Cass. 1re civ., 26 mai 2021, n° 19-15.102
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Mienta France (SAS), Selarl Michel-Miroite-Gorins (ès qual.), Selarl Fides (ès qual.)
Défendeur :
Groupe SEB-Moulinex (Sasu), SEB (SA), Blendex Egypt (SAE), Bouri Center (Sté), Bouri General Trading (Sté), International Polytrade (SA), Misr Intercommerce (Sté), Nile Intercommerce (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Batut
Rapporteur :
Mme Guihal
Avocat général :
M. Sassoust
Avocats :
SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, SCP Alain Bénabent
Désistement partiel
I. Il est donné acte la société Mienta France, la société Michel-Miroite-Gorins, en qualité d’administrateur judiciaire, et la société Fides, en qualité de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de la société Mienta France, du désistement de leur pourvoi en ce qu’il est dirigé contre les sociétés Blendex Egypt, Bouri Center, Bouri Général Trading, International Polytrade, Misr Intercommerce et Nile Intercommerce.
Faits et procédure
II. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 16 mai 2018), par un accord du 18 novembre 2002, les sociétés Groupe SEB-Moulinex et SEB (le groupe SEB), ayant repris les actifs de la société Moulinex, ont défini le cadre dans lequel se poursuivrait la relation commerciale avec les sociétés égyptiennes Misr Intercommerce (la société Intercommerce) et Blendex Egypt (la société Blendex), filiales du groupe Bouri, ayant toutes deux pour activité le négoce, la fabrication, l’importation et la distribution d’équipements domestiques et électroménagers. Le Groupe SEB-Moulinex a concédé la société Intercommerce la représentation et la distribution exclusive des produits finis électroménagers de la marque Moulinex sur le territoire égyptien et la société Blendex, pour le m me territoire, premièrement, une licence d’exploitation exclusive des marques internationales Moulinex, deuxièmement, une licence de fabrication de certains produits, troisièmement, un prêt de moules et la fourniture de produits et composants nécessaires la fabrication des appareils portant la marque Moulinex.
III. Un différend ayant opposé les parties lors de la cessation de leurs relations contractuelles, le groupe SEB a assigné les sociétés Intercommerce et Blendex en responsabilité pour rupture brutale des relations commerciales établies.
IV. Le groupe SEB a assigné en intervention forcée la société Mienta France, en lui reprochant de fabriquer elle-même et de faire fabriquer par la société Blendex, sous la marque Mienta, des articles de petit électroménager présentant avec les siens des similarités ayant pour objet ou pour effet de créer dans l’esprit du public une confusion dommageable ses propres produits, et de les commercialiser sur le marché égyptien, par elle-même, ou dans les « Bouri Center », ou encore, par l’intermédiaire de la société Intercommerce.
V. Invoquant des faits de concurrence déloyale et de parasitisme, le groupe SEB a demandé, sur le fondement de l’article 1382, devenu 1240, du code civil, la condamnation in solidum des sociétés Mienta France, Intercommerce et Bendex lui payer des dommages-intérêts et cesser la fabrication et la commercialisation des produits litigieux.
VI. La société Mienta France a été déclarée en redressement judiciaire par jugement du 23 mai 2019, la société Michel-Miroite-Gorins étant désignée en qualité d’administrateur judiciaire et la société Fides en qualité de mandataire judiciaire.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, les troisième et quatrième moyens du pourvoi principal, le premier moyen, le deuxième moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, les quatrième et cinquième moyens des pourvois incidents, ci-après annexés
VII. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature entraîner la cassation.
Mais sur le moyen relevé d’office
8. Après avis donné aux parties conformément à l’article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l’article 620, alinéa 2, du même code.
Vu l’article 6 du règlement (CE) n° 864/2007 du Parlement européen et du Conseil du 11 juillet 2007 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles (« Rome II »), l’article 12 du code de procédure civile et les principes de primauté et d’effectivité du droit de l’Union européenne :
9. Le premier de ces textes dispose :
« 1. La loi applicable à une obligation non contractuelle résultant d’un acte de concurrence déloyale est celle du pays sur le territoire duquel les relations de concurrence ou les intérêts collectifs des consommateurs sont affectés ou susceptibles de l’être.
2. Lorsqu’un acte de concurrence déloyale affecte exclusivement les intérêts d’un concurrent déterminé, l’article 4 est applicable.
(...)
4. Il ne peut être dérogé à la loi applicable en vertu du présent article par un accord tel que mentionné à l’article 14. »
10. Il résulte du second de ces textes et des principes susvisés que si le juge n’a pas, sauf règles particulières, l’obligation de changer le fondement juridique des demandes, il est tenu, lorsque les faits dont il est saisi le justifient, de faire application des règles d’ordre public issues du droit de l’Union européenne, telle une règle de conflit de lois lorsqu’il est interdit d’y déroger, même si les parties ne les ont pas invoquées.
11. Pour condamner les sociétés Mienta France, Blendex et Intercommerce à payer des dommages-intérêts au groupe SEB en application du droit français, l’arrêt retient que ces sociétés, en entretenant délibérément, par la gamme et la présentation de leurs articles, une confusion entre les produits de marque Mienta et ceux de marque Moulinex, pour profiter de la notoriété de cette dernière en Égypte, et en utilisant à cette fin les moules et les techniques de fabrication du groupe Moulinex, ainsi que son réseau de distribution en Égypte, ont commis des actes de parasitisme et de concurrence déloyale.
12. En statuant ainsi, sans mettre en œuvre d’office, comme il le lui incombait, les dispositions impératives de l’article 6 du règlement « Rome II » pour déterminer la loi applicable au litige, la cour d’appel a violé les textes et les principes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 16 mai 2018, entre les parties, par la cour d’appel de Paris.