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Décisions

Cass. com., 4 janvier 2000, n° 96-19.511

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Dumas

Rapporteur :

Mme Tric

Avocat général :

M. Jobard

Avocats :

Me Blanc, SCP Defrenois et Levis

Paris, 25e ch. B, du 14 juin 1996

14 juin 1996

Donne acte à la société Vial de son désistement à l'égard de M. X..., pris en son nom personnel et en qualité de commissaire à l'exécution du plan de redressement de la société Brisco et de Mme B..., représentant des créanciers de la société Brisco ;

Attendu, selon l'arrêt déféré, que la société Vial a vendu à M. Z... une machine à imprimer "deux couleurs" et a pris à bail à la société Brisco, par contrat des 9 et 15 octobre 1992, pour une durée de dix mois, une machine "quatre couleurs" que celle-ci avait acquise de M. Z..., son gérant de fait qui détenait 50 % de son capital social ; que la machine "quatre couleurs" n'a jamais fonctionné ; que la société Vial ayant été mise en redressement judiciaire par jugement du 2 juin 1993, la société Brisco a déclaré sa créance de loyers antérieurs et a demandé, par lettre du 24 juin 1993, la restitution de la machine dans le cadre des dispositions de l'article 37 de la loi du 25 janvier 1985 ; que l'administrateur judiciaire n'a pas pris position ; qu'après homologation de son plan de redressement, la société Vial a assigné la société Brisco et M. Z... en réparation des préjudices causés par le non-fonctionnement de la machine et que la société Brisco l'a, de son côté, assignée, ainsi que son administrateur judiciaire puis commissaire à l'exécution du plan, en restitution de la machine et en paiement des loyers antérieurs au redressement ; que, par jugement du 4 juillet 1996, le tribunal de commerce de Paris a prononcé la liquidation judiciaire de la société Brisco et désigné Mme A... en qualité de mandataire-liquidateur ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que la société Vial reproche encore à l'arrêt d'avoir condamné la société Brisco à lui payer une somme limitée à 2 964 368 francs pour les préjudices subis du fait du mauvais fonctionnement de la machine "quatre couleurs", alors, selon le pourvoi, que le juge doit prononcer la réparation intégrale du préjudice découlant directement du fait dommageable ; que la cour d'appel, qui a constaté que la société Vial, privée de la possibilité d'utiliser la machine "quatre couleurs", avait subi, de ce fait, une perte de marge estimée à 2 715 198 francs à la fin du mois de mai 1994 et un préjudice lié à l'usure de l'autre machine de 655 031 francs à la même date, ne pouvait réduire le montant de l'indemnisation en fonction de la durée effective de la location sans violer les articles 1149 et 1151 du Code civil ;

Mais attendu que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que la cour d'appel a estimé que la location a duré dix mois et que, même s'il avait été dans l'intention des parties de conclure, à l'issue du contrat de location originaire, un contrat de crédit-bail d'une durée de soixante-dix mois, ce contrat n'a jamais été formalisé et aurait pu, compte tenu du dysfonctionnement de la machine, faire l'objet d'une résiliation anticipée ; qu'ayant ainsi défini l'étendue du préjudice, elle l'a réparé intégralement en allouant une indemnité tenant compte de sa durée ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le troisième moyen :

Attendu que la société Vial reproche enfin à l'arrêt de lui avoir ordonné de mettre la machine "quatre couleurs" à la disposition de la société Brisco, alors, selon le pourvoi, que dès l'instant que l'action en revendication des objets mobiliers n'a pas été exercée dans les délais prescrits, le propriétaire ne peut prétendre à aucune restitution de ces objets par le débiteur en redressement judiciaire ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 115 de la loi du 25 janvier 1985 dans sa rédaction antérieure au 10 juin 1994 ;

Mais attendu qu'après avoir constaté que la société Vial avait fait l'objet d'un plan de continuation, l'arrêt retient que si l'absence de revendication rend le droit de propriété inopposable à la procédure collective, elle n'entraîne cependant pas extinction de ce droit de propriété ni le transfert de la propriété au débiteur, la forclusion ne constituant pas un mode d'acquisition de ce droit, ce dont il résulte que, dans les rapports entre le débiteur et bailleur, l'absence de revendication est sans incidence ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a fait l'exacte application du texte susvisé ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article 1147 du Code civil ;

Attendu que pour rejeter la demande de la société Vial, formée à l'encontre de M. Z... en qualité d'installateur d'une machine "quatre couleurs", en réparation du préjudice subi du fait du non-fonctionnement de cette machine, l'arrêt retient que quels que soient le rôle et les modalités de l'intervention, au demeurant non contestés, de M. Z... dans la mise à la disposition de la société Vial de la machine litigieuse, il est constant que le contrat de location de cette machine a été conclu entre les seules sociétés Brisco et Vial et que cette dernière n'a aucun lien de droit avec M. Z... ;

Attendu qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si M. Z... n'était pas intervenu en qualité d'entrepreneur chargé du montage et de la mise en route de la machine, dès lors que l'existence d'un contrat de location entre les deux sociétés n'était pas exclusive de celle d'un contrat d'entreprise, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du premier moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté la demande de dommages-intérêts formée à l'encontre de M. Z..., l'arrêt rendu le 14 juin 1996, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Reims.