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Décisions

Cass. soc., 29 janvier 2008, n° 06-42.712

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bailly

Rapporteur :

Mme Darret-Courgeon

Avocat général :

M. Mathon

Avocats :

Me Foussard, SCP Gatineau

Versailles, du 28 févr. 2006

28 février 2006

Attendu que M. X...a été engagé par la société Ventiv Health (la société), le 25 octobre 1999, en qualité de recruteur ; que la société a été déclarée en redressement judiciaire, le 3 juin 2003, MM. Y...et A... étant respectivement désignés en qualité de représentant des créanciers et d'administrateur judiciaire ; que par jugement du 24 juillet 2003, le tribunal de commerce a arrêté un plan de cession au profit de la société Dynex, sous condition suspensive de la reprise du contrat de travail de M. Z..., M. Y...devenant commissaire à l'exécution du plan ; que M. X...a été licencié pour motif économique, le 11 août 2003, par l'administrateur judiciaire ; que soutenant que la société aurait dû mettre en oeuvre les critères d'ordre de licenciement entre lui et M. Z..., il a saisi la juridiction prud'homale ;

Sur le second moyen du pourvoi principal :

Attendu que la société Ventiv Health et les mandataires judiciaires font grief à l'arrêt d'avoir dit n'y avoir lieu à mettre hors de cause M. A..., ès qualités, alors, selon le moyen, que l'objet du litige est déterminé par les prétentions des parties lesquelles résultent des conclusions ; qu'en l'espèce, M. A..., ès qualités, d'administrateur de la société Ventiv Health sollicitait sa mise hors de cause en expliquant qu'aux termes du jugement rendu le 24 juillet 2003, le tribunal de commerce de Nanterre ne l'avait maintenu en cette qualité que jusqu'à la signature des actes de cession si bien que sa mission avait pris fin ; que M. X... ne contestait pas que la signature des actes de cession avait bien eu lieu ; qu'en affirmant pour débouter M. A..., ès qualités, de sa demande de mise hors de cause, qu'il n'établissait pas que les actes de cession avaient été signés, quand M. X... ne le contestait pas, la cour d'appel a violé l'article 4 du nouveau code de procédure civile ; 

Mais attendu qu'en rejetant la demande de mise hors de cause de l'administrateur judiciaire, la cour d'appel n'a pas modifié les termes du litige ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal : 

Attendu que la société Ventiv Health et les mandataires judiciaires reprochent également à l'arrêt d'avoir reconnu M. X... créancier de dommages-intérêts pour absence d'établissement des critères d'ordre des licenciements, alors, selon le moyen : 

1° / que les juges ne peuvent modifier les termes du litige ; qu'en l'espèce, M. X... ne contestait pas que des critères d'ordre de licenciement avaient bien été établis, et sollicitait seulement des dommages-intérêts pour non-respect prétendu de l'ordre des licenciements faute de désignation des catégories professionnelles ; qu'en condamnant cependant la société Ventiv Health à verser 70 000 euros à titre de dommages-intérêts pour absence d'établissement des critères d'ordre des licenciements, la cour d'appel a méconnu les termes du litige en violation des articles 4 et 5 du nouveau code de procédure civile ; 

2° / que les juges ne peuvent dénaturer les écrits soumis à leur appréciation ; qu'en l'espèce, la note d'information adressée le 21 juillet 2003 au comité d'entreprise listait tous les postes de l'entreprise regroupés par catégories professionnelles, et analysait pour chaque repreneur le nombre de poste repris et non repris dans chaque catégorie ; que ladite note laissait clairement apparaître qu'au siège social vingt-trois postes pouvaient ainsi être regroupés en vingt et une catégories professionnelles, et indiquait pour chacune de ces vingt et une catégories professionnelles, le nombre de postes non repris par les sociétés repreneuses ; qu'en affirmant néanmoins que ladite note se bornait à indiquer les conséquences prévisibles des différentes offres de reprise sur l'emploi, notamment sur les différents postes du siège, quand elle précisait également les catégories professionnelles concernées, la cour d'appel a dénaturé ladite note en violation de l'article 1134 du code civil ;

3° / que les règles relatives à l'ordre des licenciements prononcés pour motif économique ne s'appliquent que si l'employeur doit opérer un choix parmi les salariés à licencier, et que tel n'est pas le cas lorsque le licenciement concerne tous les salariés d'une entreprise appartenant à la même catégorie professionnelle ; qu'en l'espèce, la société Ventiv Health soutenait que le problème de l'ordre des licenciements ne se posait pas dès lors qu'aucun salarié chargé du recrutement n'avait été repris par Dynex Winner et que la reprise de M. Z... avait été une condition suspensive posée par le plan de reprise ; qu'en se contentant pour condamner la société au paiement de 70 000 euros de relever qu'elle n'avait pas mis en oeuvre les critères de licenciement entre MM. Z... et X..., sans rechercher, ainsi qu'elle y était pourtant invitée, s'il n'était pas impossible de licencier M. Z...si bien qu'aucun choix ne pouvait être opéré entre ce dernier et M. X..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 321-1-1 du code du travail ; 

4° / que si le non-respect de l'ordre des licenciements cause nécessairement un préjudice au salarié, il appartient au juge qui accorde des dommages-intérêts de préciser si ceux-ci viennent réparer un préjudice purement moral ou bien la perte injustifiée d'un emploi, et dans ce dernier cas, d'établir qu'en application des critères d'ordre des licenciements, la personne effectivement licenciée ne l'aurait pas été ; qu'en l'espèce, pour accorder à M. X... la somme de 70 000 euros équivalente à six mois de salaires, la cour d'appel s'est contentée de relever que l'employeur n'avait pas mis en oeuvre les critères de licenciement entre MM. Z... et X... ; qu'en statuant ainsi sans préciser la nature du préjudice subi, ni encore moins établir que M. X... n'aurait pas été licencié si les critères avaient été mis en oeuvre, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard des articles L. 321-1-1 du code du travail et 1382 du code civil ; 

Mais attendu, d'abord, que nonobstant la qualification erronée donnée à cette condamnation dans le dispositif, il résulte de l'arrêt que l'indemnité accordée à M. X... répare un préjudice lié à l'inobservation de l'ordre des licenciements ; 

Attendu, ensuite, qu'une clause qui subordonne la cession de l'entreprise en redressement judiciaire au maintien du contrat de travail d'un salarié nommément désigné étant dépourvue d'effet à l'égard des autres salariés relevant de la même catégorie professionnelle, la cour d'appel, qui, abstraction faite du motif surabondant critiqué par la deuxième branche du moyen, a constaté que M. Z...relevait de la même catégorie professionnelle que M. X...et qu'il n'avait pas été fait application entre eux des critères d'ordre des licenciements, en a exactement déduit que ce dernier avait droit à une indemnisation dont elle a souverainement fixé le montant ;

Que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le moyen unique du pourvoi incident :

Vu l'article 1315 du code civil ; 

Attendu que, lorsque le calcul de la rémunération dépend d'éléments détenus par l'employeur, celui-ci est tenu de les produire en vue d'une discussion contradictoire ;

Attendu que pour débouter le salarié de sa demande de rappel de salaire au titre de l'intéressement de 15 %, calculé mensuellement sur le montant facturé aux clients, l'arrêt énonce que l'intéressé ne produit, à l'appui de ses allégations, que des tableaux qu'il a lui-même établis sans les étayer d'aucun élément objectif ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il appartenait à l'employeur de justifier des sommes facturées aux clients sur la période litigieuse, la cour d'appel a violé le texte susvisé ; 

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande de rappel de salaire au titre de l'intéressement, l'arrêt rendu le 28 février 2006, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée.