;

- juger que le rejet de la demande de la société Select Wine Merchants de condamnation de la société CLS Rémy Cointreau à lui payer des dommages et intérêts complémentaires à hauteur de 704 025 dollars canadiens au regard des conditions dans lesquelles se serait déroulé le préavis, outre 20 000 euros à titre de préjudice moral, est définitif ;

En conséquence,

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Select Wine Merchants de ses demandes :

. de condamnation de la société Rémy Cointreau à lui payer une indemnité de 4 224 150 dollars canadiens, avec intérêts à compter du 7 mai 2015, capitalisés ;

. de condamnation de la société CLS Rémy Cointreau à lui payer des dommages et intérêt complémentaires à hauteur de 704 025 dollars canadiens au regard des conditions dans lesquelles se serait déroulé le préavis, outre 20 000 euros à titre de préjudice moral ;

. subsidiairement de condamnation de la société CLS Rémy Cointreau à lui payer des dommages et intérêts à hauteur de 2 042 285 dollars canadiens, fondée sur la rupture brutale de la relation commerciale, outre 20 000 euros à titre de préjudice moral ;

. au titre des frais irrépétibles ;

Par ailleurs,

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Select Wine Merchants à payer à la société CLS Rémy Cointreau une somme de 925 821 dollars canadiens en réparation du préjudice subi du fait des détournements commis à son détriment ;

- débouter la société Select Wine Merchants de l'ensemble de ses demandes principales, accessoires ou incidentes ;

- juger irrecevable sa demande nouvelle de se voir reconnaître la qualité d'agent commercial pour les provinces de l'Alberta et de la Colombie-Britannique ;

- condamner la société Select Wine Merchants à payer à la société CLS Rémy Cointreau la somme de 100 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, à recouvrer par Me Patricia H. de la SELARL 2H Avocats, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

- condamner la société Select Wine Merchants aux entiers dépens de première instance et d'appel.

La société Rémy Cointreau CLS dénie à la société SWM la qualité d'agent commercial. Elle affirme tout d'abord que le statut d'agent commercial est incompatible avec le système d'importation et de distribution d'alcool existant au Canada. Elle prétend en effet que la société SWM n'avait aucun rôle de développement d'une clientèle puisqu'il existe au Canada un monopole d'Etat de la distribution de l'alcool par l'intermédiaire des commissions des alcools existant dans chaque province de sorte que la vente d'alcool par les fournisseurs s'effectue nécessairement à la commission des alcools de la province considérée. Elle explique que le rôle de la société SWM n'était donc pas de négocier des contrats de vente mais de négocier le référencement de ses produits et s'apparentait donc à du courtage. Elle précise que le rôle de la société SWM était assez limité puisqu'il consistait à répondre à des appels d'offres des commissions des alcools pour la commercialisation de nouveaux produits ainsi qu'à assurer la promotion de ses produits auprès des magasins, restaurants, bars, hôtels les distribuant ainsi qu'auprès des consommateurs finaux pour stimuler les ventes et écarter tout déréférencement.

Elle ajoute que les stipulations du contrat prévoyant une possibilité de résiliation anticipée en cas d'inobservation par l'agent des objectifs de performances fixés ou prévoyant une rémunération de l'agent assise sur les ventes effectives d'alcool, que ce soit ou non à la suite de l'intervention de l'agent, excluent la qualification de contrat d'agent commercial.

Elle considère ainsi que la mission de la société SWM doit être qualifié de courtage dans le cadre du référencement des produits, de conseil quant à la fixation des prix des produits et à la connaissance du marché canadien et de prestations de services lors de la promotion ou lors des opérations de marketing des produits.

En tout état de cause, elle invoque la déloyauté de la société SWM, qui se serait attribué des marges indues sur les ventes réalisées en Alberta et en Colombie Britannique, pour lui dénier tout droit à une indemnité de rupture. Elle ajoute que la société SWM ne justifie d'aucune perte de clientèle ou d'investissements spécifiques. Enfin elle conteste la demande au titre des commissions récurrentes en soutenant qu'il est impossible de savoir quelles commandes passées par les commissions des alcools sont liées à l'intervention de la société SWM.

Elle s'oppose également à la demande subsidiaire formée par la société SWM sur le fondement de la rupture brutale des relations commerciales en soutenant que lesdites relations étaient précaires et qu'un préavis de six mois a été observé avant la rupture des relations.

Elle revendique la confirmation du jugement en ce qu'il a fait droit à sa demande reconventionnelle d'indemnisation du préjudice financier résultant des agissements déloyaux de la société SWM. Elle soutient que ces agissements ayant été découverts au mois d'octobre 2011 pour l'Alberta et à la fin de l'année 2012 pour la Colombie Britannique, aucune fin de non-recevoir tirée de la prescription ne peut lui être opposée dès lors qu'elle a formé sa demande en justice par voie de conclusions du 27 janvier 2016. Elle prétend que le contrat conclu avec la société SWM ne prévoyait aucune autre rémunération pour cette dernière qu'une commission de 15 % pour la mission qui lui était confiée dans les provinces de l'Alberta et de la Colombie Britannique. Or elle affirme qu'en dépit de ces stipulations contractuelles, la société SWM a bénéficié d'une « marge indue » d'environ 16 % sur la vente de ses produits en Alberta et en Colombie Britannique.

Elle considère que dans ces provinces, la société SWM n'était pas un distributeur indépendant mais agissait uniquement pour son compte. Elle dénie en conséquence l'application des dispositions de l'article L. 442-5 du code de commerce prohibant la pratique des prix minimum imposés.

Elle soulève l'irrecevabilité de la demande subsidiaire formée par la société SWM sur le fondement du statut d'agent commercial pour les provinces de l'Alberta et de la Colombie Britannique en prétendant qu'il s'agit d'une demande nouvelle en appel et contraire au principe de l'estoppel. Sur le fond, elle dénie la qualification d'agent commercial aux missions confiées à la société SWM dans ces provinces.

Dans ses dernières conclusions du 27 janvier 2021, la société SWM demande à la cour de :

Vu l'article L. 134-1 du code de commerce,

Vu l'article L. 134-12 du code de commerce,

Vu l'article L. 134-7 du code de commerce,

Vu l'article R. 134-3 du code de commerce,

Vu l'article L. 442-6 (ancien) du code de commerce,

A titre principal, sur la qualité d'agent commercial de la société Select Wine Merchants :

- confirmer le jugement en ce qu'il a dit que la société Select Wine Merchants avait la qualité d'agent commercial ;

- infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la qualité d'agent commercial pour la période antérieure au 2 mai 2014 ;

- réformer le jugement en ce qu'il a condamné la société Rémy Cointreau à payer à la société Select Wine Merchants la contrevaleur en euros, au taux de change en vigueur le jour de la signification du jugement, de la somme de 1 223 077 $ CAD, outre intérêt légal à compter du 13 aout 2015, avec capitalisation ;

- réformer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de la société Select Wine Merchants au titre des commissions dues au titre des ventes réalisées par la société Rémy Cointreau du 1er juin 2015 au 31 août 2015 ;

Statuant à nouveau :

- juger que la société Select Wine Merchants a été l'agent commercial de la société Rémy Cointreau au Canada (sauf en Alberta et en Colombie Britannique) pendant toute la durée de la relation contractuelle entre les parties, soit du 15 mai 2008 au 31 mai 2015 ;

En conséquence :

- condamner la société Rémy Cointreau à payer à la société Select Wine Merchants Ltd la contrevaleur en euros au taux de change en vigueur au jour de la décision à intervenir, de la somme de 4 224 150 $ CAN à titre d'indemnité de rupture, augmentée des intérêts au taux légal à compter à compter de la mise en demeure d'y procéder du 7 mai 2015, avec capitalisation des intérêts ;

- condamner la société Rémy Cointreau à payer à la société Select Wine Merchants Ltd la contrevaleur en euros au taux de change en vigueur au jour de la décision à intervenir, de la somme de 528 018,75 $ CAN correspondant à 3 mois de commissions calculées sur la base de la moyenne des trois dernières années augmentées des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure d'y procéder du 7 mai 2015, avec capitalisation des intérêts ;

A titre subsidiaire :

Si par extraordinaire la qualité d'agent commercial n'est pas reconnue :

- juger que la société Rémy Cointreau a rompu brutalement la relation commerciale établie avec la société Select Wine Merchants Ltd ;

En conséquence,

- condamner la société Rémy Cointreau à payer la société Select Wine Merchants Ltd la valeur en euros au taux de change en vigueur au jour de la décision à intervenir de la somme de 2 042 285 $ CAN à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la rupture brutale, outre intérêts au taux légal à compter du jour de l'assignation et jusqu'à parfait paiement ;

- ordonner la capitalisation des intérêts ;

Sur la demande reconventionnelle de la société Rémy Cointreau :

- infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Select Wine Merchants Ltd à payer à la société Rémy Cointreau la contrevaleur en euros au taux de change en vigueur le jour de la signification du jugement de la somme de 925 821 $ CAN dans la mesure où la demande de la société Rémy Cointreau est prescrite ;

- débouter la société Rémy Cointreau de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

Si la qualité d'acheteur de la société Select Wine Merchants Ltd n'est pas reconnue en Alberta et en Colombie Britannique :

- juger que la société Select Wine Merchants a été l'agent commercial de la société Rémy Cointreau sur l'intégralité du territoire du Canada (Alberta et Colombie Britannique incluses) pendant toute la durée de la relation contractuelle entre les parties, soit du 15 mai 2008 au 31 mai 2015 ;

- juger en conséquence que les commissions versées à la société Select Wine Merchants Ltd au titre des ventes dans les provinces de l'Alberta et de la Colombie Britannique, doivent être incluses dans le calcul de l'indemnité de rupture d'agent commercial ;

- condamner la société Rémy Cointreau au paiement de la valeur en euros au jour de la décision à intervenir de la somme de 6 570 354 $ CAN à titre d'indemnité de rupture, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 7 mai 2015, date de la première mise en demeure, et jusqu'à complet paiement, avec capitalisation des intérêts ;

En tout état de cause :

- condamner la société Rémy Cointreau à payer à la société Select Wine Merchants Ltd la somme de 70 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, au titre de la procédure d'appel ;

- condamner la société Rémy Cointreau aux entiers dépens de première instance et d'appel, recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile dont distraction au profit de la SCP G.-B..

A l'appui de ses prétentions, la société SWM affirme avoir eu la qualité d'agent commercial de la société Rémy Cointreau CLS (à l'exception des provinces de l'Alberta et de la Colombie Britannique) tout au long de leurs relations, soit pendant 7 années. Elle explique que contrairement à ce qu'ont jugé les premiers juges, sa mission n'a pas varié à compter du 2 mai 2014 mais a toujours été la même. Elle rappelle qu'en vertu d'un arrêt du 4 juin 2020, la CJUE a jugé qu'une personne ne doit pas nécessairement disposer de la faculté de modifier les prix des marchandises dont elle assure la vente pour le compte du commettant pour être qualifiée d'agent commercial.

Elle considère ensuite que le régime monopolistique d'importation et de distribution des alcools au Canada ne saurait exclure la qualification d'agent commercial. Elle conteste l'argumentation développée par la société Rémy Cointreau CLS selon laquelle la qualification d'agent commercial supposerait nécessairement le développement d'une clientèle. Elle dément toute qualification de la mission qui lui a été confiée par la société Rémy Cointreau CLS en contrat de courtage. Elle affirme ainsi qu'elle détenait bien un mandat de la part de la société Rémy Cointreau CLS pour la représenter de manière permanente et indépendante auprès des commissions des alcools des provinces canadiennes.

Elle précise que son rôle a consisté, pour le compte de la société Rémy Cointreau CLS, à entreprendre toutes les démarches, discussions et rencontres auprès desdites commissions pour faire référencer ses produits et fixer leur prix en vue de la conclusion de contrats de vente ainsi que pour les promouvoir afin de maintenir le référencement une fois celui-ci obtenu. Elle prétend que son rôle ne peut être réduit à un rôle de simple intermédiaire administratif comme le soutient la partie adverse alors même que des objectifs de performance lui ont été assignés. Elle soutient être intervenue dans les fixations de prix des produits auprès des commissions des alcools en négociant des augmentations de prix compte tenu de sa connaissance du marché. Elle affirme avoir contribué au développement du chiffre d'affaires de la société Rémy Cointreau CLS grâce à ses actions promotionnelles. Elle revendique en conséquence une indemnité de rupture équivalente à deux années de commissions et estime n'avoir commis aucune faute grave de nature à la priver de son droit à percevoir cette indemnité. Elle sollicite en outre, en vertu de l'article L. 134-7 du code de commerce, le paiement de commissions récurrentes pendant trois mois après la cessation du contrat d'agence commerciale.

A titre subsidiaire, elle invoque la responsabilité de la société Rémy Cointreau CLS pour rupture brutale des relations commerciales établies. Elle prétend n'avoir été avisée que le 1er avril 2015 de la volonté ferme de la société Rémy Cointreau CLS d'interrompre les relations. Elle soutient que malgré la succession de contrats, la relation revêtait bien un caractère établi. Elle affirme que le délai de deux mois qui lui a été laissé pour se réorganiser était insuffisant eu égard à l'ancienneté des relations (7 ans), au fait que la société Rémy Cointreau CLS représentait un tiers de son chiffre d'affaires et à l'exclusivité consentie à la société Rémy Cointreau CLS. Elle estime qu'eu égard à ces éléments, un délai de préavis de dix mois aurait dû être observé.

Sur la demande reconventionnelle formée à son encontre, elle invoque tout d'abord sa prescription. Ensuite elle conteste tout détournement ou manquement contractuel commis au préjudice de la société Rémy Cointreau CLS. Elle explique que dans les provinces de l'Alberta et de la Colombie Britannique, son rôle d'agent s'exerçait de manière différente puisqu'elle achetait les produits à la société Rémy Cointreau CLS pour les revendre aux commissions des alcools. Elle précise que c'est la raison pour laquelle elle ne revendique pas le statut d'agent commercial pour ces provinces. Elle soutient ainsi être intervenue comme « stockiste/distributeur » et avoir supporté l'intégralité des taxes d'importations et frais logistiques (de réception, d'entreposage, de gestion, de réexpédition) ainsi que les risques financiers et juridiques correspondants. Elle fait valoir qu'à défaut pour les contrats antérieurs à celui du 1er avril 2012 d'avoir précisé le montant des coûts logistiques, variables selon la durée de stockage, il ne peut lui être reproché aucun manquement contractuel et notamment d'avoir pratiqué des coûts logistiques supérieurs à ceux sur lesquels les parties se seraient prétendument accordées ou d'avoir dissimulé leur quantum. Enfin elle prétend que la demande reconventionnelle de la société Rémy Cointreau CLS revient à contrevenir aux dispositions de l'article L. 442-5 du code de commerce qui interdit au fournisseur d'imposer un prix de revente minimal. A titre subsidiaire, s'il était considéré qu'elle n'avait pas la qualité d'acheteur/revendeur dans les provinces de l'Alberta et de la Colombie Britannique, elle demande que sa mission soit qualifiée d'agent commercial et elle revendique en conséquence le versement de l'indemnité de rupture correspondante.

La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 28 janvier 2021.

MOTIFS

Sur la qualification du contrat

A titre liminaire, il sera observé que chacun des contrats conclus entre la société Rémy Cointreau CLS et la société SWM stipule que l'accord est soumis au droit français.

Les parties s'opposent quant à la qualification du contrat les liant : la société SWM revendiquant le statut d'agent commercial et la société Rémy Cointreau CLS affirmant qu'il s'agit d'un contrat de courtage et de prestations de services.

Dans le cadre de l'opération de qualification du contrat, le juge ne doit pas tenir compte de la qualification donnée par les parties à leur relation mais rechercher, eu égard aux stipulations contractuelles comme aux modalités d'exécution du contrat, quel est le véritable statut de la personne qui se présente comme agent commercial.

Selon L. 134-1 du code de commerce, l'agent commercial est un mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestation de services, au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels, de commerçants ou d'autres agents commerciaux. Il peut être une personne physique ou une personne morale.

Ces dispositions résultent de la loi n° 91-593 du 25 juin 1991 relative aux rapports entre les agents commerciaux et leurs mandants ayant transposé en droit français la directive 86/653/CEE du Conseil du 18 décembre 1986 relative à la coordination des droits des Etats membres concernant les agents commerciaux indépendants.

L'article premier de cette directive dispose que « l'agent commercial est celui qui, en tant qu'intermédiaire indépendant, est chargé de façon permanente, soit de négocier la vente ou l'achat de marchandises pour une autre personne, ci-après dénommée « commettant », soit de négocier et de conclure ces opérations au nom et pour le compte du commettant. »

Cette disposition énonce ainsi trois conditions nécessaires et suffisantes pour qu'une personne puisse être qualifiée d'agent commercial. Premièrement, cette personne doit posséder la qualité d'intermédiaire indépendant. Deuxièmement, elle doit être liée contractuellement de façon permanente au commettant. Troisièmement, elle doit exercer une activité consistant soit à négocier la vente ou l'achat de marchandises pour le commettant, soit à négocier et à conclure ces opérations au nom et pour le compte de celui-ci.

En l'espèce, il n'est ni discuté ni discutable que la société SWM est intervenue en qualité d'intermédiaire indépendant et a été liée de façon permanente à la société Rémy Cointreau CLS. Seule la troisième condition fait l'objet de débats.

Par un arrêt du 4 juin 2020 (Trendsetteuse, C-828/18), la CJUE a dit pour droit que l'article 1, paragraphe 2, de la directive 86/653 doit être interprété en ce sens qu'une personne ne doit pas nécessairement disposer de la faculté de modifier les prix des marchandises dont elle assure la vente pour le compte du commettant pour être qualifiée d'agent commercial, au sens de cette disposition.

Il en résulte que doit être qualifié d'agent commercial le mandataire, personne physique ou morale qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestation de services au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels, de commerçants ou d'autres agents commerciaux, quoiqu'il ne dispose pas du pouvoir de modifier les prix de ces produits ou services.

Ainsi, il importe peu que l'agent commercial ne conclue pas lui-même les contrats qu'il est chargé de négocier. En outre, la mission de négociation ne s'entend pas exclusivement du pouvoir de modifier les prix des produits ou services mais consiste à faire en sorte que l'offre du mandant reçoive une acceptation du client, ce qui peut être caractérisé par le démarchage de la clientèle, l'orientation de son choix en fonction de ses besoins, sa fidélisation par des actions commerciales ou encore la valorisation du produit.

Dès lors, il est indifférent à la qualification du contrat liant les sociétés Rémy Cointreau CLS et SWM que cette dernière n'ait pas eu de pouvoir de négociation des prix ou encore que les contrats de vente aient été conclu directement entre la société Rémy Cointreau CLS et chacune des commissions provinciales au Canada.

La société Rémy Cointreau CLS prétend par ailleurs que le statut de l'agent commercial est incompatible avec le système d'importation et de distribution de l'alcool qui existe au Canada étant précisé que ce système présente des particularités dans les provinces de l'Alberta et de la Colombie Britannique.

Il convient donc d'analyser distinctement la mission confiée par la société Rémy Cointreau CLS à la société SWM selon qu'elle s'exerçait dans ou hors les provinces de l'Alberta et de la Colombie Britannique.

Sur le rôle de la société SWM hors provinces de l'Alberta et de la Colombie britannique

Il ressort des éléments des débats que la distribution du vin et des spiritueux au Canada est réglementée par la commission des alcools de la province concernée, qui a le monopole d'importation et de ventes au détail.

Pour vendre son produit sur le marché canadien, le producteur doit le présenter à la commission provinciale qui décide ou non de le référencer puis de le commercialiser dans l'une de ses succursales ou agences. En cas d'acceptation, la commission passe directement commande au fournisseur. Chaque commission de province dispose de son propre réseau de distribution de détail et déploie sa propre politique d'achat, de vente et de promotion des vins et spiritueux.

Il existe deux façons de proposer un vin ou un alcool sur le marché canadien : soit sur une liste générale, les produits qui y sont référencés doivent alors remplir un quota de ventes annuelles sous peine de déréférencement, soit sur une liste spéciale pour des produits répondant à certains critères.

Pour vendre ses produits aux commissions, le producteur peut et, dans certains cas comme en Ontario, doit avoir recours à un agent. L'agent a pour mission de représenter le producteur auprès de la commission provinciale et de faire la promotion des produits dans la province.

Par ailleurs, en l'espèce, les contrats litigieux stipulent que la société Rémy Cointreau CLS désigne la société SWM comme son agent exclusif pour les produits désignés en annexe sur le territoire du Canada et que l'agent doit proposer lesdits produits à la vente sur ce territoire aux prix et conditions déterminés par le mandant. Il est également prévu que l'agent devra fournir des services promotionnels et notamment fournir aux lieux de vente tout support publicitaire que le mandant aurait pu adresser à l'agent : supports de publicité sur les lieux de vente, affichages, présentoirs et autres matériels marketing. Il est en outre indiqué que l'agent informera le mandant régulièrement du progrès et du développement futur probable du marché pour les produits représentés et devra fournir toutes les données et informations listées en annexe. Il est mentionné que l'agent agira dans tous les cas en tant que représentant indépendant et non comme employé, unité, succursale ou filiale du mandant. En contrepartie des services rendus, les stipulations contractuelles mettent à la charge du mandant le paiement d'une commission fixée en pourcentage des ventes facturées des produits dans toutes les provinces à l'exception de l'Alberta et de la Colombie Britannique et ce, que les ventes facturées soient liées ou non à l'intervention de l'agent. Les contrats contiennent enfin une clause de représentation exclusive à la charge de l'agent à l'exception d'un certain nombre de produits listés en annexe.

Contrairement à ce qu'affirme la société Rémy Cointreau CLS, le fait que les contrats litigieux ne fassent pas dépendre le versement de la commission à la société SWM de l'intervention de cette dernière ne permet pas d'exclure la qualification d'agent commercial.

En effet, il résulte de l'article L. 134-6 alinéa 2 du code de commerce que, lorsqu'il est chargé d'un secteur géographique ou d'un groupe de personnes déterminé, l'agent commercial a droit, sauf convention contraire, à commission pour toute opération conclue pendant la durée du contrat d'agence avec une personne appartenant à ce secteur ou à ce groupe, même si l'opération a été conclue sans son intervention.

En l'espèce, la société SWM ayant été chargée par la société Rémy Cointreau CLS d'être son représentant sur l'ensemble du territoire du Canada, elle a, conformément à l'article susvisé et aux contrats conclus, droit à commission sur toute vente effectuée au Canada peu important que la vente ait été conclue avec ou sans son intervention.

De même, le fait que les contrats litigieux permettent une résiliation anticipée en cas d'inobservation des objectifs de vente fixés n'exclut pas nécessairement la qualification d'agent commercial. Une telle clause doit en effet être interprétée à la lumière de l'article L. 134-12 du code de commerce instaurant un droit à une indemnité de rupture sauf faute grave de sorte que le défaut de réalisation d'objectifs ne peut être constitutif d'une faute grave que dans le cas où il est imputable à l'agent seul, et notamment en raison de son insuffisance chronique de prospection.

Enfin, il ressort des différents courriels et pièces produits aux débats que le rôle de la société SWM a consisté, pour le compte de la société Rémy Cointreau CLS, à répondre aux appels d'offres des commissions provinciales pour le référencement de nouveaux produits, à construire un plan commercial pour assurer le succès du processus de référencement et à soumettre aux commissions des propositions d'augmentation de prix une fois le produit référencé. A cet égard, par sa connaissance du marché canadien, la société SWM délivrait des conseils à la société Rémy Cointreau CLS quant au référencement et aux prix pratiqués pour les produits de la même catégorie.

Par ailleurs, la société SWM était chargée d'assurer la promotion des produits de la société Rémy Cointreau CLS auprès des magasins, restaurants, bars, hôtels les distribuant ainsi qu'auprès des consommateurs finaux pour stimuler les ventes et écarter tout déréférencement par les commissions provinciales.

Ainsi, quand bien même les ventes pour lesquelles la société SWM intervenait en qualité d'agent de la société Rémy Cointreau CLS étaient conclues entre cette dernière et les commissions provinciales, il n'en demeure pas moins que la société SWM avait bien un rôle de négociation puisqu'elle devait faire en sorte que les réponses de la société Rémy Cointreau CLS aux appels d'offres des commissions provinciales soient acceptées en intervenant pour que les bons produits soient proposés par la société Rémy Cointreau CLS sur les bonnes catégories et aux prix adéquats et que les demandes d'augmentation de prix de la société Rémy Cointreau CLS soient acceptées en intervenant pour justifier ces augmentations au vu de sa connaissance du marché et qu'elle devait ensuite par ses actions promotionnelles et commerciales stimuler les ventes desdits produits pour maintenir le référencement. A cet égard, il est indifférent que les actions commerciales aient été destinées non au cocontractant de la société Rémy Cointreau CLS mais aux consommateurs finaux ou aux vendeurs au détail dès lors que l'objectif était de conquérir ou fidéliser des clients qu'ils soient les clients directs de la société Rémy Cointreau CLS, à savoir les commissions provinciales, ou ses clients indirects, les magasins de détail ou les consommateurs finaux. Il est en effet constant que l'insuffisance de ventes aux consommateurs finaux était sanctionnée par un déréférencement des produits par les commissions provinciales.

Ainsi, contrairement à ce que prétend la société Rémy Cointreau CLS, le rôle de la société SWM ne se réduisait nullement à un rôle passif ou administratif auprès des commissions, ni même à une simple mise en relation avec les commissions provinciales. En effet, la société CLS et la société SWM partageaient l'intérêt commun de faire gagner aux produits représentés une part sur le marché canadien ou à tout le moins de conforter leur position.

En conséquence, le contrat liant la société Rémy Cointreau CLS et la société SWM, à l'exclusion des provinces de l'Alberta et de la Colombie britannique, doit être qualifié d'agence commerciale pour la totalité de la durée des relations, soit depuis le 1er juin 2008. Le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.

Sur le rôle de la société SWM dans les provinces de l'Alberta et de la Colombie britannique

En Alberta, le commerce et la distribution des boissons alcoolisées ont été libéralisés, la commission provinciale ayant conservé uniquement le monopole de l'importation et de l'entreposage. La commission ne dispose pas d'un réseau de distribution. La vente d'alcool s'effectue exclusivement dans des magasins privés. Avant d'être proposé à la vente, le produit doit être enregistré auprès de la commission qui calcule le prix de gros en fonction du prix indiqué par le fournisseur.

En Colombie Britannique, la commission provinciale détient le monopole de l'importation d'alcool de sorte que la vente de produits alcoolisés à des clients de gros s'effectue par son entremise. Le système de distribution d'alcool est mixte puisque la commission provinciale a conservé un réseau de magasins de vente au détail et qu'il existe également des magasins de vente au détail privés. Avant d'être proposé à la vente, le produit doit être enregistré auprès de la commission qui calcule le prix de gros en fonction du prix indiqué par le fournisseur.

Par ailleurs, les contrats litigieux indiquent que pour les provinces de l'Alberta et de la Colombie Britannique, l'agent agit en tant que « stockist/distributor », ce qui peut être traduit par « stockiste/distributeur ».

Il est stipulé que lorsque l'agent agit à ce titre, le prix des produits seront ceux établis en dollars canadiens sur une liste de prix du mandant ; ces prix devant se situer dans la même gamme que les prix des commissions des alcools qui achètent en direct.

L'agent s'engage en outre à constituer des stocks suffisants pour éviter toute situation de rupture de stock. Il est prévu que ces stocks seront payés par l'agent au mandant 90 jours après la date de la facture sous peine de paiement d'un intérêt.

Il est encore prévu le paiement d'une rémunération en pourcentage des ventes lorsque l'agent agit en qualité de « stockiste/distributeur ».

En outre, selon une lettre d'autorisation du 1er avril 2009, la société Rémy Cointreau CLS a indiqué à la commission des alcools de la province de l'Alberta (AGLC) que la société SWM serait responsable de la commande et de la commercialisation du produit sur le marché de l'Alberta et qu'ainsi la vente s'effectuerait entre l'AGLC et la société SWM. De même, selon une lettre d'autorisation du 4 septembre 2009, la société CLS a indiqué à la commission des alcools de la province de la Colombie Britannique (BCLDC) que la société SWM serait le distributeur et le vendeur de ses produits dans la province de la Colombie Britannique et qu'ainsi la vente s'effectuerait entre la BCLDC et la société SWM.

Enfin la société SWM produit aux débats de multiples factures de boissons alcoolisées achetées à la société Rémy Cointreau CLS en vue de leur revente dans les provinces de l'Alberta et de la Colombie Britannique.

Il en ressort que dans les provinces de l'Alberta et de la Colombie Britannique, la société SWM achetait la marchandise à la société Rémy Cointreau CLS en vue de leur revente aux commissions des alcools de ces provinces et était personnellement responsable à leur égard de l'exécution de ces contrats de vente. Elle assumait ainsi tous les risques et charges liés à la revente desdits produits (taxes d'importation, frais de réception, d'entreposage, de gestion, de réexpédition, risque de destruction ou de perte de stock, difficultés de vente).

Dans ces conditions, et contrairement aux assertions de la société Rémy Cointreau CLS qui affirme que la société SWM assurait un rôle « d'intermédiaire de facturation », la société SWM ne peut pas être considérée comme agent commercial et donc mandataire dans ces provinces. En outre, dès lors qu'il existait un transfert de propriété des marchandises entre la société Rémy Cointreau CLS et la société SWM, le contrat liant ces deux sociétés ne peut pas davantage être qualifié de contrat de commission pour revendre pour le compte de la société Rémy Cointreau CLS. La société SWM était donc acheteur de la marchandise auprès de la société Rémy Cointreau CSL puis revendeur de ladite marchandise auprès des commissions des alcools.

Sur l'indemnité de rupture

Sur le principe de l'indemnité

L'article L. 134-4 du code de commerce dispose que les contrats intervenus entre les agents commerciaux et leurs mandants sont conclus dans l'intérêt commun des parties ; que les rapports entre l'agent commercial et le mandant sont régis par une obligation de loyauté et un devoir réciproque d'information ; que l'agent commercial doit exécuter son mandat en bon professionnel et que le mandant doit mettre l'agent commercial en mesure d'exécuter son mandat.

L'article L. 134-12 du même code, dont les dispositions sont d'ordre public, indique qu'en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi ; qu'il perd toutefois le droit à réparation s'il n'a pas notifié au mandant, dans un délai d'un an à compter de la cessation du contrat, qu'il entend faire valoir ses droits ; et que ses ayants droit bénéficient également du droit à réparation lorsque la cessation du contrat est due au décès de l'agent.

L'article L. 134-13 précise toutefois que la réparation n'est pas due lorsque la cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l'agent commercial.

Pour dénier à la société SWM tout droit à une indemnité de rupture, la société Rémy Cointreau CLS invoque l'absence de preuve de préjudice de la société SWM résultant de la rupture du contrat.

Néanmoins, dès lors que l'existence d'un contrat d'agence commerciale a été établie et que sa rupture est imputable à la société Rémy Cointreau CLS, la société SWM a, en application des dispositions susvisées, droit à une indemnité de rupture destinée à compenser la perte de toutes les rémunérations acquises lors de l'activité développée dans l'intérêt commun des parties ainsi que la perte de marché que l'agent pouvait espérer de la poursuite du contrat.

Seule la faute grave de l'agent est de nature à exclure le droit à indemnité de rupture.

Il est admis que la faute grave, privative d'indemnité de rupture, se définit comme celle qui porte atteinte à la finalité commune du mandat et rend impossible le maintien du lien contractuel ; elle se distingue du simple manquement aux obligations contractuelles justifiant la rupture du contrat.

En l'espèce, la société Rémy Cointreau CLS se prévaut d'un manquement de la société SWM à son obligation de loyauté en ce qu'elle se serait attribué des marges indues sur les ventes réalisées en Alberta et en Colombie Britannique.

Or, ainsi qu'il a été dit précédemment, le contrat liant la société SWM à la société Rémy Cointreau CLS dans les provinces de l'Alberta et de la Colombie Britannique ne peut s'analyser en un contrat d'agence commerciale dès lors que la société SWM était acheteur/revendeur pour ces provinces. En conséquence, le manquement reproché vise l'exécution d'un autre contrat et ne saurait justifier la déchéance de la société SWM de son droit à une indemnité de rupture dans le cadre du contrat d'agence commerciale.

Sur le quantum de l'indemnité

L'indemnité de rupture est destinée à réparer le préjudice subi par l'agent du fait de la perte pour l'avenir des revenus tirés de l'exploitation de la clientèle commune. Son quantum n'étant pas réglementé, il convient de fixer son montant en fonction des circonstances spécifiques de la cause.

En l'espèce, il sera relevé que la mission d'agence commerciale a duré 7 années. En outre, contrairement à ce que soutient la société Rémy Cointreau CLS, une exclusivité était mise à la charge de la société SWM qui avait l'interdiction de produire, représenter, promouvoir, distribuer, vendre ou s'occuper de quelque façon que ce soit de produits concurrents à l'exception de ceux déjà distribués ou représenté à la date de la signature du contrat et de la spécificité du secteur concerné. Par ailleurs, la société SWM justifie avoir contribué, par ses efforts, au développement des ventes des produits de la société Rémy Cointreau CLS au Canada puisque le nombre de produits référencés est passé de 274 en 2008 à 458 en 2015 et que le chiffre d'affaires de la société Rémy Cointreau CLS au Canada est passé de 14 millions d'euros en 2009/2010 à 19 millions d'euros en 2014/2015.

Il convient en conséquence d'indemniser le préjudice résultant de la rupture du contrat d'agence commerciale par une somme de 2 851 955 euros correspondant à 2 années de commissions calculées sur la base de la moyenne des commissions perçues sur les exercices 2012 à 2014 (1 947 810 $ CAN en 2012, 2 098 712 $ CAN en 2013 et 2 289 704 $ CAN en 2014, soit une moyenne annuelle de 2 112 075 $ CAN ou 1 425 977 euros).

La société Rémy Cointreau CLS sera condamnée à payer ce montant à la société SWM avec intérêts au taux légal à compter du 7 mai 2015, date de la mise en demeure, qui seront capitalisés dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil. Le jugement déféré sera infirmé de ce chef.

Sur les commissions restant dues

L'article L. 134-7 du code de commerce, qui consacre le droit de suite ou le principe des commissions récurrentes, dispose que pour toute opération commerciale conclue après la cessation du contrat d'agence, l'agent commercial a droit à la commission, soit lorsque l'opération est principalement due à son activité au cours du contrat d'agence et a été conclue dans un délai raisonnable à compter de la cessation du contrat, soit lorsque, dans les conditions prévues à l'article L. 134-6, l'ordre du tiers a été reçu par le mandant ou par l'agent commercial avant la cessation du contrat d'agence.

L'article R. 134-3 du même code précise que le mandant remet à l'agent commercial un relevé des commissions dues, au plus tard le dernier jour du mois suivant le trimestre au cours duquel elles sont acquises ; que ce relevé mentionne tous les éléments sur la base desquels le montant des commissions a été calculé ; et que l'agent commercial a le droit d'exiger de son mandant qu'il lui fournisse toutes les informations, en particulier un extrait des documents comptables nécessaires pour vérifier le montant des commissions qui lui sont dues.

En l'espèce, il est constant que la société SWM était le seul agent de la société Rémy Cointreau CLS au Canada depuis 2008 et que les ventes de la société Rémy Cointreau CLS aux commissions des alcools s'effectuent sur la base du référencement des boissons alcoolisées de sorte que les ventes conclues dans un court délai après la cessation du contrat d'agence résultent nécessairement de l'activité de l'agent commercial sauf à ce que la société Rémy Cointreau CLS rapporte la preuve d'un déréférencement du produit, ce qu'elle ne fait pas.

En conséquence, la société SWM est en droit de prétendre au paiement de commissions sur les ventes réalisées aux commissions des alcools postérieurement à la cessation du contrat d'agence à condition que ces ventes aient été conclues dans un délai raisonnable. Eu égard aux éléments précités, ce délai peut être estimé à trois mois.

Malgré la demande qui lui en a été faite en application de l'article R. 134-3 du code de commerce, la société CLS n'a pas communiqué les éléments permettant d'estimer les ventes conclues entre le 1er juin 2015, date de la cessation du contrat d'agence, et le 31 août 2015, et ainsi de calculer les « commissions récurrentes » dues à la société SWM.

Dans ces conditions, le montant des commissions dues à la société SWM pour la période du 1er juin 2015 au 31 août 2015 en application de l'article L. 134-7 du code de commerce sera fixé à 356 494 euros (2 112 075 $ CAN/12 mois= 176 006 x 3 mois= 528 018 $CAD). La société La société CLS sera condamnée à payer ce montant à la société SWM. Le jugement sera infirmé de ce chef.

En revanche, la demande de la société SWM tendant à voir courir les intérêts à compter du 7 mai 2015 sera rejetée dès lors que sa mise en demeure ne contenait aucune demande chiffrée au titre des commissions qu'elle estimait devoir lui être dues. Les intérêts au taux légal ne seront donc dus qu'à compter du 13 août 2015, date de l'assignation en justice dans laquelle figure une demande chiffrée au titre des commissions. Ces intérêts produiront eux-mêmes intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil.

Sur la demande de dommages et intérêts de la société Rémy Cointreau

Sur la prescription

En application de l'article L. 110-4 du code de commerce, les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non commerçants se prescrivent par cinq ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes.

La société Rémy Cointreau CLS invoque un manquement contractuel de la société SWM en ce qu'elle aurait indûment perçu une marge sur les contrats de revente conclus avec les commissions des alcools des provinces de l'Alberta et de la Colombie Britannique.

La société SWM se prévaut de la prescription de l'action en responsabilité contractuelle en soutenant que l'action a été engagée par voie de conclusions du 27 janvier 2016 et que les faits reprochés sont antérieurs au mois de février 2011. En outre, elle soutient que la société Rémy Cointreau CLS aurait renoncé à toute action en responsabilité en poursuivant la relation contractuelle malgré la découverte des manquements allégués.

Toutefois, la prescription d'une action en responsabilité ne court qu'à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance.

En l'espèce, il n'est pas discuté que la société Rémy Cointreau CLS n'a été informée de la structure des prix pratiqués par la société SWM auprès des commissions des alcools de l'Alberta et de la Colombie Britannique qu'à compter du mois d'octobre 2011. Ce n'est donc qu'à compter de cette date que la société Rémy Cointreau CLS a pu avoir connaissance du dommage allégué. Dès lors, l'action en responsabilité, introduite le 27 janvier 2016, l'a été avant l'expiration du délai de prescription de cinq ans. La fin de non-recevoir ne peut ainsi être accueillie.

En outre, la renonciation à un droit ne se présume pas et ne peut résulter que d'actes de son titulaire manifestant sans équivoque la volonté d'y renoncer.

Le fait que la société Rémy Cointreau CLS ait poursuivi les relations contractuelles avec la société SWM malgré la découverte des manquements contractuels allégués ne saurait faire présumer de sa renonciation à engager toute action en justice de ce chef.

En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a déclaré recevable l'action en responsabilité contractuelle de la société Rémy Cointreau CLS à l'égard de la société SWM.

Sur la responsabilité contractuelle de la société SWM

A l'appui de son action en responsabilité contractuelle à l'encontre de la société SWM, la société Rémy Cointreau CLS prétend que son cocontractant aurait, en violation des dispositions contractuelles les liant, pratiqué « un ajustement » des prix de gros de ses produits vendus à la commission des alcools de la province de l'Alberta et aurait donc majoré ces prix de gros, ce qui aurait eu pour effet de lui procurer une marge indue sur la revente de ses produits, alors que la seule rémunération qui était prévue était une commission de 15 %. Elle estime avoir subi un préjudice dès lors que cette majoration des prix de vente en gros aurait dû être prise en compte dans le prix d'achat par la société Rémy Cointreau CLS de ses produits.

En ce qui concerne la province de la Colombie Britannique, la société Rémy Cointreau CLS reproche à la société SWM d'avoir, pour fixer le prix d'achat des produits Rémy Cointreau entre elles, pratiqué des coûts logistiques supérieurs à ceux convenus et ce, sans même justifier de la réalité desdits coûts logistiques.

La société SWM répond que les contrats les liant antérieurs à celui conclu le 1er avril 2012 ne contenaient aucune précision sur le montant des coûts logistiques de sorte qu'elle n'avait aucune obligation de détailler à son fournisseur la composition de ces frais et qu'il ne peut être prétendu que les coûts pratiqués ont été supérieurs à ceux convenus. Elle rappelle la spécificité de son rôle dans les provinces de l'Alberta et de la Colombie Britannique où elle n'intervenait pas comme un mandataire rémunéré par une commission mais comme un distributeur rémunéré par une marge correspondant à la différence entre son prix d'achat et son prix de revente, une fois déduits ses coûts de fonctionnement.

Le contrat du 23 octobre 2008 indique que lorsque l'agent agit en qualité de « distributeur/stockiste », le prix des produits sont ceux établis en dollars canadiens sur une liste de prix du mandant ; ces prix devant se situer dans la même gamme que les prix des commissions des alcools qui achètent en direct. Le contrat renvoie à une formule annexée au contrat destinée à calculer le prix CIF en Alberta et en Colombie Britannique. Cette annexe précise que :

1) les prix de vente aux détail (RSP) sont décidés par le fournisseur,

2) les RSP permettent automatiquement d'obtenir un prix sous douane (In Bond Price) pour la commission des alcools de l'Alberta et celle de la Colombie Britannique conformément à leurs systèmes de taux de marge officiels et publiés,

3) A partir des prix sous douane, sont déduits les frais de logistique par caisse convenus,

4) Ensuite la commission de 15 % est appliquée pour obtenir le prix CIF à l'agent.

Le contrat prévoit une commission de 10 % à 15 % des ventes de produits au profit de l'agent sans distinguer selon que la vente a lieu dans le cadre de sa mission d'agent commercial ou dans le cadre de sa mission de stockiste/distributeur.

Le contrat conclu le 1er avril 2012 prévoit également que lorsque l'agent agit en qualité de « distributeur/stockiste », le prix des produits sont ceux établis en dollars canadiens sur une liste de prix du mandant, ces prix devant se situer dans la même gamme que les prix des commissions des alcools qui achètent en direct.

Le même contrat prévoit une commission de 15,5 % des ventes facturées de produits au profit de l'agent dans le cadre de sa mission de stockiste/distributeur calculée conformément à une annexe au contrat.

Cette annexe au contrat prévoit que :

1) les prix de vente aux détail (RSP) sont décidés par la société CLS après revue avec SWM,

2) les RSP permettent automatiquement d'obtenir un prix sous douane (In Bond Price) aux commissions des alcools de l'Alberta et de la Colombie Britannique, conformément aux structures de prix fournis par SWM ; toute modification de cette structure devant être notifiée à CLS.

3) A partir des prix sous douane, doivent être déduits les coûts de logistique par caisse convenus pour calculer le prix CIF à l'agent. Lesdits coûts s'élèvent à 6,50$ CAD pour Alberta et 2,50$CAD pour la Colombie Britannique,

4) Ensuite la commission de l'agent correspond à 15,5 % du prix CIF calculé comme ci-dessus.

Ainsi qu'il a été précédemment énoncé, les contrats liant la société SWM à la société Rémy Cointreau CLS dans les provinces de l'Alberta et de Colombie Britannique s'analysent en des contrats d'achat par la société SWM des produits de la société Rémy Cointreau CLS en vue de leur revente aux commissions provinciales. Dès lors, bien qu'il soit fait référence, dans les contrats, au versement d'une commission par la société Rémy Cointreau CLS à la société SWM, il ne peut en réalité s'agir que d'un élément pour fixer le prix de vente (« prix CIF ») entre les deux sociétés. Il sera en outre observé qu'à aucun moment il n'est stipulé au contrat que la « commission de 15 % » constitue la seule contrepartie que peut obtenir la société SWM de sa mission de « stockiste/distributeur » à l'exclusion de toute marge sur la revente des produits à la commission des alcools.

En réalité, il ressort du contrat du 23 octobre 2008 que la formule annexée était destinée à déterminer le prix CIF auquel seraient vendues les marchandises à la société SWM, prix tenant compte notamment de ses coûts logistiques, en vue d'atteindre le prix au détail « souhaité » par la société Rémy Cointreau CLS étant précisé que l'article L. 442-6 ancien du code de commerce prohibait la pratique des prix de revente minimum imposés.

Il sera relevé qu'à aucun moment, ce contrat ne précise les coûts logistiques convenus. La simple référence à un coût logistique convenu de 2,50$CAD en Colombie Britannique dans une note de bas de page insérée dans un document du mois d'octobre 2011 ne peut suffire à démontrer l'accord des deux parties sur ce point. Il sera à cet égard observé que si le contrat conclu le 1er avril 2012 a fixé lesdits coûts à 2,50$CAD pour la Colombie Britannique, il a également augmenté à 15,5 % le montant de la « commission » de la société SWM, ce qui corrobore les affirmations de la société SWM selon lesquelles cette augmentation était destinée à pallier les aléas liés aux coûts logistiques en Alberta et en Colombie Britannique.

Par ailleurs, le tableau correspondant à la pièce 11 de la société Rémy Cointreau CLS ne peut démontrer que la société SWM aurait pratiqué « un ajustement » des prix de gros de ses produits vendus à la commission des alcools de la province de l'Alberta décorrélé de ses coûts logistiques alors même qu'ainsi qu'il a été relevé ci-dessus la formule contenue dans le contrat du 23 octobre 2008 ne donnait aucune indication sur le quantum des frais logistiques convenus. Il sera également souligné que si le contrat conclu le 1er avril 2012 a fixé lesdits coûts à 6,50$CAD pour la Colombie Britannique, il a également augmenté à 15,5 % le montant de la « commission » de la société SWM.

En outre, les attestations de M. Thomas B. S., directeur Canada de la société Rémy Cointreau CLS, et de M. Olivier S., directeur des opérations de la société SWM, ne peuvent être retenues à titre de preuve. En effet, l'objectivité du premier témoin, eu égard à sa position au sein de l'équipe dirigeante de la société Rémy Cointreau CLS et à son rôle dans le litige opposant les parties, est sujette à caution. Le second témoignage, qui dénonce une déloyauté intentionnelle de la part de la société SWM à l'égard de la société Rémy Cointreau CLS, apparaît peu mesuré dans son contenu et n'est étayé par aucun faits précis. En outre, il apparaît qu'un litige oppose ce témoin et l'actuel dirigeant de la société SWM.

En conséquence, aucune violation contractuelle n'est donc caractérisée à l'encontre de la société SWM. La demande de dommages et intérêts de la société Rémy Cointreau CLS à ce titre sera rejetée et le jugement entrepris infirmé sur ce point.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

La société Rémy Cointreau CLS succombe à l'instance d'appel. Les dispositions du jugement relatives aux dépens seront confirmées. La société Rémy Cointreau CLS sera également condamnée à supporter les dépens de l'instance d'appel qui pourront être recouvrés selon les modalités de l'article 699 du code de procédure civile. La société Rémy Cointreau CLS sera en outre condamnée à payer à la société SWM une somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Sa demande de ce chef sera écartée.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

INFIRME le jugement sauf en ce qu'il a déclaré recevable la demande reconventionnelle de la société CLS Rémy Cointreau et en ce qu'il l'a condamnée aux dépens de première instance ;

Statuant à nouveau,

DIT que le contrat liant la société CLS Rémy Cointreau et la société Select Wine Merchants Ltd., à l'exclusion des provinces de l'Alberta et de la Colombie britannique, doit être qualifié d'agence commerciale pour la totalité de la durée des relations, soit depuis le 1er juin 2008 jusqu'au 31 mai 2015 ;

DIT que dans les provinces de l'Alberta et de la Colombie Britannique, la société Select Wine Merchants Ltd. agissait en qualité d'acheteur de la marchandise auprès de la société CSL Rémy Cointreau en vue de sa revente auprès des commissions des alcools desdites provinces ;

CONDAMNE la société CLS Rémy Cointreau à payer à la société Select Wine Merchants Ltd. la somme de 2 851 955 euros à titre d'indemnité de rupture du contrat d'agence commerciale avec intérêts au taux légal à compter du 7 mai 2015 ;

DIT que ces intérêts seront capitalisés dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil ;

CONDAMNE la société CLS Rémy Cointreau à payer à la société Select Wine Merchants Ltd. la somme de 356 494 euros au titre des commissions résultant des ventes conclues dans les trois mois de la cessation du contrat d'agence commerciale avec intérêts au taux légal à compter du 13 août 2015 ;

DIT que ces intérêts produiront eux-mêmes intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil ;

DÉBOUTE la société CLS Rémy Cointreau de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts ;

DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes ;

Y ajoutant,

CONDAMNE la société CLS Rémy Cointreau à payer à la société Select Wine Merchants Ltd. la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE la société CLS Rémy Cointreau de sa demande de ce chef ;

CONDAMNE la société CLS Rémy Cointreau aux dépens de l'instance d'appel qui pourront être recouvrés selon les modalités de l'article 699 du code de procédure civile.