ADLC, 6 avril 2021, n° 21-DCC-60
AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE
Décision
Relative à la prise de contrôle conjoint de la Société d’économie mixte de construction du département de l’Ain par la société Action Logement Immobilier, la société Adestia et le département de l’Ain
I. Les entreprises concernées et l’opération
1. La société Action Logement Immobilier est exclusivement contrôlée par le groupe Action Logement. Ce dernier gère la participation des employeurs à l’effort de construction instituée en 1953, en vertu de l’article L. 313-1 du code de la construction et de l’habitation (ci-après le « CCH »)1. L’activité d’Action Logement s’articule autour de deux principaux axes : (i) la construction et le financement de logements sociaux et intermédiaires, prioritairement dans les zones de forte tension immobilière et (ii) l’accompagnement des salariés dans leur mobilité résidentielle et professionnelle via la proposition de services ou d’aides financières pour les jeunes actifs, en mobilité ou en difficulté. Actuellement, le groupe Action Logement gère plus d’un million de logements, dont 966 127 logements sociaux et 66 372 logements intermédiaires.
2. La société Adestia est exclusivement contrôlée par la Caisse des dépôts et consignations (ci-après, la « CDC »), via sa filiale CDC Habitat. La CDC est un établissement public, régi par les articles L. 518-2 et suivants du code monétaire et financier, qui remplit des missions d’intérêt général, en appui des politiques publiques conduites par l’État et les collectivités locales (dépôts sur les livrets d’épargne qui financent le logement social locatif et le renouvellement urbain, consignations et dépôts réglementés, retraites et trésoreries de la sécurité sociale). La CDC exerce des activités ouvertes à la concurrence, qui sont regroupées autour de quatre pôles : (i) l’environnement, (ii) l’immobilier, (iii) l’investissement et le capital investissement et (iv) les services. Créée par la loi du 28 avril 1816, la CDC est placée « sous la surveillance et la garantie de l’autorité législative », ce mode de gouvernance étant destiné à assurer l’autonomie de cette institution, qui gère des fonds privés nécessitant une protection particulière. CDC Habitat, gère environ 495 000 logements (sociaux et intermédiaires) dont environ 328 000 logements sociaux. Enfin, la CDC exerce également une activité de financement du logement social en octroyant des prêts à des bailleurs sociaux.
3. Le département de l’Ain intervient dans le secteur du logement social via l’Office public pour l’habitat départemental de l’Ain et la coopérative HLM Habitat. Avant l’opération, le département de l’Ain contrôle exclusivement la cible.
4. La Société d’économie mixte de construction du département de l’Ain (ci-après, « SEMCODA ») est exclusivement contrôlée par le département de l’Ain, qui détient 33,4 % de son capital2, le reste de son capital étant réparti à hauteur de 32,30 % entre 210 communes et de 34,20 % entre différents actionnaires hors collectivités dont Action Logement et la CDC à hauteur respectivement de 17,08 % et 6,67 %. La SEMCODA est active dans le secteur locatif social et construit, gère et aménage des logements dans 8 départements (Ain, Jura, Isère, Rhône, Saône et Loire, Haute Loire, Savoie et Haute Savoie) et 573 communes. La SEMCODA exerce également d’autres activités, telle que la promotion immobilière, la gestion de copropriétés, le syndic de copropriété pour gestion des immeubles vendus en lots, l’aménagement de foncier à bâtir et une activité de construction et de gestion de résidences intergénérationnelles. De façon marginale, elle bâtit également des résidences étudiantes, des locaux à vocation professionnelle, des équipements de santé ou d’éducation, ainsi que des gendarmeries.
5. À l’issue de l’opération, le département de l’Ain détiendra 32,64 % du capital de la cible, la CDC et Action Logement en détiendront chacune 21,45 %. Le pacte d’actionnaire prévoit […]. De plus, l’encadrement supérieur de la cible sera composé de trois directeurs généraux, désignés individuellement par le département de l’Ain, Action Logement et la CDC.
6. L’opération se traduit donc par le passage d’un contrôle exclusif, exercé par le département de l’Ain, à un contrôle conjoint, exercé par ce dernier aux côtés d’Action Logement et de la CDC. Ce type de changement de contrôle fait l’objet d’une appréciation particulière par l’Autorité de la concurrence, qui s’inspire de l’arrêt Austria Asphalt de la Cour de justice de l’Union européenne3. Aux termes de cette jurisprudence, une telle opération constitue une concentration dès lors que la cible présente les caractéristiques d’une entreprise commune de plein exercice, lesquelles sont exposées aux paragraphes 63 et suivants des lignes directrices de l’Autorité relatives au contrôle des concentrations.
7. En l’espèce, la SEMCODA a un caractère durable, ses statuts prévoyant que celle-ci est constituée pour 99 années. De plus, la cible accomplit toutes les fonctions d’une entité économique autonome afin d’opérer de façon indépendante sur le marché. Elle dispose, en effet, d’une autonomie financière et fonctionnelle, employant son propre personnel. En outre, la SEMCODA dispose notamment de son propre parc immobilier et des ressources lui permettant d’opérer sur le marché de manière autonome, son activité allant au-delà d’une fonction spécifique de ses sociétés-mères.
8. Il résulte de l’ensemble de ces éléments que la SEMCODA est une entreprise commune de plein exercice. Ainsi, l’opération notifiée constitue une concentration au sens de l’article L. 430-1 du code de commerce.
9. Les entreprises concernées réalisent ensemble un chiffre d’affaires total sur le plan mondial de plus de 150 millions d’euros (Action Logement Immobilier : ≥ 150 millions d’euros pour l’exercice clos le 31 décembre 2019 ; CDC : ≥ 150 millions d’euros pour le même exercice ; département de l’Ain : ≥ 150 millions d’euros pour le même exercice4). Chacune de ces entreprises réalise, en France, un chiffre d’affaires supérieur à 50 millions d’euros (Action Logement Immobilier : ≥ 50 millions d’euros pour l’exercice clos le 31 décembre 2019 ; CDC : ≥ 50 millions d’euros pour le même exercice ; département de l’Ain : ≥ 50 millions d’euros pour le même exercice5). Les seuils de notification de l’article 1 paragraphe 3 du règlement (CE) 139/2004 sont donc franchis mais, chacune des entreprises concernées réalisant plus des deux tiers de son chiffre d'affaires dans l’Union européenne en France, l’opération ne relève pas de la compétence de l’Union européenne. En revanche, les seuils de contrôle mentionnés au I de l’article L. 430-2 du code de commerce sont franchis. La présente opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du code de commerce relatifs à la concentration économique.
II. Délimitation des marchés pertinents
10. Les parties sont simultanément actives sur le marché des services immobiliers (A) et sur le marché de l’hébergement de longue durée à destination des personnes âgées autonomes et dépendantes (B).
A. LES MARCHÉS DES SERVICES IMMOBILIERS
1. MARCHÉS DE SERVICES
11. Les autorités de concurrence nationale6 et européenne7 ont envisagé différentes segmentations dans le secteur des services immobiliers selon (i) les destinataires des services (particuliers ou entreprises), (ii) le mode de fixation des prix (immobilier résidentiel libre et logements sociaux ou intermédiaires aidés), (iii) le type d’activité exercée dans les locaux (bureaux, locaux commerciaux et autres locaux d’activité) et (iv) la nature des services ou biens offerts.
12. Concernant la segmentation selon la nature des services ou des biens offerts, la pratique décisionnelle a envisagé, tout en laissant la question ouverte, la distinction entre :
- la promotion immobilière, qui comprend les activités de construction et de vente de biens immobiliers ;
- la gestion d’actifs immobiliers pour compte propre ;
- la gestion d’actifs immobiliers pour compte de tiers ;
- l’administration de biens immobiliers, qui recouvre les activités de gestion des immeubles pour le compte de propriétaires et qui peut être segmentée entre la gestion locative et la gestion de copropriété ;
- l’expertise immobilière ;
- le conseil immobilier ;
- l’intermédiation dans les transactions immobilières, activité au sein de laquelle une distinction peut être faite entre la vente et la location d’immeubles8.
13. Au sein de la gestion d’actifs immobiliers résidentiels pour compte propre, le ministre de l’économie a considéré qu’il convenait de distinguer « la gestion de logements sociaux, dans la mesure où cette activité évolue dans un cadre réglementaire particulier, par le biais duquel l’État joue un rôle important, tant en termes d’aides financières que d’attribution de logements »9. Cette distinction est toujours d’actualité.
14. En effet, la gestion du parc locatif social est encadrée par l’État par le biais de conventions conclues avec les organismes d’habitation à loyer modéré10 (dites « conventions APL »). Des entreprises, qualifiées d’organismes de logement social (OLS), sont soumises au contrôle de l’Agence nationale de contrôle du logement social (ANCOLS)11. En France, les bailleurs sociaux (ou « organismes HLM ») se répartissent en trois catégories : (i) les OPH créés et gérés par les collectivités locales (communes, intercommunalités, départements)12, (ii) les entreprises sociales pour l’habitat (ESH) de droit privé à but non lucratif13 dont certaines appartiennent au groupe Action Logement et (iii) les coopératives d’habitations à loyer modéré14.
15. La principale caractéristique du parc locatif social est de proposer à des populations ciblées sous condition de ressources15 des logements à des loyers nettement inférieurs à ceux pratiqués au sein du parc locatif privé16, dont l’attribution est décidée par une commission d’attribution.
16. Le ministre de l’économie a également envisagé de distinguer les logements sociaux des logements locatifs intermédiaires au motif que « le logement locatif intermédiaire présente des caractéristiques économiques comparables à celles du logement social, la principale différence consistant en l’absence de réglementation imposant des plafonds de ressources ou des limitations de loyers. De telles contraintes existent cependant, mais elles résultent des "accords de réservation" conclus le plus souvent sur des durées longues, allant de 9 à 15 ans, avec des réservataires (administrations publiques locales ou nationales, entreprises nationales), au bénéfice de leurs fonctionnaires ou agents titulaires. ».17 Cette distinction est toujours valable.
17. Par ailleurs, en ce qui concerne le marché de la promotion immobilière résidentielle, la pratique décisionnelle18 a envisagé de distinguer la promotion immobilière résidentielle de la promotion immobilière de locaux destinés aux entreprises.
18. La question de la délimitation exacte des marchés de produits concernés par l’opération peut toutefois être laissée ouverte, dans la mesure où les conclusions de l’analyse concurrentielle demeurent inchangées, quelle que soit la segmentation retenue.
19. En l’espèce, les acquéreurs et la cible sont simultanément présents sur le marché de la détention et de la gestion pour compte propre de logements à usage social. La SEMCODA, la CDC et Action Logement sont également simultanément présentes sur le marché de la détention et de la gestion pour compte propre d’actifs immobiliers à vocation d’hébergement pour les personnes âgées et sur le marché de la promotion immobilière. La SEMCODA et la CDC sont également simultanément présentes sur le marché de la détention et de la gestion pour compte propre de logements résidentiels libres, le marché de la détention et de la gestion pour compte propre de bureaux et celui de la détention et de la gestion pour compte propre de locaux commerciaux.
2. MARCHÉS GÉOGRAPHIQUES
20. Selon la pratique décisionnelle précitée, les marchés relatifs au secteur immobilier sont généralement de dimension locale, compte tenu, notamment, des différences entre les régions et les métropoles régionales en termes de prix et de demande dans l’immobilier.
21. En l’espèce, les activités des acquéreurs et de la cible se chevauchent dans les régions Auvergne-Rhône-Alpes et Bourgogne-Franche-Comté, en particulier dans les départements de l’Aine (01), de l’Isère (38), du Jura (39), du Rhône (69), de la Saône-et-Loire (71), de la Savoi(73) et de la Haute-Savoie (73).
22. Pour les régions hors Île-de-France, les autorités de concurrence ont mené leurs analyses concurrentielles au niveau régional ou infrarégional19. Dans ses décisions récentes, l’Autorité a examiné les effets d’opérations au niveau des agglomérations20. Pour les départements dans lesquels les parties sont simultanément actives, les répondants au test de marché ont, dans leur majorité, confirmé la pertinence d’une délimitation au niveau de l’agglomération, s’agissant du marché de la gestion pour compte propre de logements à usage social.
23. La question de la délimitation exacte des marchés géographiques concernés par l’opération peut toutefois être laissée ouverte dans la mesure où les conclusions de l’analyse concurrentielle demeurent inchangées, quelle que soit la segmentation retenue.
24. En l’espèce, les analyses seront menées au niveau régional, départemental et au niveau de l’agglomération.
B. LE MARCHÉ DE L’HÉBERGEMENT DE LONGUE DURÉE DES PERSONNES ÂGÉES
1. MARCHÉ DE SERVICES
25. La pratique décisionnelle considère que le marché de l’hébergement longue durée des personnes âgées, distinct du marché de la gestion d’immeubles destinées à l’hébergement de personnes âgées21, regroupe (i) les EHPAD, (ii) les logements-foyers ou résidences de services qui sont des groupes de logements permanents autonomes, en chambre ou en appartement, qui proposent des équipements et des services collectifs dont l’usage est facultatif, les personnes âgées étant propriétaires ou locataires de leur logement, et (iii) les unités de soins de longue durée (« USLD ») qui sont des structures médicalisées destinées à la prise en charge permanente de personnes très dépendantes22.
26. La pratique décisionnelle a estimé qu’il n’était pas pertinent de segmenter ce marché en fonction du statut juridique de l’établissement ou selon la participation financière qui est demandée à la personne âgée.
27. En revanche, la question d’un marché distinct des USLD a été examinée23, dans la mesure où ces unités de soin ne s’adressent pas uniquement à des personnes âgées (bien qu’elles accueillent très majoritairement des personnes de plus de 65 ans) et sont destinées à des personnes devant être suivies médicalement. Toutefois, la question a été laissée ouverte.
28. Il a été envisagé de segmenter le marché de l’hébergement de longue durée à destination des personnes âgées entre (i) les EHPAD, (ii) les résidences d’autonomie et (iii) les résidences avec services pour seniors (ci-après « RSS »), en raison de la différence de niveau d’autonomie des résidents24.
29. En l’espèce, la question de la délimitation précise du marché peut néanmoins être laissée ouverte, les conclusions de l’analyse concurrentielle restant inchangées, quelle que soit l’hypothèse retenue.
30. Action Logement, la CDC et la SEMCODA sont simultanément actives sur le marché de l’hébergement de longue durée des personnes âgées.
2. MARCHÉ GÉOGRAPHIQUE
31. En ce qui concerne la délimitation géographique du marché de l’hébergement de longue durée des personnes âgées, la pratique décisionnelle a retenu pour l’ensemble du territoire hors région parisienne, l’existence de marchés de dimension départementale, le critère de choix de l’établissement étant sa proximité avec le domicile de la personne âgée ou du référent familial25. En ce qui concerne la région parisienne, la prise en compte de l’ensemble de la région a été envisagée.
32. La question de la définition exacte du marché géographique concerné peut cependant être laissée ouverte dans la mesure où, quelle que soit la délimitation retenue, les conclusions de l’analyse concurrentielle demeurent inchangées.
33. En l’espèce, les activités d’Action Logement, de la CDC et de la SEMCODA ne se chevauchent que dans le département du Rhône (69), dans lequel sera menée l’analyse.
III. Analyse concurrentielle
A. ANALYSE DES EFFETS HORIZONTAUX
1. MARCHÉ DES SERVICES IMMOBILIERS
a) Le marché de la détention et de la gestion pour compte propre de logements à usage social
34. La part de marché cumulée du département de l’Ain et de la cible dépasse 25 %, avec une addition de part de marché supérieure à 2 points, dans 16 zones26.
35. Il convient toutefois de noter qu’antérieurement à l’opération, la cible était exclusivement contrôlée par le département de l’Ain. L’opération n’est donc pas de nature à modifier les incitations du département de l’Ain à dégrader son offre ou celle de la cible, dans le cadre d’une stratégie de nature unilatérale.
36. Dans ces conditions, l’Autorité considère que l’opération n’a pas pour effet spécifique de renforcer la capacité ou l’incitation du département de l’Ain à mettre en œuvre une stratégie de nature unilatérale.
37. À l’issue de l’opération, la part de marché cumulée de la CDC et de la cible sera supérieure à 25 %, mais systématiquement inférieure à 50 %, avec une addition de part de marché supérieure à 2 points, dans quatre zones : la communauté de communes de la Côtière à Montluel (01), la communauté de communes entre Saône et Grosne (71), la communauté de communes (CC) Saône Doubs Bresse (71), et la communauté de communes de Terres de Bresse (71).
38. Dans ces zones, la CDC continuera de faire face à la pression d’opérateurs de logements sociaux concurrents, dont l’offre représente pour les demandeurs de logements des alternatives crédibles et suffisantes à celle de la CDC, de sorte que tout problème de concurrence de nature horizontale peut être écarté.
39. À l’issue de l’opération, la part de marché cumulée d’Action Logement et de la SEMCODA sera supérieure à 25 % dans 26 zones27, avec une addition de part de marché supérieure à 2 points. Dans 21 de ces zones la part de marché cumulée des parties se situe entre 25 % et 50 %. Dans ces zones, Action Logement continuera de faire face à la pression concurrentielle d’opérateurs de logements sociaux concurrents, dont l’offre représente pour les demandeurs de logements des alternatives crédibles et suffisantes à celle d’Action Logement, de sorte que tout problème de concurrence de nature horizontale peut être écarté.
40. Dans 5 zones, la part de marché cumulée d’Action Logement et de la cible dépasse 50 % :
Zone |
Action Logement |
SEMCODA | Part de marché cumulée |
Communauté d’agglomérations Villefranche Beaujolais Saône |
[5-10] % |
[50-60] % |
[50-60] % |
CC de l'Oisans | [30-40] % | [10-20] % | [50-60] % |
CC des Collines du Nord Dauphiné | [5-10] % | [60-70] % | [70-80] % |
CC du Pays de l'Ozon | [10-20] % | [30-40] % | [50-60] % |
CC entre Saône et Grosne | [20-30] % | [20-30] % | [50-60] % |
41. Compte tenu de ces niveaux de part de marché élevés, qui, comme le souligne le paragraphe 622 des lignes directrices de l’Autorité, peuvent laisser présumer la détention d’un pouvoir de marché important, il convient d’apprécier les effets de l’opération au regard notamment des caractéristiques économiques et réglementaires des marchés concerné.
Sur le cadre réglementaire applicable aux organismes de logements sociaux
42. La pratique décisionnelle de l’Autorité28 a, à plusieurs reprises, détaillé le cadre réglementaire applicable aux organismes de logements sociaux.
43. En premier lieu, l’attribution des logements sociaux par les bailleurs est encadrée par un corpus de règles dont le respect est garanti par un contrôle des autorités publiques, qui interdit aux bailleurs de sélectionner de manière discriminatoire les locataires, quelle que soit la position concurrentielle du bailleur social sur le marché considéré. Dans ces conditions, l’opération n’est pas susceptible de produire d’effets sur le choix, par les parties à l’opération, de leurs locataires.
44. En deuxième lieu, les loyers sont fixés par les conventions d’encadrement des loyers (ci-après « conventions APL ») qui sont conclues entre l’État et les bailleurs sociaux, au cas par cas. Elles sont régies par l’article L. 351-2 du code de la construction et de l’habitation. Ces conventions fixent notamment les loyers plafonds révisés chaque année au 1er janvier en fonction de l’Indice de référence des loyers du 2e trimestre de l’année précédente. Les valeurs maximales des loyers plafonds sont fixées chaque année. Elles sont déclinées par territoire en fonction de la tension sur ces territoires et par typologie sociale des logements. Les loyers plafonds des conventions APL font l’objet d’une modulation en fonction notamment de la taille moyenne des logements, de la qualité de service et de la performance énergétique. Les conventions APL constituent donc un cadre qui détermine strictement les niveaux de loyers plafonds des logements concernés.
45. Les loyers ne peuvent ainsi pas dépasser les montants fixés par ce cadre légal et réglementaire. En revanche, ils peuvent se situer en-deçà de ces montants. Le ministère en charge du logement a indiqué qu’il est assez régulièrement constaté que les bailleurs sociaux fixent leurs loyers en dessous des plafonds.
46. En troisième lieu, s’agissant de la qualité de la prestation de logement social fournie par le bailleur, les conventions d’utilité sociale (ci-après, « CUS ») conclues entre l’État et les bailleurs prévoient des indicateurs de qualité qui portent sur les axes de production, de rénovation, d’efficience de la gestion et d’attributions de logements, afin de répondre à des objectifs de logements pour les plus défavorisés et de mixité sociale. De plus, dans le chapitre obligatoire des CUS, figurent des éléments relatifs à la qualité de la gestion locative et du service aux locataires. Ces engagements portent notamment sur le processus de traitement des réclamations des locataires, l'existence et la fréquence d'une enquête de satisfaction auprès des locataires ainsi que les dispositifs de certification ou de labellisation en matière de qualité de service obtenus par l'organisme. Ils intègrent également des données sur le nombre de logements accessibles aux personnes à mobilité réduite dans le parc concerné ou sur le nombre de logements réhabilités rénovés pour répondre aux exigences requises en matière de performance énergétique.
47. Le respect de l’ensemble du cadre contraint qui vient d’être décrit, s’agissant des loyers et de la qualité de la prestation de logement social, est assuré par les pouvoirs publics, et notamment l’État, qui veille à ce que les bailleurs sociaux respectent les dispositions réglementaires et législatives qui s’imposent à eux, autant sur les aspects patrimoniaux que pour les attributions de logements et la gestion locative. Lorsque des écarts sont constatés, après une procédure contradictoire et sur proposition du conseil d’administration, des sanctions administratives29 peuvent être proposées par l’Agence nationale de contrôle du logement social au ministre chargé du logement.
48. Ces différents éléments sont donc de nature à contraindre les parties, une fois l’opération réalisée, à maintenir un certain standard de qualité de l’offre proposée aux locataires. Toutefois, tant pour ce qui concerne le niveau de loyers que la qualité des prestations offertes aux locataires, le cadre réglementaire applicable fixe un standard de référence. Il est donc loisible aux opérateurs de fixer les loyers des logements à un niveau inférieur au plafond ou d’offrir des services améliorés par rapport au standard de qualité résultant des CUS, notamment sous l’influence de la pression exercée par des opérateurs concurrents.
49. Compte tenu de cette situation, l’Autorité estime que le cadre réglementaire applicable au secteur du logement social n’est pas, à lui seul, de nature à écarter tout risque d’effet anticoncurrentiel lié à l’opération.
Les effets du jeu concurrentiel limités par la réduction des capacités d’arbitrage du consommateur en zone tendue
50. Eu égard à la spécificité du mécanisme d’attribution des logements sociaux, l’Autorité de la concurrence s’est également interrogée sur la possibilité pour les candidats locataires d’arbitrer entre les offres des bailleurs sociaux. En effet, en l’absence d’une telle capacité d’arbitrage, la structure du marché n’aurait pas de conséquence sur l’incitation des bailleurs sociaux à améliorer leur offre en matière de qualité et, dans une certaine mesure, de prix et l’opération n’aurait donc pas d’effet sur le marché concerné.
51. Or, ainsi qu’il a été expliqué précédemment, les demandeurs de logements sociaux formulent leurs demandes de logement sur le système national d’enregistrement (ci-après, « SNE »), qui regroupe, au sein d’un fichier unique, l’ensemble des demandeurs de logement social.
52. Le ministère du logement a décrit le fonctionnement du SNE de la façon suivante : « Chaque demande est suivie par des événements qui sont enregistrés informatiquement par la gestion partagée, et accessibles à tous les bailleurs. [En principe], si un bailleur a proposé un logement, cela fera l'objet d'un événement dans le système, et un autre bailleur ne proposera pas en pratique un autre logement au même moment. » Toutefois, l’Autorité a déjà relevé que le candidat à un logement social peut se trouver dans une situation d’arbitrage dans l’hypothèse où plusieurs bailleurs proposent un logement à un même candidat du fichier SNE30.
53. L’Autorité a relevé qu’un tel scénario était peu probable dans les zones particulièrement
« tendues », caractérisées par un déséquilibre important entre le volume de l’offre disponible et la demande. Au contraire, une telle situation d’arbitrage ne peut pas être exclue dans le cas des zones « non tendues », d’autant plus que le refus de logement consécutif à une proposition de la part d’un bailleur social n’emporte pas nécessairement de conséquence sur l’attribution d’un logement à l’avenir.
54. Afin de déterminer si les zones concernées par l’opération présentaient les caractéristiques de zones « tendues », les parties notifiantes se sont notamment fondées sur la classification issue de la loi dite « Pinel »31, considérant comme « tendues » les communes classées aux fins de ladite loi en zones A et B1 et comme « non tendues » les communes classées en zones B2 et C. Toutefois, il ressort des réponses au test de marché conduit dans le cadre de l’instruction que ce critère serait moins pertinent que le taux de vacance des logements sociaux présents dans les zones. En particulier, un taux de vacance des logements des logements inférieur à 4 % serait un indicateur d’un déficit de logements sociaux par rapport à la demande, et donc, d’un déséquilibre significatif entre celle-ci et le volume d’offre disponible. C’est donc en se fondant sur ces taux de vacance que l’analyse a été menée.
55. Dans les zones CC des Collines du Nord Dauphiné et CC entre Saône et Grosne, le taux de vacance des logements des parties ne dépasse pas 4 %, le taux de vacances de plus de trois mois n’excédant pas 2,5 %.
56. Dans la zone de communauté d’agglomérations de Villefranche Beaujolais Saône, le taux de vacance des logements d’Action Logement et de la SEMCODA est inférieur à 5 %. Si ce taux atteint, pour les logements de la CDC, 8 %, le taux de vacance de plus de trois mois s’établit à 4 %, traduisant un faible volume d’offre non attribuée.
57. Dans la zone CC du Pays de l’Ozon, le taux de vacance des logements de la SEMCODA ne dépasse pas 0,5 %. Il s’établit à 6 % pour les logements géré par Action Logement, mais aucun de ces logements ne reste vacant plus de trois mois.
58. Les éléments développés ci-dessus traduisent une situation de déséquilibre significatif entre l’offre de logements sociaux et la demande dans ces zones, lesquelles peuvent être qualifiées de zone « tendues ». Il en résulte que, dans ces zones, l’arbitrage des demandeurs de logements sociaux est limité par le faible volume d’offre disponible. Le changement de la structure du marché après l’opération n’aura pas de conséquence spécifique sur les incitations d’Action Logement à modifier les conditions de l’offre de ses logements au regard de la disparition de la pression concurrentielle qu’exerçait sur elle l’offre de la cible.
59. Seuls les taux de vacances des logements des parties situés dans la zone CC de l’Oisans laissent penser que celle-ci présente un volume d’offre plus équilibré par rapport à la demande. En effet, si ce taux de vacances est, s’agissant de la SEMCODA, nul, les logements détenus par Action Logement présentent un taux de vacances à date de 8,54 % et un taux de vacances à plus de trois mois de 7,3 %.
60. Toutefois, la majorité des répondants au test de marché ont indiqué que, dans les zones « non- tendues » il était fréquent qu’un demandeur de logement social se tourne vers le parc locatif privé dans le cas où sa demande de logement social n’aboutit pas et dans l’hypothèse où le logement social ne répond plus aux besoins du locataire. Ces éléments mettent donc en avant la pression concurrentielle exercée par le parc locatif privé sur le parc social dans les zones non- tendues32.
61. Ainsi, en l’espèce, dans la zone CC de l’Oisans, Action Logement fera face à la pression concurrentielle exercée, d’une part, par les bailleurs sociaux concurrents demeurant sur le marché (représentant [40-50] % de parts de marché) et d’autre part, par le parc locatif privé. Cette pression concurrentielle est donc à même de discipliner le comportement d’Action Logement dans la zone et de l’inciter à maintenir son offre de logements sociaux à un niveau concurrentiel.
62. Il résulte de tout ce qui précède que l’opération notifiée n’est pas susceptible de porter atteinte à la concurrence par le biais d’effets horizontaux sur le marché de la détention et de la gestion pour compte propre de logement à usage social.
b) Le marché de la détention et de la gestion pour compte propre d’actifs immobiliers à vocation d’hébergement pour les personnes âgées
63. Sur ce marché, l’opération conduit à un chevauchement entre les activités de la SEMCODA, de la CDC et d’Action Logement.
64. Toutefois, selon les estimations des parties notifiantes, la part de marché cumulée des acquéreurs et de la cible n’excède pas 15 %, quelle que soit la délimitation retenue.
65. En conséquence, tout risque d’atteinte à la concurrence par le biais d’effets horizontaux sur le marché de la détention et de la gestion pour compte propre d’actifs immobiliers à vocation d’hébergement pour personnes âgées peut être écarté.
c) Le marché de la promotion immobilière
66. Sur le marché de la promotion immobilière résidentielle, l’opération conduit à un chevauchement entre les activités de la SEMCODA, de la CDC et d’Action Logement.
67. Toutefois, selon les estimations des parties notifiantes, la part de marché cumulée des acquéreurs et de la cible n’excède pas 20 %, quelle que soit la délimitation retenue.
68. En conséquence, tout risque d’atteinte à la concurrence par le biais d’effets horizontaux sur le marché de la promotion immobilière peut être écarté.
d) Le marché de la détention et de la gestion pour compte propre de logement résidentiels libres
69. Sur ce marché, l’opération conduit à un chevauchement entre les activités de la SEMCODA et de la CDC.
70. Toutefois, selon les estimations des parties notifiantes, la part de marché cumulée de la CDC et de la cible n’excède pas 10 %, quelle que soit la délimitation retenue.
71. En conséquence, tout risque d’atteinte à la concurrence par le biais d’effets horizontaux sur le marché de la détention et de la gestion pour compte propre de logement résidentiels libres peut être écarté.
e) Le marché de la détention et de la gestion pour compte propre de bureaux
72. Sur ce marché, l’opération conduit à un chevauchement entre les activités de la SEMCODA et de la CDC sur le territoire national, dans les régions d’Auvergne Rhône Alpes et Bourgogne Franche-Comté et dans les départements de l’Isère, du Rhône et de la Haute-Savoie.
73. Toutefois, selon les estimations des parties notifiantes, la part de marché cumulée de la CDC et de la cible n’excède pas 15 % sur l’ensemble des délimitations géographiques.
74. En conséquence, tout risque d’atteinte à la concurrence par le biais d’effets horizontaux sur le marché de la détention et de la gestion pour compte propre de bureaux peut être écarté.
f) Le marché de la détention et de la gestion pour compte propre de locaux commerciaux
75. Sur ce marché, l’opération conduit à un chevauchement entre les activités de la SEMCODA et de la CDC sur le territoire national, dans les régions d’Auvergne-Rhône-Alpes et Bourgogne- Franche-Comté et dans les départements de l’Ain, de l’Isère, du Rhône, de la Haute-Savoie et de la Saône-et-Loire.
76. Toutefois, selon les estimations des parties notifiantes, la part de marché cumulée de la CDC et de la cible n’excède pas 5 %, quelle que soit la délimitation retenue.
77. Tout risque d’effets horizontaux sur le marché de la détention et de la gestion pour compte propre de locaux commerciaux peut être écarté.
2. MARCHÉ DE L’HÉBERGEMENT DE LONGUE DURÉE DES PERSONNES ÂGÉES
78. Sur ce marché, l’opération conduit à un chevauchement d’activités entre la SEMCODA, la CDC et Action Logement uniquement dans le département du Rhône. Toutefois, la part de marché cumulée des acquéreurs et de la cible n’excède pas 3 %.
79. Ainsi l’opération notifiée n’est pas susceptible de porter atteinte à la concurrence par le biais d’effets horizontaux sur le marché de l’hébergement de longue durée des personnes âgées.
B. ANALYSE DES EFFETS VERTICAUX
80. Une concentration verticale peut restreindre la concurrence en rendant plus difficile l’accès aux marchés sur lesquels la nouvelle entité sera active, voire en évinçant potentiellement les concurrents ou en les pénalisant par une augmentation de leurs coûts. Ce verrouillage peut viser les marchés aval, lorsque l’entreprise intégrée refuse de vendre un intrant à ses concurrents en aval, ou les marchés amont, lorsque la branche aval de l’entreprise intégrée refuse d’acheter les produits des fabricants actifs en amont et réduit ainsi leurs débouchés commerciaux.
81. En l’espèce, la CDC exerce une activité de financement du logement social, qui se situe en amont du marché de la gestion pour compte propre de logements sociaux, sur lequel l’ensemble des parties sont actives (1). Par ailleurs, la CDC et SEMCODA sont toutes deux actives sur le marché de la détention et de gestion pour compte propre d’actifs immobiliers à vocation d’hébergement pour les personnes âgées, qui se situe en amont du marché de l’hébergement de longue durée pour les personnes âgées, sur lequel la CDC, d’Action Logement et de la SEMCODA sont actives (2).
82. La pratique décisionnelle considère en principe qu’un risque d’atteinte à la concurrence par le biais d’effets verticaux peut être écarté, dès lors que les parts de marché de l’entreprise issue de l’opération sur les marchés concernés ne dépassent pas les 30 %33.
1. L’ACTIVITÉ DE FINANCEMENT DU LOGEMENT SOCIAL
83. La CDC exerce une activité de financement auprès d’investissement d’intérêt général et d’investissement sur les politiques publiques nationales et locales. Elle octroie ainsi notamment aux bailleurs sociaux des prêts de long terme pour des logements à usage social.
84. L’Autorité de la concurrence a estimé que l’activité de financement du logement social confiée par l’État à la CDC ne constitue pas une activité de marché34. À ce titre, cette activité n’est pas un marché concerné par l’opération notifiée.
85. Toutefois, dans la mesure où l’activité de financement du logement social est située à l’amont d’un marché concurrentiel, il convient d’analyser les risques qui résultent de la prise de contrôle de la SEMCODA par la CDC à l’aval, sur les marchés de la gestion pour compte propre d’immeubles résidentiels à usage social.
86. En l’espèce, il s’agit de déterminer si la CDC pourrait refuser de financer les bailleurs de logements sociaux concurrents de la SEMCODA, ou du moins rendre plus difficile leur accès au crédit.
87. Néanmoins, le risque d’une éviction des concurrents sur les marchés locaux de la gestion pour compte propre d’immeubles résidentiels à usage social peut être exclu. En effet, la CDC octroie aux bailleurs sociaux des prêts dont les principes directeurs sont encadrés par des dispositions réglementaires du code de la construction et de l’habitation. Ces prêts sont proposés aux bailleurs à des conditions financières identiques sur l’ensemble du territoire et sans discrimination entre les emprunteurs.
88. S’agissant des conditions de ces prêts (et de leurs taux en particulier), la CDC est tenue d’accorder des prêts de long terme à des conditions identiques sur l’ensemble du territoire. Les taux des prêts sont notamment indexés sur le taux de la ressource à partir de laquelle ils sont financés, de manière à réaliser l’adéquation entre les revenus de ces prêts et le coût de la ressource utilisée. Les conditions des prêts font ainsi l’objet d’un ensemble de dispositions réglementaires qui permettent de s’assurer que, dans l’octroi des prêts sur Fonds d’Épargne, la CDC n’opère pas de discrimination entre les emprunteurs et que ceux-ci sont traités de manière égale, quelle que soit leur situation géographique ou leur qualité.
89. S’agissant de la discrimination, tout bailleur social qui remplit les conditions d’agrément et obtient un agrément auprès de l’État est éligible à ces prêts réglementés35 auprès de la CDC ou, pour certains types de financement, d’un établissement de crédit ayant signé une convention de refinancement36. La CDC ne délivrant pas cet agrément, elle ne peut donc pas favoriser un bailleur social au détriment d’un autre.
90. Compte tenu de ce qui précède, l’opération n’est pas susceptible de porter atteinte à la concurrence par le biais d’effets verticaux entre l’activité de financement du logement social et celle de la gestion pour compte propre d’immeubles résidentiels à usage social.
2. SUR LES ACTIVITÉS RELATIVES À L’HÉBERGEMENT POUR PERSONNES ÂGÉES
91. La CDC et SEMCODA sont toutes deux actives sur le marché de la détention et de gestion pour compte propre d’actifs immobiliers à vocation d’hébergement pour les personnes âgées, qui se situe en amont du marché de l’hébergement de longue durée pour les personnes âgées, sur lequel la CDC, d’Action Logement et de la SEMCODA sont actives.
92. À l’amont, la CDC pourrait décider de réserver les actifs immobiliers détenus par la cible à ses propres activités d’hébergement de longue durée pour personnes âgées (verrouillage des intrants). À l’aval, la CDC et Action Logement pourraient décider, pour leurs activités d’hébergement de longue durée pour personnes âgées, de ne pas s’adresser aux concurrents de la cible sur le marché amont de la gestion d’actifs (verrouillage de clientèle).
93. Toutefois, sans qu’il soit besoin d’examiner plus avant la capacité et les incitations des parties à mettre en œuvre de telles stratégies de verrouillage, tout risque d’atteinte à la concurrence par le biais d’effets verticaux peut être écarté, dans la mesure où, selon les estimations des parties notifiantes, les parts de marché des parties n’excèdent pas 15 % tant à l’amont qu’à l’aval.
C. ANALYSE DES EFFETS COORDONNÉS
94. L’opération consistant en la création d’une entreprise commune de plein exercice, par la prise de contrôle conjoint de la cible par le département de l’Ain, la CDC et Action Logement, et compte tenu des fortes positions détenues par les parties sur plusieurs marché locaux de la gestion pour compte propre de logements sociaux, il convient d’examiner dans quelle mesure l’opération peut conduire à une coordination entre les acquéreurs sur ces marchés.
95. Le paragraphe 760 des lignes directrices rappelle que : « [l]es risques de coordination entre sociétés mères à l’occasion de la création d’une entreprise commune sont analysés au regard de trois critères cumulatifs: –un lien de causalité doit exister entre la création de l’entreprise commune et l’apparition de risques de coordination de ses sociétés mères ou son renforcement;–la coordination doit revêtir un certain degré de vraisemblance, c’est-à-dire qu’elle doit être possible et présenter un intérêt économique pour les sociétés mères; –cette coordination doit avoir un effet sensible sur la concurrence ».
96. S’agissant de la condition relative au lien de causalité, le paragraphe 761 des lignes directrices précise que « [l]e lien causal peut être établi si l’activité de l’entreprise commune revêt une importance essentielle pour les marchés sur lesquels ses sociétés mères sont actives. »
97. En l’espèce, ce critère n’est pas rempli, l’activité de gestion pour compte propre de logements sociaux de la SEMCODA ne revêt pas un caractère essentiel pour les acquéreurs et la conduite de leurs propres activités. Il convient, en outre, de noter que cette activité de la SEMCODA représente une fraction limitée de l’activité globale de la CDC et d’Action Logement. En effet, selon les informations fournies par les parties notifiantes, SEMCODA gère environ 30 000 logements sociaux, contre environ 500 000 pour la CDC et 1 million pour Action Logement au niveau national.
98. Par ailleurs, il convient de souligner que le marché de la gestion pour compte propre de logements à usage social se caractérise par sa dimension locale. La multiplicité des marchés géographiques concernés par l’opération est de nature à rendre difficile la mise en œuvre d’une coordination des comportements entre les acquéreurs37.
99. Compte tenu de ces éléments, l’opération n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence par le biais d’une coordination du comportement des acquéreurs.
DÉCIDE
Article unique : L’opération notifiée sous le numéro 20-195 est autorisée.
1 Habilité par la loi n° 2016-719 du 1er juin 2016, ratifiée par l'article 102 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018., le gouvernement a rationalisé l’organisation de la collecte de la PEEC et a procédé à la refonte du réseau d’Action Logement par l’ordonnance n° 2016-1408 du 20 octobre 2016 relative à la réorganisation de la collecte de la participation des employeurs à l'effort de construction.
2 Le département de l’Ain est le seul actionnaire présent au capital de la SEMCODA disposant d’un droit de veto sur les décisions stratégiques de celle-ci. Ce droit de veto confère au département de l’Ain un contrôle exclusif négatif sur la SEMCODA.
3 CJUE, 7 septembre 2017, Austria Asphalt, aff. C-248/16.
4 En application du paragraphe 116 des lignes directrices, le chiffre d’affaires réalisé par la SEMCODA est dans son intégralité affecté au département de l’Ain.
5 Ibid.
6 Voir notamment les décisions de l’Autorité de la concurrence n° 20-DCC-88 du 23 juillet 2020 relative au rapprochement de trois bailleurs sociaux actifs dans la région des Hauts-de-France, n° 19-DCC-204 du 28 octobre 2019 relative à la prise de contrôle exclusif de la SEMADER par CDC Habitat, n° 17-DCC-181 du 6 novembre 2017 relative à cinq opérations dans le secteur immobilier dans les départements et régions d’Outre-mer, n° 17-DCC-09 du 20 janvier 2017 relative à la prise de contrôle conjoint d’un ensemble immobilier par la Caisse des dépôts et consignations et le groupe Artea, n° 16-DCC-02 du 11 janvier 2016 relative à la prise de contrôle conjoint d’un actif immobilier situé à Marseille par le groupe BPCE et la Caisse des dépôts et consignations, n° 15-DCC-156 du 7 décembre 2015 relative à la prise de contrôle conjoint d’un actif immobilier à usage de bureaux par Sogecap et Predica, n° 15-DCC-128 du 21 septembre 2015 relative à la prise de contrôle conjoint d’un actif immobilier situé à Rennes par le groupe BPCE et la Caisse des dépôts et consignations, n° 14-DCC-46 du 1er avril 2014 relative à la prise de contrôle conjointe d’un actif immobilier industriel en Moselle par la Norges Bank et Prologis, n° 09-DCC-16 du 22 juin 2009 relative à la fusion entre les groupes Caisse d’Épargne et Banque Populaire, ainsi que la lettre du ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi C2008-79 du 22 août 2008 relative à une concentration dans le secteur de l’immobilier, BOCCRF n° 8 bis du 23 octobre 2008.
7 Voir les décisions de la Commission européenne COMP/M.2110 du 25 septembre 2000, Deutsche Bank / SEI / JV, IV/M.2825 du 9 juillet 2002, Fortis AG SA / Bernheim-Comofi, SA COMP/M.3370 du 9 mars 2004, BNP Paribas/ARI.
8 Lettre du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie C2005-126 du 25 janvier 2006 relative à une concentration dans le secteur des services immobiliers.
9 Lettre du ministre en date du 21 juin 2002 relative à la création de l’entreprise commune Eulia entre la Caisse des dépôts et consignations et la Caisse nationale des caisses d’épargne ; lettre du ministre en date du 8 novembre 2002 aux conseils de la société Gécina relative à une concentration dans le secteur des actifs immobiliers.
10 En application de l’article L 351-2-2° du code de la construction et de l’habitation (ci-après CCH).
11 Voir les articles L. 342-1 à L. 342-21 du CCH.
12 Voir les articles L. 421-1 à L. 421-26 du CCH.
13 Il s’agit des anciennes sociétés anonymes d’habitation à loyer modéré (SAHLM) ; voir les articles L. 421-2 à L. 421-2-1 du code de la construction et de l’habitation.
14 Voir les articles L. 422-3 à L. 422-3-2 du CCH.
15 L’article R. 331-12 du CCH subordonne l’attribution des subventions et prêts à la construction sociale à l’occupation des logements sociaux par des personnes dont l’ensemble des ressources, au moment de l’entrée dans les lieux, est inférieur à des plafonds fixés chaque année par arrêté ministériel.
16 En moyenne les loyers du parc social sont deux fois moins élevés que ceux du parc privé.
17 C2006-151 / Lettre du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie du 10 janvier 2007 au conseil du groupe Société Nationale Immobilière, relative à une concentration dans le secteur du développement et de la gestion de parc immobilier à vocation essentiellement résidentielle, BOCCRF n° 3bis du 23 mars 2007.
18 Voir la décision de l’Autorité de la concurrence n° 11-DCC-138 du 30 septembre 2011 relative à la prise de contrôle exclusif par la société Altarea de la société Urbat Promotion.
19 Voir, par exemple, les décisions de l’Autorité de la concurrence n° 20-DCC-88 et n° 19-DCC-204 précitées et la décision n° 14-DCC-166 du 13 novembre 2014 relative à la prise de contrôle exclusif par Klépierre SA de Corio NV.
20 Voir, par exemple, les décisions n° 20-DCC-88 du 23 juillet 2020 relative au rapprochement de trois bailleurs sociaux actifs dans la région des Hauts-de-France et n° 20-DCC-84 du 17 juillet 2020 relative à la prise de contrôle exclusif de la SODIAC par CDC Habitat.
21 Décision n°19-DCC-32 de l’Autorité de la concurrence du 25 février 2019 relative à la création d’une entreprise commune par les groupes VYV et Habitat Développement.
22 Voir les décisions de l’Autorité de la concurrence n° 20-DCC-182 du 9 décembre 2020 relative à la prise de contrôle exclusif du groupe Inicea par la société Korian, n°20-DCC-114 du 28 août 2020 relative à la prise de contrôle exclusif de l’association Arpavie par la Caisse des dépôts et consignations, n° 19-DCC-32 du 25 février 2019 relative à la création d’une entreprise commune par les groupes VYV et Habitat Développement, n° 16-DCC-38 du 10 mars 2016 relative à la création d’ARPAVIE par la fusion-absorption de l’Association des Résidences pour Personnes Âgées, l’Association Résidences et Foyer, et l’Association de Résidences pour Personnes Âgées Dépendantes, n° 14-DCC-132 du 15 septembre relative à la prise de contrôle exclusif de la société Colisée par le groupe Eurazeo, n° 14-DCC-22 du 21 février 2014 relative à la fusion-absorption de la société Médica par la société Korian, n° 10-DCC-179 du 13 décembre 2010 relative à la prise de contrôle exclusif du groupe Méditer et Mieux-Vivre par la société Orpéa et n° 10-DCC-132 du 11 octobre 2010 relative à la création de deux entreprises communes par Domus Vi et GDP Vendôme.
23 Voir notamment les décisions n° 20-DCC-114 du 28 août 2020 relative à la prise de contrôle exclusif de l’association Arpavie par la Caisse des dépôts et consignations et n° 14-DCC-132 du 15 septembre 2014 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Colisée par le groupe Eurazeo, para. 9.
24 Décision n° 20-DCC-114 du 28 août 2020 relative à la prise de contrôle exclusif de l’association Arpavie par la Caisse des dépôts et consignations, para 10.
25 Voir les décisions de l’Autorité n° 19 DCC 32, n°16-DCC-38, n° 14-DCC-132, n° 14-DCC-22, n° 10-DCC-179 et n° 10-DCC-132 précitées.
26 Il s’agit du département de l’Ain (01) et des zones locales suivantes, toutes situées dans ce département : Haut-Bugey Agglomération, CC Rives de l'Ain Pays du Cerdon, CC Bugey Sud, CC du Pays Bellegardien, CC de la Plaine de l'Ain, CC de la Dombes, CC Dombes-Saône Vallée, CC de Miribel et du Plateau, CA du Pays de Gex, CC de la Côtière à Montluel, CC de la Veyle, CC Bresse et Saône, CC Val de Saône Centre, CA du Bassin de Bourg-en-Bresse et CC Usses et Rhône.
27 Il s’agit des départements de l’Isère (38), du Rhône (69) et des zones locales suivantes : CC de la Veyle (01), CC de Miribel et du Plateau (01), CC de la Dombes (01), CC Dombes-Saône Vallée (01), CA Porte de l'Isère (38), CC de Bièvre Est (38), CC de l'Oisans (38), CC des Collines du Nord Dauphiné (38), CC du Pays de Grésivaudan (38), CC Les Balcons du Dauphiné (38), CC Beaujolais Pierres Dorées (69), CC de l'Est Lyonnais (69), CC des Vallons du Lyonnais (69), CC du Pays de l'Arbresle (69), CC du Pays de l'Ozon (69), CC du Pays Mornantais (69), Métropole de Lyon (69), CA Villefranche Beaujolais Saône (69), CA Le Grand Chalon (71), CC du Sud de la Côte Chalonnaise (71), CC entre Saône et Grosne (71), CC Saône Doubs Bresse (71) et CC Terres de Bresse (71).
28 Voir les décisions n° 20-DCC-88 du 23 juillet 2020 relative au rapprochement de trois bailleurs sociaux actifs dans la région des Hauts-de- France et n° 20-DCC-84 du 17 juillet 2020 relative à la prise de contrôle exclusif de la SODIAC par CDC Habitat.
29 Les sanctions peuvent être financières ou personnelles. Elles peuvent aller jusqu’au retrait de l’agrément de l’organisme.
30 Voir, en ce sens, les décisions n° 20-DCC-88 et n° 20-DCC-84 précitées.
31 LOI n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015.
32 Voir, en ce sens, les décisions n° 20-DCC-88 et n° 20-DCC-84 précitées.
33 Voir, en ce sens, le paragraphe 678 des lignes directrices.
34 Voir les décisions de l’Autorité de la concurrence n° 20-DCC-84 du 17 juillet 2020relative à la prise de contrôle exclusif de la SODIAC par CDC Habitat et n° 17-DCC-181 du 6 novembre 2017 relative à cinq opérations dans le secteur immobilier dans les départements et régions d’Outre-mer.
35 Article R. 331-3 à R. 331-6 et R. 331-19 CCH.
36 Article R. 331-17 du CCH.
37 Voir, en ce sens, le paragraphe 747 des lignes directrices.