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Décisions

CA Montpellier, 4e ch. civ., 2 juin 2021, n° 18/04675

MONTPELLIER

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Ilios Confort (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Soubeyran

Conseillers :

M. Denjean, Mme Youl-Pailhes

TGI Perpignan, du 9 août 2018

9 août 2018

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Courant 2016, après un démarchage téléphonique, M. Michel B., représentant la société FRANCENERGY s'est présenté au domicile des époux Daniel et Christelle D. pour procéder à un audit de satisfaction sur leur installation d'éolienne de fabrication chinoise mise en place en 2012.

M. Michel B. leur a remis un document prévoyant la reprise de leur installation avec mise à disposition d'une indemnisation de 5 000 € et la pose d'une installation photovoltaïque comprenant des équipements de fabrication française ALLIANTZ et SOLAR EDGE.

M. Michel B. s'est présenté une seconde fois au domicile des époux D. et le 13 mai 2016 ceux-ci ont signé deux bons de commande auprès de la SARL ILIOS CONFORT, l'un n° 30478 portant sur une installation photovoltaïque pour un prix de 17 000 € financé par un prêt DOMOFINANCE d'un montant de 17 679,60 € remboursable en 40 mensualités au taux de 2,31 %, et l'autre n° 330477 portant l'engagement de l'installateur de la remise d'un chèque de 5 000 € et de démontage et enlèvement des éoliennes antérieures.

Les travaux ont été réalisés par la SARL ILIOS CONFORT qui a émis le 29 juin 2016 deux factures portant le même numéro, l'une d'un montant de 17 000 € au titre du matériel fourni et l'autre d'un montant de 3 500 € correspondant à l’installation.

Les époux D. après installation et suite à une panne se sont aperçus que le matériel était de fabrication chinoise.

Les tentatives de règlement amiable du litige sont restées vaines.

Par acte d'huissier en date du 13 novembre 2016, les époux Daniel et Christelle D. ont fait assigner la SARL ILIOS CONFORT devant le tribunal de grande instance de Perpignan pour qu'il soit constaté les pratiques commerciales trompeuses la SARL ILIOS CONFORT et qu'il soit prononcé la nullité du contrat.

Par jugement en date du 9 août 2018 le tribunal de grande instance de Perpignan a prononcé la nullité du contrat de fourniture et d'installation de matériel photovoltaïque conclu le 13 mai 2016 entre la SARL ILIOS CONFORT et les époux D., a condamné la SARL ILIOS CONFORT à payer aux époux D. les sommes de 17 000 € en restitution du prix, de 500€ pour préjudice de jouissance, de 200 € pour préjudice moral, a condamné la SARL ILIOS CONFORT à procéder au démontage et à l'enlèvement de l'installation litigieuse dans le délai de trois mois à compter de la signification du présent jugement et sous astreinte de 150 euros par jour de retard passé ce délai, a constaté que les époux D. renoncent à leur demande de paiement de la somme de 5 000 € versée en cours d'instance, a condamné la SARL ILIOS CONFORT au paiement de la somme de 1 800 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, et a ordonné l'exécution provisoire.

Par déclaration en date du 13 septembre 2018 la SARL ILIOS CONFORT a interjeté appel du jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 7 décembre 2018 la SARL ILIOS CONFORT demande :

- D'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- Prononcé la nullité du contrat de fourniture et d'installation de matériel photovoltaïque conclu le 13 mai 2016 entre la SARL ILIOS CONFORT et les époux D. ;

- Condamné la SARL ILIOS CONFORT à payer à Christelle D. et Daniel D. les sommes suivantes : Restitution du prix : 17 000 € ; Préjudice de jouissance : 500 € ; Préjudice moral : 200 € ;

- Condamné la SARL ILIOS CONFORT à procéder au démontage et à l'enlèvement de l'installation litigieuse dans le délai de trois mois à compter de la signification du présent jugement et sous astreinte de 150 € par jour de retard passé ce délai ;

- Condamné la SARL ILIOS CONFORT à payer à Christelle D. et Daniel D. la somme de 1 800 € au titre de l'article 700 du Code de procédure Civile ;

- Condamné la SARL ILIOS CONFORT aux dépens.

- De le confirmer en ce qu'il a constaté que les époux D. renoncent à leur demande de paiement de la somme de 5 000 € versée en cours d'instance.

En conséquence :

A titre principal ;

- Constater que plusieurs mois séparent l'offre commerciale de la société FRANCENERGY et les bons de commandes de la société ILIOS CONFORT ;

- Constater que les caractéristiques du produit figurant sur le bon de commande diffèrent de celles mentionnées dans l'offre commerciale de la société FRANCENERGY ce qui démontre que suite aux négociations menées entre les parties, une offre différente a été proposée et acceptée par les requérants, conforme à leurs besoins ainsi qu'à leur budget ;

- Dire et juger que l'absence d'indication de l'origine des produits dans le bon de commande de la société ILIOS CONFORT n'est pas intentionnelle mais résulte d'un simple oubli ;

- Dire et juger que la société ILIOS CONFORT est de bonne foi et qu'elle ignorait que les époux D. voulaient acquérir du matériel provenant uniquement de l'Union Européenne ;

- Constater que les époux D. ont signé le procès-verbal de fin de chantier sans émettre la moindre réserve et qu'ils ont donné leur accord pour que l'organisme de crédit verse la somme de 17 000 € à la société ILIOS CONFORT ;

- Dire et juger que la société ILIOS CONFORT n'a commis aucun dol ;

- Donner acte à la société ILIOS CONFORT que cette dernière a réglé la somme de 5 000 € en contrepartie de la reprise des éoliennes ;

- Dire et juger que le formulaire de rétractation est conforme aux dispositions du Code de la Consommation et que dans l'hypothèse d'une prolongation du délai de rétractation, les époux D. n'ont pas exercé leur droit de rétractation avant le 27 mai 2017 ;

- Rejeter l'intégralité des demandes, fins et conclusions des époux D. ;

Sur le rejet des demandes des époux D. sur le fondement du dol :

La SARL ILIOS CONFORT fait valoir pour l'essentiel que le contrat qu'elle a conclu avec les époux D. ne s'inscrit pas dans la continuité de la proposition commerciale émanant de la société FRANCENERGY qui est une société concurrente. En effet jusqu'à la présente procédure la SARL ILIOS CONFORT n'a jamais eu connaissance de cette proposition commerciale.

Elle fait valoir également que les caractéristiques du produit figurant sur le bon de commande n° 330478 diffèrent de celles mentionnées dans l'offre commerciale de la société FRANCENERGY ce qui prouve que suite aux négociations qu'elle a mené avec les époux D., une offre différente a été proposée et acceptée par les requérants, conforme à leurs besoins ainsi qu'à leur budget.

De plus l'absence d'indication de l'origine des produits dans le bon de commande n'est pas intentionnelle mais résulte d'un simple oubli.

En outre les époux D. savaient que les panneaux étaient de marque SHINE SOLAR puisqu'ils produisent une photographie des panneaux litigieux faisant état de cette marque et ils ne pouvaient ignorer être engagés avec la société ILIOS CONFORT dans la mesure où les deux bons de commande, le procès-verbal de réception des travaux et la fiche de réception des travaux font clairement apparaître le nom de cette entité.

En conséquence la SARL ILIOS CONFORT ne saurait se voir reprocher un dol qui suppose la démonstration d'une intention frauduleuse ayant vicié le consentement de son contractant au moment de la conclusion du contrat.

Sur le rejet des demandes des époux D. sur le fondement du délai de rétractation :

Elle fait valoir pour l'essentiel que quand bien même le délai de rétractation aurait été prolongé d'un an, celui-ci a expiré le 27 mai 2017 et les époux D. n'ont pas exercé leur droit de rétractation avant cette date. En effet même si l'assignation en justice a été signifiée le 18 novembre 2016, elle n'a pas eu pour effet de suspendre ou bien de prolonger le délai de rétractation.

Subsidiairement ;

- Limiter la restitution à la somme de 17 000 € ;

- Rejeter les demandes d'astreinte, de dommages et intérêts au titre du préjudice de jouissance et du préjudice moral et de versement de la somme de 5 000 € ;

En tout état de cause ;

- Condamner Mme Christelle D. et M. Daniel D. à verser à ILIOS CONFORT la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Condamner Madame Christelle D. et Monsieur Daniel D. aux entiers dépens

Aux termes de leurs dernières conclusions en date du 4 mars 2019 les époux D. demandent de :

A titre principal,

- Confirmer la décision entreprise dans l'ensemble de ses dispositions ;

- Débouter la SARL ILIOS CONFORT de toutes ses demandes, à titre principal et subsidiaire ;

Subsidiairement,

- Réformer la décision entreprise,

- Dire et juger que le délai de rétractation prévu par l'article L. 221-18 du Code de la consommation a été prorogé d'un an conformément à l'article L. 221-20 du même code pour se terminer le 27 mai 2017 ;

- Donner acte aux époux D. de leur rétractation dans le cadre de la présente procédure initiée le 18 novembre 2016 ;

- Condamner en conséquence la SARL ILIOS CONFORT à restituer aux époux D. la somme de 17 679,60 € ;

- Donner acte aux époux D. de leur volonté de restituer la somme de 5 000 € versée en cours de première instance, si et seulement s'il est démontré et prouvé que la SARL ILIOS CONFORT a procédé à la dépose de l'installation litigieuse et à la remise en service des éoliennes préexistantes ;

En toute hypothèse,

- Condamner la SARL ILIOS CONFORT à payer, au titre de l'article 700 du Code de procédure civile la somme de 3 500 € ;

- Condamner la SARL ILIOS CONFORT aux entiers dépens ;

- Autoriser le recouvrement des dépens dans les conditions prévues par l'article 699 du code de procédure civile ;

Sur la confusion sciemment entretenue entre les sociétés ILIOS CONFORT et FRANCENERGY

Ils font valoir pour l'essentiel que la SARL ILIOS CONFORT ne peut sérieusement avancer qu'elle n'a jamais eu connaissance de la SARL FRANCENERGY.

M. Michel B. officie indistinctement pour les sociétés ILIOS CONFORT et FRANCENERGY, ayant remis une documentation à l'en-tête de la première, avant de faire signer un bon de commande au nom de la seconde, sans qu'au préalable les époux D. ne soient informés des conditions relatives à la vente envisagée.

De plus la page 5 du fascicule remis par M. Michel B. fait état de la SARL FRANCENERGY dont le siège serait situé « Zone du Puech Radier, Bâtiment 28 à LATTES », ce qui correspond en réalité au siège de la SARL ILIOS CONFORT.

En outre, M. Medhi B., gérant de la S.A.R.L. ILIOS CONFORT, est devenu le 3 juillet 2014 le gérant de la SARL S.A.R.V., située au [...] succédant à Monsieur Mohamed A., lui-même gérant de la S.A.R.L. FRANCENERGY.

Sur les manœuvres trompeuses :

Ils font valoir pour l'essentiel que les manœuvres de la SARL ILIOS CONFORT, par l'intermédiaire de son préposé M. Michel B., sont à l'évidence constitutives d'un dol, de même qu'elles constituent un manquement à diverses obligations pénalement sanctionnées par le droit de la consommation.

En effet la SARL ILIOS CONFORT par l'intermédiaire de son préposé M. Michel B. n'a cessé d'entretenir la confusion sur les motifs de sa visite prétendant initialement et en contravention avec l'article L. 121-4, 21° réaliser un « audit de satisfaction ». Également sur les caractéristiques essentielles du bien vendu en remettant une documentation commerciale mentionnant à diverses reprises des marques de renom, se présentant comme « partenaire » de ces marques, pour finalement installer des produits de basse qualité, fabriqués en Chine. Mais aussi sur la personne même du cocontractant des époux D..

De tels comportements sont contraires aux articles L. 111-1 et L. 121-2 du Code de la consommation.

De plus ils font valoir qu'ils n'ont jamais eu connaissance d'une quelconque documentation ou proposition commerciale émanant de la SARL ILIOS CONFORT, pourtant seule entité engagée par le contrat de vente. Cette absence d'information précontractuelle constitue un véritable manquement aux obligations du vendeur à qui il incombe d'apporter la preuve de son exécution face à un acheteur profane.

Enfin ils font valoir qu'ils avaient clairement et dès l'origine exprimé leur volonté de n'acquérir que du matériel de fabrication européenne et en aucun cas chinoise.

A titre subsidiaire, sur la rétractation des époux D. :

Ils font valoir pour l'essentiel qu'il résulte de l'article L. 221-20 du Code de la consommation que lorsque les informations relatives au droit de rétractation n'ont pas été fournies au consommateur dans les conditions prévues par décret, le délai de rétractation est prolongé de douze mois à compter de l'expiration du délai de rétractation initial.

En l'espèce le bon de commande litigieux datant du 13 mai 2016, le délai de rétractation initial aurait dû se terminer le 27 mai 2016. Mais il a été prorogé d'un an car le bon de commande ne comportait pas les informations légales concernant la mise en œuvre du droit de rétractation. Ainsi il n'a expiré que le 27 mai 2017, postérieurement à la date de délivrance de l'acte introductif d'instance. Les époux D. était donc en droit de se rétracter dans le cadre de la première instance.

Vu l'ordonnance de clôture en date du 23 février 2021 et l'ordonnance rectificative du 25 février 2021 du conseiller de la mise en état informant qu'à défaut d'opposition la procédure se déroulera sans audience conformément à l'ordonnance 2020-1400 du 18 novembre 2020 et du décret 2020-1405 du 18 novembre 2020.

SUR CE

Aux termes de l'article 1116 ancien du Code civil applicable à l'espèce, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manœuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté. Il ne se présume pas, et doit être prouvé.

En l'espèce, la SARL ILIOS CONFORT, professionnel vendeur de biens, tenue d'une obligation de communication à l'égard des époux D. consommateurs conformément aux articles L. 111-1 et L. 111-2 du Code de la consommation, s'est contentée pour seul document contractuel du bon de commande en date du 13 mai 2016 qui ne comporte pas les caractéristiques essentielles du bien puisque ni la marque, ni l'origine des produits ne sont communiquées, pas plus que le délai d'exécution, ce qui a constitué nécessairement une condition essentielle du produit puisqu'il conditionne la rentabilité du nouvel investissement réalisé par les époux D. en remplacement de leurs éoliennes antérieures défaillantes.

En effet, le dossier de reconditionnement de l'installation solaire des époux D. a été réalisée pour le compte de la société FRANCENERGY par M. B. qui est également intervenu pour le compte de la SARL ILIOS CONFORT lors de la signature du bon de commande, et qui ne pouvait donc ignorer que les éoliennes antérieures installées étaient « sans effets procurés au niveau de la production d'électricité » comme il ressort de la conclusion de ce rapport.

Or la défaillance du professionnel qui a agi à la fois pour le compte des deux sociétés, en se présentant tour à tour dans le cadre d'un audit de satisfaction puis pour le bon de commande d'une installation photovoltaïque, qu'il a fait souscrire sans communiquer les caractéristiques essentielles du produit que sont sa marque et son origine, ont manifestement constitué les manœuvres dolosives sans lesquelles les époux D. n'auraient pas contracté pour une nouvelle installation photovoltaïque sans même être informés sur les conditions de sa rentabilité, élément d'autant plus essentiel qu'ils s'étaient plaints du défaut de rentabilité de leur précédente installation de production d'électricité solaire.

Ainsi le premier juge a valablement estimé y avoir lieu de prononcer la nullité du contrat en date du 13 mai 2016, avec la condamnation à payer la somme de 17 000 € au titre de la restitution du prix et le démontage avec l'enlèvement de l'installation litigieuse à la charge de la SARL ILIOS CONFORT.

De même le premier juge a justement fixé aux montants de 500 € le préjudice de jouissance et de 200 € le préjudice moral, dont la réalité n'est pas contestable compte tenu de la nature du litige.

Par conséquent le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions.

SUR LES AUTRES DEMANDES

L'article 696 du Code de procédure civile énonce que la partie perdante est condamnée aux dépens, il conviendra de condamner la SARL ILIOS CONFORT qui succombe aux entiers dépens d'appel.

Selon l'article 700 du même code le juge condamne la partie tenue aux dépens à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, et en l'espèce il n'apparaît pas inéquitable de condamner la SARL ILIOS CONFORT à payer en appel sur ce fondement la somme de 2 000€.

PAR CES MOTIFS

LA COUR statuant contradictoirement, par arrêt mis à disposition

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne la SARL ILIOS CONFORT aux entiers dépens d'appel,

Condamne la SARL ILIOS CONFORT à payer en appel la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.