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Décisions

Cass. com., 17 mai 2017, n° 15-23.413

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Avocats :

SCP Coutard et Munier-Apaire, SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Ortscheidt, SCP Rousseau et Tapie

Toulouse, du 24 déc. 2014

24 décembre 2014

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 24 décembre 2014), que le 17 décembre 2013, la société Coplastic a été mise en redressement judiciaire, M. Z... étant désigné administrateur, et M. Y... mandataire judiciaire ; que le 11 février 2014, la société Les Plastiques de la Manche (la société PM) a été mise en liquidation judiciaire, M. Y... étant désigné liquidateur ; que la société Banque Edel (la banque) était titulaire d'un nantissement sur de l'outillage et du matériel d'équipement appartenant à la société PM et donné en location à la société Coplastic ; que par requête du 12 mars 2014, le liquidateur de la société PM, exposant qu'il était saisi par la société Data Works Méditerranée (la société DWM), la société La Roche aux fées, et la société Europack, constituant la société Comaplast, d'une offre d'achat des biens nantis et que cette offre s'inscrivait dans le prolongement de la proposition de reprise du fonds de commerce de la société Coplastic par les mêmes sociétés, a demandé au juge-commissaire de la société PM, soit de convoquer l'ensemble des parties intéressées à la vente des biens nantis, soit de se dessaisir au profit du tribunal de commerce pour que celui-ci statue à la fois sur le plan de cession de la société Coplastic et sur la vente du matériel nanti ; que par une ordonnance du 2 avril 2014, le juge-commissaire de la société PM s'est dessaisi, en application des dispositions de l'article 101 du code de procédure civile, au profit du tribunal pour statuer sur la vente du matériel et de l'outillage, propriété de la société débitrice, nécessaires à l'exploitation du fonds de commerce de la société Coplastic ; que par requête du 8 avril 2014, la banque a saisi le juge-commissaire de la société PM d'une demande d'attribution judiciaire des biens nantis ; que par un jugement du 22 avril 2014, le tribunal a rejeté la demande d'attribution judiciaire des biens nantis présentée par la banque et a arrêté le plan de cession de la société Coplastic au profit de la société DWM, de la société La Roche aux fées et de la société Europack, autorisant ces sociétés à se substituer la société Comaplast en cours de constitution, en désignant M. Z... en qualité de commissaire à l'exécution du plan ; que la banque a fait appel du jugement ; que la société Coplastic a été mise en liquidation judiciaire, le 6 mai 2014, M. Y... étant désigné liquidateur ; Sur le premier moyen du pourvoi principal :

Attendu que la banque fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'annulation du jugement du 22 avril 2014 alors, selon le moyen, que le juge-commissaire dispose seul du pouvoir de statuer sur les demandes d'acquisition et d'attribution judiciaire visant les biens du débiteur en liquidation ; que sa décision de se dessaisir au profit du tribunal de commerce à l'égard d'une demande d'acquisition émanant d'un tiers à la procédure ne s'étend pas, en l'absence de précision contraire, à la demande d'attribution émanant d'un créancier privilégié de la procédure ; que par suite, le tribunal saisi par cette ordonnance à l'effet d'arrêter un plan de cession d'actifs sur le débiteur en liquidation judiciaire est sans pouvoir pour trancher la demande d'attribution judiciaire formée par un créancier de la procédure sur ces mêmes biens ; qu'en décidant le contraire, aux motifs inopérants que la jonction opérée par le tribunal était rendue nécessaire par le fait que la demande d'attribution visait des biens compris dans le plan de cession, que la banque avait demandé cette attribution à l'audience du tribunal, et qu'elle n'avait pas contesté le pouvoir du juge de statuer sur cette demande, la cour d'appel a violé l'article L. 642-20-1 du code de commerce, ensemble les principes régissant l'excès de pouvoir ;

Mais attendu que l'arrêt relève qu'il résulte de la lecture des deux jugements de jonction rendus le 22 avril 2014 que le tribunal a entendu statuer par un seul et même jugement sur le plan de cession et les requêtes en vente du matériel nanti et en attribution judiciaire du gage, que cette jonction était rendue indispensable par le fait que l'offre du cessionnaire englobait le matériel objet du nantissement litigieux, qu'il ressort du registre d'audience du 15 avril 2014 que le conseil de la banque a indiqué qu'il n'y avait pas d'accord et que le matériel devait être saisi à son profit et que la banque n'a pas soulevé, lors de cette même audience, une exception d'incompétence et n'a pas refusé au tribunal la faculté de statuer sur sa demande en attribution judiciaire du gage ; que de ces constatations, la cour d'appel a pu déduire que la question de l'attribution judiciaire du gage était dans le débat lors de l'audience du 15 avril 2014, et que le tribunal n'avait pas commis d'excès de pouvoir en statuant sur la demande d'attribution des biens nantis ; que le moyen n'est pas fondé ; Sur le second moyen du pourvoi principal :

Attendu que la banque fait grief à l'arrêt de dire, au visa de l'article L. 642-12 du code de commerce, qu'une partie du prix de cession, à concurrence de la somme de 128 500 euros, doit être affectée, par préférence, au paiement de la banque en contrepartie de son nantissement, le surplus de la créance de la banque devant être admis à titre chirographaire, alors, selon le moyen :

1°/ que l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement critiqués et de ceux qui en dépendent ; qu'à cet égard, l'attribution judiciaire d'un bien au profit du créancier gagiste d'un débiteur en liquidation est inconciliable avec la demande d'un tiers repreneur de se voir attribuer le même bien dans le cadre d'un plan de cession d'actifs ; que par suite, le créancier gagiste qui conteste le chef du jugement ayant rejeté sa demande d'attribution judiciaire conteste par là-même le chef par lequel il a été fait droit à la demande d'acquisition de ces mêmes biens par le tiers repreneur ; qu'en affirmant en l'espèce qu'il n'était plus possible de remettre en cause le chef par lequel le jugement entrepris avait arrêté le plan de cession du matériel et de l'outillage de la société PM, cependant que l'appel formé par la banque quant au chef relatif à sa demande d'attribution judiciaire de ces mêmes biens était indivisible de celui ayant arrêté le plan de cession, la cour d'appel a méconnu l'étendue de sa saisine, en violation des articles 4 et 562 du code de procédure civile ;

2°/ que si l'attribution judiciaire sollicitée au cours d'un plan de cession d'entreprise est régie par l'article L. 642-12 du code de commerce, en revanche, l'article L. 642-20-1 est seul applicable à la demande d'attribution formulée à l'occasion d'un plan de cession d'actifs ; qu'en l'espèce, les biens donnés en gage appartenaient à la société PM, à l'égard de laquelle les repreneurs n'avaient formulé qu'une offre d'acquisition de certains de ses actifs ; qu'en opposant néanmoins les dispositions de l'article L. 642-12 à la demande d'attribution formée par la Banque Edel, la cour d'appel a violé l'article L. 642-12 du code de commerce, par fausse application, et l'article L. 620-20-1 (sic) du même code, par refus d'application ;

3°/ que, et en toute hypothèse, il résulte du dernier alinéa de l'article L. 642-12 du code de commerce que les conditions posées au texte n'affectent pas le droit de rétention du créancier gagiste sur les biens compris dans le plan de cession ; que l'article 2286 du code civil, dans sa rédaction applicable depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008, dispose à cet égard que celui qui bénéficie d'un gage sans dépossession peut se prévaloir d'un droit de rétention, fût-il fictif, sur la chose donnée en gage ; qu'il en résulte que le créancier titulaire d'un nantissement d'outillage et de matériel d'équipement inscrit en application des articles L. 525-1 et suivants du code de commerce peut exercer son droit de rétention fictif sans que puissent lui être opposées les conditions posées à l'article L. 642-12 du même code ; qu'en prétextant en l'espèce de l'existence de ces conditions pour interdire à la banque d'exercer son droit de rétention en obtenant l'attribution judiciaire du matériel et de l'outillage de la société PM, la cour d'appel a violé l'article L. 642-12, alinéa 5, du code de commerce, ensemble l'article 2286, 4°, du code civil ;

Mais attendu que la banque ne justifie d'aucun intérêt à la cassation des chefs du dispositif de l'arrêt qui accueillent sa demande tendant à la réformation du jugement en ce qu'il avait rejeté sa demande en attribution judiciaire de gages, à ce qu'il soit ordonné que le matériel objet de la requête en attribution judiciaire de gages lui soit attribué en paiement de sa créance à concurrence de la valeur dudit matériel, et à ce qu'il soit jugé que la valeur de ce matériel est arrêtée à la somme de 128 500 euros et qu'elle sera admise à titre chirographaire pour le surplus de sa créance qui n'aura pas été compensée par l'attribution du gage ; que le moyen est irrecevable ; Et sur le moyen unique du pourvoi incident :

Attendu que M. Y..., ès qualités, M. Z..., ès qualités, M. A..., la société Coplastic, la société Comaplast, la société DWM, la société La Roche aux fées et la société Europack, font grief à l'arrêt d'infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande d'attribution judiciaire relative aux matériels loués par la société PM à la société Coplastic, de déclarer opposable à la procédure collective de la société Coplastic le nantissement dont est titulaire la banque et de dire qu'une partie du prix de cession, à concurrence de la somme de 128 500 euros, doit être affectée, par préférence, au paiement de la banque en contrepartie de son nantissement, le surplus de la créance de la banque devant être admis à titre chirographaire alors, selon le moyen, que le nantissement de l'outillage et du matériel d'équipement doit, à peine de nullité, être inscrit sur un registre tenu au greffe du tribunal de commerce dans le ressort duquel le fonds auquel il est affecté est exploité ; qu'en considérant, pour décider que le nantissement de la banque avait régulièrement été publié et était opposable à la procédure collective de la société Coplastic, que l'inscription avait été effectuée auprès du greffe du tribunal de commerce de Coutances, dans le département de la Manche, dans le ressort duquel la société PM exploitait son fonds de commerce et que ce n'est pas le lieu d'exploitation du matériel qui commande le lieu d'inscription du nantissement mais le lieu d'exploitation du fonds de commerce de la société PM, cependant que le matériel, donné en location par le propriétaire du fonds, n'était pas affecté à l'exploitation du fonds de la société PM, mais à celle du fonds de commerce de la société Coplastic, situé sur le site de Marssac, dans le Tarn, de sorte que seul le lieu d'exploitation du fonds auquel est effectivement affecté le matériel devait être pris en compte, la cour d'appel a violé les articles L. 525-3, L. 142-3 et R. 525-3 du code de commerce ;

Mais attendu qu'après avoir énoncé que l'article L. 142-3, alinéa 2, du code de commerce dispose que le privilège résultant du contrat de nantissement s'établit par le seul fait de l'inscription sur un registre public tenu au greffe du tribunal de commerce dans le ressort duquel le fonds est exploité, l'arrêt relève qu'à la date de l'inscription du nantissement sur le registre du tribunal de commerce de Coutances, le 26 novembre 2012, la société PM, propriétaire du matériel nanti, exploitait son fonds de commerce à Barenton, commune dépendant du ressort de ce tribunal, et retient qu'après le transfert de son siège à Marssac, dans le département du Tarn, le 1er mai 2013, le lieu d'exploitation était demeuré à Barenton, qu'il importait peu que le matériel ait été maintenu, depuis la constitution du nantissement, dans les locaux de la société Coplastic qui ne constituait pas une succursale de la société PM mais une société distincte de celle-ci, et que ce n'était pas le lieu d'exploitation du matériel qui commandait le lieu d'inscription du nantissement mais le lieu d'exploitation du fonds de commerce de la société PM ; que par ces constations et appréciations, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois principal et incident.