CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 22 mars 2019, n° 17/18204
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Okaidi (SAS)
Défendeur :
Nature & découvertes (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Gaber
Conseillers :
Mme Lehmann, Mme Barutel
Avocat :
Selarl Lexavoue Paris-Versailles
ARRET :
Contradictoire
Par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile
Signé par Mme Anne-Marie GABER, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par la magistrate signataire.
Vu le jugement contradictoire du 3 juillet 2017 rendu par le tribunal de commerce de Paris,
Vu l'appel interjeté le 3 octobre 2017 par la société Okaidi venant aux droits de la société Oxybul Eveil & Jeux (Oxybul) par suite d'une fusion absorption du 30 juin 2016 et de sa radiation du 30 septembre 2016,
Vu les dernières conclusions (conclusions n°2) remises au greffe, et notifiées, par voie électronique, le 20 juin 2018 de la société appelante,
Vu les dernières conclusions remises au greffe, et notifiées, par voie électronique, le 21 mars 2018 de la société Nature & Découvertes, intimée et incidemment appelante,
Vu l'ordonnance de clôture du 15 novembre 2018,
SUR CE, LA COUR,
Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties, étant observé que seules peuvent être appréciées par la cour dans les pièces communiquées les mentions rédigées ou traduites (notamment dans les conclusions des parties) en langue française.
Il sera simplement rappelé que la société Nature & Découvertes, qui commercialise entre autres des jeux et jouets, se prévaut de la présentation à la presse en mai 2014, puis de la commercialisation à compter du mois d'octobre 2014, d'une nouvelle gamme de 10 jouets d'éveil pour le grand public sous l'appellation « Matériel M. » inspirée de cette méthode d'apprentissage.
Cette gamme comprend notamment un hochet grelot, un hochet à disques liés issus d'une collection de trois hochets, une balle de préhension en tissu dénommée « Balle Puzzle » et une boîte à formes intitulée « Boîte de notion de permanence de l'objet » (boîte de notion) comportant des couvercles (ou plateaux interchangeables) troués dont 4 correspondent chacun à une forme différente (cercle, triangle, carré, et fente), ainsi présentés :
Ayant découvert que la société Oxybul, devenue Okaidi, spécialisée dans la vente de jeux et jouets pour enfants lançait la commercialisation d'une gamme « Ateliers M. », composée en particulier de 8 jouets, également inspirés de la pédagogie M., dont la moitié (un hochet grelot, un hochet « disques liés », une balle de préhension en tissu et une « boîte à solides ») très fortement similaires, selon elle, à ceux qu'elle commercialise, elle a fait dresser deux constats par huissier de justice les 21 avril et 12 mai 2015 montrant la commercialisation des produits ci-dessous représentés :
Elle a dénoncé le 29 mai 2015 des actes de concurrence déloyale par parasitisme demandant le retrait et la destruction des 4 produits en cause.
La société Oxybul s'y est opposée le 11 juin 2015, faisant valoir que 'le simple fait de démocratiser une pédagogie dont la nature même est l'accessibilité' ne peut constituer un acte de concurrence déloyale ou parasitaire.
La société Nature & découvertes a répliqué le 9 juillet 2015 que l'offre de matériels M. était essentiellement le fait de distributeurs agréés en ligne surtout pour des structures d'accueil privé de la petite enfance, et la société Oxybul a maintenu le 28 août 2015 le rejet des griefs allégués à son encontre invoquant liminairement son attachement de longue date à la pédagogie M..
C'est dans ces circonstances, que la société Nature & Découvertes a fait assigner le 23 novembre 2015 la société Oxybul devant le Tribunal de commerce de Paris pour concurrence parasitaire.
La société Oxybul a formé une demande reconventionnelle pour agissements parasitaires à raison de l'ajout par la société Nature &Découvertes à sa gamme d'un produit dénommé « Tour rose » ainsi représenté :
Par jugement dont appel les premiers juges ont, entre autres dispositions, avec le bénéfice de l'exécution provisoire :
- condamné la société Oxybul à payer à la société Nature & Découvertes 128 577 euros en réparation du préjudice subi au titre des investissements réalisés, pour agissements parasitaires, et 30 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté la société Nature & Découvertes de sa demande d'injonction de production de pièces comptables sous astreinte ainsi que de sa demande de condamnation provisionnelle au titre du préjudice commercial, et débouté la société Oxybul de sa demande reconventionnelle.
La société Okaidi venant aux droits de la société Oxybul, appelante, demande à titre principal de dire que la société Nature & Découvertes ne justifie pas d'un effort créatif, ni d'une valeur économique individualisée lui procurant un avantage concurrentiel, qu'elle ne s'est pas insérée dans son sillage, qu'elle a consenti d'importants investissements financiers et humains pour le développement de sa gamme « Atelier M. », et de rejeter les demandes de la société adverse, soutenant subsidiairement que les prétentions indemnitaires sont fantaisistes et injustifiées. Elle réitère sa demande reconventionnelle tendant à voir juger que la société Nature & Découvertes s'est rendue coupable d'actes de concurrence parasitaire en reproduisant servilement dans sa gamme « Matériel M. » la Tour rose de la gamme « Ateliers M. » de la société Oxybul avec un positionnement tarifaire similaire, et à obtenir de ce chef le paiement de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts. Elle sollicite enfin 10 000 euros pour ses frais irrépétibles de première instance, et la même somme pour ceux d'appel.
La société Nature & Découvertes, appelante incidente, demande outre la confirmation des condamnations prononcées à son profit en première instance le paiement de 70 000 euros en réparation du préjudice subi au titre des coûts internes engagés et de son préjudice commercial, abandonnant ses demandes initiales de production de pièces et d'indemnité provisionnelle dans cette attente. Elle renouvelle sa demande de publication sur internet ainsi que dans 5 revues ou journaux, et réclame une somme supplémentaire de 20 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Sur les demandes principales
La société Nature & Découvertes reproche à la société Oxybul devenue Okaidi, professionnel du jeu d'éveil disposant de magasins souvent localisés à proximité des siens voire dans les mêmes centres commerciaux comme à Nice, d'avoir profité sans bourse délier de son initiative commerciale, en formalisant une offre concurrente identique en moins de 6 mois à destination de la toute petite enfance, et en ayant en outre fait réaliser les jouets en bois par le même fabricant qu'elle, s'appropriant ainsi son travail.
Le tribunal a retenu que la société Oxybul a effectivement repris les éléments précis de cette offre commerciale démocratisant la méthode M. pour la petite enfance. La société Okaidi conteste cette appréciation faisant valoir que la mise sur le marché d'une gamme de jeux M. à des prix accessibles ne saurait à elle seule constituer une idée innovante, qu'elle aurait travaillé, avant la société Nature & Découvertes, sur le projet et réalisé des investissements dans le cadre du développement de sa gamme et qu'enfin subsisterait une différenciation entre les deux gammes en cause.
S'il ne peut être considéré comme nécessairement déloyal pour une société, connue comme promouvant des jouets d'éveil, de s'inspirer de la méthode M. pour commercialiser une collection de jouets il n'en demeure pas moins surprenant que 4 des 8 jouets d'une gamme, soit la moitié, présentent une allure fort similaire à ceux commercialisés depuis quelques mois par une autre société disposant d'un certain nombre de lieux de vente proches, et qu'au surplus 3 d'entre eux soient réalisés en bois par le même fabricant étranger.
Certes la charte des établissements M. de France (pièce 11 de la société Okaidi) mentionne dans les activités des tous petits, entre autres matériels, le « Grelot et ruban », les « Cylindres, sphères et cubes avec grelots à l'intérieur », des « Anneaux et disques entrelacés », une « Balle et rampe (Takané) ». Mais il sera relevé que cette balle n'est pas autrement décrite et qu'il ressort de l'examen auquel la cour a procédé que les jouets en cause ne comprennent qu'un unique grelot inclus dans une petite cage en forme de clochette, et non plusieurs grelots, et ne montrent pas plus un grelot avec ruban, que les disques entrelacés ne présentent pas d'anneaux, et que les boites comportent, ce qui n'est pas discuté, plusieurs plateaux et non un seul.
Les liens internet (pièce 12 de la société Okaidi) montrent par ailleurs des captures d'écran dont la date n'apparaît pas toujours, ou dont la date d'édition est postérieure à la commercialisation faite par la société Nature & Découvertes. S'il résulte cependant de la lecture d'une de ces copies d'écran qu'une boîte « encastrement tiroir balle » présentée comme issue de boîtes à formes de Maria M. était connue dès 2012 il n'est pas sérieusement contesté qu'il ne s'agit pas de la boîte telle que déclinée par la société Nature & Découvertes présentant en particulier plusieurs plateaux. En revanche la boîte à solides ensuite commercialisée par la société Oxybul devenue Okaidi s'avère très proche de cette dernière comme présentant également en particulier 4 plateaux interchangeables pour 4 mêmes formes différentes (cercle, triangle, carré, et fente).
De même si une copie d'écran de mars 2015 montre que la réalisation d'une balle de préhension en tissu était connue depuis mars 2014 selon les commentaires y figurant, il en ressort qu'elle peut être réalisée dans des textures variées, mais également dans des tailles différentes (diamètre d'environ 18/20 cm ou de 12 cm) alors que la cour observe que la balle de la société Oxybul de diamètre 16 cm apparaît visuellement être de la même taille que celle de la société Nature & Découvertes.
Enfin, les copies d'écran montrant les deux autres jeux (hochet double disques et hochet grelot) non datées, ou datées de mars ou avril 2015, ne présentent aucun élément permettant de considérer que ces jouets préexistaient à leur commercialisation grand public faite par la société Nature & Découvertes. En revanche ils confortent l'existence d'une autre présentation possible même pour le hochet à grelot unique (réalisé sans petite boule de préhension au-dessus de la cage à la différence des deux hochets grelot en cause).
Il sera relevé qu'aucune des photographies produites en pièce 25 par la société Okaidi comme réalisées dans des établissements M. n'est datée, et il ne peut dès lors être considéré que les jeux qui y sont montrés ont préexisté à l'offre commerciale faite par la société Nature & Découvertes, ni de plus fort qu'il aient pu occuper antérieurement une place centrale dans les crèches 'Rigolo comme la vie' ainsi qu'allégué par l'appelante, étant observé que les autres photographies de cette crèche (produites en pièce 5 par l'appelante) ne montrent aucunement les 4 jouets en cause.
Au demeurant, la société Okaidi elle-même soutient avoir dû faire une recherche pour déterminer quels pourraient être les produits pouvant relever de la méthode M. pour les enfants du premier âge et son dossier de présentation du 24 septembre 2013 (pièce 13) ne montre aucun des hochets, ni la balle, en cause, présentant seulement comme matériel M. connu (page 13 du dossier) en particulier une boîte de 4 formes mais d'aspect rectangulaire, et non carrée comme les produits dont s'agit, avec un plateau unique (et non plusieurs plateaux comme les matériels litigieux) ainsi qu'une Tour rose (laquelle fait l'objet de la demande reconventionnelle de la société Okaidi).
Il s'agissait pour la société Oxybul, selon sa pièce 15 (annexe à un mail du 11mars 2014) de « Développer un produit exclusif issu de la pédagogie M., se différenciant de ce qui existe sur le marché <<M.>> », ce qui tend à confirmer que les quatre produits en cause tels que présentés ne préexistaient pas, même si leurs effets attendus relevaient d'une pédagogie du domaine public.
Si la personne contactée par la société Oxybul pour réaliser la gamme litigieuse indique (attestation du 25 janvier 2017, pièce 32 de l'appelante) avoir recommandé en mars 2014 la sélection des quatre jeux en cause (hochet grelot, hochet disques liés, balle Takané et boîte à solides) il était simplement alors préconisé, selon cette attestation, des données générales pour leur réalisation (matériaux naturels, couleurs unies et unique couleur, formes géométriques) n'excluant pas nécessairement des formes différentes de celles retenues, dont il n'est pas sérieusement contestable qu'elles sont fort proches de celles commercialisées par la société Nature & Découvertes en 2014.
En réalité aucun élément ne permet de considérer que les matériels litigieux de la société Oxybul devenue Okaidi constituant la moitié d'une gamme de jeux d'éveil inspirés de la même méthode de pédagogie devaient nécessairement être présentés, quelques mois après ceux déjà commercialisés par la société Nature & Découvertes, de manière très semblable à ces derniers.
Par ailleurs si l'appelante montre qu'elle disposait dès le 9 mai 2014 (mail produit en pièce 26) d'une fiche pour une boîte avec 4 formes ainsi que pour les deux hochets en cause, il ressort de sa propre communication de pièce (pièce 31) que la société Nature & Découvertes avait déjà publiquement, depuis le 6 mai 2014, fait un communiqué de presse présentant notamment les deux hochets dont s'agit, la balle puzzle et la boîte à notion en expliquant précisément pour chacun d'eux leur intérêt pour l'évolution des jeunes enfants.
Il ressort également de la pièce 36 de la société Okaidi que la mise au point sur place avec le fabricant n'est intervenue qu'en septembre/octobre 2014, date à laquelle la société Oxybul savait quels étaient les produits retenus par la société Nature & découvertes, même s'il est argué d'échanges antérieurs des 8 et 14 avril 2014, étant relevé que ceux-ci ne concernent en tout état de cause que la boîte à solides qui a ensuite été modifiée par la suppression en particulier du compartiment de stockage des 4 plateaux en bois, (compartiment également inexistant dans la boîte « Nature & Découvertes ») , et du 28 avril 2014 visant la « TAKANE BALL » mais qui paraît viser une dimension '18-20 mm' différente de celle de 16 cm précitée du produit commercialisé (qui apparaît ainsi que précédemment relevé identique à la balle commercialisée par la société Nature & Découvertes').
Il résulte enfin des procès-verbaux de constat que la société Oxybul a présenté 6 mois après la commercialisation par la société Nature & Découvertes de manière semblable les quatre jeux en cause comme « NOUVEAUTÉ » (copie d'écran du procès-verbal du 21 avril 2015), alors que la revue de presse produite par la société Nature & Découvertes (pièce 5) montre qu'antérieurement en septembre/octobre 2014 le hochet de disques en bois liés était précisément présenté comme commercialisé par cette société qui « vient de lancer toute une gamme de jeux M. pour les petits, à prix doux », et qu'en mai 2014 la boîte de notion était également présentée comme un produit qui serait vendu par la société Nature et Découvertes. De plus dès le mois de mai 2014 les publications destinées aux parents de jeunes enfants présentaient déjà la société Nature & Découvertes comme ayant développé une collection de matériel éducatif selon la pédagogie M., et sa commercialisation en septembre s'adressant directement aux familles comme une « première en France » pour des produits inspirés de la méthode M. jusqu'alors connus seulement des collectivités et des écoles.
Manifestement lors de la commercialisation reprochée, seule la société Nature & découvertes était connue pour vendre à prix attractifs au grand public les 4 jeux litigieux et elle avait réalisé une importante promotion à ces fins. Le simple fait que la société Oxybul devenue Okaidi a pu vouloir réfléchir au développement de jeux d'éveil inspirés de la méthode M. et réaliser pour sa gamme de jeux d'éveil des investissements qu'elle chiffre à 97 878, 21 euros, en y incluant les 4 jeux en cause n'exclut pas qu'elle a entendu tirer profit des investissements et de la promotion non négligeables déjà réalisés par un premier opérateur, avec un positionnement et des prix comparables (7,99 euros au lieu de 7,95 euros pour le hochet grelot de la sociétés Nature &Découvertes, même prix de 4,99 euros pour le hochet disques, 19,99 euros au lieu de 19,95 euros pour la balle puzzle et 29,99 euros au lieu de 29,95 euros pour la boîte à solides). Il sera au surplus observé que si les packagings sont différents ils demeurent adaptés à la taille et à la forme très comparables des produits commercialisés par chacune des deux sociétés comme inspirés de la pédagogie M..
La société Oxybul devenue Okaidi a en fait repris sans nécessité, pour la moitié de sa gamme de jeux d'éveil inspirés de la même pédagogie, des jeux similaires avec l'idée nouvelle de les mettre à la portée des familles alors que les matériels issus de la méthode M. étaient précédemment réservés moyennant des prix plus élevés (ce qui n'est pas discuté) à des professionnels agréés du réseau M. ou réalisés de manière artisanale suivant des méthodes de création, ainsi que le relèvent des articles inclus dans la revue de presse produite par la société Okaidi, dont le magazine Marie-Claire qui rappelle cependant que l'on peut acheter de tels jeux « notamment chez Nature & Découvertes qui vient de lancer une gamme de jouets estampillée M. ».
Dès lors la société Okaidi prétend vainement ne pas s'être ainsi approprié une valeur économique individualisée susceptible de procurer à la société Nature & découvertes un avantage concurrentiel, fruit d'un investissement intellectuel et matériel significatif, selon les facturations produites.
Il s'infère de l'ensemble de ces éléments que c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu des actes de parasitisme à l'encontre de la société Oxybul devenue Okaidi, laquelle s'est placée dans le sillage des investissements et de la promotion faite par la société Nature & Découvertes pour une gamme de jeux d'éveil présentés comme s'inspirant de la méthode M. en commercialisant quelques mois après une gamme concurrente dont la moitié est constituée sans nécessité de jeux similaires.
Les premiers juges ont estimé le préjudice subi à la somme du coût de développement des produits (73 992 euros) et de la promotion de la gamme (54 585 euros) relevant que la preuve n'était pas rapportée d'investissements internes ni d'un préjudice distinct justifiant une condamnation provisionnelle, préjudices pour lesquels il est actuellement sollicité une somme forfaitaire de 70 000 euros.
Il sera cependant relevé que les coûts de développement (facturation de droits d'auteur) et les frais de promotion justifiés concernent la ligne de produits en lien avec la pédagogie M., laquelle comprend 10 pièces et non pas seulement les quatre jeux litigieux, seules quelques facturations concernant spécifiquement ces derniers. Il ne saurait dès lors être considéré que l'intégralité de ces investissements ont été affectés par les agissements de la société Okaidi.
De mêmes si le chiffre d'affaires réalisé entre octobre 2014 et janvier 2016 sur la gamme M. (jouets et livres), produit en pièce 25, montre l'intérêt commercial de la gamme pour la société Nature et Découvertes il n'est pas spécifique aux produits de celle du premier âge, ni aux 4 jouets en cause.
La société Oxybul a par contre nécessairement profité des efforts promotionnels précédemment réalisés par la société Nature & Découvertes pour faire connaître les 4 produits en cause et en démocratiser l'accès, réalisant ainsi lors de sa commercialisation postérieure une économie certaine.
Elle a en outre communiqué sur les 4 jouets litigieux sur son site internet (pièce 20 de la société Nature & découvertes)montrant que trois d'entre eux ont reçu un accueil favorable de sa clientèle, les a montrés dans son catalogue de Noël 2015, et a présenté notamment trois d'entre eux (hochet à disques, boîte à solides et hochet grelot, selon pièce 9 de la société Okaidi) dans un magazine mentionnant qu'elle « lance une gamme de jouets M., à la fois design et accessible » ce qui n'a pu qu'impacter les retombées financières attendues par la société Nature &Découvertes qui commercialisait déjà des jeux similaires.
Compte tenu de l'ensemble de ces données la cour considère qu'elle dispose d'éléments suffisants d'appréciation pour estimer que l'entier dommage subi par la société Nature & Découvertes, au titre des investissements externes ainsi que des nécessaires coûts internes et du préjudice commercial, du fait des agissements parasitaires de la société Oxybul devenue Okaidi, sera pleinement réparé par l'allocation d'une somme globale de 100 000 euros, la décision entreprise étant en conséquence réformée dans cette mesure.
Le jugement sera par contre approuvé en ce qu'il a retenu qu'il n'y avait pas lieu d'ordonner judiciairement de mesures, complémentaires, de publication, lesquelles ne s'imposent pas en la cause.
Sur la demande reconventionnelle
La société Okaidi venant aux droits de la société Oxybul reproche reconventionnellement à la société Nature & Découvertes des agissements parasitaires à raison de l'intégration pour un prix similaire (39,95 euros au lieu de 39,99 euros) d'une copie servile de la « Tour rose » précitée à sa gamme « Matériel M. » qu'elle prétend avoir créée en avril 2014.
Toutefois, à la différence des quatre jeux pour lesquels il est retenu un comportement parasitaire de la société Oxybul devenue Okaidi, et ainsi que précédemment relevé, la Tour rose fait partie des jeux antérieurement connus comme inspirés de la pédagogie M. ainsi qu'il ressort de l'étude produite par la société Okaidi (pièce 13 de septembre 2013).
Sa composition (dix cubes), sa couleur (rose), et ses dimensions (taille des cubes diminuant toujours d'un centimètre de côté passant de 10 cm à 1 cm de côté) sont précisément décrites dans le manuel pratique de la méthode M. et ont fait l'objet notamment de commentaires sur internet antérieurs à la commercialisation de la société Oxybul, dont un du 9 novembre 2012 sous l'intitulé de présentation d'un des premiers matériels à l'enfant, selon la pièce 36 de l'intimée, ce qui n'est pas sérieusement contesté.
La société Oxybul ne saurait, en conséquence, se prévaloir d'investissement spécifique pour la création de cette tour par elle mise sur le marché en avril 2015 qui reprend purement et simplement les caractéristiques connues de ce jouet.
Les premiers juges ont dès lors pertinemment retenu que la seule adjonction à la gamme « Matériel M. » par la société Nature & Découvertes, postérieurement au lancement de ladite gamme et à la commercialisation réalisée par la société Oxybul devenue Okaidi, ne saurait constituer un comportement parasitaire de la part de la société Nature & Découvertes.
Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu’il a rejeté cette demande.
PAR CES MOTIFS,
Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions, sauf en celles fixant le préjudice résultant des agissements parasitaires de la société Oxybul Eveil & Jeux ;
Statuant à nouveau dans cette limite,
Condamne la société Okaidi venant aux droits de la société Oxybul Eveil & Jeux à payer à la société Nature & Découvertes la somme totale de 100 000 euros en réparation de l'entier préjudice résultant des agissements parasitaires subis ;
Rejette toutes autres demandes des parties contraires à la motivation ;
Condamne la société Okaidi aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, et vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à verser à la société Nature & Découverte une somme complémentaire de 10 000 euros à ce titre pour ses frais irrépétibles d'appel.