Livv
Décisions

Cass. soc., 29 octobre 2010, n° 08-43.202

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Morin

Avocats :

SCP Potier de La Varde et Buk-Lament, SCP Tiffreau et Corlay, SCP Waquet, Farge et Hazan

Basse-Terre, du 21 avr. 2008

21 avril 2008

Vu leur connexité, joint les pourvois n° Z 08-43. 202, A 08-43. 203, B 08-43. 204, C 08-43. 205 et D 08-43. 206 ;

Met hors de cause Mme X..., prise en sa qualité de mandataire liquidateur de la société Antillaise de transport aérien Air Guadeloupe ;

Attendu, selon les arrêts attaqués, que la société Antillaise de transport aérien Air Guadeloupe a été placée en redressement judiciaire le 12 février 1993 converti en liquidation judiciaire le 3 décembre 1993 avec poursuite d'activité pendant une durée de quinze jours ; que par ordonnance du 28 juillet 1994, le juge-commissaire a ordonné la cession globale de " l'unité de production " à la Société nouvelle Air Guadeloupe (SNAG) devenue la société Caraibéenne des transports aériens (CTA) puis la société Antillaise de participation aéronautique (APA) ; que MM. Y..., Z..., A..., B... et C..., salariés protégés, ont été licenciés par l'administrateur judiciaire à l'issue du délai de poursuite d'activité, après autorisation de l'inspecteur du travail ; que par jugement du 7 décembre 1999, notifié le 10 décembre suivant, le tribunal administratif a annulé la décision de l'inspecteur du travail ; que par ordonnance de référé du 9 octobre 2000, le conseil de prud'hommes a ordonné la réintégration des salariés sous astreinte, décision confirmée par arrêt de la cour d'appel du 11 avril 2002 ; que reprochant à la société APA d'avoir failli à son obligation de réintégration, les salariés ont saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes indemnitaires ; 

Sur le premier moyen :

Attendu que la société APA fait grief aux arrêts de rejeter l'exception d'irrecevabilité soulevée, alors, selon le moyen, que l'article L. 621-128 du code de commerce ne permet de porter directement devant le bureau de jugement du conseil de prud'hommes, sans conciliation judiciaire préalable, que les litiges relatifs à l'application des articles L. 621-125 et L. 621-127 du même code, c'est-à-dire les litiges concernant l'inscription d'une créance sur le relevé des créances salariales, ou le refus par certaines institutions de régler une créance figurant sur ce relevé ; qu'en l'espèce, MM. Y..., Z..., A..., B... et C... avaient saisi le conseil de prud'hommes pour obtenir la condamnation du cessionnaire d'une " unité de production " à lui payer des salaires ; qu'en jugeant que ce litige, qui ne concernait ni l'inscription d'une créance sur le relevé des créances salariales, ni le refus de régler une créance figurant sur ce relevé, aurait pu être porté directement devant le bureau de jugement du conseil de prud'hommes, sans respecter l'obligation de conciliation préalable, la cour d'appel a violé les articles L. 1411-1 du code du travail et L. 621-128 du code de commerce ;

Mais attendu que les relevés des créances doivent être établis pour les créances relatives à l'exécution et à la rupture des contrats de travail qu'elles soient exigibles à la date du jugement d'ouverture de la procédure collective de l'employeur ou qu'elles soient nées après l'ouverture de cette procédure ; qu'en application des articles L. 621-125 et L. 621-128 du code de commerce, alors en vigueur, le bureau de jugement du conseil de prud'hommes est seul compétent pour connaître des litiges relatifs aux créances qui doivent figurer sur le relevé des créances salariales dès lors que le salarié entend obtenir la mise en oeuvre de la garantie de l'AGS ; que la dispense du préliminaire de conciliation s'applique aussi à la demande en paiement formée contre la société cessionnaire dans la même instance et pour la même créance indemnitaire ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le deuxième moyen :

Vu les articles L. 2422-1, L. 2422-4, L. 1132-1 et L. 1132-4 du code du travail ;

Attendu, d'une part, que si la réintégration d'un salarié protégé à la suite de l'annulation par la juridiction administrative de la décision autorisant son licenciement est de droit, celle-ci doit néanmoins être demandée, à peine d'irrecevabilité, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement ; qu'à défaut, l'intéressé ne peut prétendre à être indemnisé, en application de l'article L. 2422-4 du code du travail, qu'au titre de la période comprise entre son licenciement et l'expiration du délai de deux mois précité, cette indemnité devant s'apprécier en tenant compte des sommes que celui-ci a pu percevoir pendant la période litigieuse au titre d'une activité professionnelle ou des allocations de chômage ; que le salarié peut en outre prétendre aux indemnités de rupture ainsi qu'à une indemnité réparant l'intégralité du préjudice subi résultant du caractère illicite et le cas échéant discriminatoire de son licenciement au moins égale à celle prévue par l'article L. 1235-3 du code du travail ;

Attendu que pour juger que les salariés devaient être indemnisés au titre de la période comprise entre leur licenciement et leur réintégration effective ou la prise d'acte par les intéressés de la rupture de leur contrat de travail, la cour d'appel retient que la demande de réintégration n'avait pas à être formulée dans le délai de deux mois prévu à l'article L. 2422-1 du code du travail dès lors que le licenciement, qui reposait sur des motifs discriminatoires, était nul de plein droit ; Qu'en statuant ainsi, alors que l'annulation des autorisations de licenciement résultait du jugement du tribunal administratif quel qu'en soit le motif, et que les décisions du juge des référés ordonnant la réintégration n'avaient pas l'autorité de la chose jugée, ce dont il résultait que les salariés pouvaient seulement prétendre aux indemnités calculées selon les dispositions précitées, le tribunal les a violées ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'ils condamnent la société APA à payer à M. C..., la somme de 103 727, 55 euros, déduction faite des provisions déjà versées, ainsi que les sommes de 149 909, 36 euros " au titre des salaires d'avril 2000 à décembre 2007 " et 3 000 euros au titre d'un préjudice moral ; à M. A... la somme de 145 510, 26 euros, déduction faite des provisions déjà versées, outre les sommes les sommes de 28 251, 80 euros à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l'article L. 122-14-4 du code du travail, 2 825, 18 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 5 413, 99 euros à titre d'indemnité légale de licenciement, 3 000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral ; à M. Z... la somme de 148 755, 10 euros, déduction faite des provisions déjà versées, outre les sommes de 28 837, 20 euros à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l'article L. 122-14-4 du code du travail, 2 883, 72 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 5 527 euros à titre d'indemnité légale de licenciement, 3 000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral ; à M. Y... la somme de 148 099, 63 euros, déduction faite des provisions déjà versées, outre les sommes de 29 072 euros à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l'article L. 122-14-4 du code du travail, 2 900, 26 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 5 572, 13 euros à titre d'indemnité légale de licenciement, 3 000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral et à M. B... la somme de 147 997, 35 euros, déduction faite des provisions déjà versées, ainsi que les sommes de 13 082, 41 euros au titre des salaires du 1er avril 2000 au 31 décembre 2000 et 1 500 euros au titre d'un préjudice moral, les arrêts rendus le 21 avril 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Basse-Terre ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant lesdits arrêts et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Fort-de-France.