CA Poitiers, 2e ch. civ., 21 mai 2013, n° 12/00237
POITIERS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Les Viviers Charentais
Défendeur :
Charriot
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Jouvenet
Conseillers :
M. Du Rostu , M. Ralincourt
Avocats :
SCP Paille Thibault Clerc, SCP Muserau Mazoudon Provost-Cuif, Me Gombaud
Vu le jugement du Tribunal de Grande Instance de Saintes en date du 9/12/2011 qui a :
- dit que le bail conclu le 13/10/2000 entre la SARL les VIVIERS CHARENTAIS et René CHARRIOT relève du statut des baux commerciaux,
- rejeté la demande reconventionnelle de la SARL les VIVIERS CHARENTAIS,
- condamné la SARL les VIVIERS CHARENTAIS à payer à René CHARRIOT une indemnité de 1.500 € par application de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
- condamné la SARL les VIVIERS CHARENTAIS aux dépens,
Vu l'appel interjeté le 19/01/2012 par la SARL les VIVIERS CHARENTAIS,
Vu les dernières conclusions du 3/09/2012 de la SARL les VIVIERS CHARENTAIS, demandant à la Cour de :
- dire et juger l'action en requalification engagée par René CHARRIOT irrecevable et, en toute hypothèse, prescrite,
- subsidiairement, dire et juger que l'appelante ne pouvait accorder plus de droits que ceux dont elle était titulaire et que la location saisonnière accordée à René CHARRIOT sur un terrain nu était par nature précaire,
- dire et juger que le propriétaire des lieux n'a donné aucun accord à René CHARRIOT pour les aménagements qu'il a réalisés, et que son bailleur ne les a pas autorisés,
- en conséquence, rejeter la demande de René CHARRIOT en reconnaissance du statut des baux commerciaux,
- condamner René CHARRIOT au paiement d'une somme de 64.235,44 € TTC au titre du solde des loyers dus pour les cinq dernières années sur la base du loyer mensuel de 1.270,13 € en cas de reconnaissance de la commercialité du bail,
- ordonner, en tant que de besoin, une expertise destinée à déterminer contradictoirement le montant du loyer commercial,
- condamner René CHARRIOT au paiement d'une indemnité de 3.000 € par application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
Vu les dernières conclusions du 29/08/2012 de René CHARRIOT, demandant à la Cour de :
- dire et juger irrecevables les moyens tirés par la SARL les VIVIERS CHARENTAIS de la qualité pour agir et de la prescription, pour n'avoir pas été soulevés dans le délai de trois mois de la déclaration d'appel,
- subsidiairement, dire et juger ces moyens mal fondés et les rejeter,
- confirmer en toutes ces dispositions le jugement entrepris,
- dire et juger pour le surplus n'y avoir lieu à résiliation du bail (sic),
- condamner la SARL les VIVIERS CHARENTAIS à verser à Monsieur CHARRIOT une somme de 3.000 € au titre de ses frais irrépétibles ;
O O O
Par acte sous seing privé du 13/10/2000, "Monsieur ARTUS Bertrand gérant de la SARL les VIVIERS CHARENTAIS" a donné en location à René CHARRIOT un terrain situé [...], destiné à l'exploitation, par le locataire, d'un commerce de fabrication et de vente de poteries, pour l'année 2001, du 1er Janvier au 31 Décembre 2001, moyennant un loyer annuel de 44.000 F. HT.
Depuis lors, la SARL les VIVIERS CHARENTAIS a établi chaque année une facture de loyer au nom de René CHARRIOT, celles en date des 21/04/2009 et 3/08/2010 s'étant élevées à 7.620,81 € HT.
Par assignation du 29/11/2010 introductive de l'instance dont appel, René CHARRIOT a agi à l'encontre de la SARL les VIVIERS CHARENTAIS aux fins de requalification dudit contrat de location en bail commercial.
MOTIFS DE LA DECISION
1 - Sur les fins de non-recevoir soulevées par la SARL les VIVIERS CHARENTAIS.
1.1 - René CHARRIOT conclut à l'irrecevabilité de ces fins de non-recevoir aux motifs :
- qu'aux termes de l'article 908 du Code de procédure civile, l'appelant dispose d'un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel pour conclure, à peine de caducité,
- qu'ainsi, tous les moyens de l'appelant devraient être exposés dans les conclusions qu'il signifie dans les trois mois de sa déclaration d'appel,
- que la SARL les VIVIERS CHARENTAIS a soulevé les deux fins de non-recevoir pour la première fois en cause d'appel dans ses conclusions "responsives" du 6/07/2012, et non dans ses premières conclusions du 18/04/2012,
- qu'en conséquence, ces fins de non-recevoir seraient elles-mêmes frappées d'irrecevabilité.
Dans la procédure ordinaire avec représentation obligatoire en appel, les parties peuvent, jusqu'à la clôture de l'instruction, invoquer de nouveaux moyens.
Par ailleurs, l'article 123 du Code de Procédure Civile dispose que les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause.
Les fins de non-recevoir soulevées par la SARL les VIVIERS CHARENTAIS dans ses dernières conclusions d'appel sont donc recevables.
1.2 - La SARL les VIVIERS CHARENTAIS fait valoir :
- que René CHARRIOT n'aurait pu ignorer que ladite SARL était locataire-gérante d'un fonds de commerce ainsi que l'énonce le registre du commerce et des sociétés,
- que le propriétaire dudit fonds de commerce serait Bernard ARTUS,
- que le statut des baux commerciaux ne peut juridiquement être reconnu au bénéfice de René CHARRIOT envers ladite SARL qui ne serait que locataire-gérante,
- qu'en application des articles L.145-1 et suivants du Code de Commerce, le bail commercial ne pourrait être conclu qu'entre le propriétaire des lieux et un preneur.
L'article 122 du Code de Procédure Civile dispose : constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen du fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
La SARL les VIVIERS CHARENTAIS n'explicite pas la nature de la fin de non-recevoir qu'elle soulève.
Il ne résulte d'aucun élément du dossier qu'elle invoque une prescription, un délai préfix ou l'autorité de la chose jugée.
Pour le surplus, concernant l'intérêt et la qualité à agir, l'article 31 du même code dispose : l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention.
René CHARRIOT a un intérêt - non contesté par la SARL les VIVIERS CHARENTAIS - à revendiquer le bénéfice du statut des baux commerciaux qui est de nature à sécuriser juridiquement l'exploitation de son fonds de commerce.
Aucune disposition légale ne le prive de la qualité à exercer cette action.
Le moyen selon lequel le terrain litigieux serait la propriété de Bernard ARTUS et non de ladite SARL à l'encontre de laquelle l'action serait mal dirigée, est inopérant à ce stade de la discussion, dès lors qu'il relève de l'appréciation du bien-fondé de l'action, et que l'appréciation de la qualité du demandeur à agir n'est pas subordonnée à la démonstration préalable du bien-fondé de l'action.
Cette première fin de non-recevoir, imprécisément qualifiée, doit être écartée.
1.3 - La SARL les VIVIERS CHARENTAIS fait valoir que l'action de René CHARRIOT serait prescrite aux motifs :
- qu'elle serait régie par la prescription biennale édictée par l'article L.145-60 du Code de Commerce,
- qu'une demande en requalification d'un contrat de location en bail commercial serait prescrite lorsqu'elle est formée plus de deux ans après la signature du contrat qui constituerait le point de départ du cours du délai de prescription,
- qu'en l'occurrence, le contrat de location a été signé le 13/10/2000 avec effet au 1/01/2001, de sorte que le délai pour agir imparti à René CHARRIOT aurait expiré le 13/10/2002.
René CHARRIOT fait valoir en réplique que le contrat aurait été à exécution successive, de sorte que le délai biennal de prescription n'aurait couru qu'à compter de la dernière facture émise par la SARL les VIVIERS CHARENTAIS, soit le 3/08/2010, et que l'action, engagée par assignation du 29/11/2010, n'aurait pas été prescrite.
L'application, à l'action en requalification du contrat de location en bail commercial, du délai biennal de prescription édicté par l'article L.145-60 du Code de Commerce est admise par les deux parties, le litige étant circonscrit à la détermination du point de départ de ce délai.
Ce point de départ se situe à la date de prise d'effet du contrat de location invoqué par le locataire demandeur.
En l'occurrence, le titre initial d'occupation de René CHARRIOT est constitué par une lettre qui lui a été adressée le 13/10/2000 avec apposition en en-tête du cachet de la SARL les VIVIERS CHARENTAIS, dans les termes suivants :
"Je soussigné Monsieur Artus Bernard gérant de la SARL les VIVIERS CHARENTAIS loue à Mr Charriot René un terrain situé au [...] sur lequel Monsieur Charriot va exploiter un commerce de fabrication et vente de poteries en tous genres pour l'année 2001 à partir du 1er Janvier 2001 au 31 Décembre 2001. Le loyer annuel est fixé à 44.000 F. HT.
"le gérant" (suivi d'une seconde apposition du cachet de la SARL les VIVIERS CHARENTAIS).
La SARL les VIVIERS CHARENTAIS a ensuite émis au nom de René CHARRIOT une facture par an, dont certaines sont versées aux débats, libellées comme suit :
- facture du 11/09/2001 : "location magasin 1/4 au 30/9/01"
- facture du 26/09/2002 : "location magasin 1/4 au 30/9/02"
- facture du 08/09/2008 : "loyer saisonnier"
- facture du 21/04/2009 : "loyer saisonnier"
- facture du 03/08/2010 : "loyer saisonnier".
Il s'en déduit : d'une part, que, de la commune intention des parties, la location initialement conclue pour l'année 2001 a été tacitement renouvelée, d'année en année, et non à durée déterminée ; d'autre part et corrélativement, que le contrat de location tacitement renouvelé pour l'année 2010 a pris effet, au plus tôt le 1/01/2010, de sorte que l'action engagée par René CHARRIOT selon assignation du 29/11/2010 n'est pas prescrite.
2 - Sur le fond.
2.1 - La SARL les VIVIERS CHARENTAIS s'oppose à la demande de René CHARRIOT en faisant valoir :
- que la location de terrains nus serait exclue du champ d'application de l'article L.145-1 du Code de Commerce,
- que le contrat du 13/10/2000 serait explicite, en ce qu'il aurait porté exclusivement sur un terrain,
- que les constructions édifiées illégalement postérieurement à l'entrée dans les lieux sans l'accord du bailleur ne sauraient permettre l'application du statut des baux commerciaux,
- que René CHARRIOT ne pourrait se prévaloir d'une autorisation expresse ou tacite d'implantation d'une construction.
Il résulte de l'article L.145-1 § I 2° Code de Commerce que le statut des baux commerciaux est applicable aux baux des terrains nus sur lesquels ont été édifiés - soit avant, soit après le bail - des constructions à usage commercial, industriel ou artisanal, à condition que ces constructions aient été élevées ou exploitées avec le consentement exprès du bailleur.
Le consentement du bailleur peut être déduit de certaines circonstances ou clauses du contrat de location.
En l'occurrence, en premier lieu, la SARL les VIVIERS CHARENTAIS, en ayant consenti à René CHARRIOT, dans sa lettre initiale du 13/10/2000 valant contrat, la location d'un terrain expressément destiné à l'exploitation d'un commerce de "fabrication et vente de poteries", laquelle exploitation est irréalisable sans l'existence d'un local abritant le matériel de fabrication et, à tout le moins, le stockage des poteries produites, a nécessairement consenti, par avance, à la construction qu'a fait édifier René CHARRIOT.
En second lieu, alors que ce dernier justifie, par la production d'une facture en date du 13/10/2000 (pièce n° 10), que les travaux de construction de son bâtiment d'exploitation ont été réalisés dès la formalisation du contrat de location résultant de la lettre précitée de la SARL les VIVIERS CHARENTAIS, cette dernière, en 2001 et 2002, a expressément facturé à René CHARRIOT la location d'un "magasin" (impliquant l'existence d'un local), et non la location d'un terrain.
En troisième lieu, il n'est pas contesté par la SARL les VIVIERS CHARENTAIS, et il est établi par l'extrait Kbis du registre du commerce et des sociétés la concernant, produit par elle-même (pièce n° 7), qu'elle exploite à proximité immédiate du terrain loué à René CHARRIOT, et à la même adresse, un fonds de commerce de vente de détail de fruits de mer, de sorte qu'elle a immédiatement eu connaissance de la construction du local édifié par René CHARRIOT sur le terrain loué, sans qu'elle ait manifesté une quelconque opposition, voire seulement réserve.
En quatrième lieu, il ne peut être tenu compte de la correspondance adressée le 8/06/2010 par la SARL les VIVIERS CHARENTAIS à René CHARRIOT dans les termes suivants : "(...) à votre départ vous devrez laisser le terrain nu et le baraquement implanté sans autorisation devra être démonté", dès lors que cette correspondance ne constitue qu'une réponse à celle adressée le 6/05/2010 à la SARL les VIVIERS CHARENTAIS par l'avocat de René CHARRIOT, revendiquant le statut des baux commerciaux, et que la dénégation d'autorisation affirmée dans ladite lettre du 8/06/2010 est démentie par l'attitude antérieure et constante de la SARL les VIVIERS CHARENTAIS pendant 9 ans et demi.
Le local édifié par René CHARRIOT constitue une construction, au sens de l'article L. 145-1 § I 2° précité du Code de Commerce, dès lors qu'il résulte de sa description figurant dans le procès-verbal de constat d'huissier de justice qu'a fait dresser René CHARRIOT le 25/11/2009 (pièce n° 9 de l'intimé), qu'il comporte un magasin avec salle d'exposition ainsi qu'un petit logement comportant une pièce de vie, une cuisine, une chambre à coucher et une salle d'eau installée sur dalle béton.
Enfin, l'obtention ou la non-obtention d'un permis de construire est juridiquement indifférente dès lors qu'elle ne constitue pas une condition d'application du statut des baux commerciaux au regard du texte précité du Code de Commerce.
Il résulte des motifs qui précèdent que le terrain pris en location par René CHARRIOT entre dans le domaine d'application du statut des baux commerciaux, au sens de l'article L. 145-1 § I 2° Code de Commerce.
2.2 - A supposer que le moyen, tiré par la SARL les VIVIERS CHARENTAIS de ce que la propriété du terrain litigieux serait celle de Bernard ARTUS, personne physique, et non celle de ladite SARL, personne morale, constitue une défense au fond et non une fin de non-recevoir comme l'a énoncé l'appelante dans ses conclusions (page 3), ce moyen est irrecevable en application du principe de prohibition de l'autocontradiction au détriment d'autrui.
En effet, la SARL les VIVIERS CHARENTAIS s'est constamment présentée, envers René CHARRIOT, comme propriétaire du terrain litigieux, dès lors :
- que, dans la lettre initiale du 13/10/2000, elle lui a expressément donné en location un "terrain", et non un fonds de commerce,
- que, sur ladite lettre, est apposée à deux reprises (en tête et au pied) le cachet de la SARL les VIVIERS CHARENTAIS, et que cette dernière est expressément désignée dans le corps de la lettre,
- que toutes les factures annuelles de loyer ont été adressées à René CHARRIOT expressément au nom de la SARL les VIVIERS CHARENTAIS ou de "les VIVIERS CHARENTAIS",
- que la lettre précontentieuse du 8/06/2010 précitée émane également des "VIVIERS CHARENTAIS" et est signée par "le gérant".
2.3 - La SARL les VIVIERS CHARENTAIS s'oppose à la demande de requalification de René CHARRIOT en faisant valoir :
- que la location à caractère saisonnier serait exclue du champ d'application du statut des baux commerciaux en vertu de l'article L.145-5 dernier alinéa du Code de Commerce,
- que tel serait le cas de la location consentie à René CHARRIOT qui n'exploiterait son fonds que pour la saison d'été, l'établissement étant fermé d'octobre à mars,
- que René CHARRIOT invoquerait de manière inopérante des factures d'électricité ou de téléphone qui ne seraient pas de nature à démontrer une occupation des lieux à l'année, dès lors que l'intimé n'aurait aucun intérêt à résilier chaque année ses abonnements et devoir verser des frais de réouverture de ligne ou de compteur,
- que la consommation d'électricité ou l'utilisation d'une ligne téléphonique, comme la détention d'un double des clefs, ne changeraient rien à la nature de la location saisonnière,
- que la SARL les VIVIERS CHARENTAIS produirait plusieurs attestations établissant l'absence d'occupation des lieux pendant la période hivernale,
- que les factures émises par la SARL viseraient expressément une période circonscrite au semestre d'Avril à Septembre.
René CHARRIOT invoque, à l'appui de sa revendication du statut des baux commerciaux, l'existence d'une location continue avec exploitation saisonnière.
L'article L.145-5 alinéas 2 et 4 du Code de Commerce dispose :
Si, à l'expiration de cette durée (non supérieure à deux ans), le preneur reste ou est laissé en possession, il s'opère un nouveau bail dont l'effet est réglé par les dispositions du présent chapitre.
Les dispositions des deux alinéas précédents ne sont pas applicables s'il s'agit d'une location à caractère saisonnier.
Il résulte des dispositions légales qui précèdent que le statut des baux commerciaux est applicable au bail consenti à l'année avec exploitation saisonnière, et ne l'est pas à la location saisonnière.
En l'occurrence, la lettre initiale de la SARL les VIVIERS CHARENTAIS du 13/10/2000 stipule expressément la location pour l'année 2001 à partir du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2001. Le loyer annuel est fixé à 44.000 F. HT".
Cette correspondance ne fait aucunement allusion à un quelconque caractère saisonnier de la location (ni même de l'exploitation).
La facture émise par la SARL les VIVIERS CHARENTAIS le 11/09/2001 n'est pas conforme à la stipulation contractuelle précitée, puisqu'elle a été établie pour le loyer convenu de 44.000 F. HT, mais porte la mention "location magasin 1/4 au 30/09/01".
La facture de loyer du 26/09/2002 fait mention de la même période du 1/4 au 3/09 en discordance avec la teneur de la lettre du 13/10/2000.
Les factures de loyer subséquentes ne mentionnent pas de période de location, et énoncent seulement "loyer saisonnier", cette formule étant ambiguë au regard des notions distinctes de location saisonnière et de location continue avec exploitation saisonnière.
Il n'est pas contesté par la SARL les VIVIERS CHARENTAIS que René CHARRIOT a disposé, de manière continue, des clés d'accès au terrain (dont le caractère clos est établi par les énonciations : d'une part de la facture de travaux précitée du 13/10/2000 faisant mention de la pose d'une "clôture avec portail" ; et d'autre part du procès-verbal de constat d'huissier précité du 5/11/2009), que René CHARRIOT a eu la jouissance continue dudit terrain, et qu'il ne résulte d'aucun élément du dossier que la SARL les VIVIERS CHARENTAIS lui ait réclamé la restitution des clefs pour les périodes non estivales.
René CHARRIOT justifie par ailleurs d'abonnements continus d'électricité et téléphonique et d'un contrat d'assurance de la construction édifiée sur le terrain, souscrits à son nom.
Il est indifférent que René CHARRIOT n'ait pas occupé le terrain et le local de manière continue (et notamment en morte saison, ce qu'il ne conteste pas), dès lors qu'il a disposé de leur jouissance continue.
Enfin, il n'est pas contesté par la SARL les VIVIERS CHARENTAIS que René CHARRIOT est inscrit au répertoire des métiers conformément aux exigences de l'article L.145-1 § I alinéa 1er du Code de Commerce, avec mention de l'établissement secondaire exploité à Saint-Palais-sur-mer.
Il résulte de la conjonction de la stipulation explicite d'un bail annal dans le contrat initial (lettre de la SARL les VIVIERS CHARENTAIS du 13/10/2000) et des éléments factuels précités (mise à disposition du terrain à l'année) que les parties ont conclu un contrat de location à l'année avec exploitation saisonnière, lequel n'est pas exclu du domaine d'application du statut des baux commerciaux au sens du dernier alinéa de l'article L.145-5 du Code de Commerce.
L'assignation introductive d'instance ayant été délivrée le 29/11/2010, il n'est pas contesté par la SARL les VIVIERS CHARENTAIS qu'à l'issue de la location annale de l'année 2009, René CHARRIOT est resté ou a été laissé en possession du terrain donné à bail de sorte que ce dernier a acquis la propriété commercial à compter du 1er janvier 2010.
3 - Sur la demande reconventionnelle de la SARL les VIVIERS CHARENTAIS en paiement de loyers.
La SARL les VIVIERS CHARENTAIS réclame à René CHARRIOT le paiement d'un "loyer annuel sur la base du loyer semestriel qu'il acquitte, soit pour les cinq dernières années, la somme de 64.235,44 € avec déduction de la somme de 26.909,44 € qu'il a versée pendant cette période".
La SARL les VIVIERS CHARENTAIS n'allègue pas que René CHARRIOT aurait laissé impayée une partie des loyers qu'elle lui a facturés.
Cette demande reconventionnelle doit dès lors s'analyser comme étant implicitement subsidiaire, dans l'hypothèse où René CHARRIOT serait reconnu titulaire d'une location à l'année, et non saisonnière.
Elle doit être rejetée, dès lors qu'il résulte des motifs qui précèdent que la location consentie par la SARL les VIVIERS CHARENTAIS à René CHARRIOT l'a été à l'année, et que, dès lors, le loyer réclamé par la première au second valait pour la période annale, nonobstant la mention "loyer saisonnier" apposée par la SARL les VIVIERS CHARENTAIS sur ses factures, laquelle mention ne lie pas la présente juridiction en vertu de l'article 12 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
4 - Sur la demande subsidiaire de la SARL les VIVIERS CHARENTAIS en fixation du loyer à dire d'expert.
En droit, le loyer du nouveau bail prenant effet au terme d'un bail dérogatoire doit correspondre, à défaut d'accord entre les parties, à la valeur locative.
En l'occurrence, en l'état du désaccord des parties, aucun élément ne permet de retenir que le montant du loyer des baux dérogatoires ayant lié les parties jusqu'en 2009 inclus correspondrait à la valeur locative du local concerné au 1/01/2010, dans le cadre d'un bail conférant dorénavant à René CHARRIOT la propriété commerciale.
La solution du litige relatif à la fixation du loyer du nouveau bail impose dès lors le recours à une mesure d'expertise, dont la SARL les VIVIERS CHARENTAIS, qui la sollicite (à titre subsidiaire), assumera l'avance des frais.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Déclare recevables les fins de non-recevoir soulevées en cause d'appel par la SARL les VIVIERS CHARENTAIS, mais les rejette.
Confirme en toutes ses dispositions le jugement du Tribunal de Grande Instance de Saintes en date du 9/12/2011.
Y ajoutant,
Dit que le bail consenti à René CHARRIOT, afférent au terrain sis [...], régi par les articles L. 145-1 et suivants du Code de Commerce, a pris effet le 1er Janvier 2010.
Rejette la demande reconventionnelle de la SARL les VIVIERS CHARENTAIS en paiement de loyers pour la période antérieure au 1/01/2010.
Avant dire droit sur la fixation du loyer du nouveau bail du bien précité à compter du 1/01/2010,
Ordonne une mesure d'EXPERTISE et commet pour y procéder M. Jean-Pol GIROT, inscrit sur la liste des Experts Judiciaires près la Cour d'Appel de Poitiers, demeurant [...], lequel aura pour mission de :
1°) - Réunir contradictoirement les parties conformément aux dispositions de l'article 160 du Code de Procédure Civile, recueillir leurs explications, et se faire remettre tous documents utiles à l'accomplissement de sa mission.
2°) - Visiter les locaux litigieux sis [...] et les décrire,
3°) - Donner son avis sur leur valeur locative à la date du 1/01/2010, au regard :
- des caractéristiques du local,
- de la destination des lieux,
- des obligations respectives des parties,
- des facteurs locaux de commercialité,
- des prix couramment pratiqués dans le voisinage, en retenant tant les valeurs de marché que les valeurs fixées judiciairement,
le tout en application des articles L. 145-33 et R 145-2 et suivants du code de commerce.
Rappelle qu'en application de l'article 278 du Code de Procédure Civile, l'Expert pourra, en cas de besoin, prendre l'initiative de recueillir l'avis d'un autre technicien, dans une spécialité distincte de la sienne, à charge pour lui de joindre à son mémoire de frais et honoraires celui de son homologue.
Ordonne la consignation au greffe de la Cour d'Appel de Poitiers par la SARL les VIVIERS CHARENTAIS d'une somme de 1.500 € à valoir sur les honoraires de l'expert, avant le 30 Juin 2013.
Dit qu'à défaut de consignation de cette somme dans le délai imparti, la désignation de l'expert sera caduque, sauf décision contraire du Conseiller de la mise en état, et que l'instance sera poursuivie en tirant toute conséquence de ce défaut.
Dit qu'en application de l'article 280 alinéa 2 du même code modifié par le décret n° 2012-1451 du 24/12/2012, en cas d'insuffisance manifeste de ladite provision, au vu des diligences faites ou à venir, l'Expert en fera sans délai part au Juge chargé du contrôle de l'expertise désigné infra, lequel, s'il y a lieu, ordonnera la consignation d'une provision complémentaire à la charge de la partie qu'il déterminera.
Dit qu'en cas d'empêchement légitime de l'expert commis, il sera procédé à son remplacement par ordonnance du conseiller de la mise en état chargé de suivre les opérations d'expertise.
Dit qu'il sera procédé, dès la saisine de l'expert par le greffier de la juridiction, aux opérations d'expertise en présence des parties ou celles-ci régulièrement convoquées et leurs conseils avisés, et que l'expert accomplira sa mission conformément aux dispositions des articles 232 à 248 et 263 à 284 du Code de Procédure Civile.
Dit que l'expert, afin d'informer les parties du résultat de ses opérations et de l'avis qu'il entend exprimer, devra leur envoyer une note de synthèse en les invitant à lui présenter leurs observations écrites dans un délai de trente jours et qu'il devra y répondre dans son rapport définitif en apportant à chacune d'elles la réponse appropriée en la motivant.
Dit que l'expert devra dresser de ses opérations un rapport qu'il déposera au greffe de la Cour d'Appel de Poitiers avant le 30 Novembre 2013, sauf prorogation des opérations demandée par l'expert et autorisée par le conseiller de la mise en état chargé de suivre les opérations d'expertise.
Dit qu'en application de l'article 282 du même code modifié par le décret n° 2012-1451 du 24/12/2012, le dépôt par l'Expert de son rapport sera accompagné de sa demande de rémunération, dont il adressera un exemplaire aux parties par tout moyen permettant d'en établir la réception ; et que, s'il y a lieu, celles-ci adresseront à l'Expert et à la Juridiction ou, le cas échéant, au Juge chargé du contrôle des mesures d'instruction, leurs observations écrites sur cette demande dans un délai de quinze jours à compter de sa réception.
Dit que cette mesure d'expertise sera effectuée sous le contrôle du conseiller de la mise en état chargé de suivre les opérations d'expertise, à qui il en sera référé en cas de difficulté.
Réserve les dépens d'appel et les demandes indemnitaires fondées sur l'article 700 du Code de Procédure Civile.