Cass. com., 14 mars 1995, n° 92-20.955
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
LA COUR,
en l'audience publique du 25 janvier 1995, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Rémery, conseiller référendaire rapporteur, Mme Pasturel, MM. Edin, Grimaldi, Mme Clavery, MM. Lassalle, Tricot, Badi, Armand Prevost, conseillers, M. Le Dauphin, conseiller référendaire, M. Mourier, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. le conseiller référendaire Rémery, les observations de Me Choucroy, avocat de la société UNIMAT, de Me Foussard, avocat de M. X..., ès qualités, de Me Capron, avocat de Mlle Y..., ès qualités, les conclusions de M. Mourier, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Caen, 24 septembre 1992), que la société Consortium de distribution de produits alimentaires (société CODIPA) ayant été mise en redressement judiciaire le 6 avril 1990, la société UNIMAT a mis l'administrateur de la procédure collective en demeure de lui faire connaître s'il entendait poursuivre le contrat de crédit-bail qu'elle avait antérieurement conclu avec la société débitrice ; que le juge-commissaire a accordé à l'administrateur, sur le fondement de l'article 37, alinéa 3, de la loi du 25 janvier 1985, une prolongation du délai pour prendre parti ; que l'administrateur ayant, le 13 décembre 1990, indiqué qu'il renonçait à la continuation du contrat, la société UNIMAT a alors présenté, le 7 janvier 1991, au juge-commissaire une requête pour obtenir la restitution du matériel donné en crédit-bail ;
Attendu que la société UNIMAT reproche à l'arrêt de l'avoir déclarée irrecevable en sa demande et de l'avoir condamnée à rembourser à la société CODIPA, assistée de son administrateur, le montant des loyers qu'elle avait perçus depuis l'ouverture du redressement judiciaire alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que, après la mise en demeure adressée par la société UNIMAT à l'administrateur, celui-ci avait bénéficié d'un délai et d'une prolongation de ce délai, qu'ainsi le contrat étant en cours lors de la demande, ce qui excluait toute possibilité d'action en revendication, l'article 115 de la loi du 25 janvier 1985 ne pouvait trouver application ; qu'ainsi, l'arrêt a violé ce texte et l'article 37 de la même loi ; et alors, d'autre part, qu'en sanctionnant par la perte du droit de propriété et de ses accessoires, au profit d'intérêts privés, le défaut de respect par le crédit-bailleur du délai d'exercice d'une action en revendication dont la finalité est incompatible avec le maintien du contrat qui lui est imposé, l'arrêt consacre une atteinte au droit de propriété, droit fondamental de la personne, et a ainsi violé l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et l'article 1er du protocole additionnel de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Mais attendu, en premier lieu, que les dispositions de l'article 115 de la loi du 25 janvier 1985, dans leur rédaction antérieure à celle de la loi du 10 juin 1994, applicable en la cause, aux termes desquelles la revendication des meubles ne peut être exercée que dans le délai de trois mois à compter du jugement ouvrant la procédure de redressement judiciaire, ne sont pas contraires à celles de l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, ni à celles de l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en ce qu'elles protègent le droit de propriété, et sont applicables à la revendication exercée par le crédit-bailleur sur le bien mobilier faisant l'objet du contrat de crédit-bail ;
Attendu, en second lieu, que la prolongation de délai accordé par le juge-commissaire à l'administrateur de la procédure collective pour prendre parti sur la poursuite du contrat ne faisait pas obstacle à ce que, dans le délai préfix imparti par le texte précité, la société UNIMAT fasse reconnaître à l'égard de la procédure collective son droit de propriété sur le bien mobilier donné en crédit-bail au moyen de l'action en revendication, en vue de sa restitution, sauf poursuite du contrat par l'administrateur ; D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ; Et sur la demande présentée au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile :
Attendu que l'administrateur de la procédure collective sollicite, sur le fondement de ce texte, l'allocation d'une somme de 10 000 francs ;
Mais attendu qu'il n'y a pas lieu d'accueillir cette demande ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.