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Décisions

Cass. com., 15 décembre 1992, n° 90-19.980

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bézard

Rapporteur :

M. Tricot

Avocat général :

Mme Piniot

Avocats :

Me Barbey, Me Roger

Rouen, du 28 juin 1990

28 juin 1990

Attendu, selon l'arrêt déféré, que la société des Etablissements Taunay a été mise en redressement judiciaire sans avoir payé le prix d'engrais livrés par la société anonyme Norsk-hydro-azote (société NHA) ; que celle-ci, invoquant une clause de réserve de propriété, a revendiqué ces biens et a subsidiairement demandé une expertise comptable aux fins de déterminer si elle était le seul fournisseur de ce produit et d'en rechercher les sous-acquéreurs ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Attendu que la société NHA fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté ses demandes, alors, selon le pourvoi, qu'aucune règle n'impose au vendeur de marchandises grevées d'une réserve de propriété de faire l'avance du coût de l'inventaire ; qu'il appartient à l'administrateur de faire dresser cet inventaire et qu'à défaut, il doit supporter le risque de l'impossibilité où il se trouve de rapporter la preuve - qui lui incombe - que les marchandises revendiquées et livrées avant l'ouverture de la procédure collective n'existaient plus en nature à la date du jugement d'ouverture ; que la cour d'appel a donc violé les articles 27 et 121 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Mais attendu que la formalité de l'inventaire constitue une simple faculté laissée à l'appréciation du juge-commissaire, et non de l'administrateur qui n'a pas à y procéder d'office ; qu'ainsi, le vendeur de marchandises livrées antérieurement au prononcé du redressement judiciaire ne peut invoquer le bénéfice d'une clause de réserve de propriété régulièrement convenue qu'en prouvant l'identité entre les marchandises livrées et celles existant au jour du jugement d'ouverture ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le moyen unique, pris en ses deuxième et quatrième branches :

Vu les articles 121 et 122 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Attendu que, pour refuser la mesure d'expertise sollicitée, l'arrêt énonce que les marchandises livrées avaient en grande partie disparu et qu'elles étaient en général directement remises aux clients des Etablissements Taunay ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la revente, avant le jugement d'ouverture, de certaines marchandises demeurées en leur état initial ne fait pas obstacle, sous réserve de leur identification, à la revendication qui porte alors sur la créance du prix dû par les sous-acquéreurs, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :

Vu les articles 16 et 783 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu que, pour rejeter la demande d'expertise présentée par la société NHA, la cour d'appel énonce qu'il existait une pluralité incontestable de fournisseurs des Etablissements Taunay pour le même engrais ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'en réponse à l'allégation des Etablissements Taunay qui avaient fait valoir que la société NHA n'était pas le fournisseur exclusif, cette société, d'un côté, avait soutenu, dans ses écritures, qu'elle avait été, pendant la période de livraison considérée, le seul fournisseur des Etablissements Taunay pour le produit revendiqué, et, d'un autre côté, pour mettre fin à toute équivoque, avait sollicité une mesure d'expertise, la cour d'appel, qui, en l'absence de tout élément de preuve, n'a pu constater la pluralité de fournisseurs qu'en se fondant sur les pièces transmises postérieurement à la clôture des débats, a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 juin 1990, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Caen.