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Décisions

CA Angers, ch. com. A, 25 mai 2021, n° 17/02300

ANGERS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Camping Cars Service (SAS)

Défendeur :

Mercier (ès qual.), Depreux (ès qual.), Rapido (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Corbel

Conseillers :

Mme Robveille, M. Benmimoune

Avocats :

Me Mariel, Me Boisnard, Me Rubinel, Me George, Me Pagnoux

T. com. Laval, du 18 oct. 2017

18 octobre 2017

FAITS ET PROCÉDURE

La société (SAS) Rapido exerce une activité de conception, fabrication, vente de camping-cars qu'elle commercialise sous la marque « Rapido » dans le cadre d'un système de distribution sélective.

Le 1er juillet 2004, la SAS Rapido a conclu avec la société (SAS) Camping Cars Service, qui vend et loue des campings-cars de plusieurs marques, un contrat de distribution de campings-cars et pièces détachées de la marque Rapido, à durée indéterminée et effet à compter du 1er septembre 2003, ainsi qu'un contrat de réparateur agréé. Le contrat de distribution prévoyait qu'il pouvait être résilié par l'une ou l'autre des parties moyennant le respect d'un préavis de 24 mois (article 20.1), des cas de résiliation avec effet immédiat (article 20.3) et un cas de résiliation avec effet anticipé comportant réduction du délai de préavis à 6 mois (article 20.4).

La SAS Rapido s'est plainte d'une multiplication d'impayés par sa co-contractante, y compris s'agissant de véhicules pourtant vendus à des clients et immatriculés, et de manquements à ses obligations contractuelles. Par courriel du 8 décembre 2015, la SAS Rapido a déploré les retards répétés de la SAS Camping Cars Service à payer ses factures et l'a informée qu'elle ne procéderait à aucune nouvelle livraison de véhicules 2016 tant que sa dette qui s'élevait à 194 587,28 euros ne serait pas réglée.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 16 décembre 2015, la SAS Rapido a résilié les contrats de distribution et de réparateur agréé, avec un préavis arrivant à échéance au 30 juin 2016.

Par acte d'huissier du 25 octobre 2016, la SAS Rapido a fait assigner la SAS Camping Cars Service en référé devant le président du tribunal de commerce de Laval afin, notamment, d'obtenir le règlement de la somme de 30 316,79 euros qu'elle estimait rester lui être due.

Par ordonnance du 5 décembre 2016, le juge des référés du tribunal de commerce de Laval a accueilli cette demande provisionnelle, mais a rejeté le surplus des demandes de la SAS Rapido, renvoyant les parties devant le juge du fond, devant lequel l'affaire a été enrôlée.

En l'état de ses dernières conclusions de première instance, la SAS Rapido a sollicité du juge, au vu des articles 1134 et 1382 du code civil, qu'il :

- condamne la SAS Camping Cars Service à cesser tout usage de la marque Rapido sur quelque support que ce soit (internet, enseignes, papier à en-tête...) sous astreinte de 500 euros par jour de retard et par infraction constatée et ce dans un délai de 24 heures suivant la signification du jugement à intervenir,

- condamne la SAS Camping Cars Service à lui payer la somme de 192 000 euros à titre de dommages et intérêts pour usage illicite de la marque pendant 384 jours du 30 juin 2016 au 19 juillet 2017.

En défense, la SAS Camping Cars Service a sollicité reconventionnellement la condamnation de la SAS Rapido à lui payer la somme de 250 000 euros au titre du préjudice subi en raison de la réduction à 6 mois du délai de 24 mois prévu pour la résiliation du contrat.

Par jugement du 18 octobre 2017, le tribunal de commerce de Laval a, au visa des articles 1134 et 1382, anciens, du code civil :

- condamné la SAS Rapido à verser à la société Camping Cars Service la somme de 141 104 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la résiliation anticipée des contrats de représentation et de réparation,

- condamné la SAS Camping Cars Service à verser à la SAS Rapido la somme de 141 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice subi du fait de l'utilisation abusive de la marque Rapido,

- condamné la SAS Camping Cars Service à une astreinte de 500 euros par jour en cas d'utilisation de la marque Rapido sur quelque support que ce soit au-delà des huit jours suivant la signification du jugement,

- dit qu'il sera procédé à la compensation entre les deux sommes ci-dessus, le solde de 104 euros devant être versé par la SAS Rapido à la SAS Camping Cars Service,

- dit ne pas avoir lieu au prononcé de l'exécution provisoire,

- débouté les parties de toutes leurs autres demandes, fins et conclusions,

- condamné la SAS Rapido au règlement des dépens.

Par déclaration reçue au greffe le 5 décembre 2017, la SAS Camping Cars Service a interjeté appel de ce jugement en ce qu'il l'a condamnée à verser à la SAS Rapido une somme de 141 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice subi du fait de l'utilisation abusive de la marque Rapido ; l'a condamnée à une astreinte de 500 euros par jour en cas d'utilisation de la marque Rapido sur quelque support que ce soit au-delà des 8 jours suivant la signification du jugement.

Par jugement du 20 décembre 2017, le tribunal de commerce d'Arras a placé la SAS Camping Cars Service en redressement judiciaire, M. D... étant désigné administrateur judiciaire de la SAS Camping Cars Service et la société B... & Associés, prise en la personne de M. B..., étant désignée mandataire judiciaire.

Selon avis du 22 décembre 2017, le magistrat de la mise en état de la chambre commerciale de la cour d'appel d'Angers a invité les parties à réfléchir à l'opportunité d'une médiation judiciaire pour résoudre leur différend.

Par message du 25 janvier 2018, le conseil de l'appelante a informé la Cour qu'une médiation n'était pas envisageable.

Par actes d'huissier du 7 mars 2018, la SAS Camping Cars Service a fait assigner M. D... et M. B..., membre de la SELARL B... & Associés, ès qualités, en intervention forcée.

La SAS Rapido a formé appel incident.

Le 30 avril 2018, la SAS Rapido a saisi le magistrat de la mise en état d'un incident aux fins de sommer la SAS Camping Cars Service de communiquer toutes les pièces dont elle entendait se servir à l'appui de sa demande, et notamment, la production de ses comptes annuels pour les exercices clos aux 1er août 2015 et 31 août 2016 ainsi que la production de tout élément comptable à l'appui du tableau qu'elle produisait en première instance dont une colonne faisait apparaître la marge HT concernant les « ventes Rapido sur la saison 2014/2015 » et notamment, les commandes, factures et bons de livraison afférents au tableau.

Par ordonnance du 4 octobre 2018, le magistrat chargé de la mise en état a débouté la SAS Rapido de ses demandes de production forcée, a dit n'y avoir lieu à allouer des indemnités sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile dans le cadre de l'incident, dit que les dépens d'incident suivront le sort des dépens d'appel.

Par jugement du tribunal de commerce d'Arras du 21 novembre 2018, la SAS Camping Cars Service a été placée en liquidation judiciaire, M. B... étant désigné liquidateur judiciaire.

Suivant acte d'huissier du 14 mai 2020, la SAS Rapido a fait assigner la SARL B... & Associés prise en la personne de M. B... en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la SAS Camping Cars Service, devant la cour d'appel d'Angers, en reprise d'instance.

La SAS Camping Cars Service demande à la Cour, au vu de l'article 1152 du code civil, de :

- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Laval du 18 octobre 2017 en ce qu'il a condamné la société Rapido à verser à la société CCS la somme de 141 104 euros à titre de dommages et intérêts en compensation du préjudice subi du fait de la résiliation anticipée des contrats de représentation et de réparation,

- infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société CCS à verser à la société Rapido la somme de 141 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice subi du fait de l'utilisation abusive de la marque Rapido,

- infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société CCS à une astreinte de 500 euros par jour en cas d'utilisation de la marque Rapido sur quelque support que ce soit au-delà des 8 jours suivant la signification du présent jugement,

- condamner la société Rapido au paiement d'une somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'en tous les frais et dépens de la présente instance, dont distraction au profit de Maître Thierry Boisnard, avocat aux offres de droit.

La SAS Rapido demande à la Cour de :

Sur la résiliation du contrat de distributeur et du contrat de réparateur agréé par la société Rapido,

- infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Rapido à une indemnité de 141 104 euros,

- constater que la société Rapido a résilié les contrats de distributeur et de réparateur agréé de la société Camping Cars Service par lettre du 16 décembre 2015 pour de multiples fautes contractuelles, graves et répétées, notamment pour impayés successifs et répétés, immatriculation de véhicules sans paiement préalable interdite par l'article 6.5 des annexes du contrat de distribution, non-respect des standards de distribution, mauvaises performances commerciales répétées et non-respect des objectifs,

- constater que la résiliation du contrat est bien fondée,

- constater au surplus que la société Camping Cars Service qui n'a pas vendu un seul véhicule pendant la période de préavis de 6 mois aurait été dans l'incapacité d'en acheter et d'en vendre compte tenu de son incapacité à faire face à ses obligations de paiement,

- constater enfin que la société Camping Cars Service ne démontre aucun préjudice ni ne fait valoir aucun document comptable probant,

- constater qu'en l'absence de faute de la société Rapido et de préjudice de la société Camping Cars Service, le jugement ayant condamné la société Rapido doit être purement et simplement infirmé en ce qu'il a condamné la société Rapido à des dommages-intérêts de 141 104 euros envers la société Camping Cars Service.

Sur l'utilisation irrégulière et illicite de la marque Rapido par la société Camping Cars Service

- constater que la société Camping Cars Service n'a pas cessé d'utiliser indûment la marque Rapido après la fin des contrats de distribution et de réparation agréée malgré son absence de tout droit et titre à le faire et en dépit des multiples mises en demeure qui lui ont été adressées,

- constater qu'elle a de même délibérément ignoré les termes du jugement lui interdisant de le faire ainsi que cela résulte des multiples constats d'huissier en date des 15 novembre 2017, 12 décembre 2017, 17 janvier 2018 et 2 mai 2018 et que plus de un an et demi après la fin des contrats, elle est toujours en infraction,

en conséquence,

- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Laval en ce qu'il a prononcé une condamnation au titre de l'utilisation abusive et illicite de la marque Rapido par la société Camping Cars Service et porter le montant de la condamnation de 141 000 euros à 142 000 euros,

- liquider l'astreinte prononcée par le tribunal de commerce de Laval et prononcer une nouvelle astreinte, compte tenu du redressement judiciaire de la société Camping Cars Service

- constater la créance de 142 000 euros de la société Rapido au titre de l'usage abusif de la marque par la société Camping Cars Service et ordonner l'admission de cette créance au passif de la société Camping Cars Service,

- liquider l'astreinte courue entre le 6 novembre 2017 et le 20 décembre 2017, date du jugement de redressement judiciaire, à hauteur de 500 euros x 36 jours = 18 000 euros, et ordonner l'admission de cette créance de liquidation d'astreinte au passif de la société Camping Cars Service,

- liquider l'astreinte courue depuis le 20 décembre 2017, date du redressement judiciaire et la date de l'arrêt à intervenir (ou à la date de cessation de l'utilisation illicite de la marque Rapido), à hauteur de 500 euros par jour fois le nombre de jours écoulés et ordonner l'admission de cette créance au passif de la société Camping Cars Service en tant que créance née depuis le jour du redressement judiciaire devant être payée en priorité à ce titre,

- prononcer une nouvelle astreinte de 500 euros par jour à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir, étant précisé que cette astreinte courra solidairement contre la société Camping Cars Service, Maître F... D... et la SELARL B... et Associés jusqu'à l'arrêt de l'utilisation illicite et abusive de la marque Rapido,

en tout état de cause

- débouter la société Camping Cars Service de l'ensemble de ses demandes,

- si par extraordinaire, la cour venait à condamner la société Rapido à payer une somme quelconque à la société Camping Cars Service, ordonner la compensation des sommes qui seraient dues par la société Rapido avec les créances de la société Rapido au passif de la société Camping Cars Service, le paiement à intervenir s'effectuant par voie de compensation,

- condamner solidairement, en tout cas in solidum, la société Camping Cars Service, Maître F... D... et la SELARL B... et Associés à payer à la société Rapido la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- les condamner solidairement, en tout cas in solidum, aux dépens d'appel dont distraction au profit de la SELARL Lexavoué Rennes-Angers conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 954 du code de procédure civile, à leurs dernières conclusions respectivement déposées au greffe

- le 28 février 2018 pour la SAS Camping Cars Service,

- le 17 mai 2018 pour la SAS Rapido.

A l'audience, la Cour a invité les parties à s'expliquer, dans un délai de quinze jours, sur l'absence de conformité des conclusions de l'appelante aux dispositions de l'article 954 du code de procédure civile en ce que, dans le dispositif, il n'est demandé, sur certains chefs, que l'infirmation du jugement, sans formuler de prétentions, de sorte que la Cour, ne serait pas saisie relativement à ces chefs.

Aucune observation n'est parvenue à la Cour.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la résiliation du contrat de distribution et du contrat de réparateur agréé par la société Rapido :

La SAS Camping Cars Service approuve le tribunal d'avoir retenu que la résiliation unilatérale des deux contrats de distribution et de réparateur agréé était fautive pour ne pas avoir respecté le délai de préavis de 24 mois prévu à l'article 20.1.2 du contrat de distribution et 18.1.2 du contrat de réparation, d'autant plus au vu de l'ancienneté des relations des parties.

La SAS Rapido estime, au contraire, n'avoir commis aucune faute en résiliant le contrat avec un délai de préavis de six mois.

Par lettre recommandée du 16 décembre 2015, la SAS Rapido a résilié à effet au 30 juin 2016, les contrats de distribution et de réparateur agréé en invoquant plusieurs manquements contractuels qu'elle impute à la SAS Camping Cars.

Elle reproche à sa co-contractante :

1°) des défauts et retards de paiement de factures répétés.

2°) l'immatriculation et la livraison d'au moins sept camping-cars sans les avoir préalablement réglés.

3°) un mauvais service client.

4°) un non-respect des obligations contractuelles en matière de nombre de véhicules mis en gamme.

5°) une dégradation de ses performances commerciales.

Le contrat de distribution prévoit qu'il peut être résilié avec un préavis de vingt-quatre mois sauf en cas de motifs graves (article 20-3) autorisant une résiliation à effet immédiat ou en cas de non-réalisation de l'objectif annuel (article 20.4) autorisant une résiliation avec un préavis réduit à six mois.

La résiliation à effet anticipé prévue à l'article 20-4 ne prévoit cette faculté que lorsque, au terme d'une période de vente, le pourcentage de réalisation de l'objectif annuel de la SAS Camping Cars Service est inférieur de plus de 25 % au pourcentage de réalisation moyen des objectifs annuels des autres distributeurs du constructeur VDL.

Il convient de vérifier si la SAS Rapido établit ce défaut de performance.

La SAS Rapido fait valoir que la performance de la SAS Camping Cars Service s'est nettement dégradée pendant l'exercice 2014/2015 avec la réalisation de 12 ventes sur un objectif fixé à 20, soit un taux de réalisation de 60 %.

Elle précise que les objectifs annuels fixés pour chacun des distributeurs étaient fonction de paramètres liés directement à leur propre situation. Elle s'appuie sur le tableau figurant dans la lettre de résiliation faisant apparaître que le taux de réalisation moyen en France était de 86 %, ce dont elle déduit un différentiel de taux de réalisation de 26 % en défaveur de la SAS Camping Cars Service.

Comme l'a justement fait observer le premier juge, aucune justification n'est produite à l'appui de l'affirmation selon laquelle le pourcentage de réalisation moyen des objectifs annuels des autres distributeurs aurait été de 86 %, de sorte qu'à défaut d'élément de comparaison, le défaut de performance n'est pas établi dans la proportion fixée au contrat.

Reste à déterminer si les quatre premiers motifs constituent des motifs graves justifiant la résiliation du contrat à effet immédiat.

Au préalable, le premier juge a relevé que l'article 20-3-2 n'autorise la résiliation à effet immédiat pour défauts de paiement qu'après une mise en demeure. En effet, cet article subordonne la résiliation à effet immédiat pour manquement grave à une mise en demeure préalable et ce, quelque soit le manquement invoqué en dehors des cas cités à l'article 20.3.3 et le contrat prévoit, à l'article 20-5, que toutes les notifications ou mises en demeure doivent être faites par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par acte d'huissier. Or, aucune mise en demeure n'est produite demandant à la SAS Camping Cars Service de mettre fin aux manquements 1 à 4 précités, lesquels ne relèvent pas de l'article 20.3.3. Pour autant, pour les contrats conclus antérieurement au 1er octobre 2016, date d'application de l'article 1226 du code civil, issu de l'ordonnance du 10 février 2016, la gravité du comportement d'une partie à un contrat peut justifier que l'autre partie y mette fin de façon unilatérale à ses risques et périls, peu important les modalités formelles de résiliation contractuelle et sans être tenue de mettre préalablement son cocontractant en demeure de respecter ses obligations ni de caractériser une situation d'urgence. En outre, la résiliation pour manquement grave peut être assortie d'un préavis.

Il convient donc de vérifier la réalité et la gravité des manquements allégués.

La preuve d'un mauvais service client, qui ne saurait résulter des récriminations d'un seul client, n'est pas établie.

Le constructeur invoque un non-respect des obligations contractuelles du nombre de véhicules mis en gamme mais n'apporte aucune précision sur l'exigence posée par l'article 6.1 du contrat qui se réfère au « respect des standards de distribution », se limitant à renvoyer à un article 5.1.2 de l'annexe 5.A qui n'est pas produit aux débats, de sorte que la gravité du manquement prétendu ne peut être appréciée.

En revanche, il est établi des retards de paiement de plusieurs factures, malgré des reports acceptés, d'un montant total de 109 643,25 euros et de 30 280,98 euros à la date du 8 décembre 2015, et dont la liste est reprise dans le tableau figurant dans les conclusions de la SAS Rapido ainsi que la vente à des clients de véhicules avant de les avoir payés au constructeur en contravention à l'article 8.1 du contrat et dont la preuve résulte d'un mail du 25 juillet 2015 adressé par M. C... de la société Camping Cars Service. Ces manquements répétés à des obligations essentielles du distributeur sont suffisamment graves pour justifier la résiliation du contrat sans préavis.

En outre, la SAS Camping Cars Service ne justifie pas du préjudice que lui aurait causé la résiliation anticipée de ces contrats avec préavis réduit à six mois au lieu de vingt-quatre mois. En effet, outre que la SAS Rapido fait valoir que l'appelante peut difficilement prétendre qu'elle aurait réalisé pendant ce préavis un chiffre d'affaires lui permettant d'atteindre celui de la saison 2014/2015 alors qu'elle se trouvait privée de nouveaux camping-cars en 2016 du fait de ses difficultés financières, elle fait justement observer que la SAS Camping Cars ne verse aucun élément comptable, qu'elle ne produit pas ses comptes pour l'exercice clos le 31 août 2015 ni ceux de 2016 et n'apporte aucune précision sur la nature et le calcul de la marge dont elle se prévaut.

Par suite, le jugement sera infirmé du chef de la condamnation de la SAS Rapido pour rupture fautive des deux contrats.

Sur l'utilisation irrégulière de la marque Rapido par la société Camping Cars Service :

La SAS Rapido fait grief à la SAS Camping Cars Service de continuer abusivement malgré la résiliation des contrats litigieux et ses lettres des 24 juin 2016, 4 octobre 2016 et 20 octobre 2017, à utiliser la marque et le logo « Rapido », ce qui constitue, selon elle, une faute contractuelle, une pratique de concurrence déloyale à l'égard de ses concessionnaires, une confusion fautive vis à vis des clients attirés par la réputation de la marque et un acte de dévalorisation de sa marque et de désorganisation de son réseau de distribution lui portant préjudice. Elle reproche à l'appelante de vouloir profiter indûment de la renommée attachée à sa marque sur le marché national du camping-car.

S'appuyant pour le démontrer sur des constats d'huissier des 6 juin 2017, 15 novembre 2017, 2 décembre 2017, 17 janvier 2018 et 2 mai 2018, elle relève la persistance de cet usage sur des documents publicitaires et sur le site internet de l'appelante.

Elle a obtenu du premier juge, en application de la clause du contrat de distribution prévoyant le paiement d'une indemnité comminatoire de 500 euros par jour de retard la condamnation de la SAS Camping Cars Service à lui verser la somme de 141 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'utilisation abusive de la marque Rapido pour la période allant jusqu'au 19 juillet 2017 et au paiement d'une astreinte de 500 euros par jour en cas d'utilisation de la marque Rapido sur quelque support que ce soit au-delà des huit jours suivant la signification du présent jugement.

La société Camping Cars Service n'a conclu qu'à l'infirmation du jugement de ces chefs, sans formuler, dans le dispositif de ses conclusions, de prétentions s'y rapportant.

Or, selon l'article 954, alinéa 2, du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret du 9 décembre 2009, dans les procédures avec représentation obligatoire, les prétentions sont récapitulées sous forme de dispositif et que la cour d'appel ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif.

Il s'ensuit que la Cour n'est pas saisie de prétentions tendant au rejet de la demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'utilisation abusive de la marque Rapido pour la période allant jusqu'au 19 juillet 2017et au rejet de la demande en paiement d'une astreinte de 500 euros par jour en cas d'utilisation de la marque Rapido au-delà des huit jours suivant la signification du jugement.

La SAS Rapido fait appel incident du jugement en demandant de fixer le quantum indemnitaire à lui octroyer du fait de l'utilisation abusive de sa marque par la SAS Camping Cars Service à 142 000 euros.

Il est établi et, d'ailleurs, non contesté que la SAS Camping Cars Service a continué à utiliser la marque Rapido après la fin du contrat, jusqu'au 19 juillet 2017 et même au-delà.

Il apparaît que le premier juge a fait une erreur en comptant 282 jours entre le 8 octobre 2016, date d'effet de la mise en demeure d'avoir à cesser toute utilisation de la marque, et le 19 juillet 2017, au lieu de 284 jours. Il y a lieu d'accueillir l'appel incident en réformant le jugement sur ce point et, compte tenu du redressement judiciaire de la société Camping Cars Service, de constater la créance de 142 000 euros de la société Rapido au titre de l'usage abusif de la marque par la société Camping Cars Service, ordonner l'admission de cette créance au passif de la société Camping Cars Service.

Le prononcé de l'astreinte depuis le 6 novembre 2017, date de notification du jugement ne peut qu'être confirmé au regard des demandes dont est saisie la Cour.

En revanche, la Cour n'étant saisie que de l'appel du jugement qui fixe l'astreinte et non d'un jugement qui la liquide, la SAS Rapido est irrecevable à demander la liquidation de cette astreinte pour la période courant jusqu'à l'ouverture du redressement judiciaire de l'appelante ni la fixation de sa créance à ce titre, à compter du jugement d'ouverture du redressement judiciaire, au passif de la SAS Camping Cars Service.

Par suite, il n'y a pas lieu de fixer une nouvelle astreinte.

Sur les demandes annexes :

M. B... pris en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Camping Cars Service sera condamné à payer à la société Rapido la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant contradictoirement et par arrêt mis à disposition au greffe,

Constate que la Cour n'est pas saisie de prétentions tendant au rejet de la demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'utilisation abusive de la marque Rapido pour la période allant jusqu'au 19 juillet 2017 et au rejet de la demande en paiement d'une astreinte de 500 euros par jour en cas d'utilisation de la marque Rapido au-delà des huit jours suivant la signification du jugement ;

Infirme le jugement entrepris sur les autres chefs et, statuant à nouveau :

Rejette la demande de la société Camping Cars Service en paiement de dommages et intérêts en compensation du préjudice subi du fait du non-respect du délai de résiliation des contrats des représentation et de réparation ;

Fixe la créance de la SAS Rapido au passif de la SAS Camping Cars Service à la somme de 142 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice subi du fait de l'utilisation abusive de la marque Rapido ;

Y ajoutant,

Déclare irrecevable la SAS Rapido à demander à la Cour de liquider l'astreinte pour la période courant jusqu'à l'ouverture du redressement judiciaire de l'appelante, puis à fixer sa créance à ce titre à compter du jugement d'ouverture du redressement judiciaire, au passif de la SAS Camping Cars Service.

Condamne M. B..., pris en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Camping Cars Service, à payer à la société Rapido la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne M. B..., pris en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Camping Cars Service, aux dépens de première instance et d'appel, y compris ceux de l'incident, et qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.