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Décisions

Cass. com., 27 mai 2021, n° 19-11.903

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Wagner

Défendeur :

SFR (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

Mme de Cabarrus

Avocats :

SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Alain Bénabent

Paris, Pôle 5 ch. 11, du 16 nov. 2018

16 novembre 2018

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 16 novembre 2018) et les productions, la Société française du radiotéléphone (la société SFR) a conclu, de janvier 1998 à août 1999, six contrats de distribution dits « partenaires » avec la société Espace télécommunications équipement (la société ETE), dont M. Wagner était le gérant. Cinq de ces contrats ont expiré en 2003 et 2004, le sixième ayant été résilié par la société SFR le 27 août 2003 en raison du défaut d'atteinte des objectifs contractuels. Un arrêt du 9 octobre 2008, devenu irrévocable sur ce point, a reconnu à M. Wagner le statut de gérant de succursale et a condamné la société SFR à lui payer diverses sommes, notamment des rappels de salaire et des indemnités de rupture. La société ETE a été mise en liquidation judiciaire. La société SFR a assigné M. Wagner en réparation du préjudice causé, avec sa complicité, par les manquements contractuels de la société ETE, pour ne pas avoir exercé elle-même les prestations facturées, ce préjudice correspondant au montant des sommes qu'elle lui avait versées en exécution des décisions de justice.

Examen du moyen

Sur le moyen relevé d'office

2. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu les articles L. 7321-1 à L. 7321-5 du code du travail :

3. Lorsqu'un fournisseur a conclu avec une personne morale un contrat pour la distribution de ses produits et que le statut de gérant de succursale est reconnu au dirigeant de cette personne, le fournisseur, condamné à payer à ce dernier les sommes qui lui étaient dues en application de ce statut d'ordre public, auquel il ne peut être porté atteinte, même indirectement, n'est pas admis à réclamer à la personne morale, fût-ce pour partie, le reversement des sommes ayant rémunéré les prestations qu'elle a effectuées en exécution du contrat de distribution.

4. Il en résulte que la responsabilité délictuelle du dirigeant de la société distributrice ne peut être recherchée par le fournisseur pour complicité d'une inexécution contractuelle reprochée à cette société afin d'obtenir le reversement de ces sommes.

5. Pour condamner M. Wagner à payer à la société SFR des dommages-intérêts correspondant aux rappels de salaires et congés payés versés par cette dernière à M. Wagner, en exécution de l'arrêt rendu le 9 octobre 2008 lui ayant reconnu le statut de gérant de succursale, l'arrêt retient que la société ETE a perçu l'intégralité des rémunérations prévues par les « contrats partenaires », qu'elle n'a jamais déduit des rémunérations contractuelles dont elle a demandé le paiement, la part de rémunération représentative de l'activité personnelle de M. Wagner au titre de ses fonctions de gérant de succursale, dont le statut lui a été finalement reconnu. Il retient encore que cette abstention, cependant qu'elle avait nécessairement connaissance de l'activité à titre personnel de M. Wagner lui permettant de réclamer le statut de gérant de succursale et d'obtenir les rémunérations correspondantes, résulte du défaut d'initiative de M. Wagner lui-même, pris ici en sa qualité de gérant de la société ETE, de faire opérer cette déduction, son abstention fautive ayant permis à la société qu'il dirige d'encaisser la part de rémunération contractuelle trop perçue au regard de la partie non exécutée, par la société ETE, des contrats partenaires précités. Il en déduit que M. Wagner doit répondre, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, du dommage causé à la société SFR par la mauvaise exécution des contrats par la société ETE.

6. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

7. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation prononcée sur le moyen relevé d'office entraîne, par voie de conséquence, celle du chef de dispositif qui rejette la demande de dommages-intérêts formée par M. Wagner, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le moyen du pourvoi,

La Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette l'exception d'incompétence et dit l'action recevable, l'arrêt rendu le 16 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.