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Décisions

CA Paris, 16e ch. B, 11 septembre 2008, n° 07/11392

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Folie Mericourt (SCI)

Défendeur :

April Mobilite (SA), TMS Contact (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Zavaro

Conseillers :

M. Bouly de Lesdain, M. Maubrey

Avocats :

SCP Lacourgue et Olivier, Me Schrimpf, SCP Jean-Philippe Autier, Me Paccioni

TGI Paris, 18e ch. sect. 2, du 22 févr. …

22 février 2007

ARRÊT :

Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile

Signé par Renaud BOULY de LESDAIN, Président de chambre, Michel ZAVARO, Président, étant empêché, et par Carole TREJAUT, Greffier, à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

Les sociétés AIPS, devenue par la suite APRIL MOBILITE et ABI, devenue par la suite TMS CONTACT, toutes deux filiales du groupe APRIL, intéressées par la prise à bail de locaux sis à [...], propriétés de la SCI FOLIE MERICOURT, a négocié avec ce propriétaire les aménagements nécessaires à la transformation en bureaux d'ateliers précédemment utilisés par un fabricant de médailles. La SCI FOLIE MERICOURT s'est engagée à faire réaliser des travaux concernant notamment le câblage, la domotique et le chauffage à hauteur de 124.200 € HT, ainsi qu'à livrer les locaux équipés de la climatisation. La maîtrise d'œuvre de ces travaux a été confiée à la société ASTON INGENIERIE, M. PALLAS. Un cahier des charges a été établi.

Le 4 décembre 2002, les parties ont signé deux baux distincts, aux termes desquels APRIL MOBILITE prenait 70 % de la surface et TMS les 30 % restant. La société bailleresse s'engageait à livrer les locaux conformément au cahier des charges. Les locataires devaient rembourser le coût de ces travaux au moyen d'un surloyer de 14.490 €/an pour APRIL MOBILITE et de 6.210 €/an pour TMS, et ce pendant les six premières années de chacun des baux.

Après leur entrée dans les lieux, les sociétés locataires se sont plaintes de désordres concernant, notamment, l'isolation thermique. De plus, les services de la protection sanitaire de la préfecture de police de Paris ont fait délivrer au bailleur une mise en demeure de remédier à ce problème. Une mesure d'expertise était ordonnée en référé et le rapport de l'expert a montré l'existence d'infiltrations en provenance de la toiture, un défaut d'équilibre d'une marche d'escalier, une défaillance généralisée de l'installation de chauffage, ventilation et climatisation, constituant un non-respect des dispositions du code du travail, ainsi que la non-étanchéité des portes de l'accès général. Les locataires ont saisi le tribunal de grande instance de Paris en nullité des baux pour erreur et dol. Dans son jugement du 22 février 2007, le tribunal a prononcé la nullité pour erreur des deux baux du 4 décembre 2002, a fixé l'indemnité d'occupation annuelle à 82.902 € pour APRIL MOBILITE et à 35.529 € pour TMS CONTACT, a condamné la SCI FOLIE MERICOURT à rembourser aux locataires la moitié de leurs frais de déménagement.

***

La SCI FOLIE MERICOURT a interjeté appel de cette décision. Dans ses écritures du 13 mai 2008, elle a contesté avoir à restituer les surloyers, a, notamment, sollicité que les indemnités d'occupation soient fixées au montant des loyers facturés outre les sommes réclamées au titre de l'amortissement des travaux et a demandé la condamnation solidaire des locataires à lui verser 20.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Les sociétés intimées dans leurs écritures du 28 avril 2008 ont demandé la confirmation du jugement en ce qui concerne la nullité des baux, l'infirmation de celui-ci pour le surplus, de dire que les baux sont entachés de nullité pour erreur et dol, de fixer les indemnités d'occupation à hauteur de 50 % du montant des sommes versées et de condamner la SCI FOLIE MERICOURT à leur rembourser le trop-perçu ainsi que l'ensemble des frais exposés au titre des déménagements outre le paiement de la somme totale de 15.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 29 mai 2008.

 

SUR QUOI LA COUR

Considérant que les baux consentis le 4 décembre 2002 stipulaient que ceux-ci ne prendraient effet qu'une fois les travaux prévus au cahier des charges terminés ; que le bailleur s'engageait à livrer les locaux équipés de la climatisation ainsi qu'à fournir un certificat de conformité ; que ces travaux comprenaient, notamment, la révision de l'étanchéité de l'ensemble de la toiture, la fabrication et la pose d'un escalier métallique hélicoïdal ainsi que l'installation d'un climatiseur de grande puissance ; que le coût de ces travaux d'aménagement était remboursé au bailleur par le biais d'un surloyer sur les six premières années du bail ; que les locaux, livrés avec retard, présentaient rapidement des désordres et non-façons, que la mesure d'expertise ordonnée en référé faisait apparaître des infiltrations en provenance de la toiture à laquelle il n'existait aucun accès, l'existence d'une marche d'escalier métallique mal équilibrée, la défaillance généralisée de l'installation de chauffage-ventilation-climatisation ainsi que la non-étanchéité des portes de l'accès général ; que l'expert a conclu à une carence certaine de la SCI FOLIE MERICOURT et des techniciens par elle retenus, soulignant qu'il n'y avait eu pour ces travaux ni architecte, ni bureau d'étude, ceux-ci ayant été réalisés sans aucun document technique digne de ce nom, dans une confusion totale qui faisait que leur réalisation ne pouvait être qu'imparfaite ; que les lieux loués n'étaient pas conformes à la législation et étaient inexploitables dans des conditions normales ;

Considérant que pour les sociétés APRIL MOBILITE et TMS CONTACT les baux qui leur ont été consentis sont entachés de nullité pour erreur sur les qualités substantielles de la chose louée et dol ;

Considérant que si l'erreur entraînant la nullité des baux n'est pas contestée par la SCI FOLIE MERICOURT, qui fait partie du groupe international RED SEA GROUP, il n'est, par contre, aucunement démontrée l'existence de manœuvres dolosives ayant pour but de tromper les preneurs, le seul fait que le bailleur soit un professionnel de la construction n'induisant pas nécessairement l'existence d'un dol ;

Considérant, en l'espèce, que les sociétés locataires ont été incontestablement induites en erreur par la SCI FOLIE MERICOURT et qu'elles n'auraient pas accepté les baux consentis par cette dernière si elles avaient su dans quelles conditions seraient effectués les travaux de rénovation ; qu'il y a lieu de dire que ces baux sont entachés de nullité pour erreur ;

Considérant qu'en cas d'exécution d'un contrat nul, les parties doivent être remises dans l'état où elles étaient auparavant par restitution des prestations réciproquement exécutées ; que si ce contrat porte sur la jouissance d'un bien, la restitution ne peut se faire que par équivalent sous la forme d'une indemnité ;

Considérant, en conséquence, qu'au regard des troubles importants qui ont affecté la jouissance des lieux des locataires et qui résultent des nombreux constats d'huissier dressés, il convient de confirmer la décision du premier juge qui a fixé les indemnités d'occupation dont sont redevables les sociétés APRIL MOBILITE et TMS CONTACT à la moitié du loyer global HT et HC, surloyer inclus, soit pour APRIL MOBILITE 82.902 € et pour TMS CONTACT 35.529 € ; que les charges contractuellement prévues s'ajouteront à ces sommes ;

Considérant, enfin, que la fin anticipée des baux a nécessairement causé un préjudice aux preneurs ; que la SCI FOLIE MERICOURT qui a une grande part de responsabilité dans l'erreur à l'origine des nullités, devra rembourser aux sociétés APRIL MOBILITE et TMS CONTACT la moitié du coût de leurs frais de déménagements ;

 

PAR CES MOTIFS

Confirme en toutes ses dispositions la décision déférée ;

Condamne la SCI FOLIE MERICOURT à payer aux sociétés APRIL MOBILITE et TMS CONTACT la somme totale de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SCI FOLIE MERICOURT aux dépens avec le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile pour l'avoué adverse.