Cass. crim., 28 novembre 1995, n° 93-85.808
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Le Gunehec
Rapporteur :
Mme Batut
Avocat général :
M. Le Foyer de Costil
Avocats :
M. Bertrand, SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin
LA COUR,
I. Sur l'action publique :
Attendu qu'aux termes de l'article 2, alinéa 1 de la loi du 3 août 1995, sont amnistiés lorsque, comme en l'espèce, ils sont antérieurs au 18 mai 1995, les délits pour lesquels seule une peine d'amende est encourue, à l'exception de toute autre peine ou mesure ; qu'ainsi, l'action publique s'est trouvée éteinte à l'égard du prévenu dès la publication de ce texte ;
Attendu cependant que, selon l'article 21 de la loi précitée, la juridiction de jugement saisie de l'action publique reste compétente pour statuer sur les intérêts civils ;
II. Sur l'action civile :
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation et fausse application des articles L. 321-15, L. 411-11 du Code du travail, 2, 388, 512 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué, statuant sur les poursuites exercées par le syndicat Z... contre X..., en sa qualité d'administrateur au redressement judiciaire de la société X..., a déclaré celui-ci coupable de n'avoir pas observé les dispositions prévues aux articles L. 321-8 et L. 321-9 du Code du travail et l'a condamné à payer à ce syndicat la somme de 1 franc à titre de dommages et intérêts ;
" alors qu'aux termes de l'article L. 321-15 du Code du travail, les organisations syndicales représentatives qui entendent exercer les actions qui naissent des dispositions régissant le licenciement pour motif économique doivent au préalable notifier leur intention à l'employeur par lettre recommandée avec accusé de réception ; que l'arrêt attaqué, dont aucune mention ne permet de s'assurer que la citation directe délivrée par le syndicat Z... à X... ait été précédée de la notification précitée, ne met pas la Cour de Cassation en mesure d'exercer son contrôle sur la légalité de la poursuite, en violation des textes visés au moyen " ;
Attendu que, contrairement à ce qui est allégué, les poursuites engagées à l'encontre du prévenu ne sont pas fondées sur l'article L. 321-15 du Code du travail, lequel ne concerne que les actions individuelles exercées par les organisations syndicales représentatives au lieu et place des salariés licenciés pour motif économique, mais sur l'article L. 411-11 du même Code qui autorise les syndicats professionnels à agir en justice pour la défense des intérêts collectifs des professions qu'ils représentent ;
D'où il suit que le moyen, qui invoque la violation d'un texte inapplicable aux faits de l'espèce, est inopérant ;
Sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation et fausse application des articles L. 321-11, L. 321-9, L. 321-3, L. 322-1, 3e alinéa du Code du travail et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré X..., administrateur au redressement judiciaire de la société Y..., coupable de l'infraction prévue par les articles L. 321-11 et L. 321-9 du Code du travail ;
" aux motifs que X... auquel la loi confère, en tant que tel, des obligations particulières, ne peut soutenir qu'il n'avait qu'une mission d'assistance ; que si X... fait subsidiairement valoir que, s'il est exact que le comité d'entreprise n'avait pas été formellement réuni préalablement aux licenciements, l'ensemble des salariés de la société avaient été convoqués les 5 et 9 janvier 1990 et le représentant des salariés personnellement avisé et que le non-respect des dispositions de l'article L. 321-9 du Code du travail serait purement formel, l'information ainsi donnée au personnel et au représentant du comité d'entreprise ne saurait, ainsi que le jugement le relève, être assimilée à une consultation de ce comité, dont l'avis doit être communiqué à l'inspection du Travail et au juge-commissaire (cf. arrêt p. 5, § 2 à 5) ;
" alors, d'une part, que seul l'employeur a légalement le pouvoir de procéder à la convocation et à la réunion du comité d'entreprise dans le cas où la mission de l'administrateur au redressement judiciaire est limitée à l'assistance du débiteur dans les actes concernant la gestion ; qu'en déclarant X..., chargé d'une simple mission d'assistance de la société Y..., coupable de n'avoir pas procédé à la réunion et à la consultation du comité d'entreprise, la Cour a violé les textes au moyen ;
" alors, d'autre part, que l'information donnée sur les projets de licenciement au personnel et au représentant du comité d'entreprise au cours de la réunion de l'ensemble des salariés de la société avait nécessairement la valeur d'une consultation du comité d'entreprise, lequel ne comporte en son sein aucun membre qui soit extérieur à l'entreprise ; qu'en énonçant à tort que cette consultation ne satisfait pas aux dispositions légales, lesquelles contrairement à ce qu'a retenu l'arrêt attaqué n'attachent aucune sanction pénale au défaut de communication au juge-commissaire de l'avis du comité d'entreprise, la Cour a, pour cette raison encore, violé les textes visés au moyen ;
" alors, enfin, que le délit prévu par les articles L. 321-11 et L. 321-9 du Code du travail a un caractère intentionnel et qu'il appartient au juge répressif de caractériser l'intention coupable ayant animé le prévenu ; qu'en se bornant à relever que l'information donnée au personnel ne satisfait pas aux exigences légales, sans constater que X... s'était rendu coupable de l'omission qui lui a été imputée dans l'intention de faire échec aux dispositions relatives à la réunion et à la consultation du comité d'entreprise, la Cour, qui n'a pas caractérisé l'élément moral de l'infraction, a, une fois encore, violé les textes visés au moyen " ;
Attendu que, pour déclarer X..., administrateur au redressement judiciaire de la société Y..., coupable d'avoir omis de réunir et de consulter le comité d'entreprise avant de procéder au licenciement pour motif économique de 38 salariés de la société, les juges du fond relèvent que le prévenu avait l'obligation de procéder à cette consultation, en vertu des articles L. 321-9 du Code du travail et 45 de la loi du 25 janvier 1985 ; que la cour d'appel, écartant l'argumentation de l'intéressé, ajoute que l'annonce du projet de licenciement à l'ensemble des salariés et au représentant du comité d'entreprise ne peut être assimilée à une consultation de cet organisme, dont l'avis doit être communiqué à l'inspection du Travail et au juge-commissaire ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, l'arrêt attaqué n'encourt pas les griefs allégués ; qu'il n'importe que le prévenu n'ait été investi que d'une mission d'assistance du dirigeant de la société en redressement judiciaire, dès lors que, selon l'article 45 de la loi du 25 janvier 1985, qui se réfère à l'article L. 321-9 du Code du travail, l'administrateur est seul tenu de consulter le comité d'entreprise avant de procéder à des licenciements pour motif économique pendant la période d'observation ; que, par ailleurs, la consultation du comité d'entreprise reste soumise, en cas de redressement judiciaire, à la procédure prévue aux articles L. 321-3, alinéas 1 à 3, et L. 321-4 du Code du travail, qui imposent à l'organe chargé de cette formalité de convoquer le comité, de lui fournir les informations lui permettant de formuler ses avis, suggestions et propositions sur la mesure envisagée, et de porter ces éléments à la connaissance de l'autorité administrative compétente et du juge-commissaire ; qu'enfin, l'élément intentionnel de l'infraction se déduit nécessairement du caractère volontaire de l'omission constatée ;
Que, dès lors, le moyen ne saurait être admis ;
Attendu que les réparations allouées étant ainsi justifiées du chef de l'article L. 321-9 du Code du travail, il n'y a pas lieu d'examiner le moyen relatif à l'article L. 321-8 du même Code ;
Sur le mémoire proposant un moyen additionnel ;
Attendu que ce mémoire a été produit après expiration du délai imparti et postérieurement au dépôt du rapport par le conseiller commis ; qu'il y a lieu, conformément aux dispositions de l'article 590, alinéa 3 du Code de procédure pénale, de la déclarer irrecevable ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
Par ces motifs :
I. Sur l'action publique :
La DECLARE ETEINTE ;
II. Sur l'action civile :
REJETTE le pourvoi.