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Décisions

CA Aix-en-Provence, 11e ch. B, 7 janvier 2016, n° 14/21755

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Scop Matraloc Entreprise (SA)

Défendeur :

Onyx Méditerranée (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Coleno

Conseillers :

Mme Peltier, Mme Fillioux

TGI Toulon, du 30 oct. 2014

30 octobre 2014

Par un  acte du 5 juin 1992 , la société de transports automobiles routiers et de travaux Start Barla, aux droits de laquelle vient aujourd'hui la société Onyx Méditerranée, a consenti à l'Entreprise Generale de Transports Meiffret un bail commercial portant sur un entrepôt à usage de garde-meubles situé [...], pour une durée de neuf années à compter du 15 mai 1992, pour se terminer le 14 mai 2001, moyennant paiement d'un loyer annuel HT de 200.000 euros pour les années 1993 et 1994, puis de 250.000 HT à compter de l'année 1995 ; à l'expiration des neuf années, le bail s'est poursuivi par tacite reconduction.

Le 5 décembre 2003, la société Matraloc Entreprise, venant aux droits et obligations du preneur initial à la suite d'une cession de fonds de commerce, a fait signifier à la société Onyx Méditerranée une demande de renouvellement de bail ; le 3 mars 2004, la société Onyx Méditerranée a accepté le renouvellement du bail, tout en posant la condition d'un nouveau loyer ; la société Matraloc a accepté le principe du renouvellement mais a refusé le montant modifié du loyer.

Par acte d'huissier de justice du 24 janvier 2013, la société Matraloc Entreprise a fait signifier à la société Onyx Méditerranée une demande de renouvellement du bail aux conditions du bail en vigueur, à compter du 2 mars 2013 ou de la date de sa demande.

Par acte du 22 avril 2013, la société Onyx Méditerranée a opposé à cette demande un refus de renouvellement du bail et ce, sans indemnité d'éviction en faisant valoir que les locaux objet du bail n'étaient pas immatriculés au registre du commerce et des sociétés, et qu'elle ne pouvait en conséquence et par application de l'article L. 145-1 du code de commerce, se prévaloir du renouvellement du bail attaché à la propriété commerciale.

Par  jugement en date du 30 octobre 2014, le tribunal de grande instance de Toulon, saisi par assignation du 21 mai 2013 à fin de paiement d'une indemnité d'éviction et avant dire droit d'une expertise, a débouté la société Matraloc Entreprise de l'ensemble de ses demandes, et validé le refus de renouvellement sans indemnité d'éviction en considérant, au visa de l'article L. 145-1 du Code du commerce, que les locaux loués, non immatriculés au registre du commerce et des sociétés, ne pouvaient être considérés comme des locaux accessoires mais comme des locaux secondaires soumis à l'obligation d'immatriculation et que du fait de ce défaut d'immatriculation, la société Matraloc ne bénéficiait pas du droit au renouvellement, peu important les renouvellements précédemment intervenus.

La société Matraloc Entreprise a relevé appel de cette décision.

Par jugement du 24 juin 2014, le tribunal de commerce de Toulon a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société Matraloc Entreprise ; par jugement du 16 décembre 2014, la procédure de redressement judiciaire a été convertie en procédure de liquidation judiciaire ; par jugement du 3 mars 2015, un plan de cession a été arrêté au profit de COOPARLV Matraloc Déménagement.

Aux termes de leurs écritures en date du 22 octobre 2015, la société Matraloc Entreprise, Me L., en qualité de mandataire à la liquidation judiciaire ainsi que la COOPARLV Matraloc Déménagement, venant aux droits de la société Matraloc, intervenants volontaires, concluent à la réformation du jugement déféré ; à la condamnation de la société Onyx Méditerranée au paiement, à défaut de renouvellement du bail commercial, d'une indemnité d'éviction égale à la valeur marchande du fonds de commerce exploité au [...] déterminée suivant les usages de la profession, augmentée des frais normaux de déménagement et de réinstallation, ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur, et du trouble commercial subi par la COOPFA Matraloc Entreprise ; au maintien dans les lieux de la COOPARLV Matraloc Déménagement jusqu'au paiement effectif de cette indemnité ; avant dire droit à l'organisation d'une expertise permettant d'évaluer le préjudice résultant du refus de renouvellement ; au paiement d'une somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Ils soutiennent en premier lieu que le tribunal s'est fondé sur des motifs, étayés par aucun élément de preuve, soulevés d'office sans la moindre demande d'explication des parties, alors même que la SA Onyx n'avait jamais soutenu que les locaux en cause étaient des locaux secondaires et non des locaux accessoires, et qu'au surplus chacune des parties n'avaient conclu que sur la qualification accessoire ou non de ces locaux ; que contrairement à ce que soutenait la société Onyx Méditerranée, il ne résulte pas des dispositions du Code du commerce (R. 123-53 et suivants) que les locaux accessoires aux locaux commerciaux doivent, ou même puissent, faire l'objet d'une quelconque immatriculation initiale ou inscription modificative complémentaire au registre du commerce ; que ce n'est pas parce que les locaux loués au [...] ne sont pas inscrits sur l'extrait K-Bis de la société, que le bénéfice du statut des baux commerciaux et par voie de conséquence le droit au renouvellement, ou à défaut, le droit au paiement d'une indemnité d'éviction doivent lui être déniés ; qu'il ne peut être contesté que les locaux sont des locaux dans lesquels la SA SCOP Matraloc Entreprise exploite effectivement son activité commerciale, en stockant du mobilier provenant des déménagement qu'elle réalise pour le compte de ses clients, et ce au vu et au su de la SA Onyx Méditerranée depuis de nombreuses années ; que de surcroît la privation de cette activité, accessoire de son activité de déménagement, est de nature à compromettre la continuité de son exploitation ; qu'elle justifie de la réunion des trois conditions nécessaires à démontrer le caractère accessoire des locaux objets du bail.

Ils ajoutent qu'au surplus, la société Onyx Méditerranée ne s'est prévalue d'aucun motif grave et légitime, poursuivi en dépit d'une mise en demeure, n'ayant pas été délivrée au cas d'espèce, alors que l'existence d'un bail commercial lui est opposable par la voie de l'aveu judiciaire, comme reconnu exécuté pendant vingt et une année, dans ses écritures de première instance.

Enfin, ils précisent qu'ils ne s'opposent pas à la modification de la mission de l'expert, telle que sollicitée par la société Onyx Méditerranée en première instance mais qu'il est de l'intérêt des organes de la procédure de maintenir toutes les demandes initialement formées et donc la demande à fin d'expertise.

Aux termes de ses conclusions en date du 10 avril 2015, l'intimé conclut à la confirmation du jugement déféré ; au débouté adverse ; à titre subsidiaire, à la modification des termes de la mission de l'expert ; à la condamnation de la société Matraloc Entreprise à lui payer une somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre entiers dépens.

Elle fait valoir que le refus de renouvellement est valable en ce que :

1- le statut des baux commerciaux est inapplicable aux locaux objet du bail en litige faute de démonstration d'une part de l'exploitation d'un fond de commerce dans ces locaux, d'autre part de ce qu'ils constituent des locaux accessoires au sens de l'article L. 145-1 1° du Code du commerce  ; elle soutient en ce sens que tout établissement principal ou secondaire, dans lequel est exercée une activité commerciale, doit, pour relever du statut des baux commerciaux, être immatriculé au registre du commerce et des sociétés et qu'à défaut de justifier d'une immatriculation régulière au titre du local objet du bail, le preneur perd le bénéfice du statut des baux commerciaux et le droit au renouvellement du bail ; que le local objet du bail, situé [...], n'a pas fait l'objet d'une immatriculation au registre du commerce et des sociétés et qu'il appartient à la société Matraloc Entreprise, si elle entend se prévaloir des règles applicables aux locaux accessoires, de démontrer que les conditions prévues par l'article L. 145-1 I 1° du code de commerce sont réunies ; que ces conditions ne sont pas réunies ; qu'en reconnaissant exploiter une activité commerciale dans ces locaux, dégageant un chiffre d'affaire distinct de ses autres activités, la société Matraloc Entreprise se contredit, cette circonstance, permettant d'écarter la qualification de local accessoire, nécessairement exclusive de l'exploitation d'un fonds de commerce dans les locaux loués ; qu'ainsi, la société Matraloc Entreprise reconnaît que les locaux loués ne sont pas immatriculés au registre du commerce et des sociétés, sans pour autant établir qu'ils correspondraient à des locaux accessoires au sens de l'article L. 145-1 I 1° du code de commerce ; que le refus de renouvellement sans indemnité d'éviction est donc valable ;

2- l'article L. 145-17 I 1° du Code de commerce, relatif au refus de renouvellement sans indemnité d'éviction fondé sur un motif grave et légitime, est inapplicable, s'agissant d'un refus de renouvellement sans indemnité d'éviction fondé sur la dénégation du droit au statut des baux commerciaux, découlant du défaut d'immatriculation des locaux loués ou de l'absence de fonds de commerce exploité dans le local loué, dénégation non soumise aux conditions procédurales encadrant le refus de renouvellement fondé sur un motif grave et légitime ;

Elle conteste en outre l'existence d'un quelconque aveu judiciaire, lequel ne peut porter sur la qualification d'un contrat, qu'il appartient au juge de déterminer ; qu'en tout état de cause, le fait que le bailleur ait déjà accordé un renouvellement du bail ne caractérise pas une renonciation certaine et non équivoque à se prévaloir, plus tard, d'une dénégation du statut des baux commerciaux au preneur ; qu'enfin, selon une jurisprudence constante, l'indemnisation allouée au preneur n'inclut pas nécessairement l'ensemble des chefs de préjudice visés à l'article L. 145-14 du code de commerce et qu'ainsi, le preneur ne peut prétendre au versement d'une indemnité correspondant à la valeur vénale de son fonds de commerce si le refus de renouvellement du bail n'entraîne pas la perte de son fonds de commerce ; qu'il conviendrait donc, dans l'hypothèse de l'organisation d'une expertise, de vérifier si un fonds de commerce est effectivement exploité dans les locaux loués et, le cas échéant, si le refus de renouvellement emporte la perte de ce fonds ;

L'ordonnance de clôture est intervenue le 16 novembre 2015.

 

SUR CE

Comme soutenu par l'intimé, il ressort des dispositions de l'article L. 145-1 I du code de commerce, qu'à défaut d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés en tant qu'établissement principal ou secondaire, le preneur ne peut bénéficier du statut des baux commerciaux, s'agissant notamment du renouvellement ou de l'indemnité d'éviction, excepté si les locaux objet du bail sont accessoires à l'exploitation de son fonds dans les circonstances définies par cet article.

Les appelants qui ne contestent pas que les activités de « garde-meuble » exercées dans le local objet du bail en litige n'ont fait l'objet ni d'une immatriculation au registre du commerce et des sociétés, ni d'une déclaration d'utilisation jointe à des locaux principaux, soutiennent en premier lieu n'avoir conclu que du chef du caractère accessoire des locaux ; toutefois, il est constant que la société Matraloc Entreprise était immatriculée au registre du commerce pour les seuls locaux, n'appartenant pas au même propriétaire, sis au [...], respectivement déclarés comme établissement principal et secondaire pour leur activité de « Transport régional et international entreposage déménagement particulier industriel garde meubles et toutes activités annexes ou complémentaires s'y rattachant directement ou indirectement » ; il s'ensuit que c'est sans erreur que le premier juge, rappelant qu'est accessoire le local dans lequel le fonds n'est pas directement exploité, la clientèle n'entre pas, l'activité commerciale n'est pas exercée, en a déduit que les locaux objets du litige ne pouvaient être considérés comme des locaux accessoires à l'activité de la société Matraloc Entreprise ; il s'ensuit qu'ils ne sont pas fondés en ce premier moyen.

Ils soutiennent en second lieu que la société Onyx Méditerranée ne s'est prévalue d'aucun motif grave et légitime pour s'opposer au renouvellement du bail, exécuté précédemment comme tel, comme admis dans leurs précédentes écritures, lesquelles devraient être regardées comme aveu judiciaire ; toutefois, ces moyens ne peuvent qu'être écartés comme inopérants, faute de réunion des circonstances ci-avant examinées, leur permettant de solliciter le bénéfice du statut des baux commerciaux en matière tant de renouvellement que d'indemnité d'éviction.

Enfin, les dépens ainsi qu'une somme de 1.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, seront supportés par la société Matraloc Déménagement qui succombe.

 

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions.

Condamne la société Matraloc Déménagement à payer à la société Onyx Méditerranée une somme de 1.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne la société Matraloc Déménagement aux entiers dépens.