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Décisions

Cass. com., 18 janvier 2011, n° 10-12.005

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Pinot

Rapporteur :

M. Rémery

Avocat général :

M. Mollard

Avocats :

SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Le Griel, SCP Waquet, Farge et Hazan

Versailles, du 3 déc. 2009

3 décembre 2009

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 3 décembre 2009), que la société Metareg a souscrit auprès de la société Abeille Vie, devenue la société Aviva vie (société Aviva), pour son compte et celui de filiales, dont les sociétés Metareg Entreprise et maintenance (société MEM) et Manumag, des contrats d'assurance ayant pour objet de garantir à leurs salariés le paiement d'indemnités de fin de carrière ; que la société Metareg ayant été mise en redressement judiciaire, le tribunal, par jugement du 4 juin 2003, a arrêté le plan de cession de ses actifs en faveur de la Société de force et lumière électriques (société Forclum) et de la société Altead industries Ouest (société Altead), chacune reprenant une partie du personnel ;

Sur le premier moyen :

Attendu que le commissaire à l'exécution du plan, la société Metareg et la société Aligny, celle-ci venant par fusion-absorption aux droits des sociétés MEM et Manumag, font grief à l'arrêt d'avoir rejeté leur demande tendant à la perception des valeurs acquises sur les contrats d'assurance et enjoint à la société Aviva d'ouvrir deux comptes au nom des sociétés Forclum et Altead pour recevoir ces valeurs en proportion de l'effectif repris par chacune d'elles alors, selon le moyen,

1°/ que la stipulation pour autrui suppose la volonté de faire naître un droit dans le patrimoine d'un tiers contre le promettant ; qu'en l'espèce, le contrat « indemnité fin de carrières » a pour objet de permettre à l'entreprise de constituer en franchise d'impôt, les fonds nécessaires au versement à ses salariés des indemnités de fin de carrières qu'elle est légalement tenue de leur verser lors de leur départ ou mise à la retraite ; qu'il résulte des conditions générales de ce contrat que l'assureur qui gère le compte ainsi constitué par les cotisations de l'entreprise ne prend aucun engagement à l'égard des salariés mais s'engage seulement à verser entre les mains de l'entreprise un montant égal à celui des indemnités de départ à la retraite que cette dernière a réglées au cours du mois précédent à ses salariés ; que ce contrat conclu dans l'intérêt de l'entreprise et qui ne comporte aucun avantage au profit des salariés exclut en outre expressément l'existence d'un droit direct conféré aux salariés sur le compte constitué par le versement de provisions par l'entreprise ; que ce contrat ne comporte dès lors aucune stipulation pour autrui et ne constitue pas un accessoire du contrat de travail individuel de chacun des salariés de l'entreprise ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1121 du code civil, et L. 1221-1 du code du travail ;

2°/ que le contrat « indemnité fin de carrières » qui ne constitue pas un engagement de l'employeur au profit des salariés mais constitue un mode de financement par ce dernier de ses obligations légales en matière d'indemnité de fin de carrière qui lui permet en outre de bénéficier d'une franchise d'impôt, ne se transmet pas au bénéficiaire d'un plan de cession par l'effet des dispositions de l'article L. 122-12 ancien du code du travail ; qu'il ne peut être transmis au cessionnaire que s'il est effectivement compris dans le plan de cession ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 621-88 ancien du code de commerce et L. 122-12 ancien - aujourd'hui L. 1224-1 du code du travail ;

3°/ que le cessionnaire ne peut prétendre qu'au bénéfice des contrats qui lui sont transmis légalement ou à défaut par le plan de cession ; qu'en ordonnant le versement des sommes restant en compte au titre des contrats litigieux, entre les mains des cessionnaires, tout en constatant que ces contrats n'ont pas été cédés dans le cadre du plan de cession, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations au regard des articles L. 621-88 ancien du code de commerce et 1165 du code civil qu'elle a violés ;

4°/ que la clause selon laquelle la résiliation du contrat ne donne pas lieu à restitution des sommes inscrites au compte de l'entreprise mais à poursuite du versement des sommes dues au moment du départ à la retraite des salariés jusqu'à extinction du compte, ne peut s'appliquer que dans la mesure où l'activité est poursuivie ; qu'aucune clause du contrat n'interdit aux organes de la procédure collective d'obtenir la restitution des sommes inscrites au compte de l'entreprise en cas de résiliation consécutive à un redressement judiciaire et à la cessation de l'activité de l'entreprise pour les affecter le cas échéant à l'apurement des créances ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;

Mais attendu que l'arrêt retient que, bien que les contrats d'assurance ne confèrent aucun droit direct sur leur provision mathématique aux salariés bénéficiaires des indemnités de fin de carrière, le produit des cotisations versées par l'employeur, augmenté des résultats nets de la gestion financière de l'assureur, est exclusivement destiné au remboursement des indemnités payées à ses salariés par l'employeur, sans que celui-ci puisse en obtenir restitution, même en cas de résiliation des contrats, et que la charge future du paiement des indemnités aux salariés repris dans le cadre d'un plan de cession pèse légalement sur le cessionnaire ; que de ces seuls motifs, d'où il résulte que la valeur acquise sur chaque contrat ne peut être affectée au règlement d'autres dettes que les indemnités de fin de carrière, la cour d'appel a exactement déduit que les sommes disponibles entre les mains de la société Aviva devaient être conservées par elle et gérées à cette fin pour le compte des sociétés Forclum et Altead ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que la société Aligny fait grief à l'arrêt d'avoir compris dans les sommes utilisables par les cessionnaires celles disponibles sur les contrats d'assurance n° 103.533 et n° 103.535, souscrits pour le compte des sociétés MEM et Manumag, qu'elle a absorbées alors, selon le moyen :

1°/ que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties et le juge doit se prononcer seulement sur ce qui est demandé ; qu'en l'espèce, ni la société Altead ni la société Forclum ne demandaient à la cour d'appel de leur transférer le bénéfice des provisions relatives aux contrats 103533 et 103535 conclus respectivement par les sociétés MEM et Manumag in bonis et qui ont été absorbées par la société Aligny ; qu'en ordonnant à la société Aviva de faire masse des montants disponibles au titre de ces contrats avec les montants disponibles au titre des contrats revendiqués pour en réaffecter la provision en faveur des sociétés Altead et Forclum qui ne l'avaient pas demandé, la cour d'appel a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

2°/ que le juge doit en toutes circonstances observer et faire observer le principe de la contradiction ; qu'en statuant comme elle a fait sans inviter les parties à s'expliquer sur l'affectation décidée d'office des provisions des contrats "IFC" (indemnités de fin de carrière) conclus par les sociétés MEM et Manumag au profit des bénéficiaires du plan de cession arrêté dans le cadre du redressement judiciaire de la société Metareg sur le fondement de considérations de fait et de droit elles-mêmes soulevées d'office, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

3°/ que la fusion-absorption opère la transmission universelle du patrimoine de la société absorbée à la société absorbante ; qu'en l'espèce, l'absorption des sociétés MEM et Manumag par la société Aligny a emporté le transfert de plein droit des sommes restant en compte sur les contrats d'assurances souscrits par les sociétés absorbées au profit de la société Aligny ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article L. 236-3 I du code de commerce ;

4°/ que les sociétés d'un même groupe ont chacune une personnalité morale distincte et par conséquent un patrimoine distinct ; que les contrats qu'elles souscrivent ne peuvent bénéficier à une autre société pour le seul motif qu'elle fait partie du même groupe ; qu'en l'espèce, les contrats d'assurance souscrits par les sociétés MEM et Manumag faisaient partie de leur patrimoine et non du patrimoine de la société Metareg seul transmis aux cessionnaires dans le cadre de son redressement judiciaire ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article 1842 du code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, que les demandes des sociétés cessionnaires portant sur le contrat n° 103.532, dont l'arrêt précise qu'il a fusionné avec les contrats n° 103.533 et n° 103.535, la cour d'appel n'a ni méconnu l'objet du litige, ni violé le principe de la contradiction ;

Attendu, en second lieu, que les constatations de l'arrêt, selon lesquelles, à la date de l'opération de fusion-absorption, les valeurs acquises sur l'ensemble des contrats étaient inscrites, sous le n° 103.532, au nom de la société Metareg et n'étaient pas susceptibles d'une transmission de patrimoine à la société Aligny, rendent inopérantes les critiques des troisième et quatrième branches ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le troisième moyen :

Attendu que le commissaire à l'exécution du plan et les sociétés Metareg et Aligny font grief à l'arrêt de les avoir condamnées in solidum à payer à chacune des sociétés Aviva, Forclum et Altead la somme de 10 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile alors, selon le moyen, que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties et le juge doit se prononcer seulement sur ce qui est demandé ; qu'en l'espèce en ce qui concerne l'article 700 du code de procédure civile, la société Altead demandait le paiement d'une somme de 6 000 euros, la société Forclum sollicitait une somme de 5 000 euros, et la société Aviva demandait la somme de 3 000 euros ; qu'en leur octroyant chacune une somme très supérieure et non demandée de 10 000 euros, la cour d'appel a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

Mais attendu que le commissaire à l'exécution du plan et les sociétés Metareg et Aligny reprochant à l'arrêt d'avoir statué sur des choses non demandées, devaient, non se pourvoir en cassation, mais présenter requête à la juridiction qui a statué en application des dispositions des articles 463 et 464 du code de procédure civile ; que le moyen est irrecevable ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.