Cass. com., 28 mai 2013, n° 12-19.682
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Espel
Avocats :
Me Foussard, SCP Tiffreau, Corlay et Marlange
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 22 mars 2012), que la trésorerie générale des Yvelines, en vue de l'inscription au passif de la société SEH en redressement judiciaire d'une créance d'un montant de 75 210 euros relative à une exonération d'impôt au titre des années 1994 et 1995 résultant d'un régime fiscal déclaré incompatible avec le marché commun par décision 2004/343/CE de la Commission européenne, du 16 décembre 2003, a sollicité du juge-commissaire le relevé de la forclusion encourue en raison de la non-déclaration de cette créance dans le délai légal ;
Attendu que la trésorerie générale fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande et refusé d'admettre la créance de l'État au titre de la restitution d'aides indues, alors, selon le moyen :
1°) qu'en application des principes de primauté et d'applicabilité directe du droit communautaire, les dispositions des Traités constitutifs de l'Union européenne ont pour effet de rendre inapplicable de plein droit, du fait même de leur entrée en vigueur, toute disposition contraire à la législation nationale existante ; qu'ainsi le droit communautaire commande de laisser inappliquée la disposition du droit national enfermant l'action en relevé de forclusion dans un certain délai ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé, par refus d'application, l'article 108 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (art. 88 du Traité CE), l'article 14, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 659/99 du Conseil du 22 mars 1999, ensemble le principe de primauté du droit communautaire, et, par fausse application, l'article L. 622-26 du code de commerce ;
2°) qu' aux termes du règlement (CE) n° 659/99 du Conseil du 22 mars 1999, portant modalités d'application de l'article 93 du Traité CE (actuel article 108 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne), pris en son article 14, paragraphe 3, relatif à la récupération d'aides illégales, « la récupération s'effectue sans délai et conformément aux procédures prévues par le droit national de l'État membre concerné, pour autant que ces dernières permettent l'exécution immédiate et effective de la décision de la Commission » ; qu'en décidant néanmoins que les règles françaises applicables aux procédures collectives mettaient obstacle à la restitution des aides communautaires indûment perçues, les juges du fond ont à nouveau violé l'article 108 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (art. 88 du Traité CE), l'article 14, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 659/99 du Conseil du 22 mars 1999, ensemble le principe de primauté du droit communautaire ;
Mais attendu que la Cour de justice des Communautés européennes, dans son arrêt du 13 novembre 2008 (Commission c/ France, C-214/07, point 56) a énoncé : « lorsqu'une entreprise fait l'objet d'une procédure collective, le rétablissement de la situation antérieure et l'élimination de la distorsion de concurrence résultant des aides illégalement versées peuvent, en principe, être accomplis par l'inscription au tableau des créances de celle relative à la restitution des aides concernées... Si le délai de production des créances est expiré, les autorités nationales doivent, lorsqu'elle existe et se trouve encore ouverte, mettre en oeuvre toute procédure de relevé de forclusion qui permettrait, dans des cas particuliers, la production hors délai d'une créance » ; que de cette décision la cour d'appel a exactement déduit que la récupération de l'aide prohibée n'était plus possible par inscription de la créance au passif de la société SEH en raison de l'irrecevabilité de la demande en relevé de forclusion présentée hors du délai préfix de l'article L. 622- 26 du code de commerce français, sans qu'il résulte de l'application de ce texte une violation du droit communautaire, dès lors que l'État disposait, depuis la notification de la décision de la Commission, de moyens et délais suffisants pour l'exécuter conformément aux règles du droit national ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.