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Décisions

CA Amiens, ch. économique, 1 juin 2021, n° 20/01343

AMIENS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

J. Chrétien (SAS)

Défendeur :

E. Lelong (EURL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Avocats :

Me Selosse-Bouvet, Selarl Pelletier & Associés, Me Broyon

T. com. Soissons, du 27 févr. 2020

27 février 2020

DECISION

Suivant acte sous seing privé en date du 18 février 2018 la SAS J. Chrétien qui a pour activité la vente et la construction de maisons individuelles a passé avec l'EURL E. Lelong un contrat d'agent commercial afin de les commercialiser.

L'EURL E. Lelong a rompu le contrat d'agent commercial le 28 mai 2018 à effet au 29 juin 2018.

Se prévalant de factures impayées l'EURL E. Lelong a déposé une requête en injonction de payer auprès du Président du tribunal de commerce de Reims qui par ordonnance du 27 mai 2019 a enjoint à la SAS J. Chrétien de payer à l'EURL E. Lelong la somme de 6 995,05 outre intérêt, indemnité forfaitaire et à supporter les dépens.

Statuant sur opposition à ordonnance d'injonction de payer et après que le tribunal de commerce de Reims a transmis le dossier au tribunal de commerce de Soissons, ce dernier a par jugement du 27 février 2020 :

- rejeté l'exception d'incompétence soulevée et s'est déclaré compétent ;

- débouté la société J. Chrétien de ses moyens, fins et conclusions ;

- condamné la société J. Chrétien à payer à l'EURL E. Lelong la somme de 6 995,05 en principal, avec intérêt de retard au taux légal à compter de la mise en demeure du 25/01/2019 ;

- débouté la société Lelong de sa demande de condamnation de la société J. Chrétien au titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

- condamné la société J. Chrétien à payer à la Société E. Lelong la somme de 40 au titre de l'indemnité forfaitaire et 700 au titre des frais hors dépens ;

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;

- dit que le présent jugement se substitue à l'ordonnance d'injonction de payer du 27 mai 2019.

Par déclaration en date du 7 mars 2020 la SAS J. Chrétien a interjeté appel de ce jugement.

Elle demande à la cour de la déclarer recevable et bien fondée en son appel et par conséquent de :

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

- débouter l'EURL E Lelong de toutes ses demandes ;

- débouter l'EURL E. Lelong de son appel incident ;

- condamner l'EURL E. Lelong à lui payer une somme de 3 000 sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner l'EURL E. Lelong aux dépens qui seront recouvrés directement conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

L'appelante expose ne plus soulever l'exception d'incompétence territoriale.

Sur le fond, elle soutient que l'EURL E. Lelong ne peut prétendre au paiement des factures de commission litigieuses relatives à deux opérations commerciales dans la mesure où elles sont tardives et à défaut de démontrer que c'est par sa démarche commerciale que les opérations de ventes ont été conclues. Elle ajoute que l'EURL J. Lelong n'a pas traité l'aspect administratif des deux dossiers.

Elle soutient également que le montant des commissions dont il est demandé paiement n'est pas conforme aux conditions de facturation prévues au contrat d'agent commercial à défaut pour l'EURL d'avoir respecté les conditions tarifaires en octroyant des remises exorbitantes aux clients susceptibles de mettre en péril la société Chrétien de sorte que ces remises ont été déduites des commissions et qu'une somme de 735,63 a été réglée pour solde.

Elle s'oppose dans ces circonstances au paiement de dommages et intérêts pour résistance abusive.

Par conclusions remises le 28 juillet 2020, l'EURL E. Lelong demande à la cour de :

- confirmer le jugement rendu le 27 février 2020 par le tribunal de commerce de Soissons en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté la société E. Lelong de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

- infirmer le jugement rendu le 27 février 2020 par le tribunal de commerce de Soissons uniquement en ce qu'il a débouté la société E. Lelong de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

- condamner la société J. Chrétien à verser à la société E. Lelong la somme de 6 995,05 TTC en principal avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 25 janvier 2019, 40 au titre de l'indemnité forfaitaire prévue par l'article D. 441-5 du code de commerce, 1 000 de dommages et intérêts pour résistance abusive et 3 000 sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens de l'instance.

Elle soutient que c'est exclusivement en raison de son intervention commerciale, que les opérations de vente de deux pavillons auprès de M. X, Mme Y et de M. et Mme Z, pour lesquelles elle a émis des factures de commissions, sont intervenues, de sorte que les commissions sont incontestablement dues. Elle fait remarquer que l'accord de vente est intervenu alors que le contrat d'agent commercial était toujours en cours et que le travail administratif ne lui revenait pas. Elle précise que cette analyse se confirme par le paiement partiel de la commission sur chacune de ces ventes et ajoute que quand bien même les ventes auraient été finalisées six mois postérieurement à la signature du contrat de fourniture de maison individuelle, ce délai est un délai raisonnable compte tenu de la particularité des ventes immobilières qui sont conditionnées à la constitution d'un dossier comprenant de nombreuses pièces et souvent à l'obtention d'un prêt immobilier.

Concernant le montant des commissions elle affirme avoir appliqué les termes du contrat qui ne prévoit pas que les remises accordées aux clients sont déduites de leur montant. Elle ajoute avoir accordé des remises raisonnables ne dépassant pas les 3 % du marché initial, qui s'inscrivent dans le cadre de la mission de l'agent commercial qui est autorisé à négocier les prix.

Elle soutient que l'appel incident est bien fondé dans la mesure où elle subit un préjudice. Elle explique qu'elle n'a été créée que pour exercer l'activité d'agent commercial pour la société Chrétien, que sa dirigeante a pris une nouvelle orientation professionnelle et qu'en conséquence sa liquidation amiable est conditionnée à l'issue de cet unique litige.

Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

SUR CE :

La SAS J. Chrétien qui a payé partiellement les factures de commission à l'EURL E. Lelong au titre des ventes litigieuses (Y et Z), ne peut sérieusement soutenir qu'il ne serait dû aucune commission à raison de leur émission tardive et à défaut d'avoir été conclues du fait de son intervention en qualité d'agent commercial, faisant observer qu'elle ne demande pas répétition des sommes versées pour solde.

Partant le principe de la commission est acquis au bénéfice de l'EURL E. Lelong au titre des ventes seul leur montant demeure en litige.

Aux termes de l'article L. 134-1 du code de commerce, l'agent commercial est un mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé de façon permanente, de négocier et éventuellement de conclure des contrats de vente d'achat, de location ou de prestation de service au nom et pour le compte de producteurs industriels, de commerçants ou d'autres agents commerciaux.

Ces termes sont largement repris à l'article 1 du contrat passé entre les parties.

Selon l'article 2 du contrat, l'agent commercial exerce sa mission aux conditions générales de vente et tarifs pratiqués par celui-ci tels que figurant à l'annexe 2 jointe.

Aux termes de l'article 5 du contrat, en contrepartie des services fournis par l'agent commercial (...) celui-ci percevra soit une commission de 3,5 % du prix de vente HT du pavillon soit une avance de 50 % de la commission : soit 1,75 % qui peut être consentie à la signature du CCMI validé par les deux parties et le solde qui sera payé au démarrage du chantier.

Dans un courrier adressé par la SAS J. Chrétien à l'EURL E. Lelong, son dirigeant sans remettre en cause l'attribution d'une commission au titre des clients Y et Z déduit sur la commission de 3,5 % du prix de vente du pavillon la remise accordée par l'agent commercial à savoir pour le dossier de M. Y et Mme Y la somme de 2 049,49 HT sur une commission de 3 625,42 HT et pour le dossier de M et Mme Z la somme de 3 961,48 HT sur une commission de 4 724,91 HT.

La loi telle que susrappelée souligne que rentre dans la mission de l'agent commercial une mission de négociation, de sorte qu'il est admis que les conditions tarifaires du mandant puissent être minorées faisant observer qu'en l'espèce la SAS J. Chrétien ne produit pas ses conditions tarifaires de l'annexe 2 visée au contrat et ne démontre pas que la remise accordée par l'EURL E Lelong inférieure à 3 % du prix de vente HT dans les dossiers de M. et Mme Z et Y ne serait pas conforme aux usages du commerce ni aux pratiques en vigueur en son sein.

Par ailleurs outre le fait que les commissions payées à l'agent commercial en pourcentage du prix de vente sont déjà minorées à raison de la remise accordée au client, le contrat ne prévoit pas que les remises commerciales seront en sus déduites des commissions allouées à titre de rémunération.

Enfin le raisonnement de la SAS J. Chrétien qui aurait pour conséquence de priver l'agent commercial de toute possibilité de négociation serait contraire à l'essence même du contrat et ne peut être admis.

En conséquence, les factures de commissions émises par l'EURL E Lelong dans les termes de l'article 5 du contrat qui fait la loi des parties sont dues en totalité, de sorte que le jugement querellé est confirmé en ce qu'il a débouté la société J. Chrétien de ses moyens, fins et conclusions et condamné la société J. Chrétien à payer à l'EURL E. Lelong la somme de 6 995,05 en principal, avec intérêt de retard au taux légal à compter de Ia mise en demeure du 25/01/2019 outre 40 au titre de l'indemnité forfaitaire.

Si ce contentieux a pour effet de retarder la liquidation amiable de l'EURL E. Lelong, cette dernière ne démontre pas que l'intérêt au taux légal qui court depuis le 25 janvier 2019 sur les sommes dues est insuffisant à indemniser le préjudice subi à raison des retards de paiement de sorte que le jugement est confirmé en ce qu'il a débouté l'EURL E. Lelong de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive.

La SAS J. Chrétien qui succombe supporte les dépens d'appel et est condamné à payer à l'EURL E. Lelong la somme de 3 000 en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant ;

Condamne la SAS J. Chrétien à payer à l'EURL E. Lelong la somme de 3 000 en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SAS J. Chrétien aux dépens d'appel.