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Décisions

Cass. com., 28 juin 2011, n° 10-27.086

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Favre

Avocats :

SCP Defrenois et Levis, SCP Ortscheidt

Grenoble, du 28 oct. 2010

28 octobre 2010

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 28 octobre 2010), que le 31 juillet 2003, la société Financière Vulcain, elle-même détenue par le Fonds commun de placements à risques (FCPR) Astorg III s'est engagée à acquérir la totalité du capital de la société SFI, holding de la société Etudes et constructions mécaniques SA (la société ECM) et de sa filiale la société ECM Condenso, devenue ECM Infrafours (la société ECM infrafours) ; qu'un contrat de prêts octroyés à la Financière Vulcain et à la société ECM a été conclu le 31 juillet 2003 avec la société BNP Paribas (la banque) agissant tant pour elle-même qu'en qualité d'agent des prêts pour les établissements prêteurs ; qu'il y était déclaré qu'aucune société du groupe ne faisait l'objet d'une procédure d'alerte et qu'aucun conciliateur n'avait été désigné aux fins de recherche d'un accord avec les créanciers, et précisé que la survenance de l'un quelconque de ces événements constituerait un cas d'exigibilité immédiate et de plein droit des montants des prêts ; que conformément aux dispositions de ce contrat, la banque a procédé à la syndication directe des prêts auprès d'un pool bancaire ; qu'en raison des difficultés persistantes rencontrées par le groupe ECM, la totalité du capital de la société Financière Vulcain a été cédée le 8 novembre 2007, au prix de un euro, au FCPR T'NT'1, qui a pour société de gestion la société Fin'active dirigée par MM. X... et Y... ; que ce protocole, conclu sous l'égide de M. Z... nommé conciliateur, prévoyait la restructuration du capital et des dettes du groupe ECM ainsi que le maintien des concours consentis à celui-ci pendant une durée de 24 mois ; qu'en exécution de ce protocole était signé le 9 janvier 2008 un avenant n° 4 au contrat de prêts, modifiant la liste des cas d'exigibilité anticipée et précisant que cet avenant n'emportait aucune novation au contrat de prêts ; que par lettre recommandée du 2 juin 2008 adressée au président du conseil d'administration de la société ECM, le commissaire aux comptes de la société a engagé une procédure d'alerte ; que par requête déposée le 29 août 2008, les sociétés Financière Vulcain, ECM et ECM infrafours ont demandé la nomination d'un conciliateur, qui a été désigné par ordonnance du 5 septembre 2008 ; que par courrier recommandé avec demande d'accusé de réception du 23 octobre 2008 mentionnant ces événements qui n'avaient pas été portés à sa connaissance, la banque a notifié aux sociétés ECM et ECM infrafours la suspension sans préavis de la mise à disposition des fonds au titre du contrat de prêts en raison de la survenance d'un cas d'exigibilité anticipée visé par ce contrat; que les sociétés du groupe ECM ont été mises en redressement puis liquidation judiciaires les 4 novembre 2008 et 3 mars 2009 ; que les sociétés Fin'active, le FCPR T'NT'1 ainsi que MM. X... et Y... ont assigné la banque en responsabilité pour rupture abusive de crédit et ont demandé l'indemnisation de leurs préjudices ; Sur le deuxième moyen :

Attendu que les demandeurs reprochent à l'arrêt d'avoir rejeté les demandes de MM. X... et Y..., alors, selon le moyen :

1°/ que la suppression, par l'avenant n° 4 du 9 janvier 2008, des procédures d'alerte et de conciliation de la liste des «cas d'exigibilité anticipée» initialement définis à l'article 13 du contrat de prêt du 26 septembre 2003, a nécessairement rendu sans objet l'article 4.2 de ce contrat de prêt, qui obligeait l'emprunteur à déclarer l'existence de ces procédures d'alertes et de conciliation ; qu'en retenant néanmoins que les sociétés du groupe ECM étaient restées tenues de déclarer auprès de la banque qu'aucune des sociétés du groupe n'avaient fait l'objet d'une procédure d'alerte et qu'aucun mandataire ad hoc ou conciliateur n'avait été désigné, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;

2°/ que les conditions dans lesquelles les emprunteurs étaient tenus de réitérer les déclarations visées à l'article 4.2.18 du contrat de prêt du 26 septembre 2003 étaient circonscrites, la réitération de ces déclarations ne devant intervenir qu'à «la date de réalisation de l'acquisition et à chaque date d'utilisation et au début de chaque période d'intérêt» (article 4.2.18 du contrat de prêt du 26 septembre 2003) ; qu'en considérant, pour rejeter les demandes indemnitaires de MM. X... et Y..., que les sociétés du Groupe avaient manqué à leurs engagements, sans constater que le défaut de réitération de déclaration était intervenu à l'une des dates ou périodes visées au contrat, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;

3°/ que la dissimulation mensongère par rétention d'information suppose une intention de tromper, ou de provoquer dans l'esprit du destinataire de l'information une erreur déterminante ; qu'en se contentant de relever que MM. X... et Y... ne pouvaient justifier les omissions d'informations reprochées aux sociétés du groupe ECM par l'existence de la cession des parts FNAG, qui devait procurer au Groupe une trésorerie mettant un terme à la procédure d'alerte, sans vérifier, ainsi qu'il lui était demandé, si cette cession de parts n'avait pas créé, dans l'esprit des dirigeants des sociétés du groupe, la croyance légitime que les informations omises n'avaient plus à être déclarées en application de l'avenant du 9 janvier 2008 et qu'elles étaient, en outre sans incidence, eu égard aux perspectives d'évolution des capacités financières du groupe, démontrant ainsi l'absence de toute intention de tromper et de nuire aux intérêts des banques, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1116 du code civil ;

4°/ que la simple omission d'informations, même fautive, ne permet pas de caractériser de la part de l'emprunteur un comportement gravement répréhensible au sens de l'article L. 313-12 du code monétaire et financier ; qu'en retenant que le comportement des sociétés du groupe ECM avait altéré la confiance du créditeur dans le crédité, sans constater que les sociétés, qui avaient régulièrement fourni aux banques des informations précises sur l'évolution de sa situation économique entre les mois de février et d'octobre 2008 et, en particulier le 21 octobre 2008, avaient communiqué des solutions de retournement envisagées avec la cession des titres détenus dans la société FNAG, avaient eu l'intention d'agir en fraude des droits de la banque, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.. 313-12 du code monétaire et financier ;

5°/ que la banque dispensée de respecter un préavis avant d'interrompre son concours n'en reste pas moins tenue de notifier préalablement sa décision par écrit et dans des termes non équivoques ; qu'en jugeant que la BNP Paribas avait régulièrement mis fin aux concours bancaires consentis en vertu du contrat de prêt, sans préavis et au moyen d'un courrier de notification contenant des motifs erronés, fondés sur la survenance d'un «cas d'exigibilité anticipé» du prêt qui avait pourtant été ultérieurement supprimé par un avenant au contrat de prêt, la cour d'appel a violé l'article L. 313-12 du code monétaire et financier ;

6°/ que dans leurs dernières conclusions d'appel, déposées et signifiées le 24 août 2010, les exposants faisaient valoir que la BNP Paribas avait commis une faute et engagé sa responsabilité à leur égard dès lors qu'elle n'avait pas agi dans le cadre d'un mandat donné par les autres banques de cesser les concours financiers au groupe ECM, faute de justifier d'une délibération écrite de celles-ci pour cesser ces concours, conformément aux stipulations des articles 16 et 18 du contrat de prêts du 26 septembre 2003 ; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions opérantes, de nature à établir l'abus de la banque dans la rupture des concours, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

7°/ que dans leurs dernières écritures d'appel, déposées et signifiées le 24 août 2010, les exposants faisaient expressément valoir que la BNP Paribas, bénéficiaire d'une cession de créances professionnelles depuis le 30 mars 2007, avait procédé, dès le lendemain de la notification de rupture des crédits intervenue le 23 octobre 2008, à la mise en jeu desdites cessions des créances détenues par les sociétés du groupe ECM, sans même en informer ces dernières, en méconnaissance de l'article 5.1 du contrat de cession de créances professionnelles stipulant que «l'agent des prêts pourra, après avoir obtenu l'accord de la majorité des banques et communiqué au cédant la justification de la décision de notification des banques, cette justification devant être fondée sur des circonstances conduisant la majorité des banques à considérer qu'il existe une probabilité sérieuse de survenance d'un cas d'exigibilité anticipée au titre du crédit Tranche R3, notifier aux débiteurs cédés les cessions de créances intervenues» ; qu'en ne se prononçant pas sur ce chef déterminant de conclusions, de nature à démontrer la mauvaise foi de la BNP Paribas dans la décision de rompre brutalement le crédit et de sa volonté de s'affranchir de ses propres obligations, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

8°/ que le juge ne peut statuer par voie de simple affirmation ; qu'en se bornant à affirmer, pour écarter le moyen tiré de ce que la BNP Paribas avait manqué à ses obligations et engagé sa responsabilité en ne respectant pas la clause de médiation préalable prévue à l'article 5.8 de l'Accord de conciliation du 8 novembre 2007 prévoyant qu'avant tout litige résultant notamment de l'exécution ou du défaut d'exécution de l'Accord, les parties s'engageaient à saisir M. Z..., le conciliateur, qu'«il ne saurait être reproché à la BNP Paribas d'avoir mis fin, à titre personnel et ès qualités, au concours bancaire consenti en vertu du contrat de prêts et ce sans préavis et sans avis consultatif de M. Z...», la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt relève qu'aux termes des dispositions de l'article 4.2 du contrat, les déclarations effectuées par chaque emprunteur à la date de signature, dont l'exactitude est une condition déterminante de la signature du contrat de prêts par les banques et par l'agent des prêts, et de l'octroi des prêts, ce que chaque emprunteur reconnaît, seront réputées réitérées pour chacune des tranches des prêts, à la date de réalisation de l'acquisition et à chaque date d'utilisation et au début de chaque période d'intérêts, et que ces dispositions n'ont pas été supprimées par l'avenant n° 4 ; qu'il retient encore que dans les "avis de tirage" des 23, 25, 29 septembre 2008 et des 6 et 13 octobre 2008, la société ECM confirmait que "les déclarations effectuées aux termes du contrat de prêt sont exactes et complètes à la date du présent avis de tirage" ; qu'ayant ainsi fait ressortir que les sociétés du groupe ECM tenues de réitérer les déclarations mentionnées à l'article 4.2 du contrat de prêts, y avaient procédé à de nombreuses reprises en septembre et octobre 2008, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;

Attendu, en deuxième lieu, que l'arrêt retient qu'il se déduit du maintien des dispositions de l'article 4.2 du contrat initial que les emprunteurs étaient soumis à une obligation contractuelle de sincérité, obligation qui rejoint l'obligation générale de loyauté qui pèse sur tout contractant ; qu'il relève aussi qu'il n'est pas contesté que les banques n'ont pris connaissance des trois événements en cause qu'à l'occasion de la réunion du pool bancaire du 21 octobre 2008, alors qu'une réunion de ce dernier s'était tenue le 22 septembre 2008 sans que ces événements aient été évoqués et qu'à sept reprises, la société ECM avait adressé à BNP Paribas des avis de tirage signés par M. Y... en sa qualité de directeur général de la société, confirmant l'exactitude et l'actualité des déclarations effectuées lors de la signature du contrat de prêts ; qu'il retient encore que le caractère volontaire de la rétention d'information par le groupe ECM, des informations en cause, qui caractérise un comportement gravement répréhensible du bénéficiaire du crédit au sens des dispositions de l'article L. 313-12 du code monétaire et financier, ressort des documents versés aux débats, le premier, intitulé "réunion pool bancaire ECM 1er juillet 2008", passant sous silence la lettre recommandée adressée à la société le 2 juin 2008 par son commissaire aux comptes, le second, intitulé "réunion pool bancaire ECM 22 septembre 2008", omettant de faire état du rapport établi le 7 juillet 2008 par les commissaires aux comptes en application de l'article L. 234-1 du code de commerce qui attirait à nouveau l'attention des dirigeants de la société ECM sur "des faits de nature à compromettre la continuité de l'exploitation", les suivants, constitués par les sept avis de tirage précités ; qu'il relève, en outre, que la cession FNAG ne mettait que provisoirement le groupe ECM à l'abri d'une rupture de sa trésorerie à court terme, les discussions avec le repreneur ALD n'étant pas encore menées à leur terme ; qu'ayant ainsi fait ressortir le caractère délibéré et réitéré des informations inexactes fournies aux banques par la société ECM et ses dirigeants en violation des engagements pris, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Attendu, en troisième lieu, que l'arrêt retient que la banque et les membres du pool bancaire ont pris connaissance des événements justifiant leur décision le 21 octobre 2008 et que la rupture a été notifiée dès le 23 octobre 2008 ce qui exclut toute préméditation ou tout calcul ; qu'il relève encore que cette rupture entraînait nécessairement en vertu des dispositions de l'article 4.2 du contrat cadre de cession de créances professionnelles, la notification aux débiteurs du groupe ECM des cessions de créance consenties à titre de garantie alors que les banques étaient propriétaires des créances cédées par le groupe ECM et ce depuis l'émission des bordereaux de cession ; que la cour d'appel a ainsi répondu aux conclusions prétendument délaissées ;

Attendu, en quatrième lieu, que l'arrêt constate que la banque a adressé aux conciliateurs copie du courrier du 23 octobre 2008 notifiant aux emprunteurs la suspension de toutes mises à disposition de fonds, ce dont il résulte que les dispositions litigieuses ont été respectées ; que le moyen manque en fait ; D'où il suit que le moyen, qui ne peut être accueilli en ses septième et huitième branches, n'est pas fondé pour le surplus ; Sur le troisième moyen :

Attendu que MM. X... et Y... font le même reproche à l'arrêt, alors, selon le moyen, que le juge qui décide que la demande dont il est saisi est irrecevable excède ses pouvoirs en statuant au fond ; qu'en déclarant la société Fin'Activ irrecevable en son action, tout en confirmant le jugement en ce qu'il l'avait déboutée de sa demande de dommages-intérêts, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé l'article 562 du code de procédure civile ;

Mais attendu que le grief, qui tend à dénoncer une erreur matérielle pouvant être réparée selon la procédure prévue par l'article 462 du code de procédure civile, ne donne pas lieu à ouverture à cassation ; que le moyen n'est pas recevable ;

Et attendu que les autres griefs ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.