Livv
Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 26 mai 2021, n° 19/22978

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Gifi Mag (SAS)

Défendeur :

ACS Thiers Diffusion (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Dallery

Conseillers :

M. Gilles, Mme Depelley

T. com. Bordeaux, du 23 janv. 2015

23 janvier 2015

Le 14 septembre 2010, la société ACS Thiers Diffusion (la société ACS Thiers), spécialisée dans le domaine du commerce de détails, a conclu avec la société Gifi Mag (la société Gifi), en vue de l'exploitation d'un magasin appartenant à cette dernière, un contrat de gérance-mandat d'une durée d'un an avec tacite reconduction, prenant effet au 1er octobre 2010.

Par lettre recommandée du 27 août 2012, la société Gifi a informé la société ACS Thiers que le contrat ne sera pas renouvelé au-delà du 30 septembre 2012.

Par acte du 25 septembre 2013, la société ACS Thiers a assigné la société Gifi devant le tribunal de commerce de Bordeaux en paiement de dommages-intérêts pour rupture brutale de la relation commerciale établie en application de l’article L. 442-6, I, 5° du code de commerce et, subsidiairement, sur le fondement de l'article 1382 du code civil, ainsi que pour le préjudice résultant de l'exécution d'une clause de non-concurrence post-contractuelle, nulle, et préjudice moral.

Par jugement du 23 janvier 2015, ce tribunal a :

- rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la société Gifi, et s'est déclaré compétent,

- condamné la société Gifi à payer à la société ACS Thiers la somme de 59 466 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture brutale de la relation commerciale établie,

- rejeté la demande de dommages-intérêts de la société ACS Thiers pour préjudice moral,

- rejeté la demande de dommages-intérêts de la société ACS Thiers au titre de la clause de non-concurrence,

- rejeté la demande de dommages-intérêts de la société Gifi pour procédure abusive,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- condamné la société Gifi à payer à la société ACS Thiers la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Par arrêt du 17 janvier 2018, la cour d'appel de Paris a :

- confirmé le jugement, sauf en ce qu'il a condamné la société Gifi à payer à la société ACS Thiers la somme de 59 466 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture brutale de la relation commerciale établie, et rejeté la demande de dommages-intérêts de la société ACS Thiers au titre de la clause de non-concurrence, et, statuant à nouveau, a :

- rejeté la demande de dommages-intérêts de la société ACS Thiers pour rupture d'une relation commerciale établie,

- prononcé la nullité de l'article 15.2 du contrat de gérance-mandat,

- condamné la société Gifi à payer à la société ACS Thiers la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts,

- et, y ajoutant :

- rejeté les demandes de dommages-intérêts de la société ACS Thiers,

- condamné cette dernière aux dépens et au paiement à la société Gifi d'une somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté toute autre demande.

Sur le pourvoi formé par la société ACS Thiers, la cour de Cassation (chambre commerciale), par arrêt du 20 novembre 2019 a cassé et annulé, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de dommages-intérêts pour rupture brutale d'une relation commerciale établie et en ce qu'il statue sur les dépens et sur l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 17 janvier 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris; a remis, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyées devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.

Par acte du 11 décembre 2019, la société ACS Thiers a saisi la cour d'appel de Paris.

Par des dernières conclusions déposées et notifiées le 16 février 2021, la société ACS Thiers prie la Cour de :

Vu les articles 1134, 1147, 1149 et 1382 du code civil ainsi que l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce ;

Confirmer le jugement du tribunal de commerce de Bordeaux du 23 Janvier 2015 et dire et juger que le préavis d'un mois accordé à la société ACS Thiers Diffusion par la société Gifi Mag dans le cadre de la rupture du contrat de gérance-mandat est insuffisant,

Confirmer le jugement du tribunal de commerce de Bordeaux du 23 Janvier 2015 et dire et juger que la rupture par la société Gifi Mag du contrat de gérance mandant signé avec la société ACS Thiers Diffusion est brutale.

Réformer le jugement du tribunal de commerce de Bordeaux du 23 Janvier 2015 et dire et juger que la société Gifi Mag aurait dû accorder à la société ACS Thiers Diffusion un préavis de 6 mois,

en conséquence,

Condamner la société Gifi Mag à payer à la société ACS Thiers Diffusion la somme de 94 157,68 euros au titre de sa perte de marge.

Condamner la société Gifi Mag à payer à la société ACS Thiers Diffusion la somme de 10 000 € au titre du préjudice moral.

Confirmer le jugement du tribunal de commerce de Bordeaux du 23 Janvier 2015 et débouter la société Gifi Mag de sa demande reconventionnelle à l'encontre de la société ACS Thiers Diffusion visant à la voir condamner à 15 000 Euros à titre de dommage et intérêts

Condamner la société Gifi Mag à payer à la société ACS Thiers Diffusion la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

Par des dernières conclusions déposées et notifiées le 22 février 2021, la société Gifi demande à la Cour de :

Vu les articles 517, 48, 73 et suivants du code de procédure civile,

Vu les articles L. 146-1 et suivants et l'ancien article L. 442-6, I, 5° du code de commerce ;

Vu les articles 1134 et suivants du code civil,

Vu la convention du 14 septembre 2011,

Vu les conclusions responsives établies dans l'intérêt de la société Gla Holding devant le tribunal de commerce de Béziers (pièce ACS Thiers 32),

Vu le jugement du tribunal de commerce de Bordeaux du 23 janvier 2015,

Réformer le jugement du tribunal de commerce de Bordeaux en date du 23 janvier 2015 en ce qu'il la condamne à payer à la Société ACS Thiers la somme de 59 466,00 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture brutale de la relation commerciale établie, ainsi que la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile et aux dépens,

et statuant à nouveau :

Débouter la Société ACS Thiers de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions de sa demande indemnitaire fondée sur l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce dès lors que :

- l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce se trouve inapplicable à la détermination de l'indemnisation de la cessation d'un contrat de gérance-mandat non renouvelé,

- la relation contractuelle ayant lié les sociétés Gifi Mag et ACS Thiers Diffusion n'est pas une relation commerciale au sens de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce,

- la relation contractuelle ayant lié les sociétés Gifi Mag et ACS Thiers Diffusion n'était ni établie, ni stable,

- le dirigeant de la Société ACS Thiers Diffusion a expressément reconnu judiciairement par conclusions produites devant le tribunal de commerce de Béziers n'avoir aucune croyance dans la stabilité de la relation contractuelle liant les sociétés ACS Thiers Diffusion et Gifi Mag,

- la société ACS Thiers Diffusion n'a jamais réalisé de marge en exécution du contrat de gérance mandat conclu avec la société Gifi Mag, dès lors que ses charges d'exploitation étaient supérieures au montant des commissions perçues,

Condamner la Société ACS Thiers Diffusion au paiement de la somme de 5 000 € au bénéfice de la Société Gifi Mag au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

Condamner la même aux entiers dépens dont distraction au profit de la Selarl Lexavoue Paris Versailles.

SUR CE, LA COUR

Sur la demande de dommages-intérêts de la société ACS Thiers pour rupture brutale d'une relation commerciale établie

Sur l'applicabilité de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce au contrat de gérance-mandat soumis à l'article L. 146-1 du code de commerce

Selon l'appelante, la société Gifi, l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce n'est pas applicable et les demandes indemnitaires de la société ACS Thiers Diffusions fondées sur ces dispositions doivent être rejetées.

Elle soutient en effet, que le droit de ne pas renouveler le contrat de gérance-mandat consacré par l'article L. 164-4 alinéa 1er du code de commerce, est rappelé par l'article 9 de la convention liant les parties de sorte qu'elle s'est bornée à faire application de son droit contractuel en respectant le préavis d'un mois.

Elle ajoute que dans l'hypothèse d'un non-renouvellement comme c'est le cas en l'espèce, l'indemnité prévue par l'article L. 146-4 du code précité pour les seuls cas de « résiliation » abusive ne peut être allouée.

Elle considère que le régime spécial du contrat de gérance-mandat instauré par la loi du 2 août 2005, évince le régime général de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce visant les pratiques restrictives de concurrence ainsi que le régime général de la responsabilité contractuelle (articles 1147 et suivants du code civil)

Selon la société ACS Thiers Diffusion, l'article L. 442-6, I, 5°du code de commerce est applicable au contrat de gérance-mandat prévu par l'article L. 146-1 et suivants du même code au motif que ces articles ne fixent en aucun cas la durée de préavis en rapport à la durée des relations contractuelles qui doit être accordé en cas de rupture du contrat, l'article L. 146-4 précisant uniquement l'indemnité devant être allouée au gérant-mandataire en cas de résiliation du contrat par le mandant avant la fin du contrat. En l'absence de dispositions légales spéciales, l'article L. 442-6, I, 5°doit trouver à s'appliquer.

Sur ce,

L'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce dispose qu'engage sa responsabilité et s'oblige à réparer le préjudice causé, celui qui rompt brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée en référence aux usages de commerce, par des accords interprofessionnels.

Si le régime institué par les articles L. 146-1 et suivants du code de commerce prévoit, en son article L. 146-4, le paiement d'une indemnité minimale au profit des gérants-mandataires en cas de rupture sans faute grave de leur part, il ne règle en aucune manière la durée du préavis à respecter, que le même texte laisse à la convenance des parties, ce dont il se déduit qu'ont vocation à s'appliquer les règles de la responsabilité instituée par l'article L. 442-6, I, 5°, du même code lorsque le préavis consenti est insuffisant au regard de la durée de la relation commerciale établie entre les parties et des autres circonstances.

Ainsi les dispositions générales de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019, sont applicables au contrat de gérance-mandat en cas de non-renouvellement sans préavis suffisant.

Et c'est vainement que Gifi soutient que les dispositions de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce ne seraient pas applicables au contrat de gérance-mandat conclu avec ACS Thiers le 4 novembre 2010 à effet du 1er octobre 2010, renouvelé le 14 septembre 2011 pour une durée d'une année du 1er octobre 2011 au 30 septembre 2012, non renouvelé à cette date conformément à la lettre recommandée avec accusé de réception du 27 août 2012 par laquelle Gifi a notifié à ACS Thiers son intention de ne pas renouveler le contrat à son échéance.

Sur l'existence de relations commerciales

La société Gifi dénie l'existence de relations commerciales avec la société ACS Thiers dans la mesure où cette dernière ne détient pas de fonds de commerce puisqu'en sa qualité de mandant, elle lui en a délégué la gestion et qu'elle ne détient pas d'activité commerciale propre de sorte qu'il n'existe aucun flux d'affaires entre les parties.

Mais, ainsi que le soutient à juste raison la société ACS Thiers, cette dernière gérait le fonds de commerce de Gifi en contrepartie d'une commission sur le chiffre d'affaires du fonds de commerce et ces rapports d'affaires justifiés notamment par les factures et les régularisations annuelles en fonction de l'évolution du chiffre d'affaires (pièces 36, 37 et 38 d'ACS Thiers), caractérisent une relation commerciale au sens de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce, peu important l'absence de relations d'approvisionnement par achat-vente.

Sur l'existence de relations commerciales établies

La société Gifi allègue que ses relations commerciales avec la société ACS Thiers n'étaient pas établies, comme dépourvues de stabilité, s'agissant d'un contrat à durée déterminée, ajoutant que contrairement à ce qu'elle soutient, ACS Thiers n'avait aucune croyance dans la pérennité de la relation, en voulant pour preuve les conclusions prises par la société Gla Holding devant le tribunal de commerce de Béziers.

La société ACS Thiers rétorque que ses relations commerciales avec la société Gifi étaient stables et établies faisant valoir qu'elle s'attendait légitimement à une poursuite de la relation puisque le chiffre d'affaires entre 2010 et 2012 était en constante augmentation, que ses liens avec la société Gifi étaient anciens et pérennes, précisant que M Guy A., gérant de la société Gla Holding, son associée majoritaire avait commencé à travailler avec la société Gifi en 1993, que la société Gla Holding exploitait des magasins Gifi par l'intermédiaire de 6 sociétés dont IDF Management et ACS Thiers, que plusieurs salariés du groupe Gifi avaient démissionné pour en devenir partenaires, rachetant des parts de la société ACS Thiers, et que Gifi lui a toujours laissé penser que le contrat serait renouvelé, la félicitant pour ses bons résultats et la récompensant.

Sur ce,

la Cour observe que le contrat à durée déterminée d'un an liant les parties prévoit qu'à l'arrivée de son terme, il se poursuivra par tacite reconduction pour une durée d'une année, à défaut de volonté contraire manifestée par l'une ou l'autre des parties (article 9), que le contrat s'est poursuivi tacitement pendant une année à compter du 1er octobre 2011, qu'il est établi que les relations entre Gifi et M Guy A., gérant de la société Gla Holding, associée majoritaire de ACS Thiers sont anciennes et pérennes, que la lettre du 12 décembre 2011 de Gifi (pièce 28 d'ACS) , bien que non signée par M G., comme d'ailleurs celle du 3 janvier 2012 (pièce 39), est une lettre élogieuse offrant en récompense un séjour à Megève à deux personnes de la société en ces termes:

« Vous avez obtenu la note (A ou B) attribuée par nos collaborateurs de la centrale lors de notre passage dans votre magasin.

BRAVO !

Après avoir visité 165 magasins, je crois plus que jamais en votre talent et cette force que nous puisons dans notre esprit familial qui nous unit, dans le sens de la parole donnée, bref dans le fait que nous avançons tous ensemble dans la même direction. Cette réalité qui nous unit est une force.

Ma confiance en vous pour l'avenir est totale (souligné par la cour) et je suis persuadé que vous saurez insuffler autour de vous toutes ces qualités et ces valeurs qui permettent d'avoir de plus en plus de magasins à l'image du vôtre.

J'ai envie de vous faire plaisir, j'ai envie de vous retrouver dans un endroit qui m'est cher, le Chalet St Philippe à MEGEVE.

(...) »

Si la lettre du 3 janvier 2012 mentionne :

« OBJET : SEMAINE DE MOTIVATION AU CHALET ST PHILIPPE DU 18 AU 22 JANVIER 2012 », cet intitulé n'enlève rien aux termes élogieux de la lettre du 12 décembre 2011 et ne fait que concrétiser la récompense promise, ce dont il résulte que la lettre du 12 décembre 2011 s'adressait bien à ACS Thiers.

Il résulte à suffisance de l'ensemble de ces éléments que les relations commerciales entre les sociétés Gifi et ACS Thiers étaient établies, que cette dernière a légitimement pu croire en la stabilité de ces relations, peu important le caractère prévisible ou non de la rupture.

Sur la brutalité de la rupture

Selon la société Gifi, la rupture n'a pas été brutale en ce qu'elle a été précédée d'un préavis d'un mois suffisant au regard de l'ancienneté de leurs relations. Elle conteste tout état de dépendance économique, faisant valoir que la société ACS Thiers qui était libre d'exercer une activité dans un autre secteur de la distribution, ne justifie pas avoir recherché à se diversifier.

La société ACS Thiers estime qu'un préavis ne pouvant être inférieure à six mois aurait dû lui être accordé en l'état de l'engagement d'exclusivité figurant à l'article 6 du contrat de gérance-mandat et de sa dépendance économique vis à vis de la société Gifi. Elle dit qu'un tel préavis lui aurait permis de réorienter son activité d'autant plus que le contrat de gérance mandat comportait une clause de non-concurrence (article 15.2) interdisant au gérant mandataire d'exercer dans un certain rayon une activité susceptible de concurrencer directement ou indirectement la société Gifi pendant une durée de 2 ans, ajoutant que son objet est très vaste puisqu'il porte sur : « toute prestations de services concourant à la commercialisation de tous articles et produits permettant la gestion commerciale de grandes surfaces ».

Sur ce,

Le délai de préavis doit s'entendre du temps nécessaire à l'entreprise délaissée pour préparer le redéploiement de son activité ou trouver un autre partenaire ou une solution de remplacement. Les principaux critères à prendre en compte sont la dépendance économique, l'ancienneté des relations, le volume d'affaires et la progression du chiffre d'affaires, les investissements spécifiques effectués et non amortis, les relations d'exclusivité et la spécificité des produits et services en cause, sans qu'il y ait lieu de tenir compte de circonstances postérieures à la rupture.

En l'espèce, les premiers juges doivent être approuvés d'avoir retenu que la relation commerciale qui s'est déroulée sur une période de deux ans, a été de forte intensité et qu'elle a été marquée par une forte dépendance économique.

A cet égard, l'obligation contractuelle d'exclusivité interdisait à l'ancien mandataire gérant de concurrencer l'activité dans laquelle était exploité le fonds, de sorte qu'il ne peut être reproché à celui-ci de ne pas s'être diversifié.

En conséquence, le délai de préavis d'un mois, bien que contractuel, était en pratique insuffisant pour permettre à la société ACS Thiers, de changer de secteur de distribution pour se réorienter.

Les premiers juges seront également approuvés d'avoir retenu qu'un préavis de 4 mois aurait dû être accordé à la société, de sorte que la rupture a été brutale.

Sur l'indemnisation de la brutalité de la rupture

Selon la société Gifi, en matière de prestations de services, la marge brute ne se confond pas avec le chiffre d'affaires mais est égale au chiffre d'affaires hors taxes diminué du coût des services hors taxes. Le préjudice est ainsi apprécié sur la base de la marge brute, à l'exclusion de la marge sur coûts variables.

La marge de la société ACS Thiers en l'absence de charges variables est ainsi égale aux commissions sous déduction de l'ensemble des charges d'exploitation. Elle ajoute que cette société n'a jamais réalisé de marge en exécutant le contrat de gérance-mandat de sorte qu'elle n'a éprouvé aucune perte de marge lors de la cessation du contrat de gérance-mandat et ainsi aucun préjudice indemnisable.

Enfin, elle s'oppose à la demande au titre du préjudice moral puisqu'aucun comportement déloyal ne lui est imputable.

Selon la société ACS Thiers, l'indemnisation par la société Gifi Mag au titre de la perte de ses bénéfices doit s'élever à 94 157,68 euros, bénéfices qui auraient dû être réalisés durant le préavis s'il avait été respecté, s'agissant d'une activité de prestation de services en contrepartie de laquelle elle recevait une commission. Elle dit qu'il n'y a pas de notion de marge dans la mesure où les seuls moyens déployés sont des moyens humains (qui se traduisent par des salaires et des charges sociales), que dans le cadre d'une activité de prestation de services la marge brute se confond avec le chiffre d'affaires, lequel correspond en ce qui la concerne aux commissions versées par la société Gifi pour une moyenne de rémunération mensuelle de 19 822,67 euros HT. Elle sollicite en conséquence une indemnisation correspondant à cinq mois de commissions, soit une somme de 99 113,35 euros. (19 822,67 € HT x 5) sous déduction de 5 % de coût variable, soit la somme de 94 157,68 euros HT.

Elle y ajoute une demande à hauteur de 10 000 euros au titre du préjudice moral qu'elle estime avoir subi du fait du manque de loyauté de son cocontractant, au regard des conditions dans lesquelles s'est opéré le non-renouvellement du contrat de gérance-mandat.

Sur ce,

La Cour retient que la perte de bénéfice subie du fait de la brutalité de la rupture s'évalue pour cette activité de prestation de services au montant des commissions perdues sur la durée du préavis non effectué, soit 3 mois, sous déduction des coûts variables dont il est justifié par les éléments comptables produits pour les exercices 2011 et 2012 (pièces 35-1 et 35-2 d'ACS).

Si les commissions perdues peuvent s'évaluer à 19 822 euros par mois, soit 59 466 euros, comme l'a retenu le tribunal de commerce, il convient d'en déduire un pourcentage de 6,1 % au titre des coûts variables, proportion des charges exceptionnelles sur les pertes effectuées pendant les deux années de référence.

Le préjudice subi du fait de la brutalité de la rupture s'évalue ainsi à la somme de 55 838,57 euros.

Le jugement entrepris sera donc infirmé quant au quantum du préjudice retenu.

S'agissant du préjudice moral sur le fondement de la brutalité de la rupture, le jugement a exactement retenu que la preuve d'un comportement déloyal de la société Gifi n'était pas rapportée.

Le jugement est confirmé de ce chef.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

La Société Gifi qui succombe pour l'essentiel est condamnée aux dépens et à payer la somme de 5 000 euros à la société ACS Thiers au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Elle est aussi déboutée de sa demande de condamnation de la société ACS Thiers sur ce fondement.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Vu l'arrêt de la Cour de cassation,

Statuant dans les limites de sa saisine,

Confirme le jugement en ce qu'il condamne la société Gifi Mag à payer à la société ACS Thiers Diffusion des dommages-intérêts pour rupture brutale de la relation commerciale établie ;

L'infirme sur le quantum des dommages-intérêts.

Statuant à nouveau de ce chef,

Condamne la société Gifi Mag à payer à la société ACS Thiers Diffusion la somme de 55 838,57 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture brutale de la relation commerciale ;

Confirme le jugement en ce qu'il rejette la demande pour préjudice moral au titre de la rupture brutale de la relation commerciale ;

Confirme le jugement en ce qu'il condamne la société Gifi Mag à payer à la société ACS Thiers Diffusion la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Y ajoutant,

Condamne la société Gifi Mag aux dépens d'appel et à payer à la société ACS Thiers Diffusion la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.