ADLC, 7 juin 2021, n° 21-D-11
AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE
Décision
Relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la publicité sur Internet *
Résumé1
Aux termes de la présente décision, l’Autorité de la concurrence sanctionne Google pour avoir abusé de sa position dominante sur le marché des serveurs publicitaires pour éditeurs de sites en ligne et applications mobiles, en violation des articles L. 420-2 du code de commerce et 102 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.
Cette décision intervient à la suite d’une saisine par plusieurs éditeurs de presse qui monétisent les contenus de leurs sites Internet et de leurs applications mobiles via la fourniture d’espaces publicitaires, en utilisant deux technologies publicitaires offertes par Google : (i) le serveur publicitaire Doubleclick for publishers (ci-après « DFP ») ; et (ii) la plateforme de mise en vente programmatique d’espaces publicitaires Doubleclick AdExchange (ci-après « AdX »).
Les éditeurs auteurs des saisines faisaient valoir que les deux technologies de Google s’avantageaient réciproquement, au détriment, d’une part, des fournisseurs de technologies concurrents et, d’autre part, du rendement de leurs propres inventaires publicitaires.
Le secteur de l’affichage publicitaire en ligne et les technologies publicitaires pour éditeurs
Afin de commercialiser les espaces publicitaires présents au sein de leurs sites et applications, les éditeurs utilisent différents types de technologies, et en particulier des technologies de serveur publicitaire et de plateforme de mise en vente programmatique d’espaces publicitaires :
- le serveur publicitaire est un outil permettant l’affichage de publicités sur le site web ou l’application mobile de l’éditeur. Il permet également de gérer la vente des espaces publicitaires de manière unifiée, notamment en donnant à l’éditeur la capacité de choisir, pour un même espace publicitaire, entre les transactions conclues directement avec les annonceurs (dites « éléments de campagne garantis ») et la mise en vente sur de multiples plateformes organisant des enchères de façon programmatique (c’est-à-dire selon un mécanisme automatisé) ;
- les plateformes de mise en vente programmatique d’espaces publicitaires (dites « SSP » pour supply side platform ou plateforme du côté de l’offre) sont des « places de marché » où se rencontrent les acheteurs d’espaces publicitaires et les éditeurs souhaitant vendre des espaces publicitaires (ou « impressions »). Elles sollicitent typiquement, pour une impression donnée, une offre de prix de la part des annonceurs, conduisent ensuite une mise aux enchères entre les différents prix proposés par ces derniers, puis transmettent enfin l’enchère gagnante au serveur publicitaire.
Afin de pouvoir optimiser leurs revenus et maximiser leurs chances de vendre un espace publicitaire donné, les éditeurs mettent généralement en vente un même espace publicitaire via plusieurs plateformes de vente aux enchères simultanément. En revanche, les éditeurs utilisent généralement un unique serveur publicitaire pour organiser la compétition entre les différentes plateformes de mise en vente. L’interopérabilité d’un serveur publicitaire avec les plateformes de mise en vente détermine donc tant le revenu que tirent les éditeurs de leurs espaces publicitaires que l’attractivité des plateformes d’enchères.
Les pratiques mises en œuvre par Google pour favoriser ses propres technologies d’intermédiation publicitaire
Google a mis en œuvre deux pratiques distinctes par lesquelles son serveur publicitaire DFP a avantagé sa SSP AdX et, réciproquement, sa SSP AdX a favorisé son serveur publicitaire DFP.
Premièrement, le serveur publicitaire DFP a favorisé la plateforme de mise en vente AdX, en lui indiquant notamment le prix proposé par les plateformes SSP concurrentes. AdX a, de fait, utilisé cette information afin d’optimiser le processus d’enchères qu’il mettait en œuvre, notamment en faisant varier la commission perçue sur les impressions vendues en fonction de l’intensité concurrentielle.
Deuxièmement, Google a imposé des limitations techniques et contractuelles à l’utilisation de la plateforme AdX par l’intermédiaire d’un serveur publicitaire tiers. Les modalités d’interaction offertes aux clients des serveurs publicitaires tiers étaient, de ce fait, inférieures aux modalités d’interaction entre DFP et AdX, ce qui pénalisait à la fois les SSP tierces, mais aussi les clients éditeurs.
Google a sollicité de l’Autorité le bénéfice de la procédure de transaction, en application des dispositions du III de l’article L. 464-2 du code de commerce. La mise en œuvre de la procédure de transaction a donné lieu à l’établissement d’un procès-verbal de transaction, signé avec le rapporteur général, fixant le montant maximal et le montant minimal de la sanction pécuniaire qui pourrait être infligée par l’Autorité.
Lors des échanges avec le rapporteur général dans le cadre de la transaction, Google a par ailleurs soumis des engagements.
En premier lieu, Google a présenté plusieurs engagements qui visent à ce que Google offre aux SSP tierces une modalité d’interopérabilité avec le serveur DFP permettant une concurrence par les mérites entre AdX et les SSP tierces pour l’achat des inventaires des éditeurs utilisant DFP.
En deuxième lieu, Google s’est engagée à apporter des changements aux configurations existantes (AdX Direct et Élément de Campagne Invendu) qui permettent aux éditeurs utilisant des serveurs publicitaires tiers d’avoir accès à la demande AdX en temps réel.
L’Autorité, après avoir examiné l’ensemble des faits du dossier, a estimé qu’il y avait lieu de prononcer une sanction de 220 millions d’euros, ce montant étant compris dans les fourchettes figurant dans le procès-verbal de transaction.
L’Autorité a en outre considéré que les engagements proposés par Google étaient de nature à favoriser le retour à la conformité pour l’entreprise Google et à améliorer le fonctionnement concurrentiel du marché des serveurs publicitaires et des plateformes SSP. Elle les a donc rendus obligatoires pour une durée de trois ans à compter de la date de notification de la décision ou, le cas échéant, suivant leur mise en œuvre effective.
I. Les constatations
A. RAPPEL DE LA PROCEDURE
1. Par lettre enregistrée le 25 juin 2019 sous le numéro 19/0030 F, la société News Corp Inc. a saisi l’Autorité de la concurrence (ci-après « l’Autorité ») de pratiques mises en œuvre par les sociétés Google Inc., devenue Google LLC, Alphabet Inc., et l’ensemble des filiales d’Alphabet Inc (ci-après « Google »).
2. Par lettres enregistrées le 23 septembre 2019 sous les numéros 19/0056 F et 19/0057 F, les sociétés Groupe Figaro et Groupe Rossel La Voix ont également saisi l’Autorité de pratiques mises en œuvre par Google.
3. Selon les saisissantes, Google disposerait d’une position dominante sur le marché des serveurs publicitaires pour éditeurs et aurait mis en œuvre des pratiques abusives en favorisant systématiquement sa plateforme de mise en vente d’espaces publicitaires, au détriment tant des fournisseurs concurrents que du rendement de leurs inventaires publicitaires en ligne. De plus, Google se livrerait à une stratégie de prédation visant à renforcer cette position dominante et exploiterait son intégration verticale dans l’écosystème des technologies publicitaires pour dégager des marges supplémentaires. Les éditeurs et les annonceurs ne seraient pas en mesure de connaître le montant de ces marges supplémentaires qui seraient tenues confidentielles par Google.
4. Par décision du 26 septembre 2019, le rapporteur général adjoint de l’Autorité de la concurrence a décidé de procéder à la jonction de l’instruction de ces saisines, conformément à l’article R. 463-3 du code de commerce.
5. Les 1er et 19 octobre 2020, les services d’instruction ont adressé aux sociétés Alphabet Inc., Google LLC et Google Ireland Ltd une notification des griefs portant sur des pratiques prohibées au titre de l’article 102 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (ci-après, « TFUE ») et de l’article L. 420-2 du code de commerce.
6. Le 6 novembre 2020, la société Groupe Figaro s’est désistée de sa plainte. Par décision n° 20-C-05 du 23 novembre 2020, l’Autorité a donné acte à la société Groupe Figaro de son désistement.
7. Par un procès-verbal signé le 12 mars 2021, les sociétés Alphabet Inc., Google LLC et Google Ireland Ltd se sont engagées à ne pas contester les griefs qui leur ont été notifiés et ont proposé plusieurs engagements qui ont été annexés au procès-verbal de transaction.
8. Lors de la séance du 7 mai 2021, Google a confirmé solennellement son accord avec les termes de la transaction.
B. LE SECTEUR DE L’AFFICHAGE PUBLICITAIRE EN LIGNE
9. Les éditeurs de sites web ou d’applications mobiles sont susceptibles de monétiser leurs contenus ou services en insérant des espaces publicitaires sur leur site. C’est par exemple le cas de sites d’actualité tels que lequipe.fr, mais aussi de services de commerce en ligne tels que cdiscount.com, qui commercialisent des espaces publicitaires en plus de leurs produits ou services.
10. Ces espaces publicitaires peuvent principalement être distingués selon qu’ils sont liés à une recherche effectuée par l’internaute, ou non2. Les espaces publicitaires liés à une recherche sont ceux affichés sur les pages de résultats des moteurs de recherches, généralistes ou spécialisés3. Lorsque la publicité n’est pas liée à une recherche, on parlera d’affichage publicitaire (généralement dénommé publicité de type display par les acteurs du secteur).
11. La notion d’inventaire publicitaire désigne l’ensemble des espaces publicitaires disponibles à la vente à un moment donné, pour une période donnée, et pour un support publicitaire donné. Les inventaires publicitaires en ligne d’un site internet correspondent à la surface des espaces publicitaires de chaque page de ce site, multipliée par le nombre de fois où cette page est ouverte par les différents utilisateurs (internautes, utilisateurs de smartphones ou d’applications) et à chaque fois qu’une page du site est ouverte, une nouvelle surface d’affichage de publicité est possible4.
12. Seuls les affichages publicitaires, c’est-à-dire les inventaires non liés à une recherche, sont concernés par les pratiques faisant l’objet de la présente décision.
1. LA FOURNITURE D’ESPACES PUBLICITAIRES EN LIGNE NON LIES AUX RECHERCHES
a) Les formats et les supports publicitaires
13. Les affichages publicitaires en ligne peuvent se présenter sous une variété de formats, et être diffusés sur différents supports.
14. Pour désigner l’affichage d’une publicité donnée à un internaute on parlera ci-après, selon les termes usités dans le secteur, d’une « impression » publicitaire. Une page web incluant un espace publicitaire consultée par dix internautes génère ainsi dix impressions.
Les formats
15. Le Syndicat des Régies Internet (« SRI »)5 distingue les formats dits classiques, regroupant notamment :
- les bannières,
- les habillages de site,
- la vidéo, elle-même subdivisée en vidéo in-stream, c’est-à-dire vidéo insérée dans un contenu vidéo pré-existant, et vidéo out-stream, c’est-à-dire insérée dans un contenu non-vidéo,
- les formats spéciaux dont les formats natifs et l’audio.
16. Les principaux formats sont présentés de façon plus détaillée dans le tableau ci-après :
Format | Description | Exemples |
Bannières | Format publicitaire le plus courant. L’impression peut inclure des images et des animations. | Les bannières, pavés, et habillages de sites web. |
Natif | Format publicitaire intégré dans le contenu environnant, par exemple au sein d’un fil d’actualité ou sous la forme de recommandations. | Lien vers un produit sponsorisé apparaissant dans un fil Instagram. |
Vidéo out-stream | Format publicitaire vidéo dont la lecture s’effectue au sein du contenu environnant. | Publicité vidéo apparaissant au milieu d’un article sur le site web de L’Équipe. |
Vidéo in-stream | Format publicitaire vidéo apparaissant avant, pendant ou après la lecture d’un contenu vidéo. | Vidéo publicitaire de trente secondes diffusées avant la lecture d’un contenu sur l’application My Canal.
Vidéo publicitaire de six secondes diffusées au cours de la lecture d’un contenu sur Youtube. |
17. Sous l’impulsion d’associations sectorielles représentants les acteurs de la publicité en ligne telles que l’IAB (Interactive Advertising Bureau)6 ou la Coalition for Better Ads7, l’ensemble de ces formats tend vers une standardisation de plus en plus poussée, par exemple en matière de dimension des affichages. Ces standards visent tant à garantir une « expérience utilisateur » acceptable qu’à permettre une plus grande fluidité des relations entre éditeurs et annonceurs. Ce faisant, ils participent à la valorisation des espaces publicitaires en ligne.
18. De manière générale, les espaces publicitaires les plus exposés (typiquement le haut des pages web ou le cœur des articles) sont les plus visibles par les utilisateurs, et par conséquent les plus rémunérateurs pour les éditeurs. Les emplacements les moins exposés, par exemple en bas de page d’un site web, sont le plus souvent dédiés aux formats natifs ou aux recommandations de contenus, souvent perçus comme moins qualitatifs8.
Les supports
19. Le SRI distingue également les affichages publicitaires selon leur support de diffusion, en différenciant généralement la diffusion sur ordinateur, sur smartphone (« téléphone intelligent ») - elle-même scindée entre l’environnement web, c’est-à-dire via le navigateur installé sur le téléphone, et l’environnement applicatif, c’est-à-dire dans une application autre que le navigateur – et la télévision adressable, qui regroupe les téléviseurs intelligents, les box internet fournies par les opérateurs, et des supports comparables branchés sur un téléviseur, par exemple Roku, Amazon Fire TV Stick ou Apple TV.
20. Les formats offerts sur chacun de ces supports sont relativement identiques, mais il peut exister des différences marginales, par exemple concernant la dimension des affichages, ou la qualité des flux vidéo. Il existe également des différences en matière d’acceptabilité des formats : ainsi, le format interstitiel, qui bloque l’affichage du contenu pendant une durée limitée est considéré comme acceptable sur les téléphones intelligents, mais contraire aux recommandations de la Coalition for Better Ads pour les contenus sur ordinateur9.
b) Le ciblage publicitaire
21. Historiquement, l’affichage publicitaire était fonction du contenu du site ou de la page web de destination, afin qu’il y ait une adéquation entre le contenu de la page et la publicité, mais aussi entre l’audience du site et la population visée par l’annonceur. Ce type de publicité est qualifié de publicité contextuelle.
22. Progressivement, s’est développée la publicité dite personnalisée, c’est-à-dire affichée en fonction du profil de l’internaute consultant le site. Les données utilisées peuvent être démographiques, par exemple l’âge et le sexe de l’internaute, la catégorie socio- professionnelle, mais aussi relever des données comportementales, comme les sites consultés, la géolocalisation, ou les centres d’intérêt de l’internaute.
23. Des études menées par la société Google ont montré que, dans certaines circonstances, l’affichage de publicités personnalisées permet de doubler le revenu des éditeurs10.
24. L’évolution du cadre réglementaire, notamment avec l’entrée en vigueur du Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD)11, a conduit à préciser les conditions dans lesquelles les données personnelles des internautes pouvaient être collectées et utilisées. Un des points majeurs du cadre réglementaire européen, qui a été explicité par la suite par les autorités de protection des données12, est que la collecte et l’utilisation des données personnelles des internautes à des fins de ciblage publicitaire ne peut en principe se faire qu’avec leur consentement explicite. Ce consentement doit être obtenu pour chacune des sociétés impliquées dans l’utilisation des données personnelles. Il peut néanmoins être recueilli par un tiers, par exemple dans le cas où l’éditeur du contenu ferait appel à des services de sociétés extérieures pour l’affichage des publicités.
25. Afin d’utiliser des données personnelles pour afficher des publicités ciblées, quatre méthodes principales coexistent : les environnements enregistrés (parfois qualifiés d’environnements « loggués » ou « walled gardens »), les identifiants publicitaires, le fingerprinting (ou « prise d’empreintes numériques ») et les cookies (ou « traceurs »).
26. Dans le cas des environnements enregistrés (par exemple la connexion à un compte Facebook), un utilisateur s’identifie pour accéder à un service. Les données générées par l’utilisateur (ou inférées de son usage), pourront alors être utilisées pour cibler des contenus publicitaires, soit directement par le service en cause, soit en étant partagées avec des tiers. Le caractère actif du processus d’identification, de même que la réticence des internautes à s’identifier en ligne, limitent l’utilisation de cette méthode à une fraction des éditeurs de contenus numériques, à savoir ceux qui offrent les services aux internautes les plus attractifs et/ou dont les contenus sont consultés de manière relativement fréquente.
27. Dans le cas des cookies, l’identification active de l’internaute n’est pas nécessaire, puisque le site visité dépose sur le terminal utilisé un fichier de petite taille qui permettra de le reconnaître lors d’une prochaine visite, et donc d’accumuler progressivement des informations sur cet internaute. Ce cookie est réservé au site qui l’a déposé et ne peut pas être lu par un autre site. Cette méthode est spécifique aux environnements web.
28. À l’inverse, la méthode de fingerprinting est une technique probabiliste visant à identifier un utilisateur de façon unique, sur un site web ou une application mobile, en utilisant les caractéristiques techniques de son navigateur ou des données d’identification individuelles. Le matériel dont se sert l’utilisateur pour se connecter fournit un certain nombre d’informations au serveur, par exemple la taille de l’écran ou le système d’exploitation. Ces informations, si elles sont suffisamment nombreuses, peuvent permettre de distinguer les individus entre eux et de les suivre de manière similaire aux cookies.
29. Enfin, les identifiants publicitaires sont une méthode spécifique aux environnements applicatifs. Les terminaux mobiles disposent en effet d’un identifiant unique par terminal, appelé Android Advertising Identifier pour les terminaux Google Android et IDFA pour les terminaux iOS d’Apple, qui peut être utilisé par les applications à des fins de ciblage publicitaire.
c) Les modes de commercialisation des espaces publicitaires
30. Deux modes de commercialisation des espaces publicitaires en ligne coexistent : la vente directe et la vente programmatique.
31. La vente directe repose sur un accord conclu directement entre l’éditeur du site web, ou de l’application mobile, et l’annonceur, éventuellement représenté par une agence. Ces accords sont généralement basés sur des objectifs sur une période donnée, soit en nombre d’impressions, soit en pourcentage des impressions. Ils supposent de disposer d’équipes commerciales en relation avec les annonceurs ou leurs représentants, et ne peuvent donc se justifier que pour des volumes importants. Ils nécessitent, en outre, d’être en mesure de prévoir la quantité d’impressions publicitaires disponibles à la vente, alors que le nombre de visiteurs d’un site ou d’une application est par nature incertain. Ce mode de commercialisation est donc utilisé uniquement par des éditeurs de sites web ou d’applications mobiles qui disposent d’une audience importante, d’une image de marque particulière, ou qui attirent un public spécifiquement visé par les annonceurs.
32. Le Groupe Rossel, dont les ventes directes représentent une partie significative de ses revenus publicitaires en ligne, indique en ce sens : « Les ventes directes restent chez nous importantes en chiffre d'affaires, mais elles ont évolué. Nous en avions beaucoup dans le display classique, cela bascule vers le native advertising ou le brand content [les articles et contenus sponsorisés]. C'est du direct car nous devons travailler le contenu, sa diffusion. Il y a peu de programmatique dans ces catégories. Mais cela entraîne une diminution forte des marges car ces contenus coûtent cher à produire. Il s'agit d'une volonté de résister à la commoditisation en proposant des formats différents, plus travaillés. […] Nous réalisons beaucoup de ventes en direct, car nous avons une force commerciale importante qui nous permet d'être très proactif. Nous avons par ailleurs un chiffre d'affaire local très important, et le local est très direct. Dans le groupe, nous avons près de 400 commerciaux. C'est une charge importante, d'autant plus que trouver un bon commercial local à Troyes, Dunkerque est difficile »13.
33. La vente directe s’effectue généralement sur la base d’un coût fixe par impression, exprimé sur la base d’un coût pour mille (ci-après « CPM »). Les ventes directes sont généralement réalisées à un prix plus élevé que les ventes programmatiques, notamment car elles concernent typiquement les inventaires les plus attractifs. Les ventes directes sont également mieux valorisées pour un même inventaire, dans la mesure où elles permettent d’offrir aux annonceurs une prestation sur mesure, des exclusivités sur certains inventaires, une visibilité utile sur les volumes et les montants engagés, et ne génèrent pas ou peu de frais d’intermédiation. Le Figaro et Webedia indiquent ainsi qu’un même espace publicitaire vendu de manière programmatique génère un revenu inférieur de 30 à 60 % par rapport à une vente directe14.
34. Pour sa part, la vente programmatique regroupe un ensemble de processus automatisés visant à mettre en relation l’éditeur ayant un espace publicitaire à vendre et les annonceurs. La décision d’acheter, ou non, une impression donnée, est prise en « temps réel », sur le fondement d’informations non seulement relatives au contexte (par exemple la page web) dans lequel l’annonce sera affichée, mais également à l’internaute à qui cette annonce sera affichée. La chaîne de vente implique de ce fait un ou plusieurs fournisseurs de technologies d’intermédiation, qui organisent une mise en relation, pour chaque impression, en un temps très court, généralement moins d’une seconde.
35. Les ventes directes représentent une part importante des revenus publicitaires des principaux éditeurs (typiquement entre 30 et 75 %15). La part du programmatique, et en particulier des transactions selon des modalités dites d’enchères ouvertes ou d’enchères privées, tend néanmoins à s’accroître de façon significative sur la période récente16.
36. Depuis 2015, un mode de commercialisation hybride, dit de « Programmatique Garanti », se développe progressivement. Cette modalité reprend la logique commerciale des ventes directes, c’est-à-dire l’achat d’une quantité déterminée d’inventaires à un prix fixe, dans le cadre d’un accord entre l’annonceur et l’éditeur, mais permet de l’exécuter en utilisant les outils programmatiques, plutôt qu’en mettant en œuvre les processus manuels préexistants, ce qui permet d’améliorer l’efficacité des salariés en charge des activités publicitaires. Cette innovation a accéléré la bascule des ventes du direct vers le programmatique car les éditeurs la comptent généralement dans leurs ventes programmatiques.
2. LES TECHNOLOGIES PUBLICITAIRES POUR EDITEURS DE SITES WEB ET D’APPLICATIONS MOBILES
37. Afin de commercialiser leurs inventaires publicitaires en ligne auprès des annonceurs, les éditeurs utilisent des technologies de serveur publicitaire (a) et/ou différents types de plateformes d’intermédiation publicitaire (b).
38. Ces technologies interagissent dans un écosystème plus large qui peut être illustré par le schéma simplifié ci- dessous :
a) Les serveurs publicitaires pour éditeurs
39. Les serveurs publicitaires constituent la première couche technologique qui entre en jeu dans la sélection et la diffusion d’une publicité en ligne. Ils permettent aux éditeurs de gérer leurs inventaires publicitaires en évaluant leur disponibilité, en fonction de leurs propriétés historiques, et de sélectionner automatiquement les publicités disponibles les plus pertinentes et les plus rentables. Ainsi, les serveurs publicitaires pour éditeurs peuvent décider à la place de l’éditeur à quel annonceur vendre l’espace publicitaire. Ils se distinguent en cela des serveurs publicitaires pour annonceurs, qui ne sont pour leur part sollicités que postérieurement à l’achat de l’espace publicitaire par l’annonceur pour sélectionner la publicité à afficher, l’envoyer à l’internaute et assurer son suivi 17.
40. Les serveurs publicitaires pour éditeurs comprennent quatre fonctionnalités principales, à savoir :
- permettre la mise en place, la livraison et le suivi des campagnes publicitaires vendues directement aux annonceurs ;
- permettre la réalisation de ventes programmatiques ;
- décider de la publicité la plus rentable à afficher, en tenant compte tant des ventes directes que des ventes programmatiques, pour chaque impression ; et
- suivre les performances commerciales18.
41. Le serveur publicitaire arbitre entre les propositions faites par les annonceurs, pour une impression donnée, en fonction de la rémunération perçue et du coût d’opportunité associé à l’affichage d’une annonce donnée lorsque l’éditeur a pris des engagements sur des volumes d’impressions, c’est-à-dire généralement dans le cas des ventes directes.
42. Lorsqu’un internaute se connecte à un site web (étape 1 de la figure ci-dessous), son navigateur est renvoyé vers le serveur publicitaire de l’éditeur (étapes 2 et 3). Ce dernier sélectionne le type de contenu publicitaire à afficher pour chaque espace publicitaire présent sur la page, puis renvoie le navigateur soit directement vers le serveur publicitaire de l’annonceur ayant acheté l’espace publicitaire (étape 4, cas d’une vente directe), soit vers un intermédiaire qui sera chargé de la commercialisation de l’espace. Ce fonctionnement est similaire lorsqu’un utilisateur se connecte à une application mobile.
43. Afin de sélectionner leur solution de serveur publicitaire, les éditeurs élaborent typiquement un cahier des charges qu’ils adressent à une sélection de fournisseurs, les plus fréquemment cités par les éditeurs interrogés étant Google, et deux concurrents Xandr (antérieurement dénommé AppNexus) et Smart Adserver. Les critères de sélection mentionnés renvoient principalement à19 :
- l’accès à une demande la plus large possible ;
- la qualité technique de la solution proposée, notamment l’interface, les fonctionnalités et les formats compatibles ;
- la capacité d’investissement en recherche et développement du fournisseur ;
- la possibilité d’obtenir des développements spécifiques de la part du fournisseur ;
- la qualité du support technique et commercial.
44. De façon plus exceptionnelle, un éditeur peut choisir de développer sa propre solution de serveur publicitaire. Tel était par exemple le cas du groupe Webedia, qui a néanmoins indiqué que cette solution interne ne lui permettait plus de satisfaire aux critères ci-avant listés et qui a finalement opté pour la solution technologique de Google courant 201920. De fait, seuls les éditeurs les plus importants sont aujourd’hui en mesure d’opérer efficacement une solution technologique développée en interne (typiquement les réseaux sociaux tels que Facebook, LinkedIn, etc.). À cet égard, des éditeurs disposant pourtant de moyens significatifs ont indiqué qu’il n’était pour eux pas envisageable de développer une technologie interne capable d’apporter une réponse satisfaisante à leurs besoins21.
45. De manière générale, il peut être préférable pour un éditeur d’utiliser un unique serveur publicitaire pour gérer l’ensemble de ses inventaires. Cette uniformisation permet en effet :
- un comptage simplifié des campagnes vendues en direct ;
- une réduction du temps de formation des gestionnaires de campagne ;
- des tarifs plus favorables liés à l’augmentation des volumes d’impressions par serveur ;
- une simplification des développements techniques nécessaires.
46. Cependant, lorsqu’un serveur publicitaire dispose de qualités particulières pour une partie de l’inventaire ou, inversement, ne permet pas de gérer efficacement certains types d’inventaires, les éditeurs peuvent être incités à utiliser simultanément plusieurs serveurs publicitaires. Différentes configurations ont ainsi été évoquées par les éditeurs interrogés, notamment l’utilisation d’un serveur publicitaire principal, par exemple celui proposé par la société Xandr, couplé au serveur publicitaire de la société Smart Ad Server pour les inventaires des applications, ou bien de la société Google pour les inventaires vidéo.
47. L’intérêt de telles combinaisons diminue au fur et à mesure que les différences entre la qualité des prestations offertes par les différents fournisseurs s’estompent. Il existe ainsi une tendance à la réduction du nombre de serveurs publicitaires utilisés par les éditeurs interrogés22, tendance également observée dans une analyse interne transmise par Google23.
48. Il n’est pas fréquent qu’un éditeur change sa solution de serveur publicitaire24. En effet, le changement de serveur publicitaire représente un coût de transfert (« switching cost ») et des risques importants pour les éditeurs. Outre les ressources en gestion qu’exige un tel projet, l’importance de la durée de la période de transition, les développements et les ressources opérationnelles requis et le besoin de former ses équipes à une technologie nouvelle représentent une difficulté non négligeable. Au vu de ces différents éléments, un changement de serveur publicitaire est susceptible d’engendrer des pertes de revenus significatives à court terme. Un éditeur important a ainsi indiqué avoir perdu plusieurs millions d’euros de revenus dans les mois qui ont suivi sa transition vers une nouvelle solution de serveur publicitaire25.
49. L’utilisation de la plupart des serveurs publicitaires est facturée aux éditeurs sur la base d’un montant fixe appliqué à chaque impression servie, qui peut dépendre, le cas échéant, du format de l’impression et de l’activation de certaines fonctionnalités. Certains fournisseurs sont néanmoins susceptibles de proposer une tarification sur licence, c’est-à-dire un montant fixe et récurrent, appliqué indépendamment du nombre d’impressions servies. Des fournisseurs peuvent également offrir leur serveur publicitaire gratuitement, à tout le moins pour un nombre limité d’impressions, ou à un prix avantageux dans le cadre d’une offre globale comprenant d’autres services, tels que des services d’analyse de données ou des services d’intermédiation.
b) Les intermédiaires publicitaires côté offre
50. Pour des raisons historiques, il existe différents types de technologies d’intermédiation publicitaire permettant aux éditeurs d’entrer en relation avec les annonceurs (ou acheteurs) de façon programmatique. Au fur et à mesure de l’évolution du secteur, les différences – en particulier fonctionnelles – entre ces technologies ont progressivement disparu. Ainsi, certaines technologies historiquement distinctes se recouvrent désormais largement quant aux fonctionnalités qu’elles offrent, de sorte que les éditeurs utilisent ces différentes technologies de manière substituable lorsqu’ils commercialisent leurs inventaires publicitaires en ligne.
51. L’ensemble de ces technologies peut être utilisé en lien, ou non, avec un serveur publicitaire. Toutefois, dans la mesure où un unique intermédiaire n’est généralement pas capable de commercialiser l’ensemble des impressions d’un éditeur, les éditeurs sont fortement incités à utiliser ces intermédiaires en lien avec un serveur publicitaire, afin d’optimiser le taux de remplissage de leur inventaire et, partant, les revenus qu’ils en retirent. De plus, la mise en concurrence de plusieurs intermédiaires permet de maximiser le rendement de l’inventaire. Par ailleurs, les fonctionnalités de suivi des performances commerciales offertes par les serveurs publicitaires sont indispensables aux principaux éditeurs. L’utilisation de technologies d’intermédiation sans serveur publicitaire est ainsi limitée aux éditeurs ayant des revenus publicitaires faibles.
Les réseaux publicitaires
52. Les premiers intermédiaires historiques ont été les réseaux publicitaires, dont le modèle consiste à regrouper les espaces disponibles sur les sites de plusieurs éditeurs, souvent en fonction de critères tels que leur exposition ou le thème des sites internet, et à les commercialiser auprès des annonceurs, en rémunérant les éditeurs à un prix fixe.
53. Pour les plus petits éditeurs, c’est-à-dire principalement ceux qui ne disposent pas de relation directe avec les annonceurs (et ne sont souvent pas équipés d’un serveur publicitaire), les réseaux publicitaires constituent une solution particulièrement adaptée. En revanche, et à mesure du développement d’autres technologies d’intermédiation offrant des options de contrôle plus étendues (notamment relatives au contenu des campagnes affichées), leur pertinence s’est progressivement dégradée, notamment pour les éditeurs plus importants26 . Le groupe News Corp a par exemple indiqué que l’utilisation de ce type d’intermédiaires n’était pas envisageable pour ses principaux sites internet27.
54. La plupart des réseaux publicitaires ont aujourd’hui changé de modèle ou disparu28. Il n’existe cependant pas de définition consensuelle des réseaux publicitaires29 et le terme est parfois encore utilisé pour désigner certains acteurs, notamment ceux offrant un contrôle limité aux éditeurs sur leurs inventaires. Ainsi, les services AdSense et AdMob de Google sont généralement qualifiés de réseaux publicitaires, et continuent d’être largement utilisés. AdSense est constitué de deux services, AdSense for Content (AFC) et AdSense for Search (AFS). AFC permet aux éditeurs de diffuser des annonces sur les pages de contenu des sites, tandis qu’AFS leur permet d’utiliser sur leur site un moteur de recherche qui envoie également les mots clés à Google afin d’afficher des annonces pertinentes sur les pages de résultats de l’éditeur. AdMob est la plateforme publicitaire de Google qui permet de diffuser des annonces publicitaires dans les applications mobiles.
Les plateformes de mise en vente d’espaces publicitaires, dites « SSP »
55. Apparues postérieurement aux réseaux publicitaires, les plateformes de mise en vente d’espaces publicitaires (ci-après « SSP » pour Supply Side Platform) sont aujourd’hui les intermédiaires privilégiés par les éditeurs les plus importants.
56. Il est précisé que les SSP étaient initialement connectées aux annonceurs par l’intermédiaire de places de marchés, ou ad exchanges, elles-mêmes connectées à des plateformes d’achat d’espaces publicitaires ou plateformes côté demande (voir les paragraphes 62 et suivants). Toutefois, le développement de relations directes entre DSP et SSP, et l’organisation d’enchères par les SSP elles-mêmes, ont remis en cause la distinction entre les deux types d’acteurs, de sorte qu’il n’existe aujourd’hui, pour les éditeurs, pas de différences pratiques entre les SSP et les places de marchés. La société Verizon Media indique en ce sens que « il n'est pas nécessaire de distinguer le service offert par les SSPs de ceux offerts par les AdExchanges. Ces deux plateformes reposent sur les mêmes technologies ou des technologies similaires et ces termes sont de plus en plus utilisés de manière interchangeable pour faire référence au même produit. De ce fait, SSP et AdExchange sont effectivement susceptibles de répondre aux mêmes besoins en particulier du point de vue des éditeurs. En ce qui nous concerne, ces deux termes font référence aux mêmes produits/technologies, mais nous les appelons « Supply Side Plateforms » auprès des éditeurs, et « exchanges » auprès des acheteurs »30. Par la suite, le terme SSP désignera indifféremment SSP et ad exchanges.
57. Contrairement aux réseaux publicitaires historiques, les SSP organisent une vente aux enchères pour chaque impression disponible, et n’offrent donc pas de rémunération fixe à l’éditeur. Ces plateformes offrent également aux éditeurs des services supplémentaires, dont notamment un contrôle plus important sur le contenu des campagnes diffusées, ce qui leur permet par exemple de mieux protéger leur propre image de marque. Pour chaque impression, le serveur publicitaire d’un éditeur adressera le plus souvent une demande d’offre à plusieurs SSP (typiquement de l’ordre de la dizaine) et retiendra la meilleure offre que ces différentes SSP sont en mesure de lui soumettre.
58. La plupart des SSP offrent principalement trois modes de transaction différents aux éditeurs, à savoir les enchères ouvertes, les enchères privées, et les accords préférés. Ces modes de transaction sont présentés dans le tableau ci-après :
Enchère ouverte | Transactions fondées sur des enchères et concernant l'inventaire disponible pour tous les acheteurs. |
Enchère privée | Transactions fondées sur des enchères et concernant un ou plusieurs acheteurs spécifiques qui ont été ajoutés à une liste blanche par une entreprise. |
Accord préféré | Transactions négociées par les éditeurs avec un ou plusieurs acheteurs spécifiques. Préalables à la mise aux enchères, elles sont fondées sur un prix fixe. |
59. Ainsi qu’indiqué supra, depuis 2015, plusieurs fournisseurs ont progressivement introduit un nouveau mode de transaction, dit de « Programmatique Garanti », qui vise à proposer aux éditeurs une alternative à leurs habituelles ventes directes. Les transactions reposant sur le programmatique garanti concernent ainsi un inventaire avec engagement préalable qui a été négocié avec un seul acheteur sur la base d’un prix fixe.
60. Une même impression peut être proposée par plusieurs modes de transaction. En principe, les modes de transaction basés sur un prix fixe sont alors prioritaires par rapport aux enchères, et parmi ces dernières, les enchères privées sont prioritaires par rapport aux enchères ouvertes.
61. De manière générale, et quel que soit le mode de transaction utilisé, le modèle économique des SSP repose typiquement sur le prélèvement de frais correspondant à un pourcentage du montant de la transaction réalisée. Ce pourcentage est déterminé dans le cadre d’une négociation commerciale entre l’éditeur et le fournisseur de la plateforme, et est le plus souvent compris entre 5 et 25 % du montant de la transaction, là où les réseaux publicitaires conservent généralement entre 25 et 50 % du montant de la transaction31. Les SSP peuvent par ailleurs être offertes aux éditeurs comme des produits autonomes, mais également offertes de manière groupée avec des serveurs publicitaires, par des sociétés verticalement intégrées telles que Google, Xandr ou Smart Adserver.
3. LES PLATEFORMES D’ACHAT D’ESPACES PUBLICITAIRES, DITES « DSP »
62. Afin de réaliser des achats de manière programmatique, les annonceurs ou leurs agences utilisent pour leur part leurs propres technologies d’intermédiation publicitaire, dites « côté demande ». Ces plateformes permettent notamment la participation aux enchères organisées par les SSP, mais aussi, dans certains cas, l’achat auprès de réseaux publicitaires, ainsi que l’achat d’inventaires au sein d’écosystèmes fermés tels que Facebook, Twitter ou Youtube.
63. Les modalités de gestion des enchères des DSP par les annonceurs varient dans un large spectre avec, à une extrémité, des services optimisant les stratégies d’enchères grâce à des algorithmes avancés, mais totalement opaques pour l’annonceur, et, à l’autre, un contrôle quasi-total de l’annonceur sur le montant des enchères. À cet égard, certaines DSP proposent aux annonceurs de fournir eux-mêmes l’algorithme évaluant le montant de l’offre à formuler.
64. Les DSP sont par ailleurs susceptibles de proposer des modalités de ciblage variées aux annonceurs, par exemple d’une catégorie d’utilisateurs en fonction de caractéristiques socio- démographiques, mais aussi de centres d’intérêts, ou de similitudes avec un groupe donné. Elles peuvent également proposer aux annonceurs de choisir un objectif pour leur campagne publicitaire, par exemple la maximisation des visites d’un site, ou des ventes d’un produit, la DSP se chargeant de poursuivre cet objectif par des techniques statistiques avancées.
65. Le modèle économique des DSP dépend du service fourni à l’utilisateur. Lorsque l’annonceur exerce un contrôle fin sur la stratégie de la DSP, cette dernière conserve en général un pourcentage, précisé contractuellement, souvent variable en fonction des fonctionnalités utilisées. A l’inverse, les DSP offrant des services d’optimisation avancés conserveront une part des dépenses variable et souvent non précisée contractuellement, car variable selon les impressions, mais généralement plus importante. La Competition and Markets Authority (« CMA ») indique que les frais des DSP sont le plus généralement compris entre 5 et 42 %, la moyenne se situant à environ 14 %32.
66. Enfin, la DSP peut facturer l’annonceur ou son agence selon des modalités variées, par exemple en facturant chaque clic d’un internaute sur une annonce. Les éditeurs étant le plus souvent rémunérés au nombre de publicités affichées, la DSP devra prédire la probabilité que l’internaute clique pour convertir le coût par clic qui sera facturé à l’annonceur en coût par impression à payer à l’éditeur.
C. LES ENTREPRISES CONCERNÉES
1. LES SOCIETES NEWS CORP, GROUPE FIGARO, ET GROUPE ROSSEL
67. News Corp, Groupe Figaro et Groupe Rossel sont des sociétés spécialisées dans la création, l’édition et la diffusion de contenus à destination des individus et des professionnels, principalement liés aux actualités et aux informations.
68. Le modèle économique de ces sociétés repose sur une combinaison de revenus issus des abonnements, des droits de licence, de la fourniture de différents services, et de la vente d’espaces publicitaires, tant sur les versions papier que sur les versions numériques de leurs contenus. Dans le cadre de leur activité de fourniture d’espaces publicitaires en ligne, ces sociétés sont d’importantes utilisatrices de serveurs publicitaires et de plateformes de mise en vente d’espaces publicitaires.
69. Au cours des dernières années, le développement des usages numériques a conduit à une forte diminution des revenus générés par la publicité imprimée. Selon l’Institut de Recherche et d’Études Publicitaires, le marché de la publicité presse écrite en France a en effet diminué entre 2011 et 2018 pour passer de de 3,495 milliards d’euros de chiffre d’affaires33 à 2,172 milliards d’euros34. Cette diminution s’est accompagnée d’une augmentation importante des revenus générés par la publicité en ligne, qui n’a toutefois pas permis de compenser le recul de la publicité imprimée. Les revenus numériques totaux des médias télévisés, radiophoniques et presses liées à la publicité en ligne représentaient ainsi un total de 396 millions d’euros35 en 2018. Dans l’Union Européenne, les revenus publicitaires papier des journaux et magazines ont diminué de 30 milliards d’euros en 2011 à 21 milliards d’euros en 201636 selon l’observatoire européen de l’audiovisuel37.
La société News Corp
70. News Corp est un groupe diversifié de sociétés de media et de services essentiellement présentes et actives aux États-Unis, en Australie et au Royaume-Uni.
71. Les services d’actualité et d’information de News Corp comprennent ses filiales Dow Jones, qui édite notamment The Wall Street Journal, Barron’s et Dow Jones Risk & Compliance, News UK, qui édite notamment The Times, The Sunday Times et The Sun, News Corp Australia, qui édite notamment The Australian, The Daily Telegraph, et The Herald Sun, et NYP Holdings, qui édite notamment le New York Post, et News America Marketing. L’ensemble de ces publications est édité en version papier, mais également dans une version numérique accessible sur le web ou via une application mobile dédiée.
72. Dans le courant de l’année fiscale se terminant au 30 juin 2018, News Corp a réalisé un chiffre d’affaires d’environ 7 570 000 000 euros. En 2018, News Corp a réalisé un chiffre d’affaires d’environ […] via la fourniture d’espaces publicitaires en ligne comprenant elle- même […] de ventes programmatiques (soit environ [30 – 40] %).38
La société Groupe Figaro
73. Groupe Figaro est un groupe diversifié de sociétés de media et de services essentiellement présentes et actives en France.
74. Les services d’actualité et d’information de Groupe Figaro sont édités par sa filiale Société du Figaro et comprennent notamment Le Figaro et Madame Figaro. Ces publications sont éditées en version papier, mais également dans une version numérique accessible sur le web ou via une application mobile dédiée.
75. De plus Groupe Figaro propose d’autres types de services en ligne qui comprennent ses filiales Figaro Classified, qui édite notamment les sites web cadreemploi.fr, keljob.com, et viadeo.fr, CCM Benchmark, qui édite notamment les sites web commentcamarche.net, linternaute.com, journaldunet.com, Meteo Consult, qui édite notamment le site web et l’application mobile La Chaîne météo, et Ticketac, qui édite le site web ticketac.com39.
76. Depuis fin 2015, l’ensemble des espaces publicitaires proposés sur ces sites et applications mobiles est commercialisés par la régie publicitaire Media.Figaro.
77. En 2018, Groupe Figaro a réalisé un chiffre d’affaires d’environ 590 600 000 euros, dont environ […] via la fourniture d’espaces publicitaires en ligne40.
La société Groupe Rossel
78. Le Groupe Rossel est un groupe de sociétés média et de services essentiellement présentes et actives en Belgique, en France et au Luxembourg.
79. Les services d’actualité et d’information de Groupe Rossel comprennent ses filiales Rossel & Cie, qui édite notamment Le Soir, Groupe SudPresse, qui édite notamment La Meuse, La Nouvelle Gazette et La Capitale, Groupe VLAN, qui édite notamment Vlan, 7Dimanche et Le Sillon Belge, et Groupe Rossel La Voix, qui édite notamment La Voix du Nord, Le Courrier picard, Nord éclair, et L’Union – L’Ardennais. L’ensemble de ces publications est édité en version papier, mais également dans une version numérique accessible sur le web ou via une application mobile dédiée.
80. De plus, Groupe Rossel propose des services exclusivement en ligne notamment à travers sa filiale Net Events Media, qui édite les sites web et applications mobiles Cinénews et Rendez-Vous41.
81. Les inventaires publicitaires proposés sur ces sites et applications mobiles sont commercialisés par différentes régies publicitaires dont la plupart sont contrôlées par le Groupe. Les inventaires des titres de presse quotidienne régionale français sont néanmoins gérés par une régie nationale commune, dénommée « 366 », et les inventaires au format vidéo par la régie externe IP RTL42.
82. En 2018, le Groupe Rossel a réalisé un chiffre d’affaires de 496 435 528 euros.
2. LA SOCIETE GOOGLE
83. Google est une entreprise multinationale spécialisée dans les services et produits liés à l’Internet, tels que les technologies de recherche en ligne, de logiciel et matériel, d’informatique en nuage (« cloud ») ou de publicité en ligne. Elle offre ces différents services à l’échelle mondiale, à l’exclusion de certains territoires, comme par exemple la Chine.
84. En août 2015, Google a annoncé son intention de réorganiser la structure de son groupe en créant Alphabet, une nouvelle société de tête de groupe. Le 2 octobre 2015, Google est effectivement devenue une filiale contrôlée par Alphabet.
85. Le 30 septembre 2017, Google a modifié sa forme juridique afin de devenir une société à responsabilité limitée (Google Inc. devenant Google LLC.). Dans le même temps, une nouvelle filiale d’Alphabet, XXVI Holdings Inc., a pris le contrôle de Google.
86. Le modèle économique de Google repose principalement sur l’interaction entre des services fournis sans contrepartie financière, mais qui lui permettent de collecter des données personnelles des utilisateurs, et la fourniture de technologies de publicité en ligne. En outre, Google est elle-même active sur le marché de la publicité en ligne, où elle commercialise ses propres inventaires publicitaires. À cet égard la principale source de revenus de Google est la vente des espaces publicitaires qu’elle contrôle, notamment sur les pages de résultats du moteur de recherche Google, le site d’hébergement de vidéo Youtube et le service de cartographie Google Maps.
87. Google offre de nombreuses technologies permettant de proposer des services sur les différents segments de la publicité en ligne, dont des gammes complètes de services à destination tant des éditeurs que des annonceurs. Ces gammes de services ont été en partie constituées au travers de plusieurs acquisitions, dont celles des sociétés DoubleClick en 200843, Admob en 2009, Invite Media en 2010, et AdMeld en 2011.
88. Les principales technologies pour la publicité en ligne offertes par Google aux éditeurs sont le serveur publicitaire DoubleClick for Publishers (« DFP ») et la plateforme de mise en vente d’espaces publicitaires DoubleClick Ad Exchange («AdX »). Google commercialise également les plateformes AdSense et AdMob, cette dernière offrant des fonctionnalités limitées de serveur publicitaire pour les environnements mobile applicatif.
89. En juin 2018, Google a intégré DFP et AdX sous la dénomination Google Ad Manager (« GAM »), qui constitue l’offre de serveur et plateforme destinée aux éditeurs. Elle précise que « (b)ien que ces fonctionnalités soient désormais disponibles sur une même interface, les éditeurs peuvent choisir d'utiliser les fonctionnalités de serveur publicitaire ou d'ad exchange séparément » , et ajoute que ces deux services « fonctionnent parfaitement ensemble car ils partagent la même infrastructure technique (ce qui signifie qu’ils offrent des temps de latence réduits) ; de plus l’interface utilisateur ainsi que les outils de reporting ont été conçus sur le même format et le même design » 44. Vis-à-vis des acheteurs d’inventaires, AdX a été renommé Authorized Buyers et se présente comme une offre distincte de GAM.
90. DFP est un serveur qui permet à un éditeur de programmer et de contrôler la publicité qui apparaîtra sur ses sites. L’éditeur identifie ses pages avec des balises DFP, là où il souhaite afficher du contenu publicitaire, et l’interface DFP lui permet de décider quelle publicité apparaîtra, à quel endroit, à quel moment et combien d’impressions seront affichées. À la différence d’AdSense, dont le service publicitaire permet d’ouvrir son inventaire à un grand nombre d’acheteurs et de le vendre en temps réel au meilleur offrant, DFP permet à un éditeur de négocier directement la vente d’impressions à une agence ou un annonceur, et de programmer les campagnes correspondantes. Pour optimiser la mise en relation de l'offre et de la demande de publicité en ligne, des places de marché telles que AdX ont été créées. Plutôt que de réserver un volume d'inventaire à certains acheteurs, à un prix fixe, un éditeur peut aussi le mettre en vente sur Adx. Sur cette place de marché sont connectés des centaines d'acheteurs, qui ont la possibilité d’enchérir pour obtenir le droit de diffuser leur publicité sur les impressions qui les intéressent.
91. DFP est un serveur publicitaire pour éditeurs omni-formats et multi-supports, dont le modèle économique se partage entre l’offre DFP Small business et l’offre DFP Premium. La première est gratuite, mais limitée tant dans ses fonctionnalités que dans le nombre de publicités servies chaque mois45. La seconde est facturée aux éditeurs à des taux généralement dégressifs en fonction du nombre de publicités affichées et qui varient selon le format des publicités (vidéos, bannières, formats enrichis notamment). Un coût fixe additionnel est parfois également appliqué, comme par exemple lorsque l’éditeur utilise la fonctionnalité de gestion d’audience, qui lui permet de segmenter les visiteurs et d’afficher des campagnes vendues en direct à un segment spécifique. Les frais de serveur publicitaire sont néanmoins susceptibles d’être offerts pour les impressions servies via AdX, lorsque l’éditeur a souscrit à une offre couplant DFP et AdX.
92. Pour sa part le modèle économique d’AdX repose sur le prélèvement d’une commission d’environ 20 % sur les revenus versés aux éditeurs. Cette commission porte sur la moyenne des impressions servies, bien qu’elle soit susceptible d’être modulée pour une impression donnée dans le cadre d’une fonctionnalité dite de « part de revenu dynamique » qui est activée par défaut dans DFP (voir développement ci-après aux paragraphes 182 et suivants).
93. Google propose également un ensemble de technologies publicitaires à destination des annonceurs, dont les plateformes d’achat d’espaces publicitaires (DSP) DV360 (anciennement DoubleClick Bid Manager, « DBM ») et Google Ads (anciennement Google AdWords), ainsi que le serveur publicitaire DoubleClick Campaign Manager (désormais Campaign Manager). Ces produits sont aujourd’hui intégrés sous la dénomination Google Marketing Platform mais, comme pour l’offre côté éditeur, les annonceurs demeurent en mesure d’acheter et d’utiliser les fonctionnalités de serveur et d’intermédiation séparément.
94. En 2018 Alphabet a réalisé un chiffre d’affaires mondial de 115 968 000 000 €, dont [0 – 500] millions d’euros via la fourniture de services de serveur publicitaire aux éditeurs46 et [10 – 20] milliards d’euros via la fourniture de services d’intermédiation aux éditeurs47 (dont [1 – 5] milliards d’euros après partage des revenus avec les éditeurs). Via la seule plateforme AdX, Google a réalisé dans le monde un chiffre d’affaires de [5 – 10] milliards d’euros en 2018 (dont [1 – 5] milliards d’euros après partage des revenus avec les éditeurs)48. Le chiffre d’affaires réalisé dans l’EEE via la fourniture de services de serveur publicitaire aux éditeurs était pour sa part d’au moins [0 – 500] millions d’euros 49 et d’au moins [1 – 5] milliards d’euros 50 via la fourniture de services d’intermédiation aux éditeurs (dont [500 – 1000] millions d’euros après partage des revenus avec les éditeurs). Via la seule plateforme AdX, Google a réalisé dans l’EEE un chiffre d’affaires de [1 – 5] milliards d’euros en 2018 (dont [0 – 500] millions d’euros après partage des revenus avec les éditeurs)51.
D. LES PRATIQUES CONSTATEES
95. L’Autorité constate que Google a mis en œuvre des pratiques visant à ce que son serveur publicitaire DFP favorise sa plateforme de mise en vente d’espaces publicitaires AdX, au détriment tant des fournisseurs concurrents que du rendement des inventaires publicitaires en ligne des éditeurs. L’Autorité constate également que Google a mis en œuvre des pratiques visant à ce que sa plateforme AdX favorise son serveur DFP.
96. Après avoir présenté les différentes modalités d’interopérabilité possibles entre DFP et les plateformes d’intermédiation (1), seront détaillés les avantages dont bénéficie AdX pour l’achat des inventaires des utilisateurs de DFP (2), puis seront exposées les conditions d’interopérabilité d’AdX avec les serveurs publicitaires autres que DFP (3).
1. LES MODALITES D’INTEROPERABILITE ENTRE LES PLATEFORMES D’INTERMEDIATION ET LE SERVEUR PUBLICITAIRE DFP
97. Il existe différentes modalités d’interopérabilité entre DFP et un réseau publicitaire ou une SSP. Selon les inventaires, DFP pourra adresser une demande d’enchère à ces intermédiaires selon des modalités différentes, voire – et c’est le plus souvent le cas s’agissant des inventaires des éditeurs les plus importants – selon plusieurs modalités simultanément.
La cascade publicitaire ou « médiation »
98. Jusqu’au début des années 2010, les éditeurs commercialisaient l’essentiel de leurs inventaires publicitaires en ligne via des ventes directes ou des réseaux publicitaires, ces derniers étant progressivement remplacés par des SSP.
99. Ces intermédiaires interagissaient avec le serveur publicitaire par le biais d’instructions appelées « tags publicitaires ». Ces instructions étaient envoyées par le serveur publicitaire de l’éditeur au navigateur de l’internaute, afin que ce dernier se connecte au serveur de l’intermédiaire. Il n’existait ainsi aucun lien direct entre le serveur publicitaire et le serveur de l’annonceur. Ce type d’intégration est également qualifié de « médiation ».
100. Afin d’articuler leurs ventes directes et intermédiées et de maximiser le rendement de leurs inventaires, les éditeurs ont alors configuré au sein de leur serveur respectif un processus en « cascade ». Dans le cadre de ce processus, le serveur priorise dans un premier temps les impressions vendues en direct – que l’on qualifie ainsi d’« éléments de campagne garantis »– de sorte que l’éditeur respecte son engagement contractuel. En l’absence d’élément de campagne garanti éligible, le serveur renvoie successivement le navigateur de l’internaute vers les intermédiaires utilisés par l’éditeur, et ce jusqu’à ce que l’un des intermédiaires décide d’acheter l’impression. Ce processus est décrit sur la figure ci-dessous, avec appel successif des SSP1, SSP2 et SSP3 par le serveur publicitaire. Dans cet exemple, la SSP de Google est appelée en troisième position, uniquement si les SSP1 et SSP2 n’ont pas proposé de prix d’achat.
101. L’absence de contrainte sur le prix que paie un intermédiaire pour une impression est compensée d’une part, par la rémunération de ce dernier en pourcentage des revenus de l’éditeur, et d’autre part, par le risque d’être reculé dans l’ordre de la cascade (voir paragraphe 102). L’ordre dans lequel les différents intermédiaires sont contactés détermine tant les impressions commercialisables par chaque intermédiaire que le rendement que l’éditeur tirera de ses inventaires52.
102. En pratique, les éditeurs déterminaient cet ordre en fonction du revenu attendu de la part des intermédiaires. Dans le cas de réseaux publicitaires achetant les impressions à un prix fixe, ce revenu attendu correspond au prix contractuel des impressions, alors que dans le cas des SSP, les éditeurs utilisent une estimation de la performance historique moyenne de chaque SSP pour l’emplacement considéré (par exemple en divisant le total des revenus générés par une SSP donnée, net de la commission de cette SSP, par le nombre total d’impressions vendues à cette SSP, sur une période récente). Les éditeurs pouvaient réévaluer régulièrement cette performance historique des SSP et ajuster l’ordonnancement de leur cascade en conséquence.
103. De fait, ce processus en cascade était peu efficace et pouvait exposer les éditeurs à des manques à gagner. En particulier, il était possible qu’un intermédiaire soit appelé en premier et remporte une impression sur la base de sa performance historique, alors même qu’un autre, en aval de la cascade, aurait été en mesure d’offrir un prix plus élevé pour cette impression53. La nécessité de proposer l’impression séquentiellement aux différents intermédiaires en redirigeant le navigateur de l’internaute vers chaque intermédiaire, entraînait en outre un ralentissement du temps de chargement des sites web ou des applications mobiles (on parle alors d’augmentation de la « latence »), ce qui, d’une part, nuisait à l’expérience de l’utilisateur, et, d’autre part, induisait des pertes d’impressions54.
104. Si la cascade publicitaire existe toujours aujourd’hui, et reste en particulier, pour des raisons techniques, courante pour les inventaires vidéo ou les environnements applicatifs son utilisation pour l’affichage des bannières dans un environnement web est devenue marginale, en raison du développement de modes d’allocation des impressions plus efficaces.
Les fonctionnalités d’allocation dynamique et d’allocation dynamique améliorée
105. À une date indéterminée, mais antérieure selon les déclarations de Google à son acquisition de la société Doubleclick en 2008, une fonctionnalité dénommée « allocation dynamique » a été introduite au sein de DFP. L’introduction de cette fonctionnalité visait à répondre à certaines des inefficiences de la cascade publicitaire, en permettant aux éditeurs de solliciter une offre en « temps réel » (c’est-à-dire pour chaque impression) de la plateforme Doubleclick AdExchange (AdX). Un utilisateur de DFP ne peut interagir avec AdX qu’à la condition d’activer la fonctionnalité d’allocation dynamique55. Aucun autre fournisseur concurrent n’offrait une fonctionnalité similaire à l’allocation dynamique, lorsque que Google a racheté la société Doubleclick en 2008.
106. Dans le cadre de la fonctionnalité d’allocation dynamique, l’éditeur paramètre au sein de DFP, pour chaque unité publicitaire56, à la fois un prix plancher qu’AdX devra battre pour pouvoir acheter l’impression et un ensemble d’« éléments de campagnes non garantis », cette dernière notion visant des intermédiaires programmatiques, dont les réseaux publicitaires et les SSP, pouvant potentiellement commercialiser cette impression. Pour chaque intermédiaire autre qu’AdX, l’éditeur renseigne un revenu attendu par impression, que Google recommande de calculer en utilisant les performances historiques de l’intermédiaire. Il n’est en revanche pas utile de renseigner un revenu attendu pour AdX, car celle-ci organise une enchère pour chaque impression, en tenant compte des données relatives à l’internaute qui visite la page web ou l’application mobile, et ce avant que les autres SSP puissent être contactées. L’éditeur peut également renseigner d’autres conditions d’éligibilité des différents intermédiaires pour commercialiser une impression donnée (par exemple des plages horaires spécifiques).57
107. La façon dont l’allocation dynamique permet de commercialiser une impression est ainsi séquencée en plusieurs étapes58 :
- dans un premier temps, DFP détermine si l’inventaire est susceptible d’être rempli par un élément de campagne garanti. Dans l’affirmative, la fonctionnalité d’allocation dynamique ne se déclenche pas (seules les étapes 1 et 2 de la figure ci-dessous interviennent) ;
- dans la négative, DFP détermine un prix plancher à battre pour l’enchère AdX, en calculant le maximum entre le prix plancher configuré par l’éditeur, et le revenu attendu du meilleur « élément de campagne non garanti » éligible renseigné par l’éditeur (étape 3) ;
- AdX organise ensuite une enchère, en communiquant ce prix plancher aux acheteurs ;
- si AdX reçoit au moins une offre supérieure à ce prix plancher, la meilleure offre reçue remporte l’impression, mais l’acheteur ne doit payer que le prix de la seconde meilleure offre reçue par AdX (ou le prix plancher en l’absence de seconde offre supérieure au plancher), plus une somme très faible (le processus s’arrête à l’étape 3) ;
- si AdX ne reçoit aucune offre supérieure à ce prix plancher, DFP renvoie le navigateur de l’internaute vers les intermédiaires éligibles, dans l’ordre décroissant de revenu attendu par l’éditeur (étapes 4 et 5 dans le cas d’un exemple avec deux SSP appelées après AdX).
108. Le schéma suivant résume le fonctionnement de l’allocation dynamique lorsqu’AdX remporte l’impression :
109. L’allocation dynamique permet ainsi aux éditeurs d’obtenir en « temps réel » d’AdX une offre supérieure à leur propre estimation du revenu qu’une impression donnée est susceptible de générer ou du prix fixe négocié avec leurs autres partenaires. Partant, cette innovation représente une amélioration de la cascade publicitaire pré-existante, puisqu’elle permet d’éviter la situation décrite au paragraphe 103, mais uniquement dans le cas où la plateforme pouvant obtenir le meilleur prix pour l’impression est AdX, qui dispose désormais, au moment d’organiser son enchère, du prix de vente estimé du meilleur partenaire tiers.
110. Par la suite, plusieurs fournisseurs proposant à la fois un serveur publicitaire pour éditeurs et une SSP ont introduit des fonctionnalités similaires à l’allocation dynamique, dont notamment Xandr, qui a précisé dans une audition que cette intégration se fait selon un principe de concurrence loyale59. Selon Xandr, ce terme renvoie au fait que les acheteurs présents sur la SSP de Xandr ne reçoivent pas d’information sur le prix proposé par les autres SSP, contrairement à la situation résultant du mode de calcul du prix plancher de l’enchère AdX.
111. En 2014, Google a introduit une nouvelle version de l’allocation dynamique dénommée « allocation dynamique améliorée » (désignée comme « allocation dynamique » dans les développements ci-après). Cette nouvelle version remplace la précédente et les éditeurs n’ont pas la possibilité de continuer à utiliser la version antérieure.
112. L’allocation dynamique améliorée permet aux éditeurs de mettre en concurrence la demande programmatique de chacune de leurs plateformes d’intermédiation avec le meilleur élément de campagne garanti (c’est-à-dire la vente directe la plus rémunératrice), tout en garantissant le respect de leur engagement contractuel avec l’acheteur. 60
113. En pratique, DFP détermine un CPM temporaire pour la meilleure impression contractuellement garantie. Ce CPM traduit le coût d’opportunité correspondant au fait de ne pas servir cette impression. En évoluant à la hausse en fonction du retard pris dans la diffusion de la campagne garantie, il permet à la fois d’éviter une sous-diffusion des impressions garanties (et partant un non-respect du contrat), et d’augmenter les revenus des éditeurs. Ce CPM temporaire est ensuite utilisé dans le calcul du plancher de l’enchère organisée par AdX. Ce dernier sera donc égal au maximum :
- du prix plancher configuré par l’éditeur ;
- du revenu estimé du meilleur élément de campagne non garanti éligible ;
- du CPM temporaire du meilleur élément de campagne garanti.
114. L’introduction de l’allocation dynamique améliorée a ainsi permis aux sources de demande programmatique de remporter une impression malgré la présence d’un élément de campagne garanti, lorsque le prix offert était supérieur au coût d’opportunité représenté par le fait de ne pas servir l’impression contractuellement garantie. AdX demeure la seule plateforme intermédiaire en mesure de proposer une offre pour chaque impression, les autres SSP n’étant sollicitées que si AdX n’a pas identifié d’offre supérieure au prix plancher.
115. Des développements ultérieurs sont venus modifier à la marge le fonctionnement de cette nouvelle version de l’allocation dynamique. En particulier, Google a proposé aux éditeurs des solutions d’optimisation des prix planchers permettant d’ajouter aux prix planchers configurés par les éditeurs un second prix plancher pour chaque requête calculé automatiquement par Google, dans le seul but d’optimiser leur revenu. Cette optimisation se fait de manière opaque pour les éditeurs qui choisissent de l’utiliser, ces derniers n’ayant accès ni à la méthode de calcul du plancher optimisé, ni au résultat par impression. Dans ce cadre, le plancher de l’enchère AdX sera le maximum :
- du prix plancher configuré par l’éditeur ;
- du revenu estimé du meilleur élément de campagne non garanti éligible ;
- du CPM temporaire de l’élément de campagne garanti ;
- d’un prix plancher optimisé automatiquement par Google.61
116. Dans l’Espace économique européen, la proportion des éditeurs utilisant DFP qui ont activé la fonctionnalité d’allocation dynamique est supérieure à [70-80] % sur l’ensemble de la période pour laquelle Google a pu fournir les données (de 2016 à 2019)62. De plus, d’après les informations transmises par Google63, [0-5] % % des éditeurs, ayant activé la fonctionnalité Open Bidding (décrite ci-après) et, a fortiori, l’allocation dynamique, représentent plus de [70-80] % des impressions et des revenus d’enchères des utilisateurs de DFP. La proportion des impressions et des revenus d’enchères des utilisateurs de DFP concernés par l’allocation dynamique est donc vraisemblablement largement supérieure à [70-80] %. Par ailleurs, les éditeurs qui n’activent pas cette fonctionnalité ne peuvent pas accéder à la demande d’AdX, ou bénéficier du classement des intermédiaires par ordre de prix64.
Les protocoles RTB (real time bidding ou « enchères en temps réel ») et le header bidding (enchères d’entête)
117. Afin de remédier, au moins partiellement, à l’asymétrie de la fonctionnalité d’allocation dynamique en faveur de Google65, les fournisseurs de services d’intermédiation concurrents de Google ont développé des protocoles permettant à l’ensemble des technologies publicitaires de communiquer entre elles en « temps réel ». À cette fin, le consortium OpenRTB a été formé à la fin de l’année 201066. Les protocoles développés ont rapidement été adoptés par la plupart des fournisseurs qui ont progressivement mis en place des solutions permettant à toutes les SSP de transmettre leur offre pour chaque impression, selon des modalités similaires à celles de la fonctionnalité d’allocation dynamique entre DFP et AdX.
118. Progressivement, une solution dite de « header bidding » a ainsi été adoptée par les éditeurs. Si la date exacte d’apparition de cette technologie n’est pas certaine, des documents internes à Google transmis en réponse à une demande des services d’instruction montrent que plusieurs de ces solutions étaient largement répandues dès 201567, c’est-à-dire utilisées par de nombreux éditeurs pour une partie non négligeable de l’inventaire disponible.
119. Le header bidding est un outil qui organise une enchère entre les différents réseaux publicitaires et les différentes SSP en vue de commercialiser une impression publicitaire donnée. Initialement, les enchères de header bidding se déroulaient directement dans le navigateur de l’internaute (c’est-à-dire « côté client »), via un code typiquement inséré au sein de la première partie du site web de l’éditeur (le « header »). Désormais, il existe des solutions, également dites de header bidding, qui organisent une enchère de serveur à serveur (ou parlera alors de header bidding « côté serveur »).68
120. Une solution de header bidding organise une « enchère entre les enchères », c’est-à-dire qu’elle organise une enchère entre des plateformes (réseaux publicitaires et SSP) qui organisent elles-mêmes leur propre enchère. Toutes les SSP contactées peuvent ainsi fournir une offre par impression, plutôt que d’être classées et consultées en fonction de leur rendement moyen attendu. Le processus de header bidding permet aussi de maximiser le prix de vente de l’impression pour les éditeurs.
121. En pratique, la solution de header bidding fonctionne de la manière suivante : tout d’abord, elle sollicite une enchère de la part des réseaux et des SSP utilisés par l’éditeur (étape 2 sur la figure ci-dessous), qui lui soumettent une offre en retour. Elle sélectionne ensuite la meilleure offre parmi celles offertes par les réseaux et les SSP et la transmet au serveur publicitaire de l’éditeur (étape 3).
122. Lorsque la solution de header bidding est mise en œuvre par DFP, l’offre transmise par le header bidding viendra activer un « élément de campagne non garanti » dont le rendement estimé lors de la configuration est égal à l’offre ayant gagné l’enchère du header bidding. La meilleure offre reçue dans le cadre du header bidding sera donc utilisée pour le calcul du prix plancher de l’enchère AdX dans le cadre de la fonctionnalité d’allocation dynamique.
123. Si un intervenant sur AdX remporte l’enchère, le serveur publicitaire renvoie la publicité correspondante. S’il n’y a aucun gagnant pour l’enchère sur AdX, c’est la meilleure offre via le header bidding qui est retenue par le serveur publicitaire.
124. Le schéma suivant illustre le fonctionnement d’une solution de header bidding côté client :
125. Lorsqu’elles sont implantées dans les pages web de l’éditeur, c’est-à-dire côté client, les solutions de header bidding impliquent certaines contraintes qui affectent tant les éditeurs que les internautes. En particulier, la mise en place du header bidding implique une augmentation de la latence, c’est-à-dire le temps nécessaire à l’affichage de la page sur l’écran de l’ordinateur, la tablette ou le smartphone de l’internaute des pages web ou des applications mobiles, qui sera d’autant plus importante que le nombre d’intermédiaires interrogé par le code sera grand. Plusieurs éditeurs interrogés ont néanmoins indiqué que les progrès accomplis par ces technologies avaient permis de limiter largement leurs impacts négatifs69.
126. Si ces contraintes sont absentes lorsque la solution de header bidding est implantée côté serveur, une telle implantation implique cependant une limitation de l’information accessible aux partenaires d’enchères. En effet, ces derniers étant appelés par le serveur tiers, ils ne disposent pas d’une connexion directe avec le navigateur de l’internaute, et ne peuvent donc pas lire les cookies relatifs à l’internaute afin de le reconnaître. Le serveur tiers peut certes proposer les identifiants dont il dispose, mais la nécessité de créer et mettre à jour des tables de correspondances (« cookie matching ») génère des pertes importantes dans l’identification des internautes, et donc dans la capacité à enchérir des partenaires70.
127. Qu’elle soit effectuée côté client ou côté serveur, l’intégration d’une solution de header bidding avec DFP repose sur un mécanisme appelé « clefs-valeurs », qui n’était pas conçu à cet effet à l’origine. Ce mécanisme consiste à laisser l’éditeur transmettre à DFP une ou plusieurs grandeurs de son choix. La clef sera le nom de la grandeur, (par ex : marque de sport), et la valeur sera la mesure (par ex : Nike). Cette valeur sera utilisée par DFP pour déterminer quelles campagnes doivent être considérées éligibles pour l’impression ciblée. La possibilité d’utiliser n’importe quelle clef rend le mécanisme très souple pour les éditeurs.
128. Ceci explique que ces solutions soient difficiles à mettre en place et sources d’erreurs de configuration. De fait, cette mise en place nécessite d’importantes compétences techniques et représente des coûts d’ingénierie significatifs, que seuls les éditeurs disposant de moyens importants sont en mesure de supporter71.
129. Les éditeurs ayant adopté le header bidding indiquent néanmoins que cette méthode a permis d’améliorer significativement le rendement de leurs inventaires publicitaires et a accru la transparence des processus, en leur permettant de maîtriser les modalités de l’enchère et d’en surveiller l’exécution. News Corp estime par exemple que la mise en place du header bidding lui a permis d’augmenter ses revenus jusqu’à plus de 50 % (en fonction du nombre de SSP utilisées, de leur performance et de la qualité de de la solution de header bidding)72. À cet égard, dans des documents internes transmis en réponse à une demande des services d’instruction, des salariés de Google constatent eux-mêmes l’augmentation potentielle des revenus des éditeurs adoptant le header bidding73.
130. La quasi-totalité des fournisseurs de technologies d’intermédiation publicitaires a rapidement rendu ses produits compatibles avec le header bidding (lorsqu’ils ne l’étaient pas déjà). À cet égard, les fournisseurs interrogés indiquent que la prise en charge du header bidding implique pour eux un travail de développement très limité. En effet, pour qu'une plateforme d’intermédiation soit compatible, elle doit simplement pouvoir recevoir un appel publicitaire et donner une réponse structurée contenant deux éléments clés : le contenu créatif de l'acheteur à afficher et le prix que l'acheteur est disposé à payer. Google a cependant choisi de ne pas rendre la plateforme AdX compatible avec les technologies de header bidding, et ce quel que soit le serveur publicitaire utilisé par l’éditeur.
131. Il faut signaler que le header bidding n’est toutefois pas compatible avec l’intégralité des inventaires. En particulier, les inventaires vidéo, les inventaires AMP74, les inventaires audio, ou encore les inventaires relevant d’un environnement applicatif, restent encore souvent monétisés par d’autres moyens, car des contraintes techniques freinent le développement du header bidding dans ces environnements75. Or, plusieurs des éditeurs interrogés soulignent que ces inventaires représentent une partie significative des impressions commercialisées76.
132. La solution de header bidding la plus largement adoptée par les éditeurs est la solution Prebid.js. Cette dernière, disponible côté client comme côté serveur, a initialement été développée par la société AppNexus (désormais Xandr), qui l’a mise à disposition de l’ensemble des éditeurs, à titre libre et gratuit. Elle est aujourd’hui gérée par le consortium Prebid.org, dont les membres regroupent notamment des SSP, des DSP et des éditeurs77.
133. Toutefois, le modèle économique de certaines solutions de header bidding côté serveur est payant. C’est par exemple le cas de la solution côté serveur « Transparent Ad Marketplace » de la société Amazon, qui est facturée à un coût fixe, de l’ordre du centime de dollar pour mille transactions. Amazon offre également une autre solution, dénommée « Unified Ad Marketplace », qui est pour sa part facturée sur la base du partage de revenus78. Cette différence correspond au fait qu’Unified Ad Marketplace prend en charge les relations contractuelles avec les acheteurs, et centralise la facturation, contrairement à Transparent Ad Marketplace.
La fonctionnalité Open Bidding, anciennement Exchange Bidding in Dynamic allocation
134. En réaction à l’adoption de plus en plus large des solutions de header bidding par les éditeurs, Google a introduit une solution alternative au sein de son serveur publicitaire DFP. Depuis avril 2018, Google propose ainsi à tous les éditeurs utilisant DFP une fonctionnalité proche du header bidding côté serveur, dénommée, dans un premier temps, « Exchange Bidding in Dynamic Allocation » (« EBDA »), puis renommée « Open Bidding » à l’été 2019.
135. Cette fonctionnalité permet à des SSP autres qu’AdX, qui sont qualifiées de « partenaires de rendement »79, d’enchérir « en temps réel » pour chaque impression éligible. Le prix plancher de leur enchère est calculé de manière similaire au prix plancher de l’enchère AdX dans le cadre de l’allocation dynamique (voir paragraphes 107 et 115). Jusqu’à une période récente, le résultat de ce calcul pouvait cependant être différent du prix plancher appliqué à l’enchère AdX, car l’éditeur avait la possibilité de fixer des prix de réserve différents pour AdX et pour les partenaires de rendement. L’offre de ces SSP, si elle est supérieure au prix plancher, sera mise en compétition avec le résultat de l’enchère AdX dans une enchère au premier prix, c’est-à-dire que le prix de clôture est le montant de l’enchère la plus élevée,
136. Ainsi, contrairement au cas des SSP intégrées en header bidding, le prix plancher de l’enchère AdX ne tient pas compte de l’enchère des partenaires de rendement. De plus, les enchères sont comparées en fonction du revenu effectivement perçu par l’éditeur, et donc nettes des parts de revenu conservées par Google ou par les partenaires de rendement. En effet :
- les offres transmises à DFP par les partenaires de rendement sont nettes des parts de revenu que ces derniers conservent ;
- Google conserve une part de revenu sur les enchères proposées par les acheteurs AdX lorsque ces derniers remportent l’impression ;
- Google conserve également une part de revenu sur les enchères proposées par les partenaires de rendement lorsque ces derniers remportent l’impression, mais cette part de revenu est plus faible que celle conservée dans le cadre des enchères AdX. Le contrat encadrant l’utilisation de l’offre Google Ad Manager couplant DFP et AdX, détaille la part de revenu versée à l’éditeur après le partage des revenus dans le cadre des transactions Open Bidding, qui varie entre [90-100] % et [90-100] % selon le format publicitaire retenu80.
137. Afin de devenir « partenaire de rendement », les fournisseurs de SSP doivent accepter des conditions contractuelles spécifiées par Google. Ces conditions prévoient notamment que, lorsqu’une transaction est réalisée via Open Bidding, Google se charge de collecter les paiements des partenaires de rendement et prélève la part de revenu mentionnée ci-dessus avant de verser aux éditeurs leur rémunération81.
Le passage à une enchère unifiée et les Règles de Tarification Unifiées
138. En septembre 2019, Google a procédé à une modification significative du fonctionnement du serveur publicitaire DFP et de la SSP AdX.
139. Ainsi qu’exposé supra, jusqu’en septembre 2019, « (l)'enchère AdX (était) […] menée comme une enchère au "second prix", dans laquelle l'acheteur ayant l'enchère la plus élevée remporte l'enchère et paie le maximum du prix de réserve applicable, et la deuxième enchère la plus élevée. Ad Manager (gérait) essentiellement deux enchères pour une impression publicitaire spécifique. Tout d'abord, une enchère second prix en temps réel (était) organisée avec les Authorized Buyers82. Deuxièmement, une enchère au premier prix (comparait) le prix gagnant de l'enchère AdX second prix avec les offres des acheteurs d’Exchange Bidding [Note de l’Autorité : c’est-à-dire les partenaire de rendement Open Bidding] »83.
140. Depuis septembre 2019, une seule enchère au premier prix est réalisée, dont les participants sont les acheteurs du service AdX (les Authorized Buyers), et les SSP utilisant le service Open Bidding. Google indique que le prix de réserve calculé par la fonctionnalité d’allocation dynamique n’est plus communiqué aux acheteurs.
141. Google précise que, désormais, « toutes les offres émanant des acheteurs d’AdX seront traitées comme des enchères au premier prix. Ceci signifie que l'acheteur qui remportera l'impression paiera le montant qu'il a proposé lors de l'enchère. Le fait d'effectuer cette migration d'AdX vers une enchère au premier prix permettra d'unifier le mécanisme des enchères pour AdX et Exchange Bidding. Les enchères émanant d'AdX et d'Exchange Bidding [Note de l’Autorité : devenu Open Bidding] seront mises en concurrence au même niveau, l'offre au premier prix la plus élevée remportant l'enchère. Cette enchère unifiée sera gérée par la fonctionnalité de serveur publicitaire d’Ad Manager. Étant donné qu’Exchange Bidding a toujours fonctionné sur un système d’enchère au premier prix, cette fonctionnalité ne sera pas affectée par la migration d’AdX vers ce système. »84
142. Dans la même période, Google a modifié la façon dont les éditeurs peuvent gérer les prix de réserve pour la vente de leurs inventaires, via un ensemble de règles appelées « Règles de Tarification Unifiées ».
143. Le principal changement apporté par ces nouvelles Règles est la suppression de la possibilité qu’avaient les éditeurs de fixer des prix de réserve différents pour des acheteurs différents. Le prix de réserve configuré par l’éditeur sera ainsi appliqué de la même manière aux acheteurs utilisant AdX, aux SSP utilisant le header bidding et aux SSP utilisant EBDA.
144. Ce changement peut être illustré par les graphiques suivants :
2. LES CONDITIONS AVANTAGEUSES OCTROYEES A ADX POUR L’ACHAT DES INVENTAIRES DES UTILISATEURS DE DFP
145. Ainsi qu’exposé supra, une SSP souhaitant acheter de manière programmatique les inventaires d’un éditeur utilisant DFP pourra interagir avec ce serveur lorsqu’il est intégré dans le cadre soit d’une cascade publicitaire (aussi appelée médiation), soit des technologies de header bidding (fréquemment utilisées depuis 2015), soit enfin, de la fonctionnalité Open Bidding, lorsque la SSP est partenaire de rendement, et que l’éditeur a activé cette fonctionnalité (depuis avril 2018). Il est courant, à tout le moins s’agissant des inventaires des éditeurs les plus importants, qu’une SSP soit sollicitée au moyen de plusieurs de ces modalités simultanément.
146. Selon les saisissantes, ces modalités sont toutes moins favorables que l’interaction entre DFP et AdX permise par la fonctionnalité d’allocation dynamique. Ce constat n’est pas modifié par les évolutions du fonctionnement des services DFP et AdX intervenues courant 2019.
a) La capacité à proposer une offre pour chaque impression
147. Dans le cadre de la fonctionnalité d’allocation dynamique mise en œuvre par Google, la capacité des SSP intégrées en médiation à concurrencer AdX pour l’achat des espaces publicitaires des éditeurs utilisant DFP est limitée par deux mécanismes :
- d’une part, cette fonctionnalité implique que DFP compare le rendement moyen de la SSP aux enchères obtenues par AdX pour chaque impression (en « temps réel »), alors qu’un rendement moyen ne permet pas de prendre en compte les caractéristiques des internautes et leur influence sur la valeur des impressions ;
- d’autre part, cette fonctionnalité ne permet aux SSP concurrentes d’AdX d’enchérir que sur une partie, souvent faible, des impressions, car une SSP concurrente n’est appelée que si ni AdX, ni les SSP mieux classées dans la cascade, n’ont trouvé d’acheteur capable de battre leur plancher de prix respectif.
148. Le premier mécanisme de comparaison avec le prix attendu de la SSP tierce implique qu’il suffit à AdX de battre ce prix pour pouvoir commercialiser l’impression. Or :
- le revenu que les éditeurs peuvent tirer des impressions est fortement variable, car le consentement à payer des annonceurs dépend fortement des données dont ils disposent sur l’internaute ;
- les éditeurs ne peuvent pas prévoir le revenu qu’ils obtiendront pour une impression donnée, dans la mesure où ce prix dépend de la capacité des SSP ainsi que des acheteurs à reconnaître l’internaute, et des caractéristiques de ce dernier. Les prix de réserve utilisés et les rendements estimés par les éditeurs ne permettent donc pas de refléter la variabilité des prix proposés par les acheteurs ;
- il existe une corrélation, à tout le moins partielle, entre les prix proposés par les différentes SSP, liée à la présence d’acheteurs communs à différentes places de marchés, mais aussi aux caractéristiques des internautes rendant les impressions plus ou moins utiles pour les annonceurs. En conséquent, lorsqu’une impression a de la valeur pour une SSP tierce, elle a vraisemblablement aussi de la valeur pour AdX.
149. Comme l’indiquent les fournisseurs de SSP interrogés, il résulte du mode de fonctionnement décrit ci-dessus que les impressions ayant la plus forte valeur sont majoritairement achetées par les acheteurs d’espaces présents sur AdX. S’il est exact que ce mécanisme bénéficie aux SSP tierces lorsque ces dernières paient un prix inférieur à leur rendement estimé, ces situations entraînent cependant mécaniquement une diminution du rendement attendu des SSP tierces, et donc une diminution de la part des impressions auxquelles elles ont accès.
150. Concernant le second mécanisme, dans le cadre de la médiation, seules les impressions pour lesquelles AdX n’a pas trouvé d’acheteur disposé à payer un prix supérieur au prix de réserve sont proposées aux SSP tierces. Ces dernières ne disposent donc que d’une quantité limitée d’impressions à proposer aux acheteurs. Xandr relève ainsi que, dans le cadre de la médiation, « seulement un petit volume d'impressions de qualité moindre (atteignent) le SSP de Xandr »85.
151. Le développement des technologies de header bidding a progressivement permis aux SSP tierces de proposer une offre pour chaque impression, entraînant la réduction de l’avantage relatif à la capacité à proposer une offre pour chaque impression pour les inventaires sur lesquelles ces technologies sont utilisées. À cet égard, des éléments versés au dossier indiquent que l’intégration en médiation est significativement moins utilisée que le header bidding lorsque cette technologie est disponible, car elle est moins performante86.
b) L’utilisation de l’offre réelle ou estimée des plateformes de mise en vente concurrentes
152. À tout le moins jusqu’en septembre 2019, Google utilisait le montant de l’offre des SSP concurrentes d’AdX intégrées via la cascade publicitaire ou via le header bidding pour ajuster le comportement de ses propres services. L’exploitation de cette information impliquait plus particulièrement trois avantages non reproductibles par les fournisseurs concurrents :
- un droit de dernier regard accordé à la plateforme AdX ;
- la capacité à ajuster sa part de revenu de façon dynamique ;
- la capacité à optimiser le fonctionnement de sa plateforme AdX.
Le droit de dernier regard
153. Dans le cadre de la fonctionnalité d’allocation dynamique telle qu’elle fonctionnait avant le passage à l’enchère unifiée au premier prix en septembre 2019, le prix de réserve utilisé dans l’enchère AdX était un prix de réserve effectif, c’est-à-dire que le gagnant de l’enchère, s’il avait proposé un prix supérieur à ce prix de réserve, avait la garantie de remporter l’impression, au moins jusqu’à l’introduction de la fonctionnalité Open Bidding. Après l’introduction de cette fonctionnalité, le gagnant de l’enchère avait toujours la garantie, s’il proposait une offre supérieure au prix de réserve, de ne pas perdre l’impression au profit d’une SSP intégrée en médiation ou en header bidding.
154. De telles garanties supposaient que DFP utilise le prix – proposé ou estimé – des SSP concurrentes intégrées dans le cadre de la médiation ou du header bidding dans le calcul du prix de réserve de l’enchère AdX. Il n’était donc pas possible pour les SSP concurrentes de reproduire cette garantie.
155. Selon les saisissantes, cette modalité de fonctionnement revient à octroyer à AdX un « droit de dernier regard », c'est-à-dire qu’elle lui permet d’acheter les inventaires les plus attractifs en payant un prix quasi-égal à la meilleure SSP en compétition. Partant, elle aurait privé les SSP concurrentes d’AdX d’un important volume de transactions. Elle permet ainsi à Adx de s’assurer de remporter les enchères à partir d’une hausse minime de son prix. Ce constat est partagé par plusieurs fournisseurs interrogés. Un fournisseur a ainsi indiqué qu’en connaissant le CPM servant de prix plancher pour l'enchère, AdX a le dernier regard sur l'impression et peut alors simplement surenchérir de 0,01 euro pour l’emporter87. À cet égard, l’Autorité constate qu’AdX bénéficie effectivement d’un avantage qui peut être qualifié de « droit de dernier regard », mais que la description qui en est faite par ces fournisseurs est partiellement inexacte, en ce qu’elle ne tient pas compte des modalités de déroulement de l’enchère AdX, et notamment du fait que le prix payé par AdX pour une impression dépend des offres reçues dans le cadre de l’enchère.
156. En complément à sa saisine, News Corp a transmis une étude économique qui propose de mesurer la proportion de ses inventaires achetée par l’intermédiaire d’AdX à un prix quasi- égal au prix proposé par la meilleure SSP concurrente88. En analysant un ensemble de données d’impressions de l’unité « News UK », qui édite les sites et applications mobiles de News Corp au Royaume-Uni, cette étude constate que : « environ 30 à 40 % des enchères utilisant le Header Bidding voient Google battre ses rivaux d’un centime seulement »89, c’est-à-dire à moins de 2 centimes (CPM) de plus que le prix du header bidding. Pour référence, le revenu moyen par impression après la mise en place du header bidding par News Corp était compris entre 1 et 1,5$90.
157. Cette étude évalue le volume d’impressions dont Google prive les SSP concurrentes en réallouant les impressions gagnées par AdX, à un prix à peine supérieur au header bidding, à la SSP ayant formulé l’offre sélectionnée par le header bidding. Sur cette base, et en utilisant la SSP Xandr à titre d’exemple, l’étude conclut que la perte concerne une partie très significative des impressions qu’aurait pu commercialiser Xandr (anciennement AppNexus) :
158. L’étude précise que cette évaluation doit être considérée comme une borne supérieure, dans la mesure où AdX aurait tout de même pu commercialiser une partie des impressions remportées au prix du header bidding en l’absence de droit de dernier regard91, par exemple en modifiant les modalités de déroulement des enchères organisées par DFP. À cet égard, l’Autorité constate que la proportion des impressions commercialisées à un prix quasi-égal au prix du header bidding ne suffit pas, à elle seule, à caractériser un avantage, dès lors qu’elle ne permet pas d’apprécier la proportion des impressions qui n’auraient pas été remportées par AdX en l’absence du droit de dernier regard.
159. Avant d’estimer plus précisément l’avantage que représente le droit de dernier regard pour AdX, il est possible de l’illustrer par un exemple simple.
Illustration de l’avantage conféré par le droit de dernier regard
160. On considère le cas où deux SSP (SSP SA et SSP SB) sont intégrées dans un processus d’enchères en header bidding, et sont en compétition avec AdX pour acheter un emplacement publicitaire. La SSP SA organise des enchères au premier prix, tandis que SB organise des enchères au second prix.
161. Dans le cadre des enchères au second prix organisées par SB, la stratégie la plus rationnelle pour les acheteurs consiste à proposer un montant égal à leur consentement à payer, dans la mesure où cette stratégie garantit, en cas de victoire, de payer le montant minimal nécessaire pour remporter l’enchère et, en même temps, de ne perdre l’enchère que si le prix de clôture est supérieur à leur consentement à payer.
162. Dans le cadre des enchères au premier prix organisées par SA, la stratégie la plus rationnelle pour les acheteurs consiste à proposer une enchère strictement inférieure à leur consentement à payer, afin de ne pas payer l’impression plus qu’il n’est nécessaire, autrement dit, à appliquer une réduction R à leur consentement à payer. Le montant de cette réduction dépend de plusieurs facteurs, dont l’anticipation par les acheteurs du prix de clôture.
163. On considère par ailleurs le cas simple où seulement deux acheteurs AA et AB sont présents sur les SSP SA, SB et AdX, où ces acheteurs ont accès aux mêmes informations, que l’impression soit proposée par SA, SB ou AdX, et où ces acheteurs appliquent la même réduction R à leurs enchères au premier prix. Enfin, on considère que les prix de réserve paramétrés par l’éditeur n’interviennent pas, et que les parts de revenu conservées par les SSP sont toutes égales.
164. On peut enfin considérer – sans perte de généralité du raisonnement – que AA a un consentement à payer (CAA) plus élevé que le consentement à payer de AB (CAB) pour cette impression, et que les parts de revenus conservées par les trois SSP étant identiques, elles sont égales à zéro.
165. Dans cette hypothèse, les offres proposées seront les suivantes :
| Enchère SSP SA | Enchère SSP SB | Enchère AdX |
Acheteur AA | CAA - R | CAA | CAA |
Acheteur AB | CAB - R | CAB | CAB |
166. Alors :
- l’acheteur AA remporte l’enchère de SA au prix CAA – R ;
- l’acheteur AA remporte l’enchère de SB au prix CAB ;
- le prix de réserve de l’enchère AdX est fixé au maximum de CAA – R et CAB ;
- l’acheteur AA remporte l’enchère AdX au prix maximum de CAA – R et CAB, et remporte l’impression, car cette enchère est au second prix.
167. On constate ainsi que, à mérites égaux, c’est-à-dire avec les mêmes acheteurs, les mêmes informations et les mêmes parts de revenu conservé, AdX remporte toutes les impressions. On constate également que dans le cadre de cette illustration, le prix payé par AdX est tout juste supérieur au meilleur prix proposé par les SSP concurrentes.
168. On peut également constater que, pour compenser cet avantage, la SSP SA devrait augmenter, par de meilleurs acheteurs, de meilleures informations, ou une part de revenu conservée plus faible, l’offre finale d’un montant égal à la réduction appliquée par les acheteurs aux enchères au premier prix.
169. De son côté, la SSP SB devrait, afin de compenser l’avantage lié au droit de dernier regard, augmenter l’offre finale de la différence entre la meilleure offre et la seconde meilleure offre. Ce handicap est alors d’autant plus important que le nombre d’acheteurs pour l’impression considérée est faible.
Estimation de l’avantage conféré par le droit de dernier regard
170. Les services d’instruction ont fourni une estimation plus précise de la quantité d’impressions qui n’auraient pas été remportées par AdX en l’absence de l’accès à ce prix de réserve effectif. Pour ce faire, ils ont considéré les modalités d’enchères réalistes en l’absence de ce mécanisme, c’est-à-dire si les offres des SSP concurrentes n’étaient pas utilisées dans le calcul du prix de réserve de l’enchère AdX, mais mises en compétition avec le résultat de cette enchère.
171. Dans un premier temps, il peut sembler possible pour AdX de conserver les modalités d’enchères au second prix, sans utiliser le revenu réel ou estimé des SSP concurrents dans le calcul du plancher d’enchère. Un tel mécanisme implique cependant que dans le cas où, d’une part, le plancher d’enchère est effectivement fixé par le prix d’une SSP tierce, c’est- à-dire par le CPM d’un élément de campagne non garanti, et d’autre part, AdX n’a reçu qu’une seule offre valide supérieure à ce plancher, AdX perdra l’impression, ce qui n’était pas le cas dans le déroulement réel de l’allocation dynamique.
172. En particulier, lorsqu’AdX a remporté l’impression à un prix quasi-égal au prix résultant du processus de header bidding, il est probable que les conditions identifiées ci-dessus soient vérifiées dans la grande majorité des cas. Dans un tel scénario, les estimations fournies par News Corp permettent d’apprécier la proportion des impressions qui auraient été remportées par des SSP tierces, et démontrent que l’adoption de ces modalités aurait conduit certaines SSP concurrentes à remporter un nombre très significativement plus élevé d’impressions.
173. Cependant, il est également possible que, en l’absence d’accès à ce prix de réserve effectif, AdX ait modifié le déroulement de son enchère, par exemple en utilisant des enchères au premier prix. L’Autorité constate en effet que :
- d’une part, la SSP Rubicon Project, a, face au développement du header bidding, qui impliquait l’existence d’une seconde enchère dans laquelle était en concurrence le résultat de sa propre enchère, basculé vers des enchères au premier prix par défaut92 ;
- d’autre part, les documents figurant au dossier attestent que la nécessité que le résultat de l’enchère AdX soit supérieur aux enchères des partenaires de rendement Open Bidding est l’une des raisons ayant conduit au passage à une enchère au premier prix93.
174. Dans le cas où AdX aurait choisi d’organiser une enchère au premier prix, les acheteurs présents sur la plateforme auraient dû adapter leur stratégie d’enchère, en diminuant le montant de leur enchère. En effet, si dans une enchère au second prix, la stratégie optimale pour les acheteurs consiste à proposer une offre égale à leur consentement à payer, les enchères au premier prix incitent, pour leur part, les acheteurs à intégrer une réduction aux montants qu’ils proposent.
175. Il est possible d’estimer, au moins en ordre de grandeur, les enchères que les acheteurs d’AdX auraient soumises s’ils devaient concourir dans une enchère au premier prix avec les autres SSP. En effet, dans le cadre de son passage à une enchère au premier prix, Google a proposé aux acheteurs un service de « traduction d’enchère » visant à adapter des enchères proposées par des acteurs n’ayant pas eu le temps de s’adapter au passage d’enchères au second prix vers des enchères au premier prix. Cette fonctionnalité diminuait de manière significative le montant de l’enchère proposée par les acheteurs sur AdX94.
176. Ainsi, on peut considérer que lorsque la meilleure enchère reçue par AdX dans une impression dans le cadre de l’allocation dynamique n’est pas significativement supérieure au plancher d’enchère correspondant au prix proposé par le header bidding, AdX n’aurait vraisemblablement pas remporté l’impression en organisant une enchère au premier prix.
177. En l’absence d’utilisation de leur offre comme plancher d’enchère par AdX, les SSP tierces auraient vraisemblablement remporté un nombre significatif d’impressions supplémentaires parmi les impressions remportées par AdX pour lesquelles ces SSP avaient proposé une enchère. AdX étant la première SSP en termes de revenu pour la quasi-totalité des éditeurs utilisant DFP, on peut affirmer qu’en l’absence du droit de dernier regard, les SSP tierces auraient vraisemblablement remporté plusieurs dizaines de pourcents d’impressions supplémentaires. Par ailleurs, ainsi que l’étude fournie par News Corp le précise, les impressions qui auraient tout de même été gagnées par AdX l’auraient été à un prix supérieur.
178. Enfin, l’Autorité constate que le mécanisme d’allocation dynamique tel que mis en place par DFP ne garantit pas que l’acteur ayant le consentement à payer le plus élevé remporte l’impression, dans la mesure où les offres des acheteurs présents sur les SSP tierces sont inférieures à leur consentement à payer, soit parce que ces dernières organisent des enchères au premier prix, soit que ces SSP tierces organisent des enchères au second prix dont le prix de clôture est par nature inférieur à la meilleure offre reçue. Cette offre servant de plancher à l’enchère au second prix organisée par AdX, un acheteur présent sur AdX peut remporter une impression sans avoir le consentement à payer le plus élevé.
179. L’existence d’un droit de dernier regard est reconnue par les salariés de Google qui en font notamment état dans plusieurs documents internes transmis en réponse à des demandes des services d’instruction. L’un de ces documents mentionne expressément le caractère inéquitable du droit de dernier regard dont bénéficie AdX95.
180. Google a précisé que, dans le cadre de l’enchère unifiée au premier prix mise en place courant 2019, le prix plancher de l’enchère AdX ne tient plus compte de l’offre réelle ou estimée des SSP tierces. Ce changement impliquerait donc la fin du droit de dernier regard96.
Conclusion
181. Il ressort de ce qui précède qu’en utilisant le montant de l’offre des SSP concurrentes d’AdX pour ajuster le comportement de ses propres services, Google a pu bénéficier de trois avantages par rapport aux fournisseurs concurrents :
- un droit de dernier regard accordé à la plateforme AdX ;
- la capacité à ajuster sa part de revenu de façon dynamique en fonction de la pression concurrentielle ;
- la capacité à optimiser le fonctionnement de sa plateforme AdX.
L’ajustement dynamique de la part de revenu conservée par AdX
182. Depuis mai 2016, une fonctionnalité dite de « part de revenu dynamique » est activée par défaut pour l’ensemble des utilisateurs de DFP. Dans le cadre de cette fonctionnalité, AdX peut modifier sa part de revenu pour chaque impression, pour autant que, sur la moyenne des transactions réalisées, cette part soit égale à celle fixée contractuellement.
183. Selon Xandr, les modalités de fonctionnement de la fonctionnalité de « part de revenu dynamique » permettent à Google « de réduire (ses) frais pour gagner des impressions lorsque la concurrence avec les SSP est forte et (d’)augmenter (ses) frais lorsque la concurrence est faible, tout en maintenant (son) taux de prise global souhaité.»97. La société Hubvisor, qui fournit des services de conseils et de support aux éditeurs, ajoute que « le développement d'une telle capacité n'est pas possible pour les acteurs intégrés en header bidding car ils n'ont pas accès au plancher d'enchère »98.
184. À ces égards, l’Autorité constate, dans le cadre de DFP:
- que la fonctionnalité de part de revenu dynamique permet à AdX d’ajuster sa part de revenu, notamment, en fonction de l’offre des SSP concurrentes ;
- qu’il n’est pas possible pour une SSP tierce de développer une fonctionnalité équivalente, en l’absence d’information sur le prix minimum à proposer pour avoir la garantie de remporter l’impression ;
- que Google est ainsi l’unique fournisseur à même de compenser une baisse de revenu lorsque la concurrence est forte (par exemple lorsqu’une offre est émise via une solution de header bidding) par une hausse de ses frais lorsque cette concurrence est plus faible ;
- que cette capacité est d’autant plus significative que la proportion des impressions sur lesquelles AdX a la capacité d’augmenter sa part de revenu en raison d’une concurrence limitée est importante, en particulier dans la mesure où la proportion des impressions sur lesquelles le header bidding est activé est généralement minoritaire. News Corp a par exemple indiqué que cette proportion était d’environ 30 % pour ce qui concerne ses inventaires99 et les données relatives à différents éditeurs transmises par Google indiquent qu’entre [50-60] et [90-100] % des impressions remportées par AdX ou par des partenaires de rendement Open Bidding ne font l’objet d’aucune offre via une solution de header bidding100 ;
- qu’il résulte de ce qui précède que la fonctionnalité de part de revenu dynamique implique qu’une SSP tierce devra, pour commercialiser une impression, proposer à l’éditeur un prix net supérieur au meilleur prix brut proposé par les acheteurs présents sur AdX.
185. Selon Google, cette fonctionnalité a néanmoins un impact « globalement positif » sur la part de revenu versée à l’éditeur. Elle précise notamment que « dans une situation où l'enchère la plus élevée n'atteindrait pas le prix plancher si Google perçoit sa part entière de revenu (et où par conséquent la transaction n'aurait pas lieu du tout), Google pourrait renoncer à sa part de revenus, permettant ainsi à la transaction de se poursuivre et à l'éditeur d'être payé » 101.
186. Google souligne également que certains éditeurs peuvent avoir accès à une évaluation de l’impact de cette fonctionnalité sur leurs revenus. La méthodologie d’évaluation exposée par Google102 ne permet cependant que de mesurer la variation du revenu issu d’AdX, et ne fait donc pas apparaître l’impact de cette fonctionnalité sur le revenu total de l’éditeur. Les éléments de campagne invendus sont les éléments de campagne non garantis qui ne correspondent pas aux services AdX ou AdSense.
187. Interrogé par les services d’instruction, Google a indiqué que, selon ses prévisions, le revenu d’un éditeur issu des éléments de campagne invendus est susceptible d’être affecté par la fonctionnalité de la part de revenu. Selon Google, si le revenu d’un éditeur issu des éléments de campagne invendus est susceptible de diminuer légèrement du fait de la fonctionnalité d’optimisation de la part de revenu, une telle baisse devrait être significativement plus faible que la hausse corrélative des revenus AdX d’un éditeur. Google indique à cet égard, que dans de nombreux cas, l’optimisation de la part de revenu a permis à un acheteur AdX de dépasser le plancher configuré par l’éditeur, alors qu’aucun élément de campagne invendu n’aurait été susceptible d’être diffusé. Parmi les cas restants, cette fonctionnalité a pu conduire un acheteur sur AdX à remporter une impression alors que, sans cette fonctionnalité, un élément de campagne invendu aurait pu remporter l’impression.
188. Google n’a pas été en mesure de fournir une évaluation de l’impact sur les éléments de campagne invendus à partir des données expérimentales, mais a pu fournir une estimation approximative de cet impact à partir de statistiques agrégées calculées au moment du lancement initial de la fonction en 2016. L’interprétation que retient Google de ces données suggère que, bien qu’il ait pu y avoir un effet négatif sur les éléments de campagne invendus, un tel effet négatif est susceptible d’avoir été faible à négligeable en pratique, et peut-être statistiquement insignifiant. Selon Google, ces données sont cohérentes avec sa prévision selon laquelle, dans des termes absolus, tout impact négatif de l’optimisation de la part de revenu sur les revenus des éléments de campagne invendus sera minime, et nécessairement inférieur que l’impact (positif) sur les revenus d’AdX103.
189. Google n’a pas précisé en quoi l’impact sur les revenus générés via les SSP tierces était nécessairement inférieur à l’impact sur les revenus générés via AdX. Google n’a pas non plus transmis d’élément plus récent pour attester de cet impact.
190. À cet égard, l’Autorité constate qu’afin d’apprécier l’impact de la fonctionnalité de part de revenu dynamique sur le revenu des éditeurs, il convient de distinguer deux situations : d’une part, les impressions pour lesquelles le plancher d’enchère calculé dans le cadre de l’allocation dynamique est égal au prix d’un « élément de campagne invendu », d’autre part le reste des impressions. Dans ce second cas, il est vraisemblable que l’impact de la fonctionnalité de part de revenu dynamique sur le revenu des éditeurs soit effectivement positif.
191. En revanche, dans le premier cas, une transaction aurait été possible et le revenu de l’éditeur aurait été égal au prix de réserve de l’enchère AdX, que cette égalité soit vraie en moyenne dans le cadre de la médiation, ou pour une impression donnée dans le cadre du header bidding. En compensant, au cours d’une transaction ultérieure, le revenu auquel AdX a renoncé pour atteindre le prix plancher, l’ajustement dynamique de la part de revenu diminue alors non seulement le nombre d’impressions remportées par les SSP tierces, mais aussi le revenu total de l’éditeur.
192. Ce mécanisme peut être illustré par l’exemple ci-après, où AdX et une SSP concurrente font les offres suivantes pour deux impressions distinctes :
| AdX | SSP 1 |
Prix de clôture brut – 1ere impression |
1 € |
1 € |
Prix de clôture brut – 2eme impression |
1 € |
0 € |
193. Alors, si AdX conserve une part de revenu contractuelle de 0,20 et la SSP concurrente de 0,10, la part de revenu dynamique aura pour effet de diminuer le revenu de l’éditeur, comme l’illustre le tableau suivant :
| Sans part de revenu dynamique | Avec part de revenu dynamique | ||
AdX | SSP 1 | AdX | SSP 1 | |
Première enchère nette |
0,80 € |
0,90 € |
0,91 € |
0,90 € |
Deuxième enchère nette |
0,80 € |
0 € |
0,69 € |
0 € |
Revenu total éditeur |
1,70 € |
|
1,60 € |
|
194. La fonctionnalité de part de revenu dynamique a été suspendue en septembre 2019 et fait actuellement l’objet d’une actualisation dans le contexte de la transition vers un système d’enchère unique au premier prix et l’introduction des Règles de Tarification Unifiées.
195. En conclusion, les modalités de la fonctionnalité de part de revenu dynamique ont permis à Google d’ajuster sa part de revenu en fonction de l’offre des SSP concurrentes, et ce au détriment des éditeurs. Google est le seul fournisseur en mesure de réduire sa part de revenus pour gagner des impressions lorsque la concurrence entre AdX et les SSP est forte ou, à l’inverse, de les augmenter lorsque la concurrence est faible.
La capacité à optimiser le fonctionnement d’AdX
196. Enfin, les documents transmis aux services d’instruction montrent que Google a utilisé les informations relatives aux offres des SSP concurrentes pour, d’une part, surveiller le déploiement du header bidding et son impact sur la concurrence entre SSP et, d’autre part, s’adapter au déploiement de cette technologie afin de conforter la position d’AdX et les avantages ci-avant exposés.
197. En premier lieu, plusieurs documents internes transmis par Google font état des méthodes développées pour utiliser les données du service DFP afin d’évaluer l’adoption du header bidding par les fournisseurs concurrents et leur position sur le marché104.
198. En second lieu, un document également transmis par Google indique que, même lorsqu’un éditeur utilise une solution de header bidding, DFP conserve la maîtrise du processus décisionnel. Ce document précise que la maîtrise du processus décisionnel bénéficie à Google, car elle protège ses propres données de tarification, tout en lui donnant de la visibilité sur la manière dont les autres places de marché valorisent les impressions105. Dans le même sens, plusieurs documents transmis par Google soulignent l’intérêt de Google à conserver la maîtrise du processus décisionnel, afin d’obtenir tant une transparence sur la compétitivité des SSP tierces que la possibilité d’optimiser le service AdX106. L’un de ces documents107 indique, s’agissant du serveur publicitaire DFP, que l’allocation dynamique et la capacité à voir l’ensemble des autres technologies est « inestimable » (« priceless ») et que cette transparence totale crée un scénario idéal pour optimiser ses prix sans incohérence108.
199. En conclusion, Google a utilisé les informations relatives aux offres des SSP concurrentes, pour surveiller le développement du header bidding et adapter sa technologie en conséquence, afin de maintenir les avantages d’AdX sur les SSP concurrentes.
c) Les avantages résultant du fonctionnement d’Open Bidding et des conditions imposées aux partenaires de rendement
200. Le fonctionnement d’Open Bidding implique que les offres de partenaires de rendement ne sont pas utilisées afin d’octroyer à AdX un droit de dernier regard, ni afin de moduler la part de revenu conservée par AdX.
201. Néanmoins, comme l’indiquent les fournisseurs concurrents de Google, l’introduction de la fonctionnalité Open Bidding n’apporte qu’une réponse partielle aux asymétries auxquelles ils sont confrontés lorsqu’ils interagissent avec DFP. Ces concurrents soulignent ainsi que :
- la part de revenu conservée par Google sur le montant de leurs enchères ne leur permettrait pas d’être compétitifs face à AdX ;
- les transactions des acheteurs du même groupe ne sont pas éligibles ;
- les formats susceptibles d’être proposés par certains fournisseurs ne sont pas pris en charge et les formats vidéos doivent impérativement être affichés via le lecteur propriétaire de Google ;
- leur capacité de ciblage est nécessairement restreinte par comparaison avec celle offerte par Google, dès lors qu’Open Bidding est une solution côté serveur.
202. En effet, premièrement, la part de revenu conservée par Google sur le montant des transactions réalisées via Open Bidding a un impact sur la compétitivité des SSP concurrentes. Smart Adserver indique ainsi que « [dans le cadre d’Open Bidding] nous ne maîtrisons pas le fonctionnement réel de l'algorithme de Google et par ailleurs Google collecte 5 % à 12 % de [commission] sur les revenus issus de notre SSP. Nous sommes de fait 5 à 12 % moins compétitif que Google AdX dans OpenBidding ([cette commmission] est negocié[e] par chaque éditeur DFP) » 109.
203. Deuxièmement, les conditions contractuelles imposées aux partenaires de rendement interdisent à un acteur qui exploiterait à la fois une SSP et une DSP de faire participer cette dernière aux enchères de sa SSP organisée par le biais de la fonctionnalité Open Bidding. Google indique que l’objet de ces conditions est « de garantir qu’[Open Bidding] soit utilisé par les ad exchanges, et non par les DSP, les comptoirs de négociation ou les réseaux publicitaires. En effet, les DSP, les comptoirs de négociation et les réseaux publicitaires achètent sur AdX grâce au produit Authorized Buyers »110. Selon Google, de telles restrictions sont nécessaires pour offrir des protections aux éditeurs face aux publicités malveillantes ou indésirables, protections qui ne seraient pas offertes par les DSP. Google n’a cependant pas expliqué en quoi une SSP qui offrirait ces protections pour les acheteurs autres qu’une DSP du même groupe ne pourrait offrir une protection équivalente envers les acheteurs finaux utilisant sa propre DSP. Google a cependant produit un document interne111 qui précise que l’objectif est de s’assurer que la demande qu’un acheteur AdX fait passer par AdX ne soit pas transférée sur l’Open Bidding.
204. Selon Xandr et Adform, qui offrent tant une SSP qu’une DSP, une telle restriction dégrade significativement leur compétitivité, en les privant d’un accès direct à leur propre demande. Xandr a notamment affirmé : « Xandr n'a pas encore rejoint le programme EBDA pour plusieurs raisons : […] L'un des meilleurs arguments de vente de Xandr est son accès direct à sa propre demande (Xandr Invest, notre DSP). Toutefois, si Xandr devait intégrer EBDA, Google n'autoriserait pas Xandr à renforcer la demande de notre propre DSP via notre intégration EBDA. »112. À cet égard, il ressort des éléments versés au dossier que l’intégration verticale entre une SSP et une DSP peut avoir plusieurs effets pro- compétitifs113, dont notamment une économie des coûts de transaction, une meilleure circulation des données, une meilleure sécurité juridique (par exemple pour recueillir le consentement de l’internaute pour l’utilisation de ses données personnelles) et techniques (par exemple une latence réduite). Le comportement même de Google corrobore ces effets, dans la mesure où les DSP contrôlées par Google, c’est à dire les services DV360 et Google Ads, achètent largement sur AdX114.
205. Troisièmement, la fonctionnalité Open Bidding n’est pas compatible avec l’ensemble des formats susceptibles d’être offerts et la diffusion d’affichages vidéo doit impérativement être effectuée via le lecteur propriétaire de Google. La société Teads, qui propose aux éditeurs des services d’intermédiation spécialisés dans des formats vidéo outstream s’affichant dans le contenu environnant, déclare ainsi : « (Open Bidding) est un frein à notre activité car Google ne permet pas à des tiers qui veulent enchérir sur des formats outstream dans Open Bidding de le faire sans utiliser leur propre vidéo player outstream. Dès lors, aujourd’hui nous ne pouvons pas travailler avec Open Bidding. De plus, Open Bidding est une solution server-side [côté serveur] ce qui limite les formats à ceux supportés par Google. Aussi beaucoup de nos formats Display ne fonctionnent pas dans Open Bidding »115 (soulignement ajouté).
206. Quatrièmement, comme toutes les solutions côté serveur, Open Bidding ne permet pas aux partenaires de rendement d’offrir à leurs acheteurs un ciblage aussi efficace que dans le cadre du header bidding côté client116, ce notamment du fait des modalités de fonctionnement du processus d’appariement des cookies.
207. Les documents versés au dossier attestent que la fonctionnalité Open Bidding n’a pas été prévue pour permettre un accès des SSP aux inventaires des utilisateurs de DFP dans des conditions équivalentes à AdX, mais pour freiner le développement du header bidding. Un document préparatoire transmis par Google117 fixe par exemple l’objectif de rendre Open Bidding juste légèrement meilleur que le header bidding. Un autre document contient un tableau118 montrant que la part de revenu Open Bidding a été prévue pour être compétitive face au header bidding, sans toutefois permettre aux partenaires de rendement d’être compétitifs face à AdX.
208. Par ailleurs, les informations transmises par les éditeurs interrogés montrent que cette fonctionnalité ne représente aujourd’hui qu’une part très minoritaire de leurs revenus, notamment en comparaison des revenus issus des intégrations en header bidding119. De même, les données transmises par Google montrent que les dépenses brutes dans le cadre de la fonctionnalité Open Bidding n’ont jamais dépassé [5-10] % des revenus d’AdX120. La fonctionnalité Open Bidding ne peut donc être considérée comme une solution permettant, à elle seule, une concurrence plus équitable que l’intégration en header bidding. Ces deux modalités d’intégration sont néanmoins utilisées de manière complémentaire par les éditeurs. Ainsi, la fonctionnalité Open Bidding est notamment utilisée par des éditeurs pour évaluer une SSP avant d’accorder une place à cette dernière dans l’intégration header bidding côté client, dont la capacité est limitée121. En effet, multiplier le nombre de partenaires intégrés en header bidding côté client est susceptible d’augmenter fortement la latence à l’affichage de la publicité. Les professionnels se limitent donc à entre 5 et 10 SSP intégrées par ce biais (selon les technologies et l’exigence des utilisateurs). La fonctionnalité Open Bidding est également utilisée pour mettre en concurrence les SSP sur des impressions pour lesquelles le header bidding n’est pas disponible122.
d) Les avantages résultant du passage à l’enchère unifiée au premier prix et de l’entrée en vigueur des Règles de Tarification Unifiées
L’uniformisation des prix de réserve appliqués aux SSP par les éditeurs
209. Ainsi qu’exposé au paragraphe 143, le principal changement apporté par l’introduction par Google des Règles de Tarification Unifiées, finalisée en septembre 2019, est la suppression de la possibilité qu’avaient les éditeurs de fixer des prix de réserve différents pour des acheteurs différents.
210. Les raisons pour lesquelles les éditeurs sont susceptibles de différencier le prix de réserve des acheteurs sont multiples. Les éditeurs peuvent notamment utiliser cette différenciation afin123 :
- d’optimiser le déroulement des enchères pour maximiser le prix obtenu ;
- de « pénaliser » des acheteurs dont les publicités sont estimées par l’éditeur comme étant les plus nuisibles à l’expérience utilisateur. Cette appréciation est spécifique à chaque éditeur, et dépend notamment du type de contenu qu’il propose et du profil de son public. À cet égard, une analyse interne124 à Google résumant les retours des éditeurs sur les Règles de Tarification Unifiées constate que le fait de ne pas pouvoir fixer des planchers différents pour des acteurs différents a un impact sur la qualité des publicités qui remportent les enchères ;
- de refléter les conditions contractuelles obtenues par l’éditeur avec les différentes SSP. À cet égard, le document mentionné ci-dessus cite le nom d’un éditeur qui considère qu’il devrait se réserver le droit de conserver le contrôle des prix conformément aux accords conclus avec chaque SSP. Le sentiment de cet éditeur est que les Règles de Tarification Unifiées ressemblent à une règle du jeu faite pour avantager Google plutôt qu’à une règle du jeu équitable.
211. Ainsi, la différenciation des prix de réserve permet aux éditeurs de tenir compte des avantages comparatifs des différentes SSP, notamment lorsque AdX se compare défavorablement à ses concurrents, par exemple s’agissant de la part de revenu conservée ou de la qualité des contenus publicitaires.
212. De plus, les éditeurs appliquaient fréquemment des prix de réserve plus élevés à AdX qu’aux autres SSP, que ce soit dans le cadre du header bidding ou de la fonctionnalité Open Bidding, dans le but de maximiser les offres émanant de cette plateforme. Dans une analyse interne transmise en réponse à une demande des services d’instruction, des salariés de Google observent ainsi que les éditeurs proposent leurs inventaires sur de multiples SSP, et les prix planchers tendent à être plus élevés sur AdX125.
213. News Corp estime que cette évolution menace ainsi « de supprimer la pression concurrentielle exercée par le Header Bidding et semble augmenter la marge disponible pour Google »126.
La transmission d’informations stratégiques aux acheteurs passant par AdX ou par les partenaires de rendement Open Bidding
214. Dans le cadre de l’enchère unifiée au premier prix, Google fournit aux acheteurs ayant participé à une enchère sur AdX et aux partenaires de rendement Open Bidding une information dénommée minimum_bid_to_win relative au montant minimum que l’acheteur aurait dû proposer pour remporter l’enchère.
215. Cette information permet à l’acheteur d’adapter sa stratégie d’enchère, et donc d’optimiser son retour sur investissement, par exemple en évitant de surpayer des impressions en proposant aux acheteurs des services d’adaptation du montant des enchères. De tels services sont proposés notamment par Google, Rubicon Project et Index Exchange127.
216. Pour leur part, les SSP intégrées en header bidding ne disposent pas du minimum_bid_to_win. En effet, Google ne fournit aucun retour sur le déroulement de l’enchère lors de la réponse de DFP au navigateur de l’internaute. La société Hubvisor, qui fournit des services de conseils et de support aux éditeurs, précise que dans un tel cas, « (s)i le gagnant du header bidding n'est pas affiché, il est possible (pour l’éditeur) de savoir si une autre impression a été affichée (…) (mais il) n'est pas possible de savoir pourquoi l'affichage n'a pas eu lieu, ni à quel prix l'impression a été vendue au sein de (DFP) »128.
3. L’INTEROPERABILITE RESTREINTE D’ADX AVEC LES SERVEURS PUBLICITAIRES TIERS
217. La plateforme AdX n’offre pas aux éditeurs utilisant des serveurs publicitaires autres que DFP des conditions techniques et contractuelles aussi performantes que celles offertes aux éditeurs utilisant DFP (a). AdX étant utilisée par ses principaux acheteurs de manière exclusive ou préférentielle (b), cette asymétrie incite les éditeurs à utiliser le serveur publicitaire DFP, plutôt qu’un service concurrent (c).
a) L’absence de moyen de communication en « temps réel » avec les serveurs tiers et les restrictions contractuelles
218. Les serveurs publicitaires concurrents de DFP, tels que celui proposé par Xandr ou par Smart Adserver, ne peuvent ni interagir avec AdX de la même manière que DFP, ni de la même manière qu’avec les autres plateformes d’intermédiation offertes sur le marché.
219. En effet, la seule possibilité dont disposent les éditeurs utilisant ces serveurs tiers pour fournir une impression avec un contenu créatif issu d'AdX consiste à renvoyer le navigateur directement vers les serveurs d’AdX. Cette procédure est connue sous le nom de redirection côté client, ou « passback », et implique que le serveur publicitaire transfère le contrôle de la page à AdX, pour qu'AdX réalise son propre appel publicitaire et fournisse sa propre impression.
220. Lors de l'utilisation d'une redirection côté client, le serveur publicitaire n'a aucune indication en « temps réel » du niveau de prix de la demande d'AdX et l'éditeur doit se contenter d’estimer la valeur susceptible d’être apportée par AdX.
221. En pratique, l’éditeur doit donc configurer son serveur publicitaire :
- soit pour utiliser AdX afin de monétiser uniquement ses inventaires invendus (à la plus faible priorité de leur modèle en cascade), ce qui limite alors sa capacité à maximiser son rendement pour chaque impression ;
- soit pour stimuler le prix de la demande d'AdX avec un CPM fixe qui limite également sa capacité à maximiser son rendement. À cet égard, dans un échange interne129 consacré à l’attitude à tenir face à un éditeur voulant intégrer AdX via une solution de header bidding, un responsable de Google constate qu’en cas d’utilisation d’un serveur publicitaire tiers, un éditeur ne pourra pas obtenir le meilleur rendement du fait de la configuration manuelle d’un CPM moyen pour AdX ;
- soit avec une configuration dénommée par Google « élément de campagne invendu » et par certains concurrents « médiation de dernier regard », qui appelle systématiquement AdX avec un plancher d’enchère calculé dynamiquement. Cette solution, qui n’est pas officiellement approuvée ou documentée par Google, induit un investissement initial important, augmente le coût de diffusion des affichages, et accroît la latence des pages130.
222. Les fournisseurs interrogés indiquent ainsi que, par comparaison avec l’intégration d’AdX par DFP, une intégration côté client est moins efficiente tant en matière de monétisation, puisque qu’elle ne permet pas une mise en concurrence par les prix pour chaque impression, qu’en matière de mise en œuvre, puisqu’elle augmente le temps requis pour servir une annonce et affecte donc négativement l’expérience utilisateur. De plus, l’utilisation d’une redirection côté client ne permet pas aux fournisseurs de serveurs tiers d’intégrer AdX à leurs produits publicitaires (par exemple de programmatique garanti) 131.
223. L’ensemble des fournisseurs de technologies publicitaires interrogés a indiqué que les intégrations côté client étaient aujourd’hui obsolètes et que des alternatives permettant d'améliorer l’interopérabilité des différentes technologies publicitaires, en particulier le header bidding, existent depuis plusieurs années.
224. Certains fournisseurs de serveurs publicitaires ont indiqué avoir sollicité en vain Google en vue d’améliorer l’intégration d’AdX avec leur offre132.
225. En tout état de cause, Google impose des restrictions d’ordre contractuel à l’interopérabilité des serveurs tiers avec AdX. Les conditions générales d’AdX interdisent ainsi que le résultat de l’enchère AdX soit mis en compétition avec d’autres intermédiaires, c’est-à-dire que - dans le cas où l’enchère AdX permet de battre le prix de réserve indiqué dans la requête au service AdX- AdX doit impérativement commercialiser l’impression.
b) La capacité des éditeurs à compenser les restrictions à l’interopérabilité avec AdX par d’autres canaux
226. Selon les saisissantes, il est difficile de compenser les restrictions à l’interopérabilité avec la plateforme AdX car la capacité d’un éditeur à vendre ses inventaires aux acheteurs présents sur AdX par d’autres canaux est limitée. Elles soulignent en particulier que :
- la demande contrôlée par Google, c’est-à-dire générée par les plateformes Google Ads et DV360, est une part importante de la demande présente sur AdX ;
- le service Google Ads achète exclusivement ou quasi-exclusivement sur AdX ;
- la DSP DV360 oriente les achats de ses clients vers la SSP AdX.
227. Tout d’abord, la répartition des acheteurs présents sur la plateforme AdX fait apparaitre la place significative occupée par les DSP Google Ads et DV360133 :
Année | Google Ads | DV360 | Autres |
2014 | [80-90] % | [0-5]% | [10-20]% |
2015 | [70-80] % | [5-10]% | [10-20]% |
2016 | [70-80] % | [10-20] % | [10-20]% |
2017 | [60-70] % | [10-20] % | [10-20]% |
2018 | [60-70] % | [10-20]% | [20-30]% |
2019 | [50-60] % | [10-20]% | [20-30]% |
Source : Google
228. Ensuite, de nombreux éditeurs ont indiqué que la demande générée via Google Ads était exclusive à la SSP AdX134. Google a toutefois précisé qu’il proposait à certaines SSP tierces un service dénommé AWBid, dans le cadre duquel la plateforme Google Ads est susceptible d’acheter des inventaires sur d’autres places de marchés qu’AdX. Plusieurs éléments conduisent toutefois à nuancer l’impact de ce service :
- premièrement, comme l’atteste un document interne transmis par Google, d’une part, Google Ads conserve une proportion nettement plus importante des dépenses des annonceurs lorsqu’elle achète sur les places de marchés tierces dans le cadre du service AWBid, ce qui diminue d’autant le montant net des enchères des annonceurs, d’autre part, les limitations techniques de ce service restreignent la demande éligible135 ;
- deuxièmement, seule une part de la demande Google Ads relative aux campagnes de reciblage est éligible dans le cadre de ce service. Xandr a ainsi indiqué qu’environ 30 % de la demande Google Ads serait potentiellement éligible, en précisant cependant que ce chiffre devait être considéré avec précaution136. Une analyse interne à Google relative à la France semble néanmoins confirmer cet ordre de grandeur137 ;
- troisièmement, Google n’autorise pas les SSP sur lesquelles le service AWBid achète à utiliser le nom Google Ads (ou AdWords) auprès des éditeurs et utilise son interopérabilité privilégiée avec Google Ads dans le cadre de sa communication commerciale. À cet égard, la société LBC France a transmis une offre reçue de la part de la société Google138, qui indique : « la part de revenu offerte par Google AdX dans le cadre d’enchères ouvertes (80 %) : est souvent considérée comme inférieure à celle proposée par les SSP concurrentes (…) mais est également connue pour générer des CPM nets significativement plus élevés pour les éditeurs, particulièrement grâce à la demande propriétaire Google AdWords qui est générée par des investissements significatifs des équipes commerciales de Google » (traduction libre139 et soulignement ajouté) ;
- quatrièmement, Google a fourni des éléments chiffrés sur les achats du service Google Ads, montrant qu’AWBid représente une part très limitée du total des achats réalisé via cette plateforme140 :
Offre | Proportion des revenus de Google Ads | Proportion des impressions de Google Ads |
Ad Manager | [30-40] % | [30-40]% |
AdMob | [30-40]% | [20-30]% |
AdSense | [20-30]% | [30-40]% |
Plateforme tierces (AWBid) | [0-5]% | [0-5]% |
Source : Google
229. Enfin, la DSP DV360 oriente les achats de ses clients vers la SSP AdX141 :
- premièrement, Google a indiqué que l’activation de certaines fonctionnalités de DV360 restreint les achats à la seule SSP AdX. Ces fonctionnalités, ainsi que la proportion – très limitée - des dépenses concernées, sont présentées dans le tableau suivant142 :
Fonctionnalité | 2016 | 2017 | 2018 | 2019 | Jan-Mars 2020 |
Correspondance du client |
[0-5] % |
[0-5] % |
[0-5] % |
[0-5] % |
[0-5] % |
Ciblage par statut parental |
[0-5] % |
[0-5] % |
[0-5] % |
[0-5] % |
[0-5] % |
Ciblage par “données démographiques sur le revenu des ménages” |
[0-5] % |
[0-5] % |
[0-5] % |
[0-5] % |
[0-5] % |
Evènements de la Vie | [0-5] % | [0-5] % | [0-5] % | [0-5] % | [0-5] % |
Données Démographiques Détaillées |
[0-5] % |
[0-5] % |
[0-5] % |
[0-5] % |
[0-5] % |
Gestion des fréquences pour Programmatique Garanti |
[0-5] % |
[0-5] % |
[0-5] % |
[0-5] % |
[0-5] % |
Ciblage sur le même appareil mobile, 143 |
Non fournis |
Non fournis |
Non fournis |
Non fournis |
Non fournis |
Source : Google
- deuxièmement, il ressort des constats des services d’instruction que d’autres fonctionnalités, significativement plus utilisées que les fonctionnalités mentionnées ci- dessus, dont Google déclare qu’elles sont aujourd’hui compatibles avec les achats sur les SSP tierces, restreignaient néanmoins les dépenses de DV360 à la seule SSP AdX jusqu’à une période récente144. La part des dépenses du service DV360 sur lesquelles ces fonctionnalités sont activées est détaillée dans le tableau suivant145 :
Fonctionnalité | 2016 | 2017 | 2018 | 2019 | Jan-Mars 2020 |
Ciblage d’audiences d’affinité | [10-20]% | [10-20]% | [10-20]% | [10-20]% | [20-30]% |
Affinité personnalisée | [0-5] % | [5-10] % | [5-10]% | [5-10]% | [5-10]% |
Intention personnalisée | [0-5] % | [0-5] % | [0-5] % | [0-5] % | [0-5] % |
Source : Google
- troisièmement, les offres dites de programmatique garanti des SSP tierces n’ont été rendues accessibles aux utilisateurs de DV360 qu’à compter d’avril 2019, pour un nombre limité de SSP tierces. Pour leur part, les offres de programmatique garanti d’AdX ont commencé à être proposées aux utilisateurs de DV360 courant 2015 et ont été ouvertes à l’ensemble de ces utilisateurs en avril 2017.146 À cet égard, un éditeur important a indiqué que l’exclusivité des accords de programmatique garanti sur la période 2015-2019 a été un facteur déterminant dans son choix d’utiliser le serveur publicitaire DFP147 ;
- quatrièmement, il ressort des documents transmis par Google que cette dernière a activement cherché à orienter les achats réalisés via DV360 vers AdX. L’un de ces documents indique par exemple que DV 360 permet d’acheter de façon plus intelligente lorsque la médiation ou le header bidding sont détectés, en favorisant AdX lorsque cela est possible148.
c) L’impact de ces modalités sur le choix de leur solution de serveur publicitaire par les éditeurs
230. L’ensemble des éditeurs interrogés indique que l’interopérabilité privilégiée entre DFP et AdX est l’un des principaux, sinon le principal, facteur d’attractivité de DFP149. Un éditeur indique par exemple que les outils de Google génèrent plus de revenus, compte tenu notamment de la demande exclusive des DSP de Google (DV630 et Google Ads), qui ne sont pas disponibles en header bidding. Selon cet éditeur, l’accès à la demande de Google est le critère déterminant qui permet de différencier le serveur DFP de son concurrent Appnexus. .
231. De fait, la demande AdX constitue la principale source de revenus programmatiques pour les éditeurs qui utilisent DFP. Elle représente ainsi entre 40 et 90 % de leurs revenus programmatiques150. À cet égard, News Corp indique que « désactiver AdX entraînerait une perte pouvant aller jusqu’à 83 % [des revenus programmatiques de Dow Jones] »151.
232. Pour leur part, les éditeurs qui n’utilisent pas DFP ont des revenus provenant de la SSP AdX très significativement plus faibles que les éditeurs qui utilisent DFP, mais aussi que la moyenne d’éditeurs similaires152. Altice, qui utilise le service Smart AdServer, déclare ainsi que : « Smart ne nous permet pas d'accéder à la demande de Google en programmatique et c'est un vrai problème car cela nous coupe de 20 à 30 % du potentiel de chiffre d'affaires programmatique additionnel »153.
233. Il faut relever que le fait que cette part de revenu soit accessible uniquement aux utilisateurs de DFP est mise en avant par les services commerciaux de Google dans le cadre de leurs réponses aux appels d’offres des éditeurs154. À cet égard, les éditeurs ayant récemment adopté la solution de serveur publicitaire de Google anticipent ou observent effectivement une augmentation significative de leurs revenus programmatiques et l’expliquent principalement par la demande supplémentaire représentée par AdX155.
234. En conséquence, la plupart des fournisseurs de serveur publicitaire interrogés indiquent que l’absence de compatibilité d’AdX avec les appels en « temps réel » ne leur permet pas d’offrir une offre de serveur publicitaire compétitive156. AdSpirit indique ainsi que « (l)e principal problème est qu’AdX n’autorise pas les éditeurs externes à vendre leurs inventaires à travers AdX [..] Pour être compétitif, il nous faudrait pouvoir nous connecter à AdX en utilisant OpenRTB ou n’importe quel protocole d’enchère en temps réel afin de permettre à nos clients de vendre leurs inventaires »157 (traduction libre158). Pour sa part, Adzerk ajoute159 qu’elle a choisi de ne pas placer son offre de serveur publicitaire en concurrence directe avec celle de Google et que « (u)n facteur ayant fortement contribué à cette décision est qu’Adzerk n’a pas accès à la demande des annonceurs sur AdX » (traduction libre160).
Conclusion
235. Google a mis en œuvre deux pratiques distinctes visant à ce que son serveur publicitaire DFP avantage sa SSP AdX et que, réciproquement, sa SSP AdX favorise son serveur publicitaire DFP.
236. Premièrement, le serveur publicitaire DFP organise une mise en concurrence asymétrique entre la plateforme de mise en vente AdX et ses concurrentes. Les modalités exactes de cette pratique ont varié au cours de la période considérée, et ce d’autant plus qu’il existe plusieurs méthodes permettant à une plateforme concurrente d’interagir avec DFP. L’une des asymétries les plus notables est que DFP indiquait jusqu’à une période récente le prix proposé par les plateformes concurrentes à AdX, et que cette dernière utilisait cette information afin d’optimiser ses enchères, notamment en faisant varier sa commission en fonction de la pression concurrentielle.
237. Le tableau ci-après compare les conditions d’achats des inventaires de DFP offertes à AdX par rapport aux SSP tierces :
Situation |
Conditions d’interaction |
SSP tierce via médiation |
Désavantages pour les SSP tierces par rapport à AdX - impossibilité de soumettre une offre en « temps réel » Après septembre 2019 : - suppression des paliers d’enchère par acheteur |
SSP tierce via header bidding |
Désavantages pour les SSP tierces par rapport à AdX Avant septembre 2019 : - droit de dernier regard donné à AdX - part de revenu dynamique AdX non reproductible Après septembre 2019 : - absence d’information sur le déroulé de l’enchère - suppression des paliers d’enchère par acheteur |
SSP tierce via Open bidding |
Désavantages pour les SSP tierces par rapport à AdX - capacité de ciblage limitée - impossibilité d’utiliser des formats innovants - impossibilité de bénéficier des effets de l’intégration avec une plateforme d’achat d’espaces publicitaires (DSP) - handicap de compétitivité lié à la part de revenu conservée par Google Après septembre 2019 : - suppression des paliers d’enchère par acheteur |
AdX via allocation dynamique |
Avantages d’AdX - temps réel Avant septembre 2019 : - dernier regard - part de revenu dynamique Après septembre 2019 : - information sur le déroulé de l’enchère |
238. Deuxièmement, la plateforme AdX n’est que partiellement interopérable avec des serveurs publicitaires concurrents de DFP, et ne permet pas à ces derniers d’organiser une mise en concurrence entre AdX et ses concurrentes – ce alors même qu’AdX dispose elle-même d’un accès privilégié à une partie significative de la demande des annonceurs et que l’ensemble de ces serveurs publicitaires concurrents a adopté des normes permettant une mise en concurrence plus équitable.
239. Comparaison des conditions d’interopérabilité offerte par AdX à DFP vs serveurs publicitaires tiers :
Situation |
Conditions d’interaction |
DFP |
Avantages pour DFP - comparaison en temps réel - latence minimale |
Serveur tiers – configuration « AdX direct » |
Désavantages pour les serveurs tiers - absence de comparaison en temps réel limitant le rendement - droit de dernier regard pour AdX |
Serveur tiers – deuxième configuration |
Désavantages pour les serveurs tiers - latence additionnelle - frais de serveur publicitaire additionnels - configuration peu connue et complexe - absence de documentation officielle |
E. RAPPEL DES GRIEFS NOTIFIES
240. Les 1er et 19 octobre 2020, les sociétés Alphabet Inc., Google LLC et Google Ireland Inc. se sont vu notifier deux griefs relatifs à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des technologies pour l'affichage de publicité sur internet :
Premier grief
« Il est fait grief aux sociétés Google LLC (anciennement Google Inc.) et Google Ireland Ltd, en qualité d’auteures, et aux sociétés Alphabet Inc. et Google LLC, en qualité de société mère, d’avoir abusé de leur position dominante sur le marché européen des serveurs publicitaires pour éditeurs de sites web et d’applications mobiles en appliquant aux technologies tierces de plateformes de mise en vente d’espaces publicitaires non liés aux recherches des conditions techniques et contractuelles moins favorables que les conditions appliquées à leurs propres technologies. Google LLC (anciennement Google Inc.) et Google Ireland Ltd ont notamment accordé à la plateforme de mise en vente d’espaces publicitaires Doubleclick Ad Exchange, désormais intégrée à Google Ad Manager, des conditions préférentielles pour l’achat des inventaires gérés par le serveur publicitaire Doubleclick for Publishers, désormais intégré à Google Ad Manager. Cette pratique est susceptible d’avoir, et a d’ores et déjà effectivement eu, des effets anticoncurrentiels sur le marché européen des plateformes de mise en vente d’espaces publicitaires non liés aux recherches ; contrevient aux dispositions de l’article L.420-2 du code de commerce et de l’article 102 du TFUE ; est mise en œuvre à tout le moins depuis le 1er janvier 2014 et est toujours effective à ce jour ».
Second grief
« Il est fait grief aux sociétés Google LLC (anciennement Google Inc.) et Google Ireland Ltd, en qualité d’auteures, et aux sociétés Alphabet Inc. et Google LLC, en qualité de société mère, d’avoir abusé de leur position dominante sur le marché européen des serveurs publicitaires pour éditeurs de sites web et d’applications mobiles en appliquant aux technologies tierces de serveurs publicitaires pour éditeurs de sites web et d’applications mobiles des conditions techniques et contractuelles plus contraignantes que les conditions appliquées à leur propre technologie. Google LLC (anciennement Google Inc.) et Google Ireland Ltd ont notamment accordé au serveur publicitaire Doubleclick for Publishers, désormais intégré à Google Ad Manager, des modalités d’interopérabilité préférentielles avec la plateforme de mise en vente d’espaces publicitaires Doubleclick Ad Exchange, désormais intégrée à Google Ad Manager. Cette pratique est susceptible d’avoir, et a d’ores et déjà effectivement eu, des effets anticoncurrentiels sur le marché européen des serveurs publicitaires pour éditeurs de sites web et d’applications mobiles ; contrevient aux dispositions de l’article L.420-2 du code de commerce et de l’article 102 du TFUE ; est mise en œuvre à tout le moins depuis le 1er janvier 2014 et est toujours effective à ce jour ».
II. Discussion
A. SUR LA MISE EN ŒUVRE DE LA PROCEDURE DE TRANSACTION
241. Le III de l’article L. 464-2 du code de commerce dispose : « [l]orsqu'un organisme ou une entreprise ne conteste pas la réalité des griefs qui lui sont notifiés, le rapporteur général peut lui soumettre une proposition de transaction fixant le montant minimal et le montant maximal de la sanction pécuniaire envisagée. Lorsque l'entreprise ou l'organisme s'engage à modifier son comportement, le rapporteur général peut en tenir compte dans sa proposition de transaction. Si, dans un délai fixé par le rapporteur général, l'organisme ou l'entreprise donne son accord à la proposition de transaction, le rapporteur général propose à l'Autorité de la concurrence, qui entend l'entreprise ou l'organisme et le commissaire du Gouvernement sans établissement préalable d'un rapport, de prononcer la sanction pécuniaire prévue au I dans les limites fixées par la transaction ».
242. En outre, le point 23 du communiqué de procédure de l’Autorité du 21 décembre 2018 relatif à la procédure de transaction (ci-après « communiqué transaction ») prévoit : « Dans le cas où l’entreprise en cause a, en outre, proposé des engagements, il appartient au rapporteur général d’apprécier s’il est pertinent de les prendre en compte au regard des circonstances particulières de l’affaire et, notamment, de la nature des griefs retenus. Si tel est le cas, le rapporteur général s’assure ensuite du caractère substantiel, crédible et vérifiable des engagements proposés ». Le point 27 du communiqué transaction précise que : « S’il estime pertinent de proposer à l’Autorité de rendre obligatoire les engagements présentés par l’entreprise, le rapporteur général en tient également compte dans sa proposition de transaction ».
243. Les parties qui entrent en procédure de transaction se doivent d’apporter toutes les garanties suffisantes, notamment en termes de délais de mise en conformité, afin que les pratiques qui font l’objet des griefs notifiés cessent dans les meilleurs délais161. La mise en conformité avec le droit de la concurrence, qui est la conséquence nécessaire d’une décision de sanction retenant des griefs comme établis, ne saurait ainsi faire l’objet d’une rétribution spécifique dans le cadre d’une procédure de transaction.
244. Il est toutefois loisible au rapporteur général, dans le cas où l’entreprise en cause a, dans le cadre de la procédure de transaction, proposé en outre des engagements comportementaux, de les annexer au procès-verbal de transaction s’il les estime pertinents au regard des circonstances particulières de l’affaire et lorsqu’ils sont substantiels, crédibles et vérifiables.
245. La circonstance que ces engagements soient rendus obligatoires par l’Autorité n’exonère en aucun cas l’entreprise de se conformer pleinement au droit de la concurrence. Au-delà des engagements proposés par l’entreprise en cause, elle devra aussi prendre toutes les mesures qui s’imposent pour respecter le droit de la concurrence, tout particulièrement en ce qui concerne les griefs retenus par l’Autorité.
246. Ainsi, le seul respect des engagements proposés dans le cadre d’une transaction n’exonère pas l’entreprise en cause d’un nouveau risque de sanctions si les mesures qu’elle a adoptées, et notamment les engagements qu’elle a pris, ne sont pas suffisants pour remédier à l’infraction sanctionnée dans la décision de sanction prononcée par le collège.
247. En l’espèce, par un procès-verbal signé le 12 mars 2021, en raison de circonstances qui leur sont propres, et sans pour autant reconnaître leur culpabilité, les sociétés Alphabet Inc., Google LLC et Google Ireland Ltd se sont engagées à ne pas contester les griefs qui leur ont été notifiés. En conséquence, les griefs exposés au paragraphe 240 de la présente décision sont établis à l’égard des sociétés concernées du groupe Google.
248. Par ailleurs, les sociétés Alphabet Inc., Google LLC et Google Ireland Ltd ont proposé une série d’engagements consistant, d’une part, à renforcer l’interopérabilité entre DFP et les SSP tierces selon les modalités du header bidding afin de permettre une concurrence par les mérites entre AdX et les SSP tierces pour l’achat des inventaires des éditeurs utilisant DFP et, d’autre part, à modifier les configurations existantes de certaines de ses technologies, afin de permettre aux éditeurs utilisant des serveurs publicitaires tiers d’avoir accès à la demande AdX en temps réel. Ces engagements, qui ont été annexés au procès-verbal de transaction, sont résumés aux paragraphes 468 et suivants et sont annexés à la présente décision.
249. Lors de la séance du 7 mai 2021, Google a confirmé solennellement son accord avec les termes de la transaction dont elle a accepté, en toute connaissance de cause, les conséquences juridiques, notamment en ce qui concerne le montant de la sanction pécuniaire.
250. Les pratiques n’ayant pas été contestées, l’Autorité se bornera, après avoir examiné l’applicabilité du droit de l’union, les marchés pertinents et la position occupée par Google sur ces marchés, à les exposer.
B. SUR L’APPLICABILITE DU DROIT DE L’UNION
251. L’article 102 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (ci-après « TFUE ») interdit, dans la mesure où le commerce entre États membres est susceptible d’en être affecté, le fait, pour une ou plusieurs entreprises, d’exploiter de façon abusive une position dominante sur le marché intérieur ou dans une partie substantielle de celui-ci.
252. Conformément à la jurisprudence constante des juridictions de l’Union et à la communication de la Commission européenne relative à la notion d’affectation du commerce figurant aux articles 81 et 82 du traité instituant la Communauté européenne (devenus les articles 101 et 102 du TFUE), trois éléments doivent être réunis pour que des pratiques soient susceptibles d’affecter sensiblement le commerce entre États membres : l’existence d’échanges, à tout le moins potentiels, entre États membres portant sur les services en cause (i), l’existence de pratiques susceptibles d’affecter ces échanges (ii) et le caractère sensible de cette possible affectation (iii).
253. En l’espèce, les technologies publicitaires sont susceptibles d’être fournies sans considération de frontière. Il n’est, en particulier, pas nécessaire que les serveurs soient localisés dans l’État membre dans lequel les services de serveurs publicitaires sont commercialisés – autrement dit, ils n’ont pas à être situés dans le même État membre que l’annonceur, l’éditeur, ou l’utilisateur visionnant les annonces. Ensuite, les pratiques dénoncées sont susceptibles d’affecter la structure de la concurrence dans l’ensemble de l’Espace économique européen (ci-après « EEE »), en restreignant la concurrence entre les fournisseurs de serveur publicitaire pour éditeurs et de plateforme de mise en vente d’espaces publicitaires au sein de l’EEE. Enfin, Google a mis en œuvre les pratiques constatées dans l’ensemble de l’EEE.
254. Il résulte de ce qui précède que les pratiques constatées sont susceptibles d’affecter sensiblement le commerce entre États membres et d’être qualifiées au regard de l’article 102 du TFUE.
C. SUR LES MARCHES PERTINENTS
1. RAPPEL DES PRINCIPES APPLICABLES
255. La définition des marchés de produits et des marchés géographiques, dans le cadre de l’application des articles 102 TFUE et L. 420-2 du code de commerce, est effectuée pour déterminer si l’entreprise concernée occupe une position dominante et si celle-ci lui permet d’empêcher le maintien d’une concurrence efficace sur le marché pertinent, en lui donnant le pouvoir de se comporter, dans une mesure appréciable, indépendamment de ses concurrents, de ses clients, et in fine, des consommateurs.
256. Le concept de marché pertinent implique qu’il puisse y avoir une concurrence efficace entre les produits et services qui appartiennent à ce marché. Cela présuppose qu’il y ait un degré suffisant de substituabilité entre tous les produits et services appartenant au même marché relativement à un usage spécifique de ceux-ci162.
257. Pour réaliser cette appréciation, il y a lieu de prendre en compte non seulement les caractéristiques objectives des produits et services concernés, mais aussi les conditions de concurrence et la structure de l’offre et de la demande sur le marché doivent également être prises en compte163.
258. L’identification de marchés de produits pertinents découle de l’existence de contraintes concurrentielles. À cet égard, les entreprises sont soumises à trois sources de contraintes concurrentielles : la substituabilité du côté de la demande, la substituabilité au niveau de l'offre, et la concurrence potentielle. D’un point de vue économique, pour la définition du marché pertinent, la substituabilité de la demande constitue le facteur de discipline le plus immédiat et le plus efficace vis-à-vis des fournisseurs d’un produit donné164.
259. La substituabilité de l’offre peut aussi être prise en compte dans le cadre de la définition du marché, dans les situations où ses effets sont équivalents à ceux de la substituabilité de la demande en termes d’effectivité et d’immédiateté. Il y a une substituabilité de l’offre lorsque les fournisseurs peuvent réorienter la production vers les produits ou services en cause et les commercialiser à court terme sans avoir à supporter ni coût ni risque supplémentaire substantiel en réponse à des variations légères, mais permanentes, des prix relatifs. Lorsque ces conditions sont remplies, le supplément de production qui est ainsi mis sur le marché devrait exercer un effet de discipline sur le comportement concurrentiel des entreprises en cause165.
260. Le marché géographique, quant à lui, comprend le territoire sur lequel les entreprises sont engagées dans l’offre et la demande en cause et sur lequel les conditions de concurrence sont homogènes.
2. LES SERVEURS PUBLICITAIRES POUR EDITEURS DE SITE WEB ET D’APPLICATION MOBILE
261. La pratique décisionnelle de l’Autorité de la concurrence et de la Commission européenne distingue un marché spécifique pour la fourniture de services de diffusion d’annonces publicitaires, et relève que ce marché est susceptible d’être subdivisé selon que les services sont fournis aux annonceurs ou aux éditeurs166.
262. S’agissant de la dimension géographique d’un tel marché, la Commission a estimé qu’elle s’étendait au minimum à l’Espace économique européen167 .
a) Sur le marché de produits
263. Le marché des serveurs publicitaires pour éditeurs de sites web et d’applications mobiles constitue un marché pertinent. En effet, les éléments versés au dossier démontrent :
- que le marché des serveurs publicitaires doit être segmenté selon que ces serveurs sont destinés aux éditeurs ou aux annonceurs ;
- qu’il existe un marché spécifique pour la fourniture de serveurs publicitaires destinés aux affichages publicitaires, distinct de celui sur lequel sont présentes les SSP ;
- que l’offre de serveurs publicitaires à destination des éditeurs de sites web et d’applications mobiles diffère toutefois largement de celle pour les technologies – émergentes – de serveur publicitaire destinées à la diffusion de publicités sur les télévisions connectées ;
- qu’il n’est en revanche pas pertinent, dans le cadre de la présente affaire, de segmenter ce marché davantage, selon des considérations de support ou de format.
Sur la distinction entre les serveurs publicitaires pour éditeurs et pour annonceurs
264. Ainsi qu’envisagé par la Commission européenne dans la décision Google/DoubleClick précitée, l’Autorité estime que les serveurs publicitaires pour annonceurs ne sont pas substituables aux serveurs publicitaires pour éditeurs.
265. Tout d’abord, les principales fonctionnalités d’un serveur publicitaire pour éditeurs (voir développements aux paragraphes 40 et suivants) diffèrent significativement de celles des serveurs publicitaires pour annonceurs. En particulier, ces derniers n’offrent notamment pas de fonctionnalité de prévision des inventaires à livrer, ni d’algorithme permettant d’arbitrer entre les différentes possibilités de commercialisation d’un inventaire. Or, la mise en place de ces fonctionnalités nécessite des développements techniques poussés et est indispensable à l’attractivité d’un serveur publicitaire168.
266. Ensuite, les fournisseurs de serveurs publicitaires pour éditeurs et pour annonceurs sont largement distincts. Ainsi, plusieurs sociétés commercialisent uniquement des serveurs publicitaires à destination soit des éditeurs (par exemple Adhese ou Smart AdServer), soit des annonceurs (par exemple Flashtalking, Sizmek, ou Weborama). De plus, lorsqu’une même société commercialise ces deux types de technologies, elle le fait sous des marques différentes. C’est par exemple le cas de Google qui commercialise son serveur publicitaire à destination des éditeurs sous la marque Google Ad Manager (antérieurement Doubleclick for Publishers), et le serveur publicitaire pour annonceurs sous la marque Google Marketing Platform (antérieurement Doubleclick Campaign Manager).
267. Cette distinction n’est, au demeurant, pas contestée par Google, selon laquelle « (s)i l’Autorité venait à considérer que les serveurs publicitaires constituent un marché distinct, la distinction entre les serveurs publicitaires pour éditeurs et les serveurs publicitaires pour annonceurs pourrait alors être justifiée »169.
Sur l’existence d’un marché spécifique distinct de celui sur lequel sont présentes les SSP
268. Selon Google, « (l)a distinction entre les serveurs publicitaires pour les éditeurs et les plateformes d’intermédiation publicitaire côté offre (« SSP ») ne reflète pas les multiples fonctionnalités communes actuellement proposées par les deux produits en ce qui concerne la gestion d’inventaire publicitaire et de trafic publicitaire entrant. De nombreux produits considérés comme des serveurs publicitaires pour éditeurs sont également assimilés à des SSP. La plupart des principaux outils de diffusion d’annonces pour éditeurs intègre désormais – a minima dans une certaine mesure – des fonctionnalités de type SSP. Il n’existe plus véritablement de marché pour la diffusion autonome d’annonces, qui correspond à un service entièrement standardisé »170.
269. L’Autorité estime toutefois que le marché des serveurs publicitaires demeure distinct de celui sur lequel sont présentes les SSP. En effet, ces produits ne sont substituables ni du côté de l’offre, ni du côté de la demande, et les conditions dans lesquelles la concurrence s’exerce pour ces deux types d’activités sont différentes.
270. Du côté de la demande, les éditeurs interrogés soulignent qu’il est impossible de se passer de serveur publicitaire, y compris en remplaçant le serveur publicitaire par une SSP, dès lors que :
- l’utilisation d’un serveur publicitaire est indispensable à la réalisation des ventes directes. Or, d’une part, ces ventes représentent une partie importante des revenus des éditeurs les plus importants, et, d’autre part, pour un même inventaire, le revenu que tire un éditeur d’une vente directe est en moyenne très supérieur au revenu tiré d’une vente programmatique171. Groupe Figaro indique par exemple qu’un inventaire vendu de manière programmatique est entre 30 à 60 % moins rémunérateur172, et Webedia qu’un format aux standards de l’IAB rapporte, en moyenne, 4 euros CPM (coûts pour mille impressions) lorsqu’il est vendu en direct, contre 0,80 euros CPM lorsqu’il est vendu en programmatique173 ;
- l’utilisation d’un serveur publicitaire est indispensable pour mettre en concurrence plusieurs SSP pour un même inventaire, tout en en tenant compte des ventes directes, et en assurant le suivi des performances commerciales. Or, ainsi qu’exposé supra, cette mise en concurrence augmente, de façon directe et significative, le prix de vente des inventaires174.
271. Du côté de l’offre, il existe des barrières technologiques à la fourniture de services de serveur publicitaire pour un fournisseur de SSP. En effet, les serveurs publicitaires doivent offrir plusieurs fonctionnalités que les SSP ne proposent pas et qui nécessitent des développements importants (c’est par exemple le cas des fonctionnalités de prévision des inventaires à livrer). Plusieurs documents internes transmis par Google attestent de l’importance des investissements technologiques nécessaires à la fourniture des serveurs publicitaires par comparaison avec ceux nécessaires à la fourniture d’une SSP, dont la compétitivité est principalement corrélée à sa capacité à satisfaire à une demande la plus large possible.
272. Ensuite, de nombreux fournisseurs de SSP, y compris parmi les fournisseurs les plus importants (c’est par exemple le cas des sociétés Index Exchange175 et Rubicon Project176) ne proposent pas de serveur publicitaire. Certains fournisseurs qui proposaient les deux technologies ont abandonné leur serveur publicitaire pour ne plus fournir que des SSP, précisément car les investissements nécessaires au maintien d’un serveur publicitaire compétitif étaient trop importants (c’est par exemple le cas des sociétés OpenX et Verizon Media). En outre, les sociétés qui proposent les deux types de technologies offrent systématiquement les fonctionnalités de serveur et de SSP de façon séparée. C’est par exemple le cas de Smart Adserver et de Xandr, mais aussi de Google, dont l’offre AdX direct, c’est-à-dire l’utilisation de la SSP sans le serveur publicitaire DFP, représente 9 % du total des transactions réalisées en 2018 par AdX177.
273. Enfin, les conditions dans lesquelles la concurrence s’exerce sur les deux marchés sont très différentes. Ainsi :
- d’un côté, les éditeurs utilisent généralement un, parfois deux, serveur(s) publicitaire(s) pour gérer l’intégralité de leurs inventaires. Lorsqu’ils en utilisent deux, il s’agit typiquement de gérer des inventaires différents, par exemple bannières et vidéos, ou supports applicatifs et supports web. Les éditeurs sélectionnent leur serveur publicitaire à l’issue d’un processus d’appel d’offres, et pour des durées de plusieurs années, compte tenu des difficultés induites par un changement de solution technologique. Les serveurs publicitaires sont facturés quasi-systématiquement au coût par impression, avec des coûts additionnels pour certaines fonctionnalités, comme l’utilisation de segments de données ;
- de l’autre côté, les éditeurs utilisent en parallèle un nombre important de SSP, de l’ordre de la dizaine178, que ce soit dans le cadre de la médiation, du header bidding, ou d’autres fonctionnalités similaires, comme Open Bidding. Ces SSP sont en compétition pour chaque impression, et plusieurs éditeurs ont indiqué changer régulièrement les SSP utilisées lorsqu’une de ces SSP ne donne pas satisfaction, le changement de SSP s’effectuant sans difficultés particulières. Les SSP sont quasi- systématiquement rémunérées en conservant un pourcentage des revenus apportés à l’éditeur.
274. En conclusion, le marché des serveurs publicitaires est distinct du marché sur lequel sont présentes les SSP.
Sur la distinction entre les serveurs publicitaires pour éditeurs de sites web et d’applications mobiles et les serveurs publicitaires pour la diffusion d’affichages sur télévision connectée, box internet et dispositifs similaires
275. Les offres de serveur publicitaire à destination des éditeurs de sites web et d’applications mobiles diffèrent largement de celles, aujourd’hui peu développées dans l’EEE, de serveur publicitaire pour la diffusion d’affichage sur les télévisions connectées.
276. Premièrement, les serveurs publicitaires pour la diffusion de publicités sur les télévisions connectées ne s’adressent pas à la même demande, dès lors qu’ils ne sont pas offerts aux éditeurs de sites web et d’applications mobiles.
277. Deuxièmement, l’infrastructure et le fonctionnement technique des serveurs publicitaires pour la diffusion de publicité sur télévision connectée sont distincts de ceux des serveurs publicitaires pour la diffusion sur site web ou application mobile. En particulier, les modalités d’interaction avec le serveur et de ciblage publicitaire reposent sur des techniques différentes. En outre, les fonctionnalités de sélection des annonces offertes par les serveurs pour la télévision connectée sont significativement plus sophistiquées179. Elles empêchent par exemple l’affichage d’annonces de concurrents au sein d’une même pause publicitaire.
278. Troisièmement, le coût des technologies publicitaires utilisées pour la télévision connectée est significativement plus élevé que celui des technologies utilisées pour les sites web et applications mobiles.
279. Quatrièmement, des contraintes réglementaires spécifiques à la télévision connectée limitent les possibilités de ciblage publicitaire sur ce support dans certains pays, dont la France.
280. Dans ce contexte, l’Autorité estime que ces technologies d’affichage sur TV connectées, box internet et dispositifs similaires constituent un marché distinct de celui des serveurs publicitaires pour éditeurs de sites web et d’applications mobiles.
Sur la distinction des technologies de serveur publicitaire pour éditeurs de sites web et d’applications mobiles selon des considérations de support ou de format
281. Ainsi qu’exposé supra, certains éditeurs de sites web ou d’applications mobiles sont susceptibles d’utiliser – en complément de leur serveur publicitaire principal – un serveur publicitaire distinct pour la diffusion des affichages sur support mobile ou au format vidéo. En outre, certaines offres de serveur publicitaire sont elles-mêmes susceptibles d’être spécialisées dans un format spécifique, tel que la vidéo ou le natif. C’est en particulier le cas de l’offre de la société FreeWheel, qui est majoritairement dédiée au format vidéo.
282. Sur le plan technologique et commercial, il existe des spécificités propres au support mobile applicatif, notamment relatives à l’utilisation d’identifiants publicitaires et de kits de développement permettant d’ajouter une fonctionnalité à un programme ou application (dits « software development kits » ou « SDK ») qui expliquent le faible développement du header bidding sur ce support. De même, la prise en charge du format vidéo par les serveurs publicitaires implique des contraintes spécifiques, qui sont notamment relatives au poids des contenus hébergés (une vidéo représentant un nombre d’octets beaucoup plus important qu’une bannière) et à la nécessité de s’intégrer à un lecteur vidéo. Ces différences induisent un coût d’entrée significatif sur le segment des serveurs publicitaires vidéos (évalué à plusieurs millions d’euros par l’un des fournisseurs interrogés) ainsi qu’une tarification très supérieure des prestations de diffusion d’une publicité vidéo (le prix d’une publicité vidéo étant 10 à 20 fois plus élevé que le prix d’une bannière180).
283. Les éditeurs commercialisent cependant des campagnes directes communes à leurs inventaires applicatifs et web et il existe également des campagnes communes ou complémentaires entre la vidéo et les bannières. À cet égard, les éditeurs interrogés ont – dans leur quasi-totalité – indiqué utiliser, ou envisager d’utiliser à court terme, un serveur publicitaire unique prenant en charge l’ensemble des supports et des formats web et applicatif mobile.
284. De plus, les serveurs publicitaires dédiés à la vidéo et ceux dédiés aux autres formats connaissent une convergence croissante. Ainsi, l’ensemble des principales offres de serveur publicitaire pour éditeurs de sites web et d’applications mobiles sont aujourd’hui omni- formats et multi-supports. À cet égard, le serveur publicitaire de FreeWheel, pourtant le plus spécialisé dans la vidéo, propose également la gestion d’autres formats publicitaires.
285. S’il ne peut ainsi être exclu que le marché global des serveurs publicitaires pour éditeurs de sites web et d’applications mobiles puisse être segmenté selon des considérations de format ou de support, une telle segmentation peut être laissée ouverte au cas d’espèce, dans le cadre de la présente affaire, dès lors que les pratiques sont mises en œuvre sur l’ensemble du marché des serveurs publicitaires pour éditeurs de sites web et d’applications mobiles.
b) Sur la dimension géographique du marché
286. L’Autorité estime que le marché des serveurs publicitaires pour éditeurs de sites web et d’applications mobiles est de dimension égale à l’EEE.
287. Premièrement, selon Google « quelle que soit la définition envisagée des marchés pour les serveurs publicitaires pour éditeurs - Google considère qu’il s’étend au minimum à l’EEE, sinon au monde entier. Les serveurs publicitaires pour éditeurs exploitent la même technologie et proposent la même fonctionnalité à l’échelle du monde. Il n’est pas nécessaire que les serveurs soient localisés dans l’État membre dans lequel les services de serveurs publicitaires sont commercialisés - autrement dit, ils n’ont pas à être situés dans le même État membre que l’annonceur, l’éditeur ou l’utilisateur visionnant leurs annonces. Les clients achètent souvent des services de serveurs publicitaires sur une base transfrontalière. Les contrats de Google concernent la prestation de services de diffusion d’impressions partout dans le monde »181.
288. Deuxièmement, il existe d’importantes barrières réglementaires à la fourniture de serveur publicitaire dans l’EEE, dont la principale résulte de l’obligation de conformité au RGPD. Plusieurs acteurs, dont Google et Xandr, ont ainsi identifié le RGPD comme cadre règlementaire clef pour la fourniture de serveur publicitaire, et ont détaillé les changements dans la politique d’utilisation des services et les outils dont le développement a été nécessaire pour permettre une pleine conformité avec le RGPD182.
289. Troisièmement, il existe d’importantes barrières techniques à la fourniture de serveur publicitaire depuis une zone géographique éloignée de l’EEE, qui sont liées à la nécessité – pour des raisons de latence – de localiser les serveurs à une relative proximité géographique des internautes auxquels les affichages seront servis. Ainsi, s’il n’est pas nécessaire que le serveur soit localisé à proximité immédiate de l’internaute, par exemple sur le territoire d’un même État, il ne pourra néanmoins pas être localisé à une distance trop importante. Un serveur publicitaire localisé en Australie pourra par exemple très difficilement servir efficacement une impression à un internaute français.
290. Quatrièmement, les éditeurs signent généralement des contrats transfrontaliers à l’échelle d’une zone géographique telle que l’Europe ou l’Amérique du nord. De plus, les technologies utilisées sont homogènes dans l’EEE et, même si cela n’est pas le cas le plus courant, il arrive que des fournisseurs de serveur publicitaire commercialisent leurs services dans des pays où ils ne disposent pas de force commerciale. Il existe par ailleurs une différence de maturité importante entre les marchés de la vente d’inventaires programmatiques en Europe et en Amérique du Nord183 (part du direct et du programmatique, modes de transaction offerts, nombre d’acteurs, etc).
291. Cinquièmement, les éditeurs accordent une importance significative au bénéfice d’un support technique de proximité, c’est-à-dire à tout le moins présent dans la même aire géographique.
292. Enfin, les documents internes transmis par Google montrent que ses équipes analysent le développement de la concurrence à l’échelle de zones géographiques limitées, que ce soient des zones assimilables à l’EEE ou à des sous-régions de l’EEE184.
3. LES PLATEFORMES DE MISE EN VENTE D’ESPACES PUBLICITAIRES EN LIGNE NON LIES AUX RECHERCHES
293. Dans sa décision Google/AdSense185, la Commission européenne a distingué un marché pour les services d’intermédiation pour la vente de publicité en ligne, avant d’établir que les services d’intermédiation pour la publicité en ligne liée aux recherches avaient une substituabilité limitée avec les services d’intermédiation pour la publicité en ligne non liée aux recherches.
a) Sur le marché de produits
294. L’Autorité estime que le marché des plateformes de mise en vente d’espaces publicitaires non liés aux recherches constitue un marché pertinent. En effet, il ressort des éléments versés au dossier que :
- les services d’intermédiation pour la publicité en ligne non liée aux recherches sont présents sur un marché distinct de celui sur lequel sont présents les services d’intermédiation pour la publicité en ligne liée aux recherches ; et
- les plateformes d’achats d’espaces publicitaires en ligne, ou « DSP » ne sont, à ce jour, pas substituables aux plateformes de ventes d’espaces publicitaires en ligne.
295. Un tel marché regroupe notamment les offres de SSP, dont le service AdX de Google, de même que Xandr Monetize ou Smart RTB+, ainsi que les services d’Ad Exchange, dont les services d’Index Exchange. Il comprend également des services tels que les services de recommandation de contenu Taboola et Outbrain, ou les réseaux publicitaires tels qu’AdSense, ou MoPub, dans la mesure où ceux-ci sont susceptibles d’être interopérables avec un serveur publicitaire. En revanche, les DSP telles que Google DV360 ou TheTradeDesk ne sont pas présentes sur ce marché.
Sur la distinction entre les plateformes d’intermédiation pour la publicité en ligne non liée aux recherches et les plateformes d’intermédiation pour la publicité en ligne liée aux recherches
296. Comme la Commission européenne l’avait retenue dans la décision Google/AdSense186, l’Autorité estime que les plateformes d’intermédiation pour la publicité liée aux recherches ne sont pas substituables aux plateformes d’intermédiation pour la publicité non liée aux recherches.
297. Tout d’abord, le principe clef de l’intermédiation liée aux recherches est le ciblage des termes de recherche de l’internaute, qui traduisent une intention de sa part. Il n’est pas possible d’utiliser les mêmes technologies pour l’intermédiation en l’absence de recherche de l’internaute.
298. Ensuite, à ce jour, les affichages publicitaires présentent une diversité de formats (bannière simple, enrichie, format natifs, vidéos, audio, etc.), alors que les publicités liées aux recherches sont principalement textuelles.
299. Au vu de ces différents éléments, il apparaît que les plateformes d’intermédiation pour la publicité en ligne liée aux recherches et les plateformes d’intermédiation pour la publicité en ligne non liée aux recherches constituent des marchés distincts.
300. Au demeurant, une telle distinction est en tout état de cause sans incidence sur l’analyse concurrentielle. En effet, si un marché global des plateformes d’intermédiation pour la publicité en ligne devait être envisagé, Google serait dominant sur ce marché, dans la mesure où il détient une position dominante sur les deux segments qui le composent. À cet égard, la Commission européenne a récemment constaté que Google occupe une position largement dominante sur le marché des plateformes d’intermédiation pour la publicité en ligne liée aux recherches187. En outre, Google détient également une position dominante sur le marché des plateformes d’intermédiation pour la publicité en ligne non liée aux recherches (voir paragraphes 317 et suivants ci-dessous).
Sur la distinction entre plateformes de mise en vente d’espaces publicitaires et plateformes d’achat d’espaces publicitaires
301. Il ressort des éléments versés au dossier que les plateformes d’achat d’espaces publicitaires (les DSP) ont une substituabilité très limitée avec les plateformes de mise en vente d’espaces publicitaires.
302. En premier lieu, les DSP n’établissent pas de relations directes avec les éditeurs, alors que les SSP nécessitent des investissements technologiques, et surtout commerciaux, significatifs pour développer de telles relations avec les éditeurs. Les SSP intègrent des fonctionnalités spécifiques aux éditeurs, qui leur permettent notamment de trier ou bloquer certaines catégories d’annonces pour qu’elles ne soient pas affichées sur leur site.
303. Xandr précise ainsi188: «(i)l est difficile pour les DSP de créer avec succès des connexions directement avec les éditeurs via le « header bidding ». D’un point de vue opérationnel, la mise en œuvre de chaque éditeur et le maintien de leur intégration représentent des frais généraux importants et nécessitent des équipes de soutien adéquates. D'un point de vue technique, les éditeurs ont souvent besoin de certaines fonctionnalités pour contrôler la manière dont leur inventaire est vendu aux acheteurs. Par exemple, un éditeur tel que Le Figaro voudrait empêcher un concurrent tel que Le Monde d’afficher des publicités sur son site web promouvant les abonnements aux actualités. Une DSP ne développerait généralement pas cette fonctionnalité puisqu'il s'agit d'un outil destiné à être utilisé par les vendeurs plutôt qu'à être utilisé par les annonceurs, qui sont les principaux utilisateurs des DSP. La connexion directe aux éditeurs via le « header bidding » peut donc nécessiter des travaux de développement de produits importants pour la DSP. Enfin, d'un point de vue commercial, les éditeurs limitent généralement le nombre de partenaires qu'ils connectent par le « header bidding » pour des raisons de latence. Plus les partenaires sont appelés à partir de la page, plus le navigateur doit traiter les demandes de réseau. Cela peut être problématique parce que les navigateurs utilisent diverses techniques pour maintenir leurs performances et leur réactivité, par exemple, en limitant le nombre de demandes de réseau faites en parallèle. Par conséquent, les éditeurs doivent choisir avec soin les partenaires qu'ils appellent par le « header bidding » pour maximiser leurs revenus tout en minimisant l'impact sur la latence. Une DSP étant une seule source de demande, il pourrait être difficile de générer autant de revenus pour l'éditeur qu'une SSP connectée à plusieurs DSP et, par conséquent, de ne pas être choisie comme partenaire du « header bidding ». Les DSP fournissent des outils conçus pour les annonceurs pour gérer leurs achats de publicité à travers plusieurs SSP et éditeurs et optimiser ces achats de publicité afin d'atteindre les objectifs de l'annonceur (par exemple, vues, clics, conversions, etc.). Les SSP fournissent des outils conçus pour les propriétés numériques pour vendre leur espace publicitaire via des enchères et des marchés privés et pour maximiser le prix de vente de leur stock publicitaire disponible. Bien que les DSP et les SSP interagissent les unes avec les autres de manière significative, elles sont chacune conçues pour traiter un ensemble très distinct de problèmes pour leurs clients.».
304. En second lieu, les offres sur le marché distinguent celles qui sont destinées aux SSP et celles destinées aux DSP. En ce sens, Google déclare avoir limité l’éligibilité de son offre Open Bidding aux seules SSP et réseaux publicitaires, à l’exclusion des DSP, car ces dernières ne fourniraient pas de contrôle suffisant sur les contenus affichés aux éditeurs189.
b) Sur la dimension géographique du marché
305. L’Autorité estime que le marché des plateformes de mise en vente d’espaces publicitaires est de dimension égale à l’EEE.
306. Premièrement, Google considère que la dimension géographique des marchés pour les plateformes d’intermédiation est au minimum de dimension européenne190.
307. Deuxièmement, comme pour les serveurs publicitaires, il existe d’importantes barrières réglementaires à la fourniture de plateformes de mise en vente d’espaces publicitaires, au premier rang desquelles la mise en conformité avec le RGPD. L’ensemble des fournisseurs interrogés – Google compris – ont ainsi souligné l’importance des coûts induits par cette mise en conformité191.
308. Troisièmement, si les éditeurs achètent souvent des services d’intermédiation sur une base transfrontalière, l’attractivité d’une plateforme est néanmoins directement corrélée à sa capacité à établir des relations avec les différentes sources de demande présentes dans une zone géographique qui se mesure généralement à des échelles telles que l’Europe ou l’Amérique192. À cet égard, il ressort des éléments versés au dossier que les technologies utilisées sont homogènes dans l’EEE.
309. Enfin, les éditeurs accordent une importance significative au fait de pouvoir s’appuyer sur un support technique disponible, ce qui ne serait selon eux pas possible sans disposer d’équipes techniques situées dans la même aire géographique (par exemple si un fournisseur de SSP commercialisait une offre auprès d’éditeurs européens entièrement depuis les États-Unis).
4. L’ETROITE CONNEXITE DES MARCHES
310. Selon la cour d’appel de Paris, deux marchés distincts sont néanmoins susceptibles d’avoir un lien de connexité étroit « soit parce qu’ils sont en amont ou en aval les uns des autres, soit parce qu’ils concernent des prestations similaires, à défaut d’être complètement substituables »193.
311. Au cas d’espèce, l’interdépendance fonctionnelle des serveurs publicitaires et des plateformes d’intermédiation publicitaire crée un lien de connexité particulièrement étroit entre le marché des serveurs publicitaires pour éditeurs et le marché des plateformes programmatiques de mise en vente d’espaces publicitaires, qui ne peuvent fonctionner sans source d’offre. À cet égard, Google, comme l’ensemble des fournisseurs et éditeurs interrogés, souligne que les serveurs publicitaires et les SSP interagissent dans un même écosystème.
312. Le marché des serveurs publicitaires pour éditeurs et des plateformes programmatiques de mise en vente d’espaces publicitaires (SSP côté de l’offre) sont considérées par l’Autorité comme présentant un lien de connexité étroit.
D. LA POSITION DE GOOGLE SUR LES MARCHES PERTINENTS
1. RAPPEL DES PRINCIPES APPLICABLES
313. La position dominante est définie comme une « position de puissance économique détenue par une entreprise qui lui donne le pouvoir de faire obstacle au maintien d'une concurrence effective sur le marché en cause en lui fournissant la possibilité de comportements indépendants dans une mesure appréciable vis-à-vis de ses concurrents, de ses clients et, finalement, des consommateurs. L'existence d'une position dominante résulte en général de la réunion de plusieurs facteurs, qui, pris isolément, ne seraient pas nécessairement déterminants »194.
314. Un des critères principaux de la détermination de la position dominante est l’existence de parts de marché importantes. Des « parts de marché extrêmement importantes constituent par elles-mêmes, et sauf circonstances exceptionnelles, la preuve de l’existence d’une position dominante. En effet, la possession d’une part de marché extrêmement importante met l’entreprise qui la détient pendant une période d’une certaine durée, par le volume de production et d’offre qu’elle représente – sans que les détenteurs de parts sensiblement plus réduites soient en mesure de satisfaire rapidement la demande qui désirerait se détourner de l’entreprise détenant la part la plus considérable –, dans une situation de force qui fait d’elle un partenaire obligatoire et qui, déjà de ce fait, lui assure, tout au moins pendant des périodes relativement longues, l’indépendance de comportement caractéristique de la position dominante »195. Selon la jurisprudence de la CJUE, une part de marché de 50 % constitue par elle-même, et sauf circonstances exceptionnelles, la preuve de l’existence d’une position dominante196 .
315. Outre le niveau des parts de marché de l’entreprise en cause, il y a également lieu de tenir compte du rapport entre les parts de marché détenues par l’entreprise concernée et par ses concurrents. Un écart important avec le concurrent le plus proche est également considéré comme l’indice du pouvoir de marché d’une entreprise, comme l’ont souligné à plusieurs reprises les autorités de la concurrence, tant européenne que nationales.
316. D’autres facteurs que la part de marché de l’entreprise et ses concurrents doivent également être pris en compte pour apprécier le pouvoir de marché de l’entreprise, comme par exemple le cas d’une notoriété particulière, un réseau de distribution étendu ou la proximité avec les prescripteurs197.
2. LA POSITION DOMINANTE DE GOOGLE SUR LE MARCHE EUROPEEN DES SERVEURS PUBLICITAIRES POUR EDITEURS DE SITES WEB ET D’APPLICATIONS MOBILES
317. En 2008, la Commission européenne a considéré que Doubleclick détenait la position la plus forte sur le marché des serveurs publicitaires pour éditeurs, avec une part de marché comprise entre 40 et 50 % dans l’EEE.
318. Il ressort des éléments produits au débat que, depuis janvier 2014, date à partir de laquelle il a été possible d’obtenir des données fiables de la part d’un grand nombre de fournisseurs, cette position s’est nettement renforcée, et que DFP dispose d’une position dominante sur le marché européen des serveurs publicitaires pour éditeurs de sites web et d’applications mobiles.
319. Cette appréciation est fondée sur les parts de marché de Google et des fournisseurs concurrents (a), l’existence de barrières significatives à l’entrée, au maintien et à l’expansion (b), l’absence de puissance d’achat compensatrice (c), la notoriété sans équivalent de Google et de ses technologies publicitaires (d), la position de Google à tous les échelons de la chaîne de valeur de la publicité en ligne et les synergies qui en résultent (e).
a) Sur les parts de marché de Google
320. La part de marché d’une offre de serveur publicitaire peut être calculée de deux manières différentes : en valeur, c’est à dire en proportion des revenus perçus par les fournisseurs de serveurs publicitaires, ou en volume, c’est-à-dire en proportion des impressions servies aux éditeurs.
321. En premier lieu, au vu des éléments apportés par les principaux acteurs actifs sur le marché européen198, l’Autorité estime que, à tout le moins depuis 2014, Google dispose d’une part de marché en valeur supérieure à 50 %.
Évolution de la part de marché en valeur de Google sur le marché européen des serveurs publicitaires pour éditeurs depuis 2014 (EEE)
2014 |
2015 |
2016 |
2017 |
2018 | 2019 - estimée199 |
[50-60] % | [50-60] % | [50-60] % | [60-70] % | [60-70] % | [60-70] % |
Source : Google, FreeWheel, Smart AdServer, Verizon, Xandr, AdSpirit, AdZerk, Adhese, AdForm et OpenX
322. Cette conclusion est renforcée par le fait que les données utilisées pour calculer ces parts de marché sont susceptibles de conduire à sous-estimer la part de marché en valeur réelle de Google, pour deux raisons :
- d’une part, certains fournisseurs moins importants n’ont pas fourni séparément les revenus de leur serveur publicitaire et de leurs offres de SSP ; l’activité de ces fournisseurs sur le marché des serveurs publicitaires pour éditeurs de sites web et d’applications mobiles est donc surévaluée dans les graphes présentés ci-dessous ;
- d’autre part, les services d’instruction n’ont pas pu exclure, dans le calcul des parts de marchés, les revenus de FreeWheel liés aux annonces servies sur les télévisions connectées, box internet et dispositifs similaires (la société n’ayant pas fourni la répartition de ses revenus liés à ces modes de diffusion) ; les revenus de ce fournisseur sur le marché des serveurs publicitaires pour éditeurs sont donc également surévalués.
323. Il sera souligné en outre que sur cette même période, la part de marché de Google est en progression significative, et ce, alors que le marché européen était en forte progression, passant de 57 millions d’euros en 2014 à 87 millions d’euros en 2019. En outre, la part de marché en valeur individuelle de chacun des principaux concurrents de Google n’a jamais été supérieure à 20 %, et n’a pas connu d’augmentation similaire à celle de Google. Ainsi que l’expose le graphe ci-dessous, l’unique fournisseur concurrent de Google ayant vu sa part de marché progresser est la société FreeWheel, qui offre un serveur publicitaire dédié au format vidéo et principalement destiné aux sociétés de télévision, un segment limité du marché200.
324. En second lieu, il est pertinent de tenir compte également de la part de marché en volume de Google. En effet, ainsi qu’exposé au paragraphe 91, une partie importante des impressions servies par DFP sont exemptées de frais de diffusion d’annonce, que ce soit dans le cadre de l’offre DFP Small Business, de l’exemption des frais de diffusion d’annonces des impressions d’AdX et AdSense, ou d’autres offres commerciales.
325. Google a ainsi précisé qu’entre 2016 et 2019, entre [40-50] et [50-60] % des annonces servies à DFP pour le compte de ses clients européens n’avaient pas été facturées.
Proportion des annonces non facturées pour chaque année depuis 216 (EEE) 201
Année | EEE |
2016 | [40-50] % |
2017 | [40-50] % |
2018 | [50-60] % |
2019 | [50-60]% |
Source : Google
326. Les services d’instruction ont donc calculé la part de marché en proportion des impressions servies sur la même période. Il en ressort que Google dispose d’une part de marché en volume supérieure à environ [60-70] % sur l’ensemble de cette période, et que cette part de marché est également en progression.
Évolution de la part de marché en volume de Google depuis 2014 (EEE)
2014 | 2015 | 2016 | 2017 | 2018 | 2019 - estimée |
[60-70] % | [60-70] % | [60-70] % | [60-70] % | [70-80] % | [70-80] % |
Source :Autorité de la concurrence202
327. Sur cette même période, la part de marché en volume de chacun des principaux concurrents de Google n’a jamais été supérieure à 20 % et n’a pas connu d’augmentation similaire à celle de Google.
Source : Google, Smart, Xandr-APAS, FreeWheel et Verizon (les couleurs et la numérotation utilisées dans ce graphique ne sont pas corrélées avec celles utilisées dans le graphe précédent).
328. En conclusion, Google a maintenu des parts de marché en valeur et en volume particulièrement élevées sur une période où la quasi-intégralité de ses concurrents ont vu leur part de marché se réduire, voire sont sortis, ou sont en train de sortir du marché (c’est par exemple le cas de Verizon Media et OpenX).
b) Sur les barrières à l’entrée, au maintien et à l’expansion
329. Il ressort des éléments versés au dossier qu’il existe des barrières significatives à l’entrée, au maintien et à l’expansion sur le marché des serveurs publicitaires pour éditeurs de sites web et d’applications mobiles, dès lors que :
- les éditeurs n’utilisent qu’un, au maximum deux, serveurs publicitaires203 ;
- les éditeurs ne remettent en concurrence les fournisseurs de serveurs publicitaires qu’à des intervalles de plusieurs années ;
- le changement de serveur publicitaire est une opération longue, relativement coûteuse, et très risquée pour les éditeurs ;
- le développement d’un serveur publicitaire compétitif nécessite des investissements importants ;
- des acteurs disposant de moyens importants, notamment Facebook, ont renoncé à développer leur offre de serveur publicitaire pour éditeurs ou se sont retirés du marché.
330. Premièrement, les éditeurs et fournisseurs interrogés indiquent que le nombre de serveurs publicitaires utilisés simultanément n’est jamais supérieur à deux ; que, dans ce cas de figure, le second serveur est typiquement restreint au support applicatif mobile ou au format vidéo ; qu’il existe une forte tendance conduisant les acteurs à privilégier de plus en plus l’utilisation d’un serveur unique capable de traiter l’ensemble des formats sur l’ensemble des supports web comme applicatifs. À cet égard, on constate une tendance à l’allongement de la durée des contrats régissant l’utilisation des serveurs publicitaires204.
331. Deuxièmement, les éditeurs ont indiqué que le processus de mise en concurrence des différents fournisseurs de serveurs publicitaires était réalisé de manière peu fréquente, typiquement à plusieurs années d’intervalle. Les représentants des sociétés M Publicité205 et Orange Advertising206 ont par exemple indiqué que leur dernier appel d’offre remontait à 2016.
332. Troisièmement, compte tenu des coûts de transferts qu’il implique, un changement de serveur publicitaire est une opération longue, coûteuse et risquée pour un éditeur207. Les chiffrages fournis par les éditeurs varient, mais tous indiquent une durée de plusieurs mois et un coût significatif par rapport au coût de la prestation fournie. Ces difficultés sont confirmées par les fournisseurs de serveurs publicitaires. La société Adform a par exemple précisé que « (l)a complexité pour un éditeur de changer de serveur publicitaire dépend du nombre de sites Web, de la structure du site et d’autres exigences. Habituellement, les éditeurs prévoient le passage 6 mois à l’avance et y investissent beaucoup de temps et d’effort »208.
333. Outre les coûts intrinsèques liés au changement de serveur publicitaire, il faut souligner le risque d’une telle opération, en particulier celui d’une perte d’impressions et donc de revenus pour l’éditeur. Un éditeur important a ainsi déclaré avoir perdu plusieurs millions d’euros à l’occasion d’un changement de serveur publicitaire209.
334. Quatrièmement, le développement d’une solution de serveur publicitaire suppose des investissements significatifs, qui seront d’autant plus importants que le nombre de formats et de supports pris en charge sera conséquent210. En outre, le maintien de la compétitivité d’une offre de serveur publicitaire suppose également des investissements significatifs en recherche et développement211 .
335. Enfin, certains concurrents ont échoué à entrer sur le marché des serveurs publicitaires pour éditeurs, alors même qu’ils disposaient de ressources très significatives. C’est par exemple le cas de Facebook qui, après avoir procédé à l’acquisition du fournisseur de serveur publicitaire Liverail en 2014, a finalement renoncé à cette activité en 2016212.
c) Sur l’absence de puissance d’achat compensatrice
336. Les éditeurs ne sont pas en capacité de contrebalancer le pouvoir de marché de Google dès lors que :
- d’une part, aucun éditeur ne représente de proportion significative des revenus de Google. Les données fournies par Google indiquent ainsi que le plus important client de DFP dans l’EEE représente moins de [0-5] % des revenus du service213 ;
- d’autre part, Google est en mesure d’imposer unilatéralement des évolutions de ses technologies contre la volonté de ses clients. À cet égard, dans un échange interne relatif à la mise en œuvre des Règles de Tarification Unifiées, des salariés de Google constatent que malgré de fortes oppositions de clients sur le retrait des prix planchers par éditeurs au moment de l’annonce des Règles de Tarification unifiées, la plupart des éditeurs s’y sont résignés, lorsque Google leur a indiqué que ce point n’était pas négociable214
d) Sur la notoriété inégalée de Google et l’existence d’effets de réputation
337. Google et son offre de technologies publicitaires bénéficient d’une notoriété et d’effets de réputation sans équivalents dans le secteur de la publicité en ligne.
338. Aussi, Google est systématiquement mentionnée par les éditeurs de sites web et d’applications mobiles interrogés sur les offreurs de technologies publicitaires leur étant destinées. De plus, Google est également systématiquement mentionnée par les fournisseurs de technologies publicitaires interrogés sur l’identité de leurs principaux concurrents.
339. D’importants effets de réputation sont, en outre, attachés à cette notoriété. Un éditeur interrogé a par exemple indiqué avoir pris en compte le fait que le serveur publicitaire DFP était utilisé par ses principaux concurrents dans sa décision de sélectionner la technologie de Google. Un fournisseur concurrent de Google a pour sa part déclaré : « c’est la solution de facilité, personne ne se fait jamais licencier pour utiliser Google »215 (traduction libre216).
e) Sur la présence de Google à tous les échelons de la chaîne de valeur et les synergies qui en résultent
340. La position occupée par Google à chaque échelon de la chaîne de valeur de la publicité en ligne lui confère un pouvoir de marché significatif, dans la mesure où ces échelons peuvent bénéficier de synergies techniques ou légales et où Google dispose d’un pouvoir de prescription.
341. Premièrement, Google dispose d’une capacité de collecte de données de ciblage inégalée. Outre les données collectées via les services que Google propose directement aux internautes, tels que Google Search, Google Maps ou Gmail, Google collecte également de vastes quantités de données via des cookies publicitaires qui sont présents sur environ 80 % des sites web217. La possibilité de bénéficier, directement ou indirectement, des capacités de ciblage permises par ces données incite tant les annonceurs que les éditeurs à utiliser les produits de Google, l’accès à ces capacités par le biais de technologies tierces étant plus difficile, par exemple en raison de considérations liées à la protection de la vie privée (voir notamment les développements sur les restrictions au ciblage au paragraphe 206).
342. Deuxièmement, Google dispose d’une position importante sur le marché des navigateurs internet, à travers son navigateur Chrome, qui représente environ 60 % de parts de marché en Europe218. Cette position permet à Google d’influencer significativement les choix des éditeurs dans le développement de leurs sites internet, et a un impact sur le choix des technologies publicitaires utilisées219, dont les technologies de serveur publicitaire pour éditeurs.
343. Troisièmement, l’offre de technologies publicitaires de Google couvre l’ensemble de la chaîne de valeur de l’intermédiation publicitaire. Google est notamment présente sur :
- le marché des plateformes de mise en vente programmatique d’espaces publicitaires (voir développements ci-après aux paragraphes 345 et suivants), connexe au marché des serveurs publicitaires pour éditeurs de sites web et d’applications mobiles ;
- le marché des plateformes d’achats programmatiques d’espaces publicitaires. Par ses offres AdWord (désormais Google Ads) et DBM (désormais intégrée à Display & Video 360) Google peut jouer un rôle de prescripteur significatif sur le marché de la publicité en ligne non liée aux recherches, ainsi qu’en attestent tant les données fournies par la société Adomik (qui fournit notamment des études de marché aux éditeurs)220 que le rapport final sur la publicité en ligne au Royaume-Uni publié le 1er juillet 2020 par la CMA221. Cette position a une incidence directe sur le choix de leur solution de serveur publicitaire par les éditeurs, par exemple dans la mesure où les transactions de type Programmatique Garanti ou dans le cadre des enchères privées sont simplifiées entre un serveur publicitaire et une DSP fournis par la même société222, mais également en raison de synergies techniques liées à la latence ou à l’utilisation des mêmes cookies ;
- le marché des serveurs publicitaires pour annonceurs, sur lequel le service Doubleclick Campaign Manager (intégré à Google Marketing Platform) de Google dispose d’une position inégalée, selon des documents internes transmis par Google223, ainsi que le rapport de la CMA sur la publicité en ligne au Royaume-Uni224. Cette position est un avantage car elle permet d’assurer un suivi cohérent du nombre d’impressions entre annonceurs et éditeurs, et donc d’éviter les frictions liées aux différences entre systèmes de comptage225 ;
- le marché des plateformes d’intermédiation pour la publicité liée aux recherches, sur lequel la Commission a récemment constaté que Google détient une position dominante226. Ce marché est lié aux marchés de la publicité non liés aux recherches car Google propose, via Google Ads, des campagnes communes aux pages de résultats de recherches et aux sites tiers. Ces campagnes, appelées Search +, représentaient, en volume, [5-10] % de l’ensemble des campagnes Google Ads en 2014 et [5-10] % en 2018227.
344. Enfin, Google capte une part très significative des dépenses mondiales de publicité en ligne et dispose ainsi d’une capacité d’investissement, notamment en recherche et développement, sans équivalent. En 2019, la publicité en ligne représentait ainsi un marché total de 333 milliards de dollars (297,5 milliards d’euros)228, dont 134 milliards (119,7 milliards d’euros)229 pour Google et environ 70 milliards pour Facebook (62,5 milliards d’euros)230, deuxième acteur le plus important.
3. LA POSITION A TOUT LE MOINS PREEMINENTE DE GOOGLE SUR LE MARCHE DES PLATEFORMES DE MISE EN VENTE D’ESPACES PUBLICITAIRES NON LIES AUX RECHERCHES
345. En 2008, la Commission européenne a considéré dans la décision Google/DoubleClick précitée que Google détenait une position dominante sur le « marché global de l’intermédiation » au sein de l’EEE « et/ou sur les deux sous segments possibles (annonces liées aux recherches et annonces non liées aux recherches) » de ce marché.
346. Il ressort des éléments versés au dossier que, depuis janvier 2014, date à partir de laquelle il a été possible d’obtenir des données fiables de la part d’un grand nombre de fournisseurs, Google détient une position à tout le moins prééminente sur le marché des plateformes de mise en vente d’espaces publicitaires non liés aux recherches.
347. Cette appréciation est fondée sur les revenus de Google et des fournisseurs concurrents (a), sur l’attractivité sans équivalent de la plateforme AdX (b), sur la capacité de Google à agir indépendamment du marché et l’absence de puissance d’achat compensatrice (c), ainsi que sur l’absence de pression concurrentielle exercée par les ventes directes (d). Elle est par ailleurs, renforcée par la notoriété sans équivalent de Google et les synergies résultant de son intégration sur l’ensemble de la chaine de valeur exposées supra.
a) Sur les revenus de Google et des fournisseurs concurrents
348. Ainsi qu’exposé supra, les plateformes de mise en vente d’espaces publicitaires se rémunèrent typiquement en conservant une proportion des revenus générés par les transactions qu’elles organisent. Ces revenus peuvent être bruts, ils correspondent alors à l’ensemble des sommes perçues, ou nets, ils correspondent alors au revenu conservé après versement de la part des dépenses due aux éditeurs.
349. Entre 2015 et 2019, Google a généré chaque année, via ses différentes plateformes (AdX, AdSense et AdMob), un revenu brut compris entre [1-5] milliard d’euros et [1-5] milliards d’euros dans l’EEE, dont entre [500-1000] millions d’euros et [1-5] milliards d’euros via la seule SSP AdX, soit une croissance annuelle moyenne de [20- 30] % pour les trois services de Google (AdX, AdSense et AdMob) et [30- 40] % pour la seule SSP AdX. Le revenu net était pour sa part compris entre [0-500] millions d’euros et [500-1000] millions d’euros, dont entre [0-500] millions d’euros et [0-500] millions d’euros via la seule SSP AdX, soit une croissance annuelle moyenne de [10- 20] % pour les trois services de Google (AdX, AdSense et AdMob) et [20-30]% %. Ces revenus sont en forte croissance d’une année sur l’autre sur cette période.
Brut (en millions d’euros |
2015 |
2016 |
2017 |
2018 |
2019 |
Total Google | [1000-5000] € | [1000-5000] € | [1000-5000] € | [1000-5000] € | [1000-5000] € |
AdX | [500-1000] € | [1000-5000] € | [1000-5000] € | [1000-5000] € | [1000-5000] € |
AdSense | [500-1000]€ | [500-1000]€ | [500-1000]€ | [500-1000]€ | [500-1000]€ |
AdMob | [0-500] € | [0-500] € | [0-500] € | [500-1000] € | [500-1000]€ |
Source : Google
Net (en millions d’euros |
2015 |
2016 |
2017 |
2018 |
2019 |
Total Google | [0-500] € | [500-1000] € | [500-1000] € | [500-1000] € | [500-1000] € |
AdX | [0-500] € | [0-500] € | [0-500] € | [0-500] € | [0-500] € |
AdSense | [0-500] € | [0-500] € | [0-500] € | [0-500] € | [0-500] € |
AdMob | [0-500] € | [0-500] € | [0-500] € | [0-500] € | [0-500] € |
Source : Google
350. Sur la même période, le revenu brut généré dans l’EEE par chacune des plateformes concurrentes interrogées n’a jamais été supérieur à 210.000.000 euros et il ressort des éléments versés au dossier qu’aucun fournisseur concurrent n’a été susceptible de générer un revenu brut supérieur à celui d’AdX.
351. Les graphiques suivants illustrent l’évolution des revenus générés par les plateformes de Google et leurs principales concurrentes interrogées sur la période231 :
352. Ces graphes doivent être rapprochés des données transmises par la société Adomik. Les données transmises par Adomik ne concernent que des éditeurs dont les revenus sont supérieurs au million d’euros, et qu’une partie des pays de l’EEE. Adomik précise également que les données fournies sont susceptibles de sur-représenter la part du service Xandr232. Enfin, ces données ne représentent que les services susceptibles d’être intégrés par l’intermédiaire d’un serveur publicitaire.
Observation de la répartition des revenus générés par les éditeurs via chacune des principales plateformes de mise en vente d’espaces publicitaires réalisée par la société
Adomik sur l’année 2019233
| France | Royaume-Uni | Pays-Bas | Espagne |
[40-50] % | [50-60] % | [50-60] % | [70-80] % | |
Xandr | [30 – 40]% | [30 – 40]% | [30 – 40] % | [20 – 30] % |
Rubicon | [5 – 10]% | [0 – 5]% | [0 – 5] % | [0 – 5] % |
Index Exchange | [0 – 5] % | [0 – 5]% | N/A | [0 – 5] % |
OpenX | N/A | [0 – 5]% | N/A | N/A |
Pubmatic | N/A | [0 – 5]% | N/A | N/A |
Improve Digital | N/A | N/A | [5 – 10] % | N/A |
Smart | [10 – 20]% | N/A | N/A | N/A |
FreeWheel | [0 – 5] % | N/A | N/A | N/A |
Source : Adomik
353. Ces données font apparaître que la part des revenus des éditeurs générée via AdX est comprise entre [40-50] et [70-80] % en France, en Espagne, au Royaume-Uni et aux Pays- Bas.
b) Sur l’attractivité sans équivalent de la plateforme AdX
354. Ainsi qu’exposé supra, AdX est l’unique plateforme de mise en vente d’espaces publicitaires en mesure d’accéder pleinement à la demande des acheteurs utilisant les plateformes d’achat Google Ads (anciennement Google Adwords) et Google DV360 (anciennement Doubleclick Bid Manager).
355. En premier lieu, les achats susceptibles d’être effectués par Google Ads via les plateformes de mise en vente tierces sont, à tout le moins, marginaux, par comparaison avec les achats effectués par Google Ads sur AdX. Il en résulte que le revenu qu’un éditeur peut obtenir de Google Ads sans passer par AdX est significativement inférieur au revenu qui peut être obtenu par l’intermédiaire d’AdX.
356. En second lieu, le revenu qu’un éditeur peut obtenir de DV360 par l’intermédiaire de plateformes concurrentes d’AdX est également inférieur à celui qui peut être obtenu par l’intermédiaire d’AdX puisque, d’une part, certaines fonctionnalités de DV360 restreignent les achats à la seule plateforme AdX et, d’autre part, DV360 favorise les achats sur cette plateforme.
357. Or, la combinaison des plateformes DV360 et Google Ads constitue le premier acheteur programmatique d’espaces publicitaires. La société Adomik observe ainsi que la part combinée de ces deux services est supérieure à 40 % en France, au Royaume-Uni, au Pays- Bas et en Espagne234. Enfin, la CMA observe qu’une partie importante des clients des DSP Google Ads et Google DV360 n’utilise qu’une seule plateforme d’achat235.
c) Sur la capacité à agir indépendamment du marché et l’absence de puissance d’achat compensatrice
358. Google est l’unique fournisseur de plateforme de mise en vente d’espaces publicitaires en mesure de s’émanciper des standards de marché en imposant aux fournisseurs concurrents ses propres solutions techniques et aux éditeurs des évolutions des règles d’utilisation de ses services qui leur sont défavorables. Ainsi :
- dans le contexte de l’entrée en vigueur du RGPD, alors que la quasi-totalité des acteurs du marché avait adopté un mécanisme de transmission des consentements des internautes désigné sous le nom de Transparency and Consent Framework (« TCF »)236, Google a pour sa part choisi d’adopter un mécanisme différent. Ce faisant, Google a contraint les fournisseurs désirant interagir avec ses plateformes à effectuer les développements correspondants aux deux mécanismes237 ;
- courant 2020, Google a finalement accepté de participer au TCF, mais a concomitamment introduit de nouvelles règles d’utilisation238 qui interdisent la diffusion d’annonces – même non ciblées – par les services de Google Ad Manager en l’absence de transmission par l’éditeur du consentement de l’utilisateur à la création d’un « profil personnalisé de publicité ». Ce faisant, Google a imposé aux éditeurs de l’autoriser à utiliser leurs données pour construire ses propres segments d’audience, alors même que, selon Smart, « un acheteur n’a – techniquement parlant – pas besoin d’effectuer ce traitement pour faire du ciblage publicitaire »239. En particulier, ni Smart, ni Xandr n’effectuent un tel traitement ;
- AdX est l’unique plateforme de mise en vente d’inventaires n’acceptant pas d’être interrogée selon les modalités du header bidding, à tout le moins parmi les principales SSP (voir développement aux paragraphes 218 et suivants).
d) Sur la pression concurrentielle exercée par les ventes directes sur les plateformes de mise en vente d’espaces publicitaires
359. Enfin, l’Autorité constate que la liberté d’action dont dispose AdX n’est pas restreinte par la pression concurrentielle exercée par les ventes directes. En effet, comme l’avait déjà constaté la Commission européenne dans ses décisions Doubleclick et AdSense mentionnées supra, les ventes directes ne sont pas substituables aux ventes programmatiques. Ce constat reste valable aujourd’hui, compte tenu du fonctionnement du marché.
360. Tout d’abord, les ventes directes induisent des coûts de transaction importants, puisqu’elles supposent l’établissement de services commerciaux d’envergure240. Un grand nombre d’éditeurs n’a ainsi pas la possibilité matérielle d’effectuer de ventes directes. Par ailleurs, même lorsque les éditeurs disposent d’équipes commerciales mutualisées au sein d’une régie commune à plusieurs sites web ou applications mobiles, seule une partie de ces sites et applications est concernée par les ventes directes, et dans des proportions variables. De fait, une part incompressible de l’inventaire de la majorité des éditeurs – à l’exception des sociétés ayant développé leur propre système de mise en vente programmatique, telles que Facebook ou Twitter – ne fait jamais l’objet de ventes directes241.
361. Ensuite, lorsque les éditeurs sont à même de réaliser des ventes directes, les ventes programmatiques sont typiquement utilisées pour commercialiser les inventaires invendus. Ainsi qu’indiqué supra, la rémunération perçue par un éditeur pour une vente programmatique est en effet significativement moins importante que celle pour une vente directe.
362. Enfin, les ventes directes et les ventes programmatiques ne répondent pas aux mêmes besoins des annonceurs. Plusieurs éditeurs ont par exemple indiqué que les ventes programmatiques étaient le plus souvent utilisées pour générer une réponse immédiate des internautes, alors que les ventes directes sont généralement utilisées pour construire une image de marque242.
E. BIEN-FONDE DES GRIEFS NOTIFIES
1. RAPPEL DES PRINCIPES APPLICABLES
363. Il incombe à une entreprise en position dominante une responsabilité particulière de ne pas porter atteinte, par un comportement étranger à la concurrence par les mérites, à une concurrence effective et non faussée dans le marché intérieur243. Un système de concurrence non faussée ne peut être garanti que si l’égalité des chances entre les différents opérateurs économiques est assurée244. Le champ d’application matériel de la responsabilité particulière pesant sur une entreprise dominante doit être apprécié au regard des circonstances spécifiques de chaque espèce245.
364. Les articles 102 du TFUE et L. 420-2 du code de commerce prohibent les pratiques abusives qui sont susceptibles de porter un préjudice direct aux consommateurs, mais également celles qui leur portent un préjudice indirect en raison de leur impact sur la structure concurrentielle des marchés246.
365. La notion d’abus est une notion objective qui vise les comportements d'une entreprise en position dominante qui sont de nature à influencer la structure d'un marché où, à la suite précisément de la présence de l'entreprise en question, le degré de concurrence est déjà affaibli et qui ont pour effet de faire obstacle, par le recours à des moyens différents de ceux qui gouvernent une compétition normale des produits ou services sur la base des prestations des opérateurs économiques, au maintien du degré de concurrence existant encore sur le marché ou au développement de cette concurrence247.
366. Les articles 102 du TFUE et L. 420-2 du code de commerce ne prohibent pas seulement les pratiques d’entreprises en position dominante visant à renforcer cette position248, mais également les comportements d’entreprises en position dominante sur un marché donné qui tendent à étendre cette position sur un marché voisin mais distinct, en faussant la concurrence249. Ainsi, le fait que le comportement abusif d’une entreprise dominante produise ses effets sur un marché distinct du marché dominé ne fait pas obstacle à l’application des articles 102 du TFUE et L. 420-2 du code de commerce250.
367. De plus, lorsque certaines circonstances particulières sont réunies, un comportement mis en œuvre sur un marché autre que le marché dominé et qui a des effets soit sur ce dernier, soit sur le marché non dominé lui-même, pourra être qualifié d’abusif. Ces circonstances particulières doivent être de nature à établir un lien entre le comportement d’une entreprise sur le marché non dominé et la position dominante détenue par cette entreprise sur l’autre marché. Elles peuvent notamment résulter de la connexité de ces marchés, et de la prééminence de cette entreprise sur le marché non dominé251.
368. Ensuite, si les articles 102 du TFUE et L. 420-2 du code de commerce mentionnent certaines pratiques abusives, ces dernières ne sont mentionnées qu’à titre illustratif et ne constituent pas une liste exhaustive des pratiques susceptibles d’être qualifiées d’abus de position dominante252.
369. Afin de déterminer si l’entreprise en position dominante a abusé de sa position, il est nécessaire d’apprécier l’ensemble des circonstances de fait pertinentes et d’examiner si les pratiques tendent, par exemple, à limiter l’accès au marché par les concurrents, à imposer à ces derniers un désavantage de compétitivité en leur appliquant des conditions techniques (notamment d’interopérabilité253) ou juridiques moins favorables par comparaison avec ses propres produits ou services254, à renforcer la position dominante en faussant la concurrence255, ou encore si ces pratiques relèvent ou non d’une concurrence par les mérites256.
370. La Cour de justice a considéré qu’une pratique mise en œuvre par une entreprise dominante pouvait être abusive et interdite par l’article 102 du TFUE « quels que soient les moyens ou procédés utilisés », dès lors que cette pratique aurait des effets anticoncurrentiels257. Il résulte de la nature des obligations imposées par les articles L. 420-2 du code de commerce et 102 du TFUE que, dans des circonstances spécifiques, les entreprises en position dominante peuvent être privées du droit d'adopter des comportements, ou d'accomplir des actes, qui ne seraient pas en eux-mêmes abusifs s'ils étaient adoptés, ou accomplis, par des entreprises non dominantes258.
371. Si la démonstration d’une intention anticoncurrentielle n’est ainsi pas nécessaire à celle d’un abus, elle constitue néanmoins un critère susceptible d’être pris en compte dans l’appréciation d’un comportement au regard de l’article 102 du TFUE259.
372. S’agissant des effets du comportement de l’entreprise dominante, les articles 102 du TFUE et L. 420-2 du code de commerce prohibent les comportements qui tendent à restreindre la concurrence ou sont susceptibles d’avoir un tel effet260, sans qu’il soit nécessaire que ce dernier se matérialise effectivement261. Une telle restriction se produit non seulement lorsque le comportement de l’entreprise dominante rend l’accès au marché par les concurrents impossible, mais également lorsque ce comportement est susceptible de rendre cet accès plus difficile, interférant ainsi avec la structure de la concurrence sur ce marché262. Les clients et les utilisateurs devraient avoir la possibilité de bénéficier d’une situation concurrentielle normale et les concurrents devraient avoir la capacité d’exercer une concurrence par les mérites pour l’entièreté du marché, et non uniquement une part restreinte de celui-ci263. Dès lors, une entreprise en position dominante ne saurait justifier un comportement abusif sur un segment limité du marché par le fait que ses concurrents conservent la capacité d’être compétitifs sur d’autres segments264.
373. Il est néanmoins possible pour une entreprise dominante de fournir une justification à un comportement susceptible d’être interdit par les articles 102 du TFUE et L.420-2 du code de commerce. À cette fin, une entreprise dominante pourra établir, soit que son comportement est objectivement nécessaire, soit que l’effet d’exclusion qui en résulte peut être compensé par des gains d’efficience qui bénéficient également aux consommateurs265.
2. LE TRAITEMENT PLUS FAVORABLE PAR DFP D’ADX PAR COMPARAISON AVEC LES PLATEFORMES DE MISE EN VENTE D’ESPACES PUBLICITAIRES TIERCES
a) Sur le caractère plus favorable
374. Ainsi qu’exposé aux paragraphes 145 et suivants, les SSP autres qu’AdX peuvent, selon la période considérée, utiliser plusieurs solutions – le cas échéant simultanément – pour accéder aux inventaires des éditeurs utilisant le serveur publicitaire DFP, à savoir :
- être intégrées via un tag publicitaire au sein de la cascade publicitaire paramétrée par l’éditeur depuis à tout le moins 2014 ;
- être intégrées selon les modalités du header bidding, depuis l’apparition de ce dernier vers 2015 ;
- être « partenaires de rendement » dans le cadre de la fonctionnalité Open Bidding proposé par Google depuis avril 2018.
375. Aucune de ces modalités ne permet une concurrence par les mérites équitable entre les SSP tierces et AdX pour l’achat des inventaires des éditeurs qui utilisent DFP.
Le cas d’une intégration par tag publicitaire dans le cadre de la médiation
376. Ainsi qu’exposé aux paragraphes 147 et suivants, les SSP intégrées à DFP dans le cadre de la médiation sont soumises à des désavantages significatifs du fait de leur impossibilité de proposer une offre pour chaque impression, ainsi qu’eu égard au droit de dernier regard accordé à AdX. En conséquence, les SSP ont, lorsqu’elles en avaient la possibilité, privilégié l’intégration dans le cadre du header bidding aux intégrations dans le cadre de la médiation.
Le cas d’une intégration selon les modalités du header bidding antérieurement à l’entrée en vigueur de l’enchère unifiée au premier prix
377. Ainsi qu’exposé aux paragraphes 152 et suivants, antérieurement à l’entrée en vigueur de l’enchère unifiée au premier prix, les SSP intégrées dans le cadre du header bidding étaient soumises à des désavantages significatifs, liés au fait que Google utilisait le montant de l’offre des SSP pour ajuster le prix de ses propres services. L’exploitation de ces informations permettait à Google :
- de conférer un droit de dernier regard à AdX ;
- d’ajuster la part de revenu d’AdX de manière dynamique ;
- d’optimiser le fonctionnement du service AdX.
Le cas d’une intégration selon les modalités du header bidding postérieurement à l’entrée en vigueur des Règles de Tarification Unifiées
378. Ainsi qu’exposé aux paragraphes 209 et suivants, si les modifications du fonctionnement de DFP intervenues en septembre 2019 ont mis fin à certains avantages dont bénéficiaient AdX et les partenaires de rendement Open Bidding par rapport aux SSP intégrées en header bidding, ce changement a par ailleurs créé de nouveaux avantages au profit de Google en fournissant des informations stratégiques et non reproductibles uniquement aux acheteurs passant par AdX et aux partenaires de rendement. En outre, ce changement a fortement limité la capacité des éditeurs à fixer des prix de réserve en fonction de multiples critères, et ce alors que les performances d’AdX sont, au regard de certains critères (tels que le prix ou l’absence de compatibilité avec le header bidding) inférieures à celles de ses concurrents.
Le cas d’une intégration comme « partenaire de rendement » dans le cadre de la fonctionnalité Open Bidding
379. Ainsi qu’exposé aux paragraphes 200 et suivants, les SSP tierces intégrées dans le cadre de la fonctionnalité Open Bidding sont soumises à plusieurs désavantages par comparaison avec AdX, à savoir :
- une capacité de ciblage plus limitée ;
- l’impossibilité d’utiliser des formats innovants ;
- l’impossibilité de bénéficier des effets de l’intégration avec une plateforme d’achat d’espaces publicitaires ;
- un désavantage dans la concurrence lié à la part de revenu conservée par Google.
380. De plus, les SSP partenaires de rendement sont également, depuis septembre 2019, et au même titre que les SSP intégrées en header bidding, dans l’impossibilité de négocier des conditions plus favorables avec les éditeurs en contrepartie, par exemple, de contenus publicitaires de meilleure qualité ou d’une part de revenu plus faible.
381. Enfin, il ressort des constats effectués précédemment que, bien qu’elle permette un meilleur accès aux inventaires pour lesquels le header bidding n’est pas disponible, la fonctionnalité Open Bidding ne permet pas une concurrence plus efficace entre AdX et les SSP tierces pour les inventaires sur lesquels le header bidding est déjà disponible.
b) Sur les effets anticoncurrentiels de la pratique
382. Il ressort des éléments versés au dossier que les pratiques ci-avant exposées ont significativement dégradé l’attractivité des SSP concurrentes d’AdX et que cette dégradation a permis à AdX de maintenir sa part de revenu conservée à un niveau élevé.
La dégradation de l’attractivité des SSP tierces
Sur la capacité à enchérir pour les inventaires des éditeurs utilisant DFP
383. Quelle que soit la modalité d’interopérabilité mise en œuvre, une SSP souhaitant acheter les inventaires d’un éditeur utilisant DFP sera soumise à un handicap au moins aussi contraignant que celui auquel est soumise une SSP contactée selon les modalités du header bidding.
384. Comme indiqué supra, avant septembre 2019, ce handicap résulte de la nécessité de disposer, pour une impression donnée, d’acheteurs ayant un consentement à payer net supérieur de plusieurs dizaines de pourcents au consentement à payer net du meilleur acheteur présent sur la plateforme AdX. Ces montants sont significatifs par rapport au revenu des SSP, qui est généralement compris entre 10 et 15 % du montant des transactions. Partant, une SSP qui souhaiterait compenser entièrement son handicap par une part de revenu plus faible devrait renoncer à une fraction importante, voire à la totalité de ses revenus.
385. L’introduction de l’enchère unifiée au premier prix et des Règles de Tarification Unifiées courant 2019 a modifié l’avantage dont dispose AdX sur les SSP tierces, sans pour autant le supprimer. Elle a par ailleurs introduit des barrières supplémentaires restreignant en particulier la capacité des SSP tierces à compenser les avantages dont bénéficie AdX.
Sur l’effet sur le marché des plateformes de mise en vente d’espaces publicitaires
386. En dégradant l’attractivité des SSP tierces pour l’achat des inventaires des éditeurs utilisant DFP, la pratique a limité les débouchés pour ces SSP.
387. En premier lieu, DFP représente une source d’inventaires majeure pour les SSP. D’une part, DFP dispose d’une part de marché en volume supérieure à 60 % sur le marché des serveurs publicitaires pour éditeurs de sites web et d’applications mobiles ; d’autre part, les autres sources d’inventaires, à savoir les éditeurs, tels que Twitter et Facebook, utilisant une solution de serveur interne et les éditeurs n’utilisant pas de serveur publicitaire, représentent une part marginale des inventaires accessibles aux SSP. En particulier, les sites des éditeurs n’utilisant pas de serveur publicitaire disposent, en règle générale, d’une faible notoriété et d’une audience limitée, de sorte que leurs inventaires offrent une attractivité limitée pour les annonceurs. De plus, en l’absence de serveur publicitaire, ces éditeurs ne peuvent mettre en concurrence les services d’intermédiation, et n’utilisent donc qu’un unique service, en choisissant ce dernier sur la rémunération totale qu’il peut offrir, et donc notamment sur le taux de remplissage des inventaires. Un service d’intermédiation, pour être attractif pour cette catégorie, devra être connecté avec un grand nombre d’acheteurs. Les barrières à l’entrée sur ce segment sont donc significativement plus élevées que pour les inventaires des éditeurs mettant en compétition plusieurs SSP par impression, et ce d’autant plus qu’AdSense et Admob occupent une position importante sur ce segment, notamment grâce à la demande contrôlée par Google via les services DV360 et Adwords.
388. En second lieu, la dégradation de l’attractivité des SSP sur une partie majoritaire des inventaires accessibles a un effet sur leur capacité d’investissement, dans la mesure où les SSP doivent couvrir les mêmes coûts fixes, notamment d’ingénierie, tandis qu’elles voient leur capacité à dégager des revenus affectée. La limitation de l’accès à une partie majeure de l’inventaire disponible diminue également l’efficacité des processus de correspondance des cookies (« cookie matching ») des SSP, et réduit donc l’attractivité des SSP pour les DSP, y compris pour les inventaires des éditeurs n’utilisant pas DFP, puisque les SSP ne peuvent proposer aux annonceurs un ciblage aussi précis et efficace que celui offert par les outils de Google266.
389. En conclusion, la pratique est susceptible de restreindre la capacité des SSP tierces à faire concurrence à AdX pour l’achat des inventaires des utilisateurs de DFP et, partant, est susceptible d’avoir un effet d’éviction sur le marché des plateformes de mise en vente d’espaces publicitaires.
Le maintien de prix élevés par AdX
390. Depuis 2015, AdX a pu maintenir une part de revenu stable et, à la fin de la période, plus élevée que la moyenne de ses concurrents directs, sans que cela freine sa croissance.
391. Pour leur part, les concurrents les plus comparables à AdX :
- ont conservé une part de revenu inférieure à AdX sur l’ensemble de la période, ce qui a été le cas de Xandr et Index Exchange ; ou bien
- ont significativement réduit la part de revenu qu’ils conservent, de telle sorte que la part de revenu conservée à la fin de la période est inférieure à la part de revenu conservée par AdX. En particulier, la société Rubicon Project a dû progressivement réduire de façon significative sa part de revenu conservée en 2017 – dégradant ce faisant sa rentabilité – afin de maintenir une croissance du volume de transactions sur sa plateforme267.
392. Le tableau suivant présente la part de revenu conservée par les principales SSP dans l’EEE depuis 2015 :
| 2015 | 2016 | 2017 | 2018 | 2019268 |
AdX | [10-20] % | [10-20] % | [10-20] % | [10-20] % | [10-20] % |
AdX - hors Programmatique Garanti269 |
[10-20] % |
[10-20] % |
[10-20] % |
[10-20] % |
[10-20] % |
Xandr |
| [5-10] % | [5-10] % | [5-10]% | [5-10]% |
Rubicon Project - Monde270 | [20-30] % | [20-30] % | [10-20] % | [10-20] % | [10-20] % |
Index Exchange |
|
| [10-20] % | [10-20] % | [10-20] % |
Source : analyse des données transmises par Google, Xandr, Rubicon et Index Exchange
393. Par ailleurs, le maintien de prix plus élevés que ses concurrents directs n’a pas empêché AdX de maintenir une croissance absolue supérieure et une croissance relative comparable, voire, à certaines périodes, supérieure à celles de ses concurrents.
394. Le tableau suivant présente la croissance absolue et relative des revenus bruts des principales SSP dans l’EEE (millions d’euros) depuis 2015 :
|
2015 |
2016 |
2017 |
2018 | 2019 - estimation |
AdX | Non disponible | +[250-500] (30-40 %) | +[250-500] (30-40 %) | +[250-500] (10- 20 %) | +[250-500] (20 %) |
Xandr |
| Non disponible | +[50-100] [60 – 70]% | +[50 – 100] ([20 – 30]%) | +[0 – 25] ([0 – 10]%) |
Rubicon Project |
| Non disponible | +[150-200] ([250 – 300]%) | +[0 – 25] ([10 – 20]%) | -[10 – 20] (-[0 – 10] %) |
Index Exchange |
|
| Non disponible | +[50 – 100] ([100 – 150] %) | -[0 -25] (-[0 – 10] %) |
Source : analyse des données transmises par Google, Xandr, Rubicon et Index Exchange
395. En conclusion, la pratique a permis à AdX de maintenir des prix élevés pour l’achat des inventaires des éditeurs utilisant DFP en comparaison des SSP tierces, et ce quel que soit le mode d’interaction de ces dernières avec DFP, sans que ces prix freinent la croissance d’AdX. La pratique a en outre limité la capacité des concurrents d’AdX à maintenir leur part de revenu (Xandr, Index Exchange), voire les a conduits à dégrader leur profitabilité pour maintenir leur volume de transaction (Rubicon Project).
c) Sur les éventuelles justifications objectives
396. Les pratiques de Google ci-avant exposées n’apparaissent pas objectivement justifiées et aucun gain d’efficacité partagé avec les éditeurs ou les annonceurs n’est de nature à compenser leurs effets anticoncurrentiels.
397. C’est notamment le cas :
- de l’utilisation de l’offre – réelle ou estimée – des SSP concurrentes dans le calcul du plancher d’enchère AdX et dans le cadre de la fonctionnalité de part de revenu dynamique ;
- des conditions contractuelles d’utilisation de la fonctionnalité Open Bidding ;
- du montant conservé par Google dans le cadre des transactions réalisées par les partenaires de rendement Open Bidding ;
- de l’absence de mécanisme permettant de fournir des informations sur le déroulement des enchères aux SSP connectées en header bidding ;
- de l’uniformisation des prix de réserve susceptibles d’être appliqués aux SSP par les éditeurs.
398. Premièrement, l’utilisation de l’offre des SSP concurrentes dans le cadre des fonctionnalités d’allocation dynamique et de part de revenu dynamique n’est pas techniquement nécessaire au fonctionnement de ces dernières et n’apporte pas de revenus supplémentaires aux éditeurs. De plus, elle ne permet pas de garantir que l’annonceur ayant le consentement à payer le plus élevé remporte l’impression, et n’apporte donc pas de bénéfice aux acheteurs.
399. Deuxièmement, plusieurs des conditions imposées aux partenaires de rendement Open Bidding ne reflètent pas des contraintes techniques ou juridiques, et n’apportent pas de bénéfices aux éditeurs ou aux annonceurs.
400. Troisièmement, l’absence de transmission de l’information « minimum_bid_to_win » aux SSP acheteuses réalisant des transactions via le header bidding, par opposition aux acheteurs ayant participé à une enchère sur AdX et aux partenaires de rendement Open Bidding, ne résulte pas de contraintes techniques ou juridiques.
401. Enfin, l’uniformisation des prix de réserve imposée par les Règles de Tarification Unifiées n’est pas techniquement nécessaire dans le cadre d’une enchère unique au premier prix.
Conclusion
402. Le traitement plus favorable d’AdX par DFP est susceptible d’avoir, et a d’ores et déjà eu, des effets anticoncurrentiels significatifs. En outre, cette pratique n’apparait pas objectivement justifiée.
3. LE TRAITEMENT PLUS FAVORABLE PAR ADX DE DFP PAR COMPARAISON AVEC LES SERVEURS PUBLICITAIRES TIERS
a) Sur le caractère plus favorable
403. Ainsi qu’exposé supra, si les serveurs publicitaires tiers, c’est-à-dire autres que DFP, peuvent être utilisés conjointement avec AdX, une telle utilisation n’est possible que dans des conditions d’interopérabilité fortement limitées, puisque Google impose des limitations techniques et contractuelles à l’utilisation de la plateforme AdX par l’intermédiaire d’un serveur publicitaire tiers.
404. Les modalités d’interactions offertes aux clients des serveurs publicitaires tiers sont, de ce fait, inférieures tant aux modalités d’interaction entre DFP et AdX, dans le cadre de l’allocation dynamique, qu’aux modalités d’interaction entre les serveurs publicitaires tiers et les sources de demande tierces, notamment dans le cadre du header bidding. En conséquence, elles ne permettent pas aux serveurs tiers de satisfaire à la demande issue d’AdX dans des conditions équivalentes à celles offertes par DFP.
b) Sur les effets anticoncurrentiels de la pratique
405. En ne permettant pas aux fournisseurs de serveurs publicitaires concurrents de satisfaire à la demande d’AdX dans des conditions équivalentes à celles offertes par DFP, Google dégrade de façon significative leur compétitivité et limite leur capacité à exercer une concurrence par les mérites. Cette pratique a ainsi renforcé la position dominante de DFP sur le marché des serveurs publicitaires à destination des éditeurs de sites web et d’applications mobiles.
406. Premièrement, ainsi qu’exposé supra, la capacité d’accéder à un maximum de sources de demande a un impact significatif sur le revenu des éditeurs. Cet impact sera d’autant plus important que la proportion des revenus issus des ventes programmatique sera forte. À cet égard, les éditeurs interrogés indiquent que l’accès aux sources de demande constitue l’un des principaux critères mis en œuvre afin de sélectionner leur solution de serveur publicitaire.
407. Deuxièmement, ainsi qu’exposé supra, AdX dispose d’une attractivité inégalée, dès lors qu’elle est l’unique plateforme de mise en vente d’espaces publicitaires en mesure d’accéder pleinement à la demande des acheteurs utilisant les plateformes d’achat Google Ads (anciennement Google Adwords) et Google DV360 (anciennement Doubleclick Bid Manager). Or, d’une part, la combinaison des plateformes DV360 et Google Ads constitue le premier acheteur programmatique d’espaces publicitaires, d’autre part, une partie importante des clients des DSP Google Ads et Google DV360 n’utilise qu’une seule plateforme d’achat272.
408. Troisièmement, les éditeurs interrogés indiquent qu’ils anticipent un revenu notablement supérieur en utilisant DFP plutôt qu’un autre serveur publicitaire, ce qu’ils expliquent notamment par la pleine interopérabilité de DFP avec AdX. Dans certains cas, Google elle- même utilise le revenu supplémentaire permis par l’interopérabilité supérieure de DFP et d’AdX comme argument commercial dans le cadre de ses réponses à leurs appels d’offre. Pour l’éditeur […], la perte de revenus liée notamment à l’interopérabilité restreinte entre AdX et les serveurs tiers a ainsi été chiffrée par les équipes de Google entre [5-10] et [10-15] millions d’euros par an (pour un revenu initial d’environ [50-60] millions d’euros)273. Ce montant peut être comparé au prix proposé à l’éditeur pour l’utilisation de DFP, qui était de [500-1000] k€ par an. La perte de revenus annuelle représentait donc entre 6 et 12 ans de frais de serveur publicitaire. Un autre éditeur, qui disposait d’une licence gratuite chez un concurrent notable de DFP, a indiqué avoir tout de même basculé sur le service DFP, car l’avantage de la licence gratuite ne compensait par la perte de revenus liée au défaut d’intégration d’AdX. Plus généralement, l’accès à la demande d’AdX a été mentionné par tous les éditeurs interrogés comme un facteur majeur d’attractivité de DFP, voire comme la principale raison du choix de DFP274.
409. Quatrièmement, la part de marché de DFP a augmenté de plus de dix points entre 2014 et 2019, et plusieurs fournisseurs ont indiqué rencontrer des difficultés significatives, qu’ils ont principalement expliquées par l’impossibilité d’accéder à AdX dans des conditions équivalentes à DFP. AdSpirit a par exemple déclaré que « (l)e principal problème est qu’AdX n’autorise pas les éditeurs externes à vendre leurs inventaires à travers AdX [..] Pour être compétitif, il nous faudrait pouvoir nous connecter à AdX en utilisant OpenRTB ou n’importe quel protocole d’enchère en temps réel afin de permettre à nos clients de vendre leurs inventaires »275 (traduction libre276). Pour sa part, le fournisseur de serveur publicitaire Adzerk déclare277 avoir renoncé à placer son offre de serveur publicitaire en concurrence directe avec celle de Google, en précisant que « (u)n facteur ayant fortement contribué à cette décision est qu’Adzerk n’a pas accès à la demande des annonceurs sur AdX » (traduction libre278).
c) Sur la concurrence par les mérites
410. La restriction à l’interopérabilité entre AdX et les serveurs publicitaires tiers ne correspond pas à une concurrence par les mérites. D’une part, elle ne correspond pas au standard du marché, d’autre part, elle diminue les revenus du service AdX.
411. Premièrement, l’absence de compatibilité avec les enchères en « temps réel » de serveurs publicitaires tiers est une spécificité d’AdX, qui la distingue du fonctionnement standard du marché. De fait, l’ensemble des concurrents significatifs d’AdX proposent des modalités d’interactions en « temps réel », qui sont supérieures aux modalités offertes par AdX.
412. Deuxièmement, l’absence de compatibilité avec les enchères en « temps réel » nuit aux revenus du service AdX, en limitant l’accès de cette plateforme aux inventaires des éditeurs utilisant des serveurs publicitaires autres que DFP. Une telle stratégie n’aurait donc pas été rationnelle en l’absence de position dominante de DFP sur le marché des serveurs publicitaires pour éditeurs de sites web et d’applications mobiles, qui garantit que les acheteurs d’AdX conservent une quantité importante d’inventaires sur lesquels enchérir.
d) Sur les éventuelles justifications objectives
413. Google n’a apporté aucun élément de nature à justifier le traitement plus favorable de DFP par AdX.
414. Google a uniquement indiqué que l’absence de compatibilité d’AdX avec les technologies de header bidding était liée à :
- l’absence de transparence de ces technologies ;
- la protection des données d’enchère des acheteurs « Authorized Buyers » ;
- une opposition aux pratiques du header bidding.
415. Concernant la première affirmation, Google précise : « il y a un manque de transparence au niveau du Header bidding, car bien que l’éditeur « accepte » l’impression à un certain prix, il se peut que le Header Bidder ne paie pas réellement la somme indiquée dans son offre. En outre, étant donné que les Enchérisseurs de Header bidding fournissent souvent des rapports agrégés, l’éditeur peut ne pas savoir s’il a perçu ses commissions en fonction du nombre d’impressions ».
416. Cependant, du fait que l’éditeur a accès au prix de vente de chaque impression, il est en mesure de vérifier les performances commerciales et les paiements des différentes plateformes. Par contraste, Google ne fournit, sauf exceptions, pas de données par impression aux éditeurs, et l’opacité du fonctionnement des systèmes de Google est très généralement regrettée par les éditeurs et les fournisseurs de technologies publicitaires. À cet égard, les éditeurs interrogés estiment que le header bidding leur apporte davantage, et non pas moins, de transparence, contrairement à ce qu’affirme Google.
417. Concernant la deuxième affirmation, il faut noter que, d’une part, les acheteurs Authorized Buyers ne représentent qu’une part largement minoritaire de la demande présente sur la plateforme AdX, et, d’autre part, les engagements contractuels de Google ne sauraient constituer une justification objective à une pratique anticoncurrentielle.
418. Concernant la troisième affirmation, le constat non étayé, de l’existence de pratiques néfastes de certains acteurs ne saurait être considéré comme une justification objective à une pratique anticoncurrentielle. En outre, Google n’a en tout état de cause pas démontré que le comportement adopté serait la solution la moins restrictive permettant d’éviter ces pratiques alléguées.
Conclusion
419. Le traitement plus favorable de DFP par AdX est susceptible d’avoir, et a d’ores et déjà eu, des effets anticoncurrentiels significatifs. Cette pratique, qui ne satisfait pas aux conditions d’une concurrence par les mérites, n’apparaît pas objectivement justifiée.
4. LES AUTRES PRATIQUES DENONCEES
420. Outre les pratiques ci-avant qualifiées, les saisissantes ont également dénoncé (a) la mise en œuvre par Google d’une stratégie de prédation visant à renforcer sa position dominante sur le marché des serveurs publicitaires pour éditeurs de sites web et d’applications mobiles, ainsi que (b) l’exploitation par Google de son intégration verticale dans l’écosystème des technologies publicitaires pour dégager des marges supplémentaires non révélées aux éditeurs et aux annonceurs.
a) Sur la mise en œuvre d’une stratégie de prédation
421. Selon les saisissantes, Google a mis en œuvre une stratégie de prédation en offrant DFP à un coût très faible, et souvent à titre gratuit. News Corp estime ainsi que « les frais facturés dans le cas de DFP Premium sont extrêmement faibles et qu’il est très probable que Google ne couvre pas ces coûts. En tout état de cause, DFP Small Business est pratiquement proposée gratuitement. »
422. Les éléments fournis par Google attestent cependant que :
- le revenu total attribuable au service DFP en 2018 dans le monde était de [0-500] millions d’euros ;
- les coûts totaux directs liés au service DFP étaient, dans le monde et en 2018, d’environ [0-500] millions d’euros, bien que Google ait indiqué que ce chiffre n’était qu’une estimation à considérer avec prudence en raison des difficultés liées à l’identification de ces coûts ;
- la différence entre le prix moyen par impression au niveau mondial et dans l’EEE était, en 2018, inférieure à [0-5] %.
423. En l’état des éléments versés au dossier, il apparaît donc que les revenus du service DFP couvrent bien ses coûts au niveau mondial, et que les tarifs pratiqués dans l’EEE sont très similaires aux tarifs pratiqués au niveau mondial. De plus, aucun des éléments factuels du dossier ne permet de démontrer que Google poursuit effectivement une stratégie de prédation, s’agissant de ce service.
424. Dans ce contexte, il y a lieu de constater que la dénonciation d’une telle pratique par les saisissantes n’est pas appuyée d’éléments suffisamment probants.
b) Sur l’exploitation par Google de son intégration verticale dans l’écosystème des technologies publicitaires
425. Selon les saisissantes, Google exploiterait son intégration verticale dans l’écosystème des technologies publicitaires ainsi que l’opacité de ses contrats et de ses services pour dégager des marges non révélées aux éditeurs et aux annonceurs. Elles soulignent, en particulier, que Google ne dévoile pas aux éditeurs la commission conservée par le service Google Ads lorsque ce dernier achète des inventaires sur la place de marché AdX.
426. À cet égard, si les contrats conclus entre Google et les éditeurs précisent la commission conservée par le service AdX, tel n’est pas le cas s’agissant de celle générée par les DSP de Google (à savoir les services Google Ads et DV360). Par ailleurs, si la commission conservée par Google dans le cadre de l’utilisation de DV360 est fixée contractuellement avec les annonceurs, tel n’est pas le cas, s’agissant du service Google Ads.
427. Le mode de calcul du partage des revenus par AdX correspond cependant à un standard de l’industrie. En l’état des éléments produits au débat, l’absence de transparence des marges dégagées par Google ne semble pas avoir en elle-même de lien de causalité avec des effets anticoncurrentiels.
428. Dans ce contexte, il y a lieu de constater que la dénonciation d’une telle pratique par les saisissantes n’est pas appuyée d’éléments suffisamment probants.
F. DUREE DES PRATIQUES
429. Afin de déterminer la durée d'une infraction aux règles du droit de la concurrence, il convient de rechercher la période qui s'est écoulée entre la date de début des pratiques et la date à laquelle il y a été mis fin279.
430. Conformément aux principes établis par la jurisprudence, l'existence d'un doute quant à la durée de l'infraction doit profiter à l'entreprise mise en cause en application du principe de la présomption d'innocence280.
431. S’agissant de la date de début de l’infraction, l’Autorité constate que les pratiques qualifiées sont mises en œuvre à tout le moins depuis l’acquisition de la société Doubleclick par Google (c’est-à-dire courant 2008). La position dominante de Google sur le marché des serveurs publicitaires pour éditeurs de sites web et d’applications mobiles n’a toutefois pu être établie qu’à compter de l’année 2014. En effet, Google – comme la plupart des fournisseurs interrogés – n’a pas été en mesure de transmettre d’informations relatives à la situation antérieure. Dans ce contexte, la date du 1er janvier 2014 sera retenue comme date de début de l’infraction.
432. S’agissant de la date de fin de l’infraction, l’Autorité constate que, quand bien même les modalités d’interopérabilité entre DFP les SSP concurrentes d’AdX ont fluctué depuis le 1er janvier 2014, le traitement plus favorable d’AdX par DFP demeure constant jusqu’à ce jour. Pour leur part, les modalités d’interopérabilité d’AdX avec les serveurs publicitaires tiers n’ont pas fluctué, et le traitement plus favorable de DFP par AdX est également constant jusqu’à ce jour.
433. Au regard de ce qui précède, il convient de retenir la date du 1er janvier 2014 comme date de début des pratiques, lesquelles ont perduré à tout le moins jusqu’au 30 septembre 2020, date d’envoi de la notification des griefs.
G. IMPUTABILITE
1. LES PRINCIPES APPLICABLES
434. Il résulte d’une jurisprudence constante que les articles L. 420-2 du code de commerce et 102 TFUE visent les infractions commises par des entreprises, notion qui désigne une unité économique, même si, du point de vue juridique, celle-ci est constituée de plusieurs personnes physiques ou morales. Cette entité économique doit, lorsqu’elle enfreint les règles de concurrence, répondre de cette infraction, conformément au principe de responsabilité personnelle281.
435. Ainsi, au sein d’un groupe de sociétés, le comportement d’une filiale peut être imputé à la société mère notamment lorsque, bien qu’ayant une personnalité juridique distincte, cette filiale ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais applique pour l’essentiel les instructions qui lui sont données par la société mère, eu égard en particulier aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent ces deux entités juridiques282.
436. Dans le cas particulier où une société mère détient, directement ou indirectement par le biais d’une société interposée, la totalité ou la quasi-totalité du capital de sa filiale auteure d’un comportement infractionnel, il existe une présomption selon laquelle cette société mère exerce une influence déterminante sur le comportement de sa filiale, présomption compatible avec les principes de responsabilité personnelle et d’individualisation des peines. Dans cette hypothèse, il suffit pour l’autorité de concurrence de rapporter la preuve de cette détention capitalistique pour imputer le comportement de la filiale auteure des pratiques à la société mère. La société mère peut renverser cette présomption en apportant des éléments de preuve susceptibles de démontrer que sa filiale détermine de façon autonome sa ligne d’action sur le marché. Si la présomption n’est pas renversée, l’autorité de concurrence sera en mesure de tenir la société mère pour solidairement responsable pour le paiement de la sanction infligée à sa filiale283.
2. APPRECIATION EN L’ESPECE
437. En premier lieu, les pratiques peuvent être imputées à Google LLC, anciennement Google Inc., en tant qu’auteure. D’une part, les produits ou services concernés sont conçus par Google LLC, d’autre part, la stratégie mise en œuvre sur les marchés pertinents est très principalement définie par Google LLC.
438. Les pratiques peuvent également être imputées à Google Ireland Ltd en tant qu’auteure. En effet, Google Ireland Ltd est l’entité contractante pour l’ensemble des clients éditeurs localisés dans l’EEE.
439. En second lieu, les pratiques peuvent être imputées à Alphabet Inc. en tant que société mère de ces deux sociétés auteures, à partir du 2 octobre 2015. À compter de cette date, la société Alphabet Inc. a remplacé Google Inc (devenue Google LLC en septembre 2017) en tant qu’entité consolidante. À compter du 2 octobre 2015, Google LLC est donc devenue une filiale détenue intégralement par Alphabet Inc. Pour sa part, Google Ireland Ltd est une filiale détenue intégralement par Google Ireland Holdings, dont la société mère ultime est également Alphabet Inc depuis le 2 octobre 2015.
440. Les pratiques peuvent être également imputées à Google LLC en tant que société mère de la société Google Ireland Ltd, pour la période allant du 1er janvier 2014 au mois d’octobre 2015, date de la création de la société Alphabet Inc.
H. SUR LES SANCTIONS ET LES ENGAGEMENTS
1. SUR LES PRINCIPES RELATIFS A LA DETERMINATION DES SANCTIONS ET A L’ACCEPTATION DES ENGAGEMENTS
a) Sur les sanctions
441. Le I de l’article L. 464-2 du code de commerce et l’article 5 du règlement n° 1/2003 habilitent l’Autorité à infliger une sanction pécuniaire aux entreprises et aux organismes qui se livrent à des pratiques anticoncurrentielles interdites par l’article L. 420-2 du code de commerce et l’article 102 du TFUE.
442. Par ailleurs, le troisième alinéa du I de l’article L. 464-2 du code de commerce prévoit que
« les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l’importance du dommage causé à l’économie, à la situation individuelle de l’organisme ou de l’entreprise sanctionnée ou du groupe auquel l’entreprise appartient et à l’éventuelle réitération de pratiques prohibées par le [titre VI du livre IV du code de commerce]. Elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction ».
443. Aux termes du quatrième alinéa du I de l’article L. 464-2 du code de commerce, « le montant maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 10 % du montant du chiffre d’affaires mondial hors taxes le plus élevé au cours d’un des exercices clos depuis l’exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre. Si les comptes de l’entreprise concernée ont été consolidés ou combinés en vertu des textes applicables à sa forme sociale, le chiffre d’affaires pris en compte est celui figurant dans les comptes consolidés ou combinés de l’entreprise consolidante ou combinante ».
444. Le III de l'article L. 464-2 du code de commerce dispose : « Lorsqu'un organisme ou une entreprise ne conteste pas la réalité des griefs qui lui sont notifiés, le rapporteur général peut lui soumettre une proposition de transaction fixant le montant minimal et le montant maximal de la sanction pécuniaire envisagée. Lorsque l'entreprise ou l'organisme s'engage à modifier son comportement, le rapporteur général peut en tenir compte dans sa proposition de transaction. Si, dans un délai fixé par le rapporteur général, l'organisme ou l'entreprise donne son accord à la proposition de transaction, le rapporteur général propose à l'Autorité de la concurrence, qui entend l'entreprise ou l'organisme et le commissaire du Gouvernement sans établissement préalable d'un rapport, de prononcer la sanction pécuniaire prévue au I dans les limites fixées par la transaction ».
445. En outre, les circonstances particulières résultant de la mise en œuvre, en l’espèce, de la procédure de transaction fondée sur les dispositions précitées du III de l’article L. 464-2 du code de commerce justifient que les sanctions prononcées ne soient pas motivées par référence à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires énoncée dans le communiqué du 16 mai 2011 de l’Autorité (voir la décision n° 17-D-20 du 18 octobre 2017 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des revêtements de sols résilients, paragraphe 452, le Communiqué de procédure du 21 décembre 2018 relatif à la procédure de transaction, paragraphe 37 et l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 13 juin 2019, Alcyon SA, n° 18/20229).
b) Sur les engagements
446. Aux termes du III de l’article L. 464-2 du code de commerce, il est loisible à une entreprise qui souhaite recourir à la procédure de transaction de s’engager à modifier son comportement. Dans ce cas, le rapporteur général peut en tenir compte dans sa proposition de transaction.
447. Si le rapporteur général accepte d’inclure les engagements dans la proposition de transaction, il en tient compte, le cas échéant, pour déterminer le montant minimal et maximal de la sanction pécuniaire envisagée. Lorsque le collège de l’Autorité examine l’affaire, il détermine si les engagements proposés par l’entreprise sont de nature à favoriser le retour à la conformité pour l’entreprise concernée et à avoir un effet positif sur le fonctionnement concurrentiel du marché.
2. SUR LA GRAVITE DES PRATIQUES
448. Les griefs concernent des pratiques discriminatoires mises en œuvre par Google visant à ce que ses propres technologies de serveur publicitaire DFP et de plateforme de mise en vente programmatique AdX s’avantagent réciproquement, au détriment tant des fournisseurs de technologie concurrents que du rendement des inventaires publicitaires des éditeurs en ligne.
449. S'agissant des personnes susceptibles d'être affectées par les pratiques, les pratiques mises en œuvre par Google ont été de nature à affecter et ont effectivement pénalisé les opérateurs du secteur de l’intermédiation de la publicité en ligne, qui sont pour la plupart des acteurs naissants ou encore en développement. Il convient de noter que les effets des pratiques en cause sont particulièrement nocifs pour les acteurs de petite taille qui disposent de ressources limitées.
450. Les pratiques n’ont pas seulement affecté les concurrents de Google. Les éditeurs de sites ont, en effet, également été privés de la possibilité de faire jouer pleinement la concurrence entre les différentes SSP. Ils ont, de ce fait, perdu des revenus qui auraient dû être associés à la vente de leurs inventaires aux tarifs résultant des enchères pour les attribuer. En particulier, les éditeurs n’ont pas pu obtenir des prix d’achats plus élevés de la part des SSP, et en particulier de la plateforme AdX de Google qui, déjà prééminente, a vu la pression concurrentielle exercée par ses concurrents amoindrie du fait des pratiques. Les clients finaux affectés par ces pratiques correspondent en l’espèce à l’ensemble des éditeurs de sites internet et d’applications mobiles, et en particulier des groupes de presse – dont certains sont à l’origine de la saisine de l’Autorité dans la présente affaire - dont le modèle économique est, par ailleurs, fortement fragilisé par la décrue des ventes d’abonnements papier et la baisse des revenus publicitaires associés.
451. Les griefs retenus constituent des pratiques particulièrement graves de la part d’une entreprise dominante, dans la mesure où elles ont pour effet, d’une part, d’empêcher l’accès et le développement des concurrents sur le marché par des moyens ne reposant pas sur une compétition par les mérites et, d’autre part, de réduire les revenus des éditeurs de sites internet et d’applications mobiles qui ont recours aux services publicitaires de Google.
452. Ces pratiques sont d’autant plus graves qu’elles se sont déroulées sur un marché encore émergent et en forte croissance et ont pu affecter la capacité des concurrents à innover et à se développer sur le marché. Ces pratiques ont notamment minoré les avantages du procédé de header bidding qui avait été mis en place par les SSP concurrentes d’AdX sur le marché de l’intermédiation publicitaire avec l’objectif de remédier aux asymétries de la fonctionnalité d’allocation dynamique et de maximiser le prix de vente de l’impression pour les éditeurs. En affectant directement la capacité des concurrentes de Google à se maintenir ou à se développer sur un marché émergent, les pratiques ont, en outre, affecté la capacité du marché à dégager des innovations bénéfiques pour les clients finaux.
453. La gravité des pratiques doit également s’apprécier au regard de la position occupée par Google à chaque échelon de la chaîne de valeur de la publicité en ligne, qui lui confère un pouvoir de marché significatif, dans la mesure où ces échelons peuvent bénéficier de synergies techniques ou légales, mais également dans la mesure où cette position confère à Google un pouvoir de prescription pour les acteurs du marché (voir paragraphes 340 et suivants).
454. Ce comportement a pris place alors même que Google a été régulièrement alertée sur l’importance du respect des règles de concurrence, tant par la Commission européenne que par l’Autorité. La Commission a ainsi sanctionné Google à l’occasion des affaires Google Shopping (le 27 juin 2017), Google Androïd (le 18 juillet 2018) et Google Search AdSense (le 20 mars 2019)284. L’Autorité l’a aussi sanctionnée à l’occasion de l’affaire Google Gibmedia (le 19 décembre 2019)285.
3. SUR LE DOMMAGE A L’ECONOMIE
455. Indépendamment de la gravité intrinsèque de l’infraction, il convient d’apprécier l’incidence que le comportement de Google a pu avoir sur la concurrence.
456. En l’espèce, les pratiques ont été mises en œuvre par un opérateur détenant de fortes parts de marché sur le marché des serveurs publicitaires pour éditeurs de sites web et d’applications mobiles, tout au long de la période concernée. En outre, Google a enregistré une progression constante et significative de ses parts de marché et de ses revenus pendant toute la durée des pratiques.
457. Ces pratiques ont eu des effets anticoncurrentiels importants sur les marchés des plateformes de mise en vente d’espaces publicitaires non liés aux recherches et des serveurs publicitaires pour éditeurs de sites web et d’application mobile. Elles ont limité en particulier l’attractivité des serveurs publicitaires et des SSP tierces du point de vue des éditeurs. Elles ont également permis à Google d’accroître sensiblement sa part de marché, par ailleurs déjà très élevée, et ses revenus également considérables, sur un marché en très forte croissance. En outre, aucune justification objective à ces pratiques ne parait susceptible d’y être apportée.
458. La saisine de NewsCorp a notamment identifié un certain nombre d’acteurs qui ont connu des difficultés significatives pendant la période des pratiques, tandis que Google bénéficiait d’une forte croissance de son activité286.
459. AdX a, en revanche, pu réaliser des profits significatifs grâce aux pratiques litigieuses, en particulier celles qui ont fait l’objet du grief n° 1.
460. Ce droit de dernier regard aurait vraisemblablement permis à AdX de remporter un nombre significatif d’impressions pour lesquelles une offre de header bidding a été reçue par l’éditeur. Ces impressions n’auraient pas été remportées sans les pratiques litigieuses. Sur ces impressions supplémentaires servies par AdX, AdX prélève une commission de l’ordre de 20 %.
461. En deuxième lieu, AdX a pu également retirer des recettes et des profits supplémentaires de la fonctionnalité dite de part de revenu dynamique, qui a été introduite en 2016.
462. En dernier lieu, les pratiques ont pu permettre à AdX de maintenir sa part de revenu conservée sur les offres des annonceurs, contrairement à certains concurrents qui ont baissé la leur. Or, chaque point de pourcentage de part de revenu conservée représente plusieurs millions d’euros par an.
463. Le dommage causé à l’économie est donc certain et significatif.
4. SUR L’ADAPTATION DE LA SANCTION A LA TAILLE DU GROUPE
464. L’appréciation de la situation individuelle peut conduire l’Autorité à prendre en considération l’envergure de l’entreprise en cause ou du groupe auquel elle appartient. L’Autorité peut ainsi adapter la sanction au regard de la taille, de la puissance économique et des ressources globales du groupe auquel appartient l’auteur des pratiques.
465. En l'espèce, l'infraction en cause a été imputée aux sociétés Google LLC et Google Ireland Ltd en tant qu'auteures et aux sociétés Google LLC et Alphabet Inc. en tant que sociétés mères qui constituent, prises ensemble, une entreprise au sens du droit de la concurrence. Pour apprécier la puissance et la capacité contributive des entreprises concernées, il convient de noter que le chiffre d’affaires consolidé de Google s’élève à 182,527 milliards de dollars en 2020287.
5. SUR LE MONTANT DE LA SANCTION
466. Au vu de l’ensemble de ces éléments et dans le respect des termes de la transaction, le montant de la sanction infligée à Google est fixé à 220 millions d’euros.
467. Ce montant est inférieur au plafond légal de sanction prévu par le I de l’article L. 464-2 du code de commerce.
6. SUR LES ENGAGEMENTS PROPOSES PAR GOOGLE DANS LE CADRE DE LA PROCEDURE DE TRANSACTION
468. Google a proposé plusieurs engagements lors des échanges avec le rapporteur général sur la procédure de transaction, comme le permet le III de l’article L. 464-2 du code de commerce qui prévoit que : « lorsque l’entreprise (…) s’engage à modifier son comportement, le rapporteur général peut en tenir compte dans sa proposition de transaction ».
469. En premier lieu, Google a présenté des engagements en lien avec les pratiques sanctionnées au titre du premier grief. Ces engagements visent à ce que Google offre aux SSP tierces une modalité d’interopérabilité avec le serveur DFP permettant une concurrence par les mérites entre AdX et les SSP tierces pour l’achat des inventaires des éditeurs utilisant DFP.
470. À cette fin, Google a proposé de renforcer l’interopérabilité entre DFP et les SSP tierces selon les modalités du header bidding, et en particulier :
- de permettre un accès équitable à l’information sur le déroulé des enchères pour les SSP tierces interrogées via le header bidding (engagement n° 1) ;
- de préserver la pleine liberté contractuelle des SSP tierces de sorte que celles-ci puissent négocier des conditions particulières avec les éditeurs ou mettre en concurrence les acheteurs qu’elles souhaitent (engagement n° 2) ;
- de garantir qu’AdX n’utilise plus le prix de ses concurrents afin d’optimiser ses enchères d’une manière qui ne soit pas reproductible par les SSP tierces (engagement n° 3) ;
- d’offrir des garanties de stabilité technique tant pour les SSP tierces que pour les éditeurs (engagement n° 4).
471. En deuxième lieu, Google s’est engagée à apporter des changements aux configurations existantes (AdX Direct et Élément de Campagne Invendu) qui permettent aux éditeurs utilisant des serveurs publicitaires tiers d’avoir accès à la demande AdX en temps réel.
472. Google s’est engagée en outre à désigner un mandataire indépendant en charge du suivi de la mise en œuvre de ces engagements.
473. L’Autorité estime que ces engagements sont de nature à favoriser le retour à la conformité pour l’entreprise Google et à améliorer le fonctionnement concurrentiel du marché des serveurs publicitaires et des plateformes SSP. Elle les rend donc obligatoires pour une durée de trois ans à compter de la date de notification de la décision ou, le cas échéant, suivant leur mise en œuvre effective.
DÉCISION
Article 1er : Il est établi que les sociétés Google LLC et Google Ireland Ltd, en tant qu’auteures des pratiques, et Alphabet Inc., en tant que société mère ont enfreint les dispositions des articles 102 du TFUE et L. 420-2 du code de commerce, pour avoir mis en œuvre des pratiques visant à ce que le serveur publicitaire DFP avantage la plateforme de mise en vente d’espaces publicitaires AdX et que, réciproquement, la plateforme de mise en vente d’espaces publicitaires AdX favorise le serveur publicitaire DFP.
Article 2 : Il est infligé, au titre des pratiques visées à l’article 1er une sanction pécuniaire de 220 000 000 euros, solidairement aux sociétés Alphabet Inc., Google LLC et Google Ireland Ltd.
Article 3 : L’Autorité de la concurrence prend acte des engagements pris par les sociétés Alphabet Inc., Google LLC et Google Ireland Ltd, qui font partie intégrante de la décision à laquelle ils sont annexés. Ces engagements sont rendus obligatoires pendant une durée de 3 ans à compter de la date de notification de la décision ou, le cas échéant, suivant leur mise en œuvre effective.
1 Ce résumé a un caractère strictement informatif. Seuls font foi les motifs de la décision numérotés ci-après.
2 Voir, en ce sens, l’avis n° 18-A-03 du 6 mars 2018 portant sur l’exploitation des données dans le secteur de la publicité sur internet, paragraphe 178.
3 Voir, notamment, la décision n° 19-D-26 du 19 décembre 2019 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la publicité en ligne liée aux recherches.
4 Voir le glossaire de l’avis n° 18-A-03 de l’Autorité sur la publicité en ligne.
5 23ème Observatoire de l’e-pub, SRI France, Accessible à l’adresse : http://www.sri-france.org/wp- content/uploads/2020/01/20200130_ePub_2019_VDEF-Post-pr%C3%A9sentation.pdf. Le SRI est une association professionnelle qui représente les principaux vendeurs d’espaces publicitaires sur Internet en France.
6 L'IAB France est une association créée en 1998 dont la mission est de structurer le marché de la communication sur Internet, favoriser son usage et optimiser son efficacité (https://www.iab.com/).
7 https://www.betterads.org/
8 Voir, par exemple, le procès-verbal d’audition du groupe Rossel, cote 7389.
9 https://www.betterads.org/desktop-prestitial-ad-with-countdown/
10 Competition & Markets Authority: Online platforms and digital advertising, Market study final report, Appendix F: the role of data in digital advertising, paragraphes 142 et suivants. D. Ravichandran, N. Korula, Effect of disabling third-party cookies on publisher revenue, 2019. Accessible à l’adresse suivante : https://services.google.com/fh/files/misc/disabling_third-party_cookies_publisher_revenue.pdf ; rapport intermédiaire de l’Australian Competition and Consumer Commission (« ACCC ») : page 58 : https://www.accc.gov.au/system/files/Digital%20Advertising%20Services%20Inquiry%20-
%20Interim%20report.pdf
11 Règlement (UE) 2016/679 du Parlement et du Conseil du 27 avril 2016, relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données).
12 Voir notamment : https://www.cnil.fr/fr/cookies-et-autres-traceurs
13 Cote VC 7385.
14 Cotes VC 7233 (VNC 16564) et 7540.
15 Cotes VC 7521 (VNC 13041) ; VC 12032 (VNC 16844) ; VC 1742 (VNC 17304) ; VC 12044
(VNC 17523) ; VC 5577 (VNC 17333), VC 7251 (VNC 17285), 13145 (VNC 17289).
16 Voir cotes en référence ci-dessus.
17 Voir en ce sens l’avis de l’Autorité de la concurrence n° 18-A-03 du 6 mars 2018 (précité) paragraphes 30 et suivants.
18 Voir, par exemple, les cotes 14620 et suivantes.
19 Cotes 14620 et suivantes, VC 7522 (VNC 13042), 12034, 7387.
20 Cote VC 7543.
21 Cotes VC 12033, 7525 (VNC 13045), 7246, et 5263 (VNC 6424).
22 Cotes VC 13146 (VNC 13818), 7544, 7522 (VNC 13042).
23 Cote VC 9830 (VNC 14359).
24 Voir, par exemple, la cote VC 13146 (VNC 13818).
25 Cote VC 7525 (VNC 13045).
26 Cote VC 5266 (VNC 6427).
27 Cote VC 5263 (VNC 6424).
28 Cote VC 5266 (VNC6427).
29 Competition & Markets Authority: Online platforms and digital advertising, Market study final report, Appendix M : intermediation in open display advertising, paragraphe 116.
30 Cote VC 1592 ; VNC 7068.
31 Competition & Markets Authority: Online platforms and digital advertising, Market study final report, Appendix R : Fees in the adtech stack, paragraphes 65 et 69.
32 Competition & Markets Authority: Online platforms and digital advertising, Market study final report, Appendix R : Fees in the adtech stack, paragraphes 59 et 60.
33 Le marché publicitaire français en 2011, IREP, Accessible à l’adresse suivante : https://www.irep.asso.fr/_files/marche_publicitaire/IREP_MPF_2011.pdf
34 Baromètre Unifié du Marché Publicitaire 2018, IREP, Accessible à l’adresse suivante : http://www.irep.asso.fr/_files/marche_publicitaire/communique-bump-marche-publicitaire-2018.pdf 35 Idem
36 The EU online advertising market Update 2017, European Audiovisual Observatory, Strasbourg, 2017.
37 L'Observatoire européen de l'audiovisuel a été créé en 1992 et fait partie du Conseil de l'Europe qui a son siège à Strasbourg,
38 Cote VC 5577.
39 Pour la liste complète des sites web et applications mobiles édités par Groupe Figaro voir les cotes VC 1738 à 1739.
40 Cote VC 1738.
41 Pour la liste complète des sites web et applications mobiles édités par Groupe Rossel voir les cotes VC 1687 à 1692.
42 Cote 7387.
43 Autorisée par une décision de la Commission européenne du 11 mars 2008, M.4731, Google / DoubleClick.
44 Cote VC 677 (VNC 1946).
45 Au sein de l’espace économique européen cette limite est fixée à 150 millions d’impressions par mois (hors impressions vidéo) dans la plupart des pays et à 200 millions par mois dans les autres.
46 Cote VC 966.
47 Cote VC 1097.
48 Cote VC 12 200.
49 Cote VC 967.
50 Cotes VC 1098 et 1099.
51 Cote VC 12 201.
52 Voir, par exemple, les cotes 40 et suivantes.
53 Voir, par exemple, les cotes 44 et 45.
54 Voir, par exemple, la cote 42.
55 Cote 47.
56 Une unité publicitaire est un emplacement qui peut contenir une ou plusieurs publicités.
57 Cote 159.
58 Cote 46.
59 Cote VC 4424 (VNC 14498).
60 Cote VC 688 (VNC 1957).
61 Cotes VC 13799 et suivantes (VNC 13950 et suivantes).
62 Cote VC 939.
63 Cote VC 2571.
64 Cotes VC 159, et 689.
65 Pour une description de cette asymétrie, voir les développements aux paragraphes 147 et suivants.
66 https://www.iab.com/guidelines/real-time-bidding-rtb-project/
67 Cotes VC 13224, 8789 et 8790.
68 Cotes VC 49 à 57.
69 Voir, par exemple, la cote VC 12047 (VNC 17526)
70 Voir, par exemple, la cote VC 7235 (VNC 16566).
71 Voir, par exemple, la cote VC 7388.
72 Cote 5188.
73 Cote VC 13217 (VNC 13726).
74 AMP, pour Accelerated Mobile Pages, est un format développé sous l’impulsion de Google et visant à permettre un chargement plus rapide des pages sur les téléphones mobiles.
75 Voir, par exemple, la cote VC 1551 (VNC 7136).
76 Voir, par exemple, la cote 7548.
77 Voir la liste des membres de l’organisation à l’adresse : http://prebid.org/partners/partners.html
78 Cote VC 1520 (VNC 3908).
79 La liste des fournisseurs de SSP « partenaires » Open Bidding est rendue disponible via le centre d’aide Google Ad Manager à l’adresse suivante : https://support.google.com/admanager/answer/7128453?hl=fr
80 Cote VC 950.
81 Cote 7390.
82 Les Authorized Buyers sont l’ensemble des plateformes d’achat (DSP) réalisant des transactions via la place de marché AdX, et comprend notamment les services Google Ads (anciennement AdWords) et DV360 (anciennement DBM).
83 Cote VC 698 (VNC 1967).
84 Cote VC 699 (VNC 1968).
85 Cote VC 4423 (VNC 14497).
86 Voir, par exemples, les cotes VC 13627, et VC 13381 (VNC 14395).
87 Voir le paragraphe 144 de la version confidentielle de la notification des griefs, cote 17812.
88 Cotes VC 5139 à 5247.
89 Cote 5146.
90 Cote 5188.
91 Cote 5192.
92 Cote 16090.
93 Voir le paragraphe 162 de la version confidentielle de la notification des griefs, cote 17815.
94 Cette fonctionnalité n’est activée que par une minorité des acheteurs présents sur AdX.
95 Cote VC 8911.
96 Cote 1390.
97 Cote VC 4424 (VNC 14498).
98 Cote VC 12071 (VNC 12092).
99 Cote 5188.
100 Calcul des services d’instruction à partir des données transmises par Google.
101 Cote VC 707 (VNC 1976).
102 Cote VC 13973 (VNC 14453).
103 Cotes VC 14665 et 14666 (VNC 16270).
104 Cotes VC 13224, 8789 et 8790.
105 Cote VC 13257.
106 Cotes VC 13226 et 13253.
107 Cote VC 15222 (VNC 13704).
108 Cote VC 15222 (VNC 13704).
109 Cotes 1390, 1557 (VNC 17575).
110 Cote VC 13176 (VNC 13552).
111 Cote VC 13670.
112 Cotes 4428,VC 4116 (VNC 4153), 4132 et 4133 (VNC 4168).
113 Competition & Markets Authority: Online platforms and digital advertising, Market study interim report, paragraphe 5.187.
114 Cotes VC 2576 (VNC 3998), 708 et 709 (VNC 1977 et 1978).
115 Cote 14601.
116 Voir, par exemple, la cote VC 7399 (VNC 12113).
117 Cote VC 8814.
118 Cote VC 13244.
119 Voir, par exemple, la cote VC 11866 (VNC 13074).
120 Cote VC 12201.
121 Cote 7546.
122 Voir, par exemple, la cote VC 4422 (VNC 14496). 123 Voir, par exemple, les cotes VC 14680 et suivantes. 124 Cotes VC 14680 et suivantes.
125 Version originale : « Pub[lisher]s list inventory on multiple SSPs, and floors tend to be higher on AdX », Cote VC 8864.
126 Cote 7020.
127 Voir les cotes VC 13170, 1545 (VNC 7131 et VC 1646), VNC 7163, ainsi que : https://kb.indexexchange.com/Demand/IX_Bid_Translation_for_Buyers.htm
128 Cote VC 12068 (VNC 12089).
129 Cote VC 13647.
130 Cotes VC 13380 et 13381 (VNC 14394 et 14395), 11 961 (VNC 17020).
131 Cotes VC 7169 (VNC 7186), 1375, 1448, 4126 (VNC 4162), VC 1437 (VNC 17609), 14776, 1770 (VNC
17327)
132 Cotes VC 7 339, 14857, 11961 (VNC 14393).
133 Cote VC 945.
134 Cotes VC 13147 (VNC 13819), 12046 (VNC 17525), 7387, 7524 (VNC 13044).
135 Cote VC 13629.
136 Cotes 4417 et 4418.
137 Cote VC 15786.
138 Cote VC 11847 (VNC 13120).
139 Version originale : “Google AdX open auction revenue share (80 %): Is often said to be lower than competing SSPs (…) but is also known to generate significantly higher net eCPMs for publishers, notably thanks to the proprietary Adwords demand generated by significant investment from Google sales teams”.
140 Cote VC 2576.
141 Voir, par exemples les cotes VC 12062 et VC 7523 (VNC 13043).
142 Cotes VC 13972, 14452 et 14453.
143 Cote VC 14694 (VNC 16286).
144 Voir cotes VC 13796 (VNC 13945), 4418 , 14666 et 14667 (VNC 16271).
145 Cote VC 13973 (VNC 14452 et 14453).
146 Cote VC 13208 (VNC 13722)
147 Cotes 7542 et 7543.
148 Cote VC 13629.
149 Cotes VC 12046 (VNC 17525), 12034 (VNC 16845), 7524 (VNC 13043 et 13044).
150 Voir, par exemple, les cotes VC 12067 (VNC 12088), 13321, 13386 (VNC 17291).
151 Cote 42.
152 Cotes VC 12070 (VNC 12091) et 12058 (VNC 13350).
153 Cote 12061.
154 Cote VC 11847 (VNC 13120).
155 Voir, par exemple, les cotes VC 7524 (VNC 13044), 7543, 12 046 (VNC 13340 ), 7210.
156 Voir, par exemple, les cotes VC 1770 et 1771 (VNC 17327, 7297 et 7298), 1437 (VNC 17609), 4126
(VNC 4162).
157 Cote VC 1448.
158 Version originale : ”In order to be competitive we would need to be able to connect to the adx using openrtb or any real time bidding protocol in order to enable our clients to sell their inventory”.
159 Cote VC 7169 (VNC 7186).
160 Version originale : “A factor strongly contributing to the decision was that Adzerk does not have access to AdX advertiser demand”.
161 Décision n° 19-D-21 du 28 octobre 2019 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur du transport routier de marchandises, paragraphe 71.
162 Voir, en ce sens, la décision de la Cour de justice dans l’affaire 85/76, Hoffmann-La Roche contre Commission, paragraphe 28. Voir aussi la Communication de la Commission sur la définition du marché en cause aux fins du droit communautaire de la concurrence (“Communication de la Commission”), JO C 372, 9.12.1997, paragraphe. 5.
163 Voir, en ce sens, les décisions de la Cour de justice et du Tribunal dans les affaires 322/81, Nederlandsche Banden Industrie Michelin contre Commission, paragraphe 37 ; T-556/08, Slovenská pošta contre Commission, paragraphe 112.
164 Voir les paragraphes 13 et suivants de la Communication ci-avant mentionnée.
165 Voir la communication de la Commission européenne sur la définition du marché en cause aux fins du droit communautaire de la concurrence, 9 décembre 1997, paragraphe 20.
166 Voir les paragraphes 74 à 81 de la décision de la Commission européenne du 11 mars 2008, M.4731, Google / DoubleClick. Voir également les paragraphes 162 et 167 la décision de la Commission européenne du 17 décembre 2020, M.9660, Google/Fitbit et le paragraphe 184 de l’avis n° 18-A-03 du 6 mars 2018 portant sur l’exploitation des données dans le secteur de la publicité sur internet.
167 Voir les paragraphes 85 à 91 de la décision de la Commission européenne Google / DoubleClick ci-avant mentionnée.
168 Voir, par exemple, les cotes VC 4313 et 4314 (VNC 4352 et 4353).
169 Cote VC 13158 (VNC 13534) .
170 Cote 13157.
171 Cotes VC 7521 (VNC 13041), 12032 (VNC 16844), 1742 (VNC 17304), 12044 (VNC 17523), 5577
(VNC 17333), 7251 (VNC 17285), 13145 (VNC 17289) et
172 Cote VC 7233 (VNC 16564).
173 Cote 7541.
174 En ce sens, voir notamment les cotes VC 5187 et 5188.
175 Cote VC 2725.
176 Cote VC 1550 (VNC 7135).
177 Cote VC 2476.
178 Voir, par exemple, les cotes VC 7546, 12034 (VNC 16846), 12047 (VNC 17526), et 13147 (VNC 13819).
179 Cotes VC 13 372 à 13 375 (VNC 14386 à 14389).
180 Cote VNC 7554.
181 Cotes 13159 et 13160.
182 Cotes VC 678 à 682 (VNC 1947 à 1951) et 13376 à 13377.
183 Voir, par exemple, la cote VC 7398 (VNC 12112).
184 Cotes VC 14982, 8587 et 8599.
185 Voir la version confidentielle de la décision de la Commission européenne dans l’affaire Google/AdSense, paragraphes 189 à 197.
186 Décision de la Commission européenne du 20 mars 2019, AT.40411 – Google Search (Adsense).
187 Voir la décision Google/AdSense mentionnée supra.
188 Cotes VC 13375 et 13376 (VNC 14389 et 14390).
189 Cote VC 13176 (VNC 13552).
190 Cote 13161.
191 Cote VC 13376 (VNC 14389 et 14390).
192 Voir, par exemple, les cotes VC 12045 (VNC 17524) et 7399 (VNC 12113).
193 Voir l’arrêt de la Cour d’appel de Paris, 1ère Chambre – Section H, du 31mars 2009, 2008/11353.
194 Voir, par exemple, l’arrêt de la Cour de justice dans l’affaire 27/76, United Brands contre Commission, paragraphes 64 et 65.
195 Voir l’arrêt du Tribunal dans l’affaire T-57/01, Solvay contre Commission, paragraphes 275 à 279.
196 Voir arrêt de la Cour dans l’affaire C-62/96, AKZO contre Commission, paragraphe 60.
197 Voir, en ce sens, la décision de l’Autorité de la concurrence n° 05-D-32, Royal Canin, paragraphes 169 à 174.
198 Les acteurs qui ont été interrogés sont, outre Google : FreeWheel, Smart AdServer, Verizon, Xandr, AdSpirit, AdZerk, Adhese, AdForm et OpenX. Voir cotes VC 967, VC 1778 à 1785 et 1810 à 1812 (VNC 17329), 1371, VC 1442 (VNC 17339) VC 4319 à 4322 et VC 13372 (VNC 17341), 1446 et 1447, VC 7172 (VNC 17325), 14781 à 14855, VC 4075 (VNC 17323), VC 4498 (VNC 17376).
199 Données estimées sur la base d’une partie de l’année.
200 Cote VC 1762 (VNC 7290).
201 Cote VC 13776.
202 Certains fournisseurs n’ayant pas pu fournir le nombre d’impressions servies sur une partie de la période, les services d’instruction ont utilisé l’hypothèse que ces fournisseurs facturaient un coût par impression similaire à la moyenne du marché, hypothèse cohérente avec les déclarations des éditeurs. Ces fournisseurs représentaient une part de marché en valeur de 7 % en 2015, 6 % en 2016, 3 % en 2017, 1 % en 2018 et 1 % en 2019 (estimé sur la base des données d’une partie de l’année).
203 Cotes 7542, 7386, 7522 (VNC 13042), 12035 (VNC 16845), 12046 (VNC 17525), 13146 (VNC 13818),
7245 (VNC 16747).
204 Cote VC 9830.
205 Cote VC 12034 (VNC 16846).
206 Cote VC 13147 (VNC 13819).
207 Cotes VC 7525 (VNC 13045) et 12045 (VNC 17524).
208 Cote VC 4127 (VNC 4163).
209 Cote VC 7525 (VNC 13045).
210 Cotes VC 7523 (VNC 13043) et 1456.
211 Cote VC 7523 (VNC 13043).
212 Cotes VC 14750, 14751, 4495, et 1432 (VNC 7036).
213 Cote VC 13179.
214 Cote VC 3864.
215 Cote 14775. Voir également les cotes 7387 et 7388.
216 Version originale : « it is the easy solution, nobody ever gets fired for using google »
217 Englehardt, Steven, and Arvind Narayanan. "Online tracking: A 1-million-site measurement and analysis." Proceedings of the 2016 ACM SIGSAC conference on computer and communications security. 2016.
218 Voir https://gs.statcounter.com/browser-market-share/all/europe#monthly-200901-202006
219 Cotes 7386 et 7544.
220 Cotes VC 7487 (VNC 17392), et 13130 et suivantes (VNC 17394 et suivantes).
221 Competition & Markets Authority: Online platforms and digital advertising, Market study final report, Annex C: Market outcomes, paragraphes 253 à 254. Au Royaume-Uni, Google contrôle entre 40 % et 60 % du marché des DSP.
222 Cote VC 12062 (VNC 16759).
223 Cote VC 15774.
224 Competition & Markets Authority: Online platforms and digital advertising, Market study final report Appendix M : intermediation in open display advertising, paragraphe 145 : Au Royaume-Uni, le serveur publicitaire pour annonceur de Google représente plus de 80 % des annonces diffusées.
225 Cote 14776.
226 Décision AdSense mentionnée supra, et décision n°19-D-26 du 19 décembre 2019 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la publicité en ligne liée aux recherches, paragraphe. 321.
227 Cote VC 946.
228 Environ 297 milliards d’euros, Estimation E-Marketer.
229 Environ 120 milliards d’euros, Alphabet 10-K.
230 Environ 62,5 milliards d’euros, Facebook 10-K.
231 Source : calcul des services d’instruction à partir des données transmises par les entreprises listées. Les revenus pris en compte sont ceux issus des éditeurs de l’EEE. Cotes VC 1098, 1099 et 12 201, VC 4433 à 4438 (VNC 17341), VC 1567 à 1574 (VNC 17578), VC 4073 et 4074 (VNC 17323), 7334, 7110, VC 17159 à 17162 (VNC Google 17621), 1458, VC 7056 et 7057 (VNC 17339), VC 4183 et 4184 (VNC 17337), 14603 et 14604
232 Cote VC 7535 (VNC 17283).
233 Cotes VC 7487 (VNC 12117) et 13130 et suivantes (VNC 17394 et suivantes).
234 Cotes VC 7487 et 13129 à 13132.
235 Competition & Markets Authority: Online platforms and digital advertising, Market study final report.
236 Voir la décision n° 21-D-07 du 17 mars 2021 relative à une demande de mesures conservatoires présentée par les associations Interactive Advertising Bureau France, Mobile Marketing Association France, Union Des Entreprises de Conseil et Achat Media, et Syndicat des Régies Internet dans le secteur de la publicité sur applications mobiles sur iOS.
237 Cote VC 13 377 (VNC 14391).
238 Voir : https://support.google.com/admanager/answer/9805023?hl=en&ref_topic=28145
239 Voir : https://www.journaldunet.com/ebusiness/publicite/1491759-comment-google-veut-recuperer-la- data-des-editeurs-gratuitement/
240 En ce sens, voir, par exemple, la cote 7385. 241 En ce sens, voir, par exemple, la cote 7540. 242 Cote 7541.
243 Voir, en ce sens, l’arrêt de la Cour de justice dans l’affaire AstraZeneca, paragraphe 64 supra, paragraphe 355, et la jurisprudence citée.
244 Voir, en ce sens, les arrêts de la Cour de justice et du Tribunal dans les affaires C-280/08 P, Deutsche Telecom contre Commission, EU:C:2010:603, paragraphe 230; T-336/07, Telefónica SA contre Commission, EU:T:2012:172, paragraphe 204.
245 Voir, en ce sens les arrêts de la Cour de justice dans les affaires C-395/96 P et C-396/96 P, Compagnie Maritime Belge Transports et autres contre Commission, EU:C:2000:132, paragraphe 114 ; C-52/09, Konkurrensverket contre TeliaSonera Sverige AB, EU:C:2011:83, paragraphe 84.
246 Voir en ce sens, les arrêts de la Cour de justice dans les affaires C-286/13 P, Dole Food and Dole Fresh Fruit Europe contre Commission, EU:C:2015:184, paragraphe 125 , dans l’affaire C-202/07 P, France Télécom contre Commission, EU:C:2009:214, paragraphe 105; dans les affaires jointes C-501/06 P, C-513/06 P, C-515/06 P et C-519/06 P, GlaxoSmithKline Services et autres contre Commission et autres, EU:C:2009:610, paragraphe 63; dans l’affaire C-52/09, Konkurrensverket contre TeliaSonera Sverige AB, EU:C:2011:83, paragraphe 24.
247 Voir, en ce sens, les arrêts de la Cour de justice dans les affaires 85/76, Hoffmann-La Roche contre Commission, EU:C:1979:36, paragraphe 91 ; 322/81, NV Nederlandsche Banden Industrie Michelin contre Commission, EU:C:1983:313, paragraphes 57 et 70 ; C-62/86, Akzo contre Commission, EU:C:1991:286, paragraphe 69; C-95/04 P, British Airways contre Commission, EU:C:2007:166, paragraphe 66; Case C-202/07 P, France Télécom contre Commission, EU:C:2009:214, paragraphe 104; C-280/08 P, Deutsche Telecom contre Commission, EU:C:2010:603, paragraphe 173; C-52/09, Konkurrensverket contre TeliaSonera Sverige AB, EU:C:2011:83, paragraphe 27 et la jurisprudence citée.
248 Voir, en ce sens, les arrêts de la Cour de justice dans les affaires 6/72, Europemballage Corporation et Continental Can Company Inc. contre Commission, EU:C:1973:22, paragraphe 26 ; 85/76, Hoffmann-La Roche & Co. AG contre Commission, EU: C:1979:36, paragraphe 91; 322/81, NV Nederlandsche Banden Industrie Michelin contre Commission, EU:C:1983:313, paragraphe 57.
249 Voir, en ce sens, les arrêts de la Cour de justice et du Tribunal dans les affaires 311/84, Centre belge d'études de marché - Télémarketing (CBEM) contre SA Compagnie luxembourgeoise de télédiffusion (CLT) et Information publicité Benelux (IPB), EU:C:1985:394, paragraphe 27 ; C-333/94 P, Tetra Pak contre Commission, EU:C:1996:436, paragraphe 25 ; T-228/97, Irish Sugar plc contre Commission, EU:T:1999:246, paragraphe 166; Case T-201/04, Microsoft contre Commission, EU:T:2007:289, paragraphe 1344.
250 Voir, en ce sens, les arrêts de la Cour de justice dans les affaires C-333/94 P, Tetra Pak contre Commission, EU:C:1996:436, paragraphe 25; C-52/09, Konkurrensverket contre TeliaSonera Sverige AB, EU:C:2011:83, paragraphe 85.
251 Voir, en ce sens, l’arrêt de la Cour de justice dans l'affaire C-333/94, Tetra Pak contre Commission, paragraphes 21 à 33 et l’arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 17 mars 2009 dans l’affaire Glaxosmithkline France.
252 Voir, en ce sens, les arrêts de la Cour de justice dans les affaires, 6/72, Europemballage et Continental Can contre Commission, EU:C:1973:22, paragraphe 26; Deutsche Telekom contre Commission, EU:C:2010:603, paragraphe 173; C-52/09, Konkurrensverket contre TeliaSonera Sverige AB, EU:C:2011:83, paragraphe 26.
253 Voir, en ce sens, le Rapport à la Commission européenne « Competition policy for the digital era » par Jacques Crémer, Yves-Alexandre de Montjoye, et Heike Schweitzer (2019).
254 Voir par exemple l’arrêt de la Cour de Justice, C-165/19, Slovak Telekom a.s./Commission, la décision de la Commission européenne dans l’affaire AT.39740, Google Shopping et la décision de l’Autorité de la concurrence n° 10-MC-01, dans l’affaire Navx, et notamment son paragraphe 183 qui précise : « (c)ette situation peut par exemple apparaître lorsqu’une entreprise verticalement intégrée bénéficie d’un accès privilégié à certains biens ou services qu’elle contrôle en amont et qui sont utiles voire indispensables à l’exercice d’une activité aval sur laquelle elle est également présente. Un comportement de ce type relève de la catégorie des abus dits d’éviction, en ce qu’il découle en général de la stratégie d’une entreprise visant à tirer parti du pouvoir qu’elle détient sur un marché pour affaiblir un ou plusieurs de ses concurrents et à terme à les évincer » (soulignement ajouté).
255 Voir, en ce sens, l’arrêt de la Cour de justice dans l’affaire C-280/08P, Deutsche Telekom contre Commission, EU:C:2010:603, paragraphe 175 et la jurisprudence citée.
256 Voir, en ce sens, les arrêts de la Cour de justice et du Tribunal dans les affaire C62/86, Akzo contre Commission, paragraphe 70 ; T-65/98, Van den Bergh Foods contreCommission, paragraphe 157 ; et la décision de la Commission Européenne dans l’affaire AT.39813, Baltic Rail, paragraphes 182 à 201.
257 Voir, en ce sens, les arrêts de la Cour de justice et du Tribunal dans les affaires 6/72, Europemballage et Continental Can contre Commission, EU:C:1973:22, paragraphes 27 et 29 ; T-128/98, Aéroports de Paris contre Commission, EU:T:2000:290, paragraphe 170.
258 Voir, en ce sens, l’arrêt du Tribunal du 17 juillet 1998, ITT Promedia NV/Commission, T-111/96, paragraphe 139.
259 Voir, en ce sens, l’arrêt de la Cour de justice dans l'affaire C-549/10 P, Tomra Systems et autres contre Commission, paragraphes 19 à 22.
260 Voir, en ce sens, l’arrêt de la Cour de justice dans l’affaire C-549/10 P, Tomra Systems et autres contre Commission, EU:C:2012:221, paragraphe 68.
261Voir, en ce sens, les arrêts de la Cour de justice et du Tribunal dans les affaires C-457/10 P, AstraZeneca contre Commission, EU:C:2012:770, paragraphes 109 et 111 ; T-286/09, Intel contre Commission, EU:T:2014:547, paragraphe 186 (et la jurisprudence citée).
262 Voir, en ce sens, les arrêts de la Cour de justice et du Tribunal dans les affaires C-52/09, Konkurrensverket contre TeliaSonera Sverige AB, EU:C:2011:83, paragraphe 63; T-286/09, Intel contre Commission, EU:T:2014:547, paragraphes 88, 149 et 201.
263 Voir, en ce sens, les arrêts de la Cour de justice et du Tribunal dans les affaires C-549/10 P, Tomra Systems et autres contre Commission, EU:C:2012:221, paragraphe 42 ; T-286/09, Intel contre Commission, EU:T:2014:547, paragraphes 117 et 132.
264 Voir, en ce sens, l’arrêt du Tribunal dans l’affaire T-286/09, Intel contre Commission, EU:T:2014:547, paragraphe 132.
265 Voir, en ce sens, l’arrêt de la Cour de justice dans l’affaire C-209/10, Post Danmark A/S contre Konkurrencerådet, EU:C:2012:172, paragraphes 40 et 41.
266 Competition & Markets Authority: Online platforms and digital advertising, Market study final report
Appendix M : intermediation in open display advertising, paragraphes 241 à 244.
267 Cotes VNC 16089 et 16090.
268 Estimation réalisée sur la base de données sur une partie de l’année 2019 le cas échéant.
269 Afin de comparer avec des périmètres les plus proches possibles, il convient de prendre en compte, dans la mesure du possible, le périmètre total d’AdX, mais aussi le périmètre AdX hors transactions dans le cadre du programmatique garanti. Ces transactions, pour lesquelles le revenu conservé par le SSP est significativement plus faible, correspondent à un service distinct, non substituable aux enchères ouvertes.
270 Rubicon Project n’a pas fourni de données nettes spécifiques à l’EEE, la part de revenu indiquée correspond au « take rate » indiqué dans les documents 10-K de Rubicon Project pour les années 2015 à 2018, et le document 10-K de Magnite pour l’année 2019.
271 Estimation réalisée sur la base de données sur une partie de l’année 2019.
272 Competition & Markets Authority: Online platforms and digital advertising, Market study final report
Appendix M : intermediation in open display advertising, paragraphes 186 et 395.
273 Cote VC 11846 (VNC 13119).
274 Voir, notamment, la cote VC 12046 (VNC 17525).
275 Cote 1448.
276 Version originale : ”In order to be competitive we would need to be able to connect to the adx using openrtb or any real time bidding protocol in order to enable our clients to sell their inventory”.
277 Cote VC 7169 (VNC 7186).
278 Version originale : “A factor strongly contributing to the decision was that Adzerk does not have access to AdX advertiser demand”.
279 Voir, en ce sens, les arrêts du Tribunal du 27 juillet 2005, Brasserie nationale e.a./Commission, T-49/02 à T-51/02, Rec. p. 113033, paragraphe 185, et du 5 décembre 2006, Westfalen Gassen Nederland/Commission, T-303/02, Rec. p. 114567, paragraphe 138 ; ou encore la décision de l’Autorité de la concurrence n° 13-D-12 du 28 mai 2013 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la commercialisation de commodités chimiques, paragraphes 740 à 742.
280 Voir, en ce sens, l’arrêt du Tribunal du 17 mai 2013, affaires jointes T-147/09 et T-148/09, Trelleborg/Commission, paragraphes 50 et suivants.
281 Voir, notamment les arrêts de la Cour de justice du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a. contre Commission, C-97/08 P, Rec. p. I-08237, paragraphes 55 et 56, et du 20 janvier 2011, General Quimica contre Commission,
C-90/09 P, Rec. p. I-0001, paragraphe 36 ; voir, également l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 29 mars 2012, Lacroix Signalisation e.a., paragraphes 18 et 20.
282 Voir les arrêts précités Akzo Nobel e.a. contre Commission, para 58, General Quimica/Commission, paragraphe 37, et Lacroix Signalisation e.a., paragraphes 18 et 19.
283 Voir les arrêts de la Cour de justice dans les affaires Akzo Nobel e.a. contre Commission, paragraphes 60 et 61 et General Quimica contre Commission, paragraphes 39 et 40 ; la Cour d’appel de Paris dans l’affaire Lacroix Signalisation e.a., ci-avant mentionné, paragraphes 19 et 20.
284 Décisions de la Commission du 27 juin 2017, AT.39740 – Google Search (Shopping) ; du 18 juillet 2018, AT.40099 – Google Androïd ; du 20 mars 2019, AT.40411 – Google Search (Adsense).
285 Décision n° 19-D-26 du 19 décembre 2019 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la publicité en ligne liée aux recherches.
286 Cotes 86 et 87.
287 https://abc.xvz/investor/static/pdf/20200204alphabet10K.pdf
https://abc.xyz/investor/static/pdf/2020Q4_alphabet_earnings_release.pdf
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1 Le paragraphe 16 du Communiqué Transaction prévoit que « le fait de renoncer à contester les griefs ne constitue, en soi, ni un aveu, ni une connaissance de responsabilité de la part de l’intéressé ».
2 Voir « Bloquer les categories sensibles « disponible ici : https://support.google.com/admanager /answer/2541069?hl=fr&_topic=2913545.