Cass. com., 13 février 1990, n° 88-13.546
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Defontaine
Rapporteur :
Mme Pasturel
Avocat général :
M. Raynaud
Avocat :
SCP Waquet
Sur le premier moyen, pris en ses trois branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Pau, 16 décembre 1987) qu'à défaut du règlement de matériaux livrés avec clause de réserve de propriété, la société Menuiseries Sibam (la société Sibam) a pratiqué une saisie conservatoire sur ces marchandises puis a délivré sommation à l'acquéreur, la société Mibat, qui s'est déclaré d'accord pour en opérer la restitution à concurrence d'un certain montant ; qu'après le jugement qui a prononcé successivement le redressement judiciaire et la liquidation judiciaire de sa débitrice, la société Sibam a procédé, avec l'accord du liquidateur, au récolement des marchandises suivant procès-verbal de constat en date du 27 février 1986 et a assigné la société Mibat et son liquidateur devant le Tribunal afin d'en obtenir la restitution sur le fondement de la clause de réserve de propriété ;
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir débouté la société Sibam de sa revendication alors, selon le pourvoi, d'une part, que l'article 121, alinéa 2, de la loi du 25 janvier 1985, qui prévoit, pour les marchandises ayant fait l'objet d'une clause de réserve de propriété convenue entre les parties, la possibilité d'être revendiquées, ne limite pas cette possibilité au seul prononcé du redressement judiciaire ; qu'en déboutant la société Sibam de son action en revendication, motif pris du prononcé d'une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la société Mibat, l'arrêt a violé les articles 121 et 115 de la loi du 25 janvier 1985 ; alors, d'autre part, que les créanciers titulaires d'un privilège spécial peuvent, dès lors qu'ils ont déclaré leur créance, même s'ils ne sont pas encore admis, exercer leur droit de poursuite individuelle si le liquidateur n'a pas entrepris la liquidation des biens grevés dans le délai de trois mois à compter du jugement qui prononce la liquidation judiciaire ; qu'en refusant à la société Sibam, bénéficiaire d'une clause de réserve de propriété grevant les biens vendus, le droit d'exercer sa poursuite individuelle à l'encontre du débiteur en liquidation judiciaire, l'arrêt a violé l'article 161 de la loi du 25 janvier 1985 ; et alors, enfin, que la prescription de trois mois prévue par l'article 115 de la loi du 25 janvier 1985 " à partir du prononcé du jugement ouvrant la procédure de redressement judiciaire " ne s'applique qu'à l'action en revendication de meubles exercée à l'encontre d'un débiteur en redressement judiciaire ; qu'en déclarant l'action, exercée par la société Sibam à l'encontre d'un débiteur en liquidation judiciaire et de son liquidateur, prescrite faute d'avoir été exercée dans ledit délai, l'arrêt a violé par fausse application l'article 115 susvisé ;
Mais attendu, en premier lieu, que les premiers juges ayant débouté la société Sibam de sa revendication, il ne résulte, ni de ses conclusions, ni de l'arrêt qu'elle ait soumis à la cour d'appel l'argumentation développée dans la deuxième branche ;
Attendu, en second lieu, que la cour d'appel, abstraction faite des motifs erronés mais surabondants dont fait état la première branche, a décidé à bon droit que l'article 115 de la loi du 25 janvier 1985, qui fixe un délai de trois mois, à partir du prononcé du jugement ouvrant la procédure de redressement judiciaire pour l'exercice de l'action en revendication, était applicable en cas de liquidation judiciaire du débiteur ;
D'où il suit que le moyen, irrecevable comme nouveau et mélangé de fait et de droit en sa deuxième branche, ne peut être accueilli pour le surplus ;
Et sur le second moyen, pris en ses deux branches :
Attendu qu'il est encore reproché à l'arrêt d'avoir statué comme il a fait, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'aux termes d'une transaction résultant d'un échange de courriers entre les parties, M. X..., liquidateur et la société Mibat avaient reconnu à la société Sibam le droit de faire jouer la clause de réserve de propriété et de récupérer ses marchandises à hauteur de 221 497,30 francs ; que, dès lors, l'action exercée par la société Sibam ne constituait pas une action en revendication proprement dite mais une action en exécution d'une transaction liant le liquidateur ; qu'en limitant la recevabilité de cette action à l'existence d'un redressement judiciaire, et en la soumettant au délai pour agir de l'article 115 de la loi du 25 janvier 1985, l'arrêt a violé les articles 121 et 115 de la loi du 25 janvier 1985 et 2052 du Code civil ; et alors, d'autre part, qu'en ne répondant pas aux conclusions de la société Sibam qui, se fondant sur un échange de courriers entre les parties les 18 février et 20 mars 1986 et sur la réponse donnée à la sommation interpellative du 12 novembre 1985, faisait valoir qu'un accord était intervenu entre les parties et que M. X... avait acquiescé à son droit d'exercer une action en revendication, l'arrêt a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que l'arrêt relève que la société Mibat avait été mise en redressement judiciaire puis en liquidation judiciaire par un jugement du 22 janvier 1986 et que l'assignation en revendication de la société Sibam avait été délivrée après l'expiration du délai préfix prévu à l'article 115 de la loi du 25 janvier 1985 ; qu'en l'état de ces constatations, la cour d'appel, répondant aux conclusions invoquées par la seconde branche, a retenu à juste titre que, faute d'avoir été exercée dans le délai légal, l'action de cette société ne pouvait être accueillie ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.