Cass. soc., 13 février 2008, n° 06-44.234
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bailly
Avocats :
SCP Ghestin, SCP Piwnica et Molinié, SCP Waquet, Farge et Hazan
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 26 juin 2006), que Mme X..., qui avait été engagée au mois d'octobre 2001 par la société Air Jet et exerçait depuis le mois de novembre 2001 les fonctions de directrice financière, a été nommée le 6 septembre 2002 membre du directoire de cette société, des avenants au contrat de travail conclus à cette date puis le 23 décembre 2002 augmentant le montant de sa rémunération ; qu'à la suite de l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire, le tribunal de commerce a arrêté le 19 mai 2003 un plan de cession de l'entreprise au profit de la société Air Atlantique ; que celle-ci a poursuivi le contrat de travail de Mme X..., puis l'a licenciée le 15 octobre 2003, en raison d'une absence pour cause de maladie depuis le 27 juin précédent, avant d'être placée le 6 avril 2004 en liquidation judiciaire ; que Mme X... a contesté son licenciement et invoqué des créances de dommages-intérêts, d'indemnités de congés payés et d'indemnité compensatrice de non-concurrence ;
Sur les trois premières branches du moyen unique du pourvoi principal de l'AGS et sur le second moyen du pourvoi incident du liquidateur judiciaire, réunis :
Attendu que l'AGS et le liquidateur judiciaire de la société Air Atlantique font grief à l'arrêt d'avoir fixé des créances de dommages-intérêts, d'indemnité compensatrice de non-concurrence, de congés payés et de solde d'indemnité de licenciement, en fonction de salaires modifiés par avenants des 6 septembre et 23 décembre 2002, alors, selon leurs moyens :
1°/ que la poursuite du contrat de travail par le cessionnaire en application de l'article L. 122-12 du code du travail, n'entraîne pas la conclusion d'un nouveau contrat, même tacite ; qu'en disant que l'AGS pouvait émettre des doutes sur l'opposabilité des avenants au contrat de travail conclus avant la cession, mais qu'elle ne pouvait contester les bases contractuelles de l'accord entre la salariée et le cessionnaire, la cour d'appel a violé les articles L. 122-12 du code du travail et 1134 du code civil ;
2°/ que l'accord sur la rémunération salariale conclu entre une société et un mandataire social, est nul dès lors que ce dernier n'effectue pas un travail effectif dans le cadre de fonctions distinctes accomplies dans un lien de subordination ; qu'ayant constaté que le salarié n'avait pas exercé de fonctions techniques distinctes de son mandat social, la cour d'appel ne pouvait déclarer opposables à l'AGS les augmentations de la rémunération salariale convenues par les avenants des 6 septembre et 23 décembre 2002, soit pendant la durée dudit mandat, sans violer les articles L. 225-44 et L. 225-22 du code de commerce ;
3°/ que toute convention conclue entre une société et l'un de ses administrateurs ou directeurs généraux doit, à peine de nullité, être soumise à l'autorisation du conseil d'administration ; qu'en déclarant opposables à l'AGS l'avenant du 6 septembre 2002, concomitant à la désignation de la salariée en qualité de membre du directoire, et celui du 23 décembre 2002, postérieur à la désignation de celle-ci au mandat de directeur général qui était intervenue entre-temps, la cour d'appel a violé l'article L. 225-38 du code de commerce ;
Mais attendu que la cour d'appel a fait ressortir qu'après la fin du mandat social que Mme X... exerçait dans la société Air Jet, la société Air Atlantique avait ratifié les modifications apportées à son contrat de travail avant le changement d'employeur et pendant la durée du mandat ; qu'elle a pu en déduire que l'AGS n'était pas fondée à invoquer l'irrégularité des avenants au contrat de travail conclus avant la cession de l'entreprise ; que le moyen qui, en ses deuxième et troisième branches, invoque la violation de textes qui ne sont pas applicables aux membres du directoire d'une société anonyme, ne peut être accueilli ;
Sur la dernière branche du moyen unique de l'AGS :
Attendu que l'AGS fait grief à l'arrêt d'avoir fixé les créances de Mme X... en fonction du salaire résultant des avenants, alors, selon le moyen, que tout contrat commutatif conclu après la date de cessation des paiements par le débiteur, est nul lorsque les obligations de ce dernier excèdent notablement celles de l'autre partie ; qu'en ne recherchant pas si les avenants au contrat de travail conclus après la date de cessation des paiements ne caractérisaient pas un déséquilibre entre les prestations des parties au contrat, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 621-107.2° du code de commerce ;
Mais attendu qu'en vertu de l'article L. 621-110 du code de commerce, seuls ont qualité pour demander l'annulation d'actes accomplis en période suspecte par le débiteur soumis à une procédure collective, les mandataires de justice désignés dans cette procédure collective ; qu'il en résulte que l'AGS n'a pas qualité pour invoquer, sur le fondement de l'article L. 621-107 de ce code, la nullité de modifications apportées au contrat liant Mme X... à la société Air Jet ; que par ce motif de pur droit, substitué à ceux de la décision attaquée, après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, l'arrêt se trouve légalement justifié ;
Sur le premier moyen du pourvoi incident du liquidateur judiciaire :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen, qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois tant principal qu'incident.