Cass. com., 27 mai 2021, n° 19-18.301
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Tôleries du Sud-Ouest (SAS)
Défendeur :
Mr Bricolage (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Rapporteur :
Mme Poillot-Peruzzetto
Avocats :
SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, SCP Spinosi
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 27 mars 2019), une relation commerciale établie existait depuis 1997 entre la société Mr Bricolage, qui exerce l'activité de centrale de référencement de divers points de vente, et la société Tôleries du Sud-Ouest (la société TSO), qui commercialise des conduits nécessaires à l'installation de cheminées.
2. Par courriel du 27 mai 2013, la société Mr Bricolage a informé la société TSO qu'elle lançait un appel d'offres « Conduits et fumisterie » au deuxième semestre 2013, en la priant de remplir le document joint.
3. Par courriel du 10 mars 2014, la société Mr Bricolage a précisé au président de la société TSO qu'elle avait reçu, le 21 octobre 2013, son directeur commercial pour lui faire part de sa décision de ne pas retenir sa candidature et que, par lettre envoyée début 2013, il lui avait été indiqué la date effective de déréférencement, soit le 23 février 2014. La société TSO ayant contesté avoir reçu cette lettre, la société Mr Bricolage, par lettre du 8 juillet 2014, a répondu qu'elle maintenait sa décision de déréférencement pour le 23 février 2014, mais a accordé à la société TSO un délai supplémentaire jusqu'au 23 février 2015.
4. Reprochant à la société Mr Bricolage d'avoir rompu brutalement la relation commerciale établie, la société TSO l'a assignée en réparation de son préjudice.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
5. La société TSO fait grief à l'arrêt de dire que la société Mr Bricolage n'a pas rompu brutalement ses relations commerciales avec elle et de rejeter toutes ses demandes indemnitaires à l'encontre de la société Mr Bricolage pour rupture brutale et abusive, alors « qu'engage la responsabilité de son auteur le fait de rompre brutalement une relation commerciale établie sans préavis écrit ; que l'annonce écrite de la rupture de la relation commerciale doit préciser la date d'expiration du préavis ; qu'ainsi, si la notification écrite d'un appel d'offres peut faire courir le délai de préavis, c'est à la condition que cette notification précise la date d'expiration du préavis, soit la date de cessation de la relation commerciale pour le cas où la candidature du partenaire ne serait pas retenue ; qu'en l'espèce, par le courriel qu'elle avait adressé le 27 mai 2013 à la société Tôleries du Sud-Ouest, la société Mr Bricolage lui avait indiqué qu'elle lançait « l'appel d'offres Conduits et Fumisterie lors du 2nd trimestre 2013 », mais ne faisait mention d'aucune date de cessation de la relation pour le cas où la candidature de la société Tôleries du Sud-Ouest ne serait pas retenue ; qu'en jugeant que ce courriel avait fait courir le délai de préavis, quand il ne mentionnait aucune date d'expiration de ce préavis, la cour d'appel a violé l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce, dans sa rédaction applicable à la cause. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce, dans sa rédaction alors applicable :
6. Selon ce texte, engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé, le fait, par tout commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée en référence aux usages du commerce. La notification de l'intention de rompre la relation n'est régulière et le préavis ne commence à courir que si la date de la rupture est précisée.
7. Pour rejeter l'ensemble des demandes de la société TSO, après avoir retenu qu'en annonçant le 27 mai 2013, par écrit, son recours à la procédure d'appel d'offres pour 2014, la société Mr Bricolage a manifesté sans équivoque son intention de ne pas poursuivre les relations contractuelles dans les conditions antérieures, l'arrêt ajoute que la société TSO, qui a été exactement informée de la procédure d'appel d'offres et qui y a participé, n'a pu se méprendre sur la volonté exprimée par sa cocontractante et en déduit que le délai de préavis avait commencé à courir le 27 mai 2013.
8. En statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que ce n'est que le 8 juillet 2014 que la société TSO avait été informée de la date retenue pour la cessation de la relation commerciale, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 mars 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.