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Décisions

Cass. com., 27 mai 2021, n° 19-16.122

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

SHW Automotive GmbH (Sté)

Défendeur :

Camelin (SAS), AJRS (Selarl)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

Mme Poillot-Peruzzetto

Avocats :

SCP Piwnica et Molinié, SCP Baraduc, Duhamel et Rameix

Besançon, 1re ch. civ. et com., du 20 no…

20 novembre 2018

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Besançon, 20 novembre 2018), le 21 juillet 2014, la société Camelin, qui a pour activité la fabrication de pièces mécaniques pour le secteur automobile, et la société de droit allemand SHW Automotive (la société SHW), intervenant en qualité de sous-traitante dans le secteur automobile, ont conclu, pour une durée de quatre années, un contrat par lequel la seconde s'engageait à commander à la première, qui s'engageait à les lui fournir, 750 000 unités de deux composants du système d'injection de moteurs pour automobiles Volkswagen.

2. Le 12 janvier 2016, la société SHW a mis fin au contrat.

3. Reprochant à cette dernière d'avoir rompu le contrat avant le terme convenu, la société Camelin l'a assignée en responsabilité devant le tribunal de commerce de Besançon.

Examen des moyens

Sur le troisième moyen, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. La société SHW fait grief à l'arrêt de dire recevable l'assignation introductive d'instance et de dire que sa responsabilité contractuelle est engagée, alors « que le tribunal de commerce est saisi par voie d'assignation, par requête conjointe ou présentation volontaire des parties ; que l'assignation est un acte d'huissier qui doit comporter les mentions d'identification de l'huissier qui la délivre et sa signature ; que la société Camelin a enrôlé devant le tribunal de commerce un acte d'avocat portant projet d'assignation et un « acte d'accomplissement des formalités de l'article 9-2 du règlement CE 1397/2007 » ; qu'en disant que ces actes pouvaient tenir lieu d'assignation, la cour d'appel a violé les articles 648 et 855 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

6. Après avoir relevé que la société SHW, de droit allemand, avait été attraite devant le tribunal de commerce de Besançon par un acte introductif d'instance rédigé par l'avocat et intitulé « acte d'accomplissement des formalités de l'article 9-2 du règlement CE 1397/2007 », qui lui avait été délivré dans les formes prévues pour sa remise par ce règlement du 13 novembre 2007, relatif à la signification et à la notification dans les États membres des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale, et qui était signé de l'huissier de justice avec toutes les mentions requises, notamment celles prévues par l'article 648 du code de procédure civile, c'est à bon droit que la cour d'appel a qualifié cet acte d'assignation et retenu qu' il constituait un acte d'huissier de justice qui avait valablement saisi le tribunal.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

8. La société SHW fait grief à l'arrêt de dire que le tribunal de commerce de Besançon était territorialement compétent pour connaître du litige et que la résiliation du contrat avant son terme engage la responsabilité contractuelle de la société SHW, alors :

« 1°) que le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables et doit restituer aux faits leur exacte qualification, sans s'arrêter à la dénomination proposée par les parties ; qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit suffisant tenant compte de la durée de la relation commerciale ; que pour écarter l'application de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce aux demandes de la société Camelin, qui reprochait à la société SHW d'avoir rompu le contrat avant le terme convenu, la cour d'appel a retenu que ce texte n'était pas invoqué par la société Camelin, qui se fondait sur les règles de la responsabilité contractuelle ; qu'en statuant ainsi sans rechercher la véritable qualification de la demande, la cour d'appel a violé l'article 12 du code de procédure civile ;

2°) qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit d'une durée suffisante tenant compte de la durée de la relation commerciale ; que la demande de réparation ne peut être portée que devant les juridictions spécialisées ; qu'une cour d'appel non spécialisée est néanmoins compétente à seule fin de sanctionner l'excès de pouvoir commis par le premier juge qui s'est à tort déclaré compétent ; que la cour d'appel a constaté que les relations des parties étaient des relations établies et continues ; qu'en disant cependant que le tribunal de commerce de Besançon avait pu valablement se prononcer sur la demande de réparation formée par la société Camelin du fait de la rupture, avant le terme convenu, de cette relation, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, a violé l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce dans sa rédaction applicable en l'espèce, ensemble l'article D. 442-3 du même code ;

3°) que la cour d'appel de Paris est seule compétente pour connaître des décisions rendues en matière de réparation du préjudice résultant de la rupture d'une relation commerciale établie ; qu'en statuant sur la rupture de relations commerciales dont elle avait constaté le caractère établi, la cour d'appel de Besançon a violé l'article D. 442-3 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

9. Après avoir relevé qu'aux termes de son assignation, la société Camelin demandait réparation des dommages nés de l'inexécution ou de la violation des obligations du contrat, sans aucune référence à l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce, l'arrêt retient exactement que le tribunal de commerce de Besançon pouvait connaître du litige, ce dont il résulte qu'elle pouvait elle-même statuer, en appel, sur les demandes de la société Camelin.

10. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le quatrième moyen

Enoncé du moyen

11. La société SHW fait grief à l'arrêt de dire que le contrat du 21 juillet 2014 liant les parties avait été conclu pour une durée ferme de quatre années à compter de la date de sa signature, avec un amortissement par la société Camelin de ses investissements prévus sur la même période, et que la résiliation de ce contrat avant son terme engageait la responsabilité contractuelle de la société SHW, alors :

« 1°) qu'il est interdit au juge de dénaturer le contrat ; qu'en son article 4, le contrat prévoyait que la société SHW participerait à l'effort d'investissement de la société Camelin à concurrence d'un certain montant du prix de chaque pièce, de sorte que l'investissement serait amorti dès l'achat de 750 000 pièces ; qu'il était précisé qu' : « une fois que cette quantité aura été atteinte, l'amortissement total de l'investissement aura été couvert et aucun coût (investissement ou autre) ne sera couvert par SHW » (article 4 du contrat) ; que pour dire que la dotation d'investissement due par la société SHW était du prix de 750 000 unités par an sur quatre ans, la cour d'appel a rappelé que les parties s'étaient engagées sur quatre ans, à raison de 750 000 unités par an ; que ce faisant, la cour d'appel a confondu le montant de la dotation d'investissement fixée conventionnellement au prix d'achat de 750 000 unités et l'engagement de commande, fixé par l'article 1 du contrat à +/-750 000 unités par an pendant quatre ans ; qu'elle a ainsi dénaturé les termes clairs et précis du contrat, et violé le principe de l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis.

2°) qu'est réputée non écrite la clause limitative de responsabilité qui contredit la portée de l'obligation essentielle souscrite par le débiteur ; que la cour d'appel a retenu, pour fixer la participation de la société SHW à l'effort d'investissement de la société Camelin au montant de 750 000 unités sur quatre ans, soit le prix de 3 000 000 d'unités, que « fixer la dotation aux investissements à hauteur du prix de 750 000 unités serait constitutive d'une clause limitative de responsabilité (stigmatisée par les jurisprudences « Pages Jaunes » et « Faurecia »), contredisant la portée de l'obligation essentielle du contrat, soit, en l'espèce, un engagement contractuel d'une « durée minimale de quatre ans à compter de la date de signature du contrat » ; qu'à supposer qu'elle puisse être qualifiée de clause limitative de responsabilité, la clause de dotation aux investissement ne pouvait porter atteinte à la durée de l'engagement, dont elle était totalement détachée ; que la cour d'appel, en retenant le contraire, a violé les articles 1134 et 1147, devenus 1103 et 1231-1 du code civil. »

Réponse de la Cour

12. Après avoir relevé que la précision de l'article 4 du contrat, selon laquelle « L'amortissement se base sur la production d'une quantité totale de 750 000 unités. Une fois que cette quantité aura été atteinte, l'amortissement total de l'investissement aura été couvert et aucun coût (investissement ou autre) ne sera couvert par SHW » est contradictoire avec la stipulation de l'article 1, selon laquelle « SHW s'engage à accorder à Camelin un contrat d'achat pour une quantité annuelle de 750 000 unités + ou - 15 % pour chacune des pièces, pour une durée minimale de quatre ans à compter de la date de signature du contrat, Camelin devant amortir les équipements dans cette période » et avec celle de l'article 4, selon laquelle « Si le projet est arrêté ou annulé pour quelque motif que ce soit par la société SHW avant la fin de la période d'amortissement indiquée ci-dessus, SHW s'engage à couvrir le montant encore non amorti à la fin du contrat. SHW et / ou Camelin se réservent le droit de résilier le contrat à tout moment après la période de quatre ans, mais s'engagent à s'informer mutuellement six mois à l'avance de la résiliation du contrat et de la compensation de l'investissement non amorti » si l'on n'ajoute pas que « la quantité totale de 750 000 unités » s'entend d'une production annuelle, c'est par une interprétation souveraine, exclusive de dénaturation, des termes du contrat du 21 juillet 2014, que l'ambiguïté née du rapprochement de ces différentes clauses rendait nécessaire, que la cour d'appel, abstraction du motif surabondant critiqué par la seconde branche, a retenu que le contrat liant les parties avait fixé une durée d'amortissement des investissements de quatre ans.

13. Le moyen, pour partie inopérant, n'est pas fondé pour le surplus.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.