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Décisions

Cass. soc., 26 novembre 2014, n° 13-20.348

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Frouin

Avocats :

SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, , SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray

Paris, du 25 avr. 2013

25 avril 2013

Sur le premier moyen :

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes en nullité de son licenciement et en paiement de dommages-intérêts alors, selon le moyen :

1°/ que le salarié qui relate des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter de la seule circonstance que les faits dénoncés ne sont pas établis ; que la cour d'appel a rejeté la demande de M. X... tendant à voir juger que son licenciement était nul aux motifs que les faits relatés par le salarié dans son courriel du 28 mars 2007 n'étaient pas établis et « qu'en reprochant à son employeur des propos insultants qu'il n'était pas en mesure de justifier et en les diffusant dans la société, Paul X... a émis des critiques excédant l'exercice normal de la liberté d'expression et a commis une faute » ; qu'en statuant comme elle l'a fait, alors que dans son courriel du 28 mars 2007, le salarié avait relaté des agissements de harcèlement moral qu'il avait subis et que la lettre de licenciement lui en faisait grief, ce dont il résultait que le licenciement était entaché de nullité, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-1, L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail (anciennement L. 122-49) ;

2°/ que le salarié avait expressément fait valoir dans ses conclusions que son licenciement était nul car intervenu pour avoir relaté, dans son mail du 28 mars 2007, des agissements de harcèlement moral ; que la cour d'appel ne s'est pas prononcée sur ce point ; qu'en statuant comme elle l'a fait sans rechercher si le licenciement du salarié était entaché de nullité car intervenu pour avoir relaté, dans son mail du 28 mars 2007, des agissement de harcèlement moral, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1, L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail (anciennement L. 122-49) ;

3°/ que le salarié qui relate des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter que de la connaissance par le salarié de la fausseté des faits qu'il dénonce ; que la cour d'appel a rejeté la demande de M. X... tendant à voir juger que son licenciement était nul aux motifs que les faits relatés par le salarié dans son courriel du 28 mars 2007 n'étaient pas établis ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans caractériser la mauvaise foi laquelle ne peut résulter que de la connaissance par le salarié de la fausseté des faits qu'il dénonce, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-1, L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail (anciennement L 122-49) ;

4°/ que le salarié a soutenu que le courriel du 28 mars 2007 s'inscrivait dans le cadre de l'exercice de son droit d'expression et d'alerte compte tenu des atteintes aux droits et à la dignité qu'il subissait et des fonctions dont sont investis les délégués du personnel, en se prévalant des dispositions garantissant le droit d'expression, la prohibition du harcèlement, le droit d'alerte et les missions des délégués du personnel ; que la cour d'appel a rejeté ses prétentions aux motifs qu'il « ne démontre pas que son employeur a apporté à ses droits et libertés individuelles des restrictions non justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché » ; qu'en statuant comme elle l'a fait sans tenir compte du fait que le courriel en cause s'inscrivait dans le cadre de l'exercice de son droit d'expression et d'alerte du salarié compte tenu des atteintes aux droits et à la dignité qu'il subissait et des fonctions dont sont investis les délégués du personnel, la cour d'appel a violé les articles L. 1121-1, L. 1152-2, L. 2313-2, L. 2281-3 du code du travail, ensemble les articles 4, 5 et 10 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, les articles 5 et 8 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

5°/ que le salarié s'était prévalu de son état de santé et du comportement discriminatoire de l'employeur ; que la cour d'appel a rejeté ses demandes aux motifs qu'il « n'a pas davantage apporté la preuve qu'il a été l'objet d'une discrimination dont il n'a d'ailleurs pas précisé la nature » ; qu'en statuant comme elle l'a fait alors d'une part que le salarié s'était prévalu de son état de santé et d'autre part que la charge de la preuve de la discrimination n'incombait pas au salarié, la cour d'appel a violé les articles L. 1132-1, L. 1132-3, L. 1132-4 et L. 1134-1 du code du travail ;

6°/ que le salarié ne peut être été licencié pour avoir relaté des faits de discrimination ; qu'en statuant comme elle l'a fait, alors que dans son courriel du 28 mars 2007, le salarié avait relaté des agissements de discrimination qu'il avait subis et que la lettre de licenciement lui en faisait grief, ce dont il résultait que le licenciement était entaché de nullité, la cour d'appel a violé les articles L. 1132- 2 et L. 1132-4 du code du travail ;

Mais attendu que c'est sans encourir les griefs du moyen que la cour d'appel, qui a constaté que la lettre de licenciement reprochait au salarié, non pas une dénonciation par lui d'agissements de harcèlement moral, mais d'avoir adressé au président directeur général de la société le 28 mars 2007 et diffusé à l'ensemble du service des ressources humaines et aux délégués du personnel un courrier électronique excédant un exercice normal de la liberté d'expression, d'avoir porté à son encontre des accusations de racisme et manifesté à plusieurs reprises son intention de refuser les missions de validation, a, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, retenu que si ces deux derniers griefs n'étaient pas établis, le licenciement du salarié était néanmoins justifié par les propos insultants prêtés au dirigeant et relatés par le salarié dans le courrier électronique du 28 mars 2007 diffusé dans l'entreprise ; que le moyen n'est pas fondé ; Sur le second moyen :

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de dire son licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et de le débouter de ses demandes indemnitaires alors, selon le moyen :

1°/ que lorsque l'employeur fonde le licenciement sur une faute grave, la charge de la preuve lui incombe exclusivement et le salarié n'a rien à démontrer ; que la cour d'appel a considéré que le salarié avait commis une faute dans la mesure où il avait reproché à l'employeur des propos insultants qu'il n'était pas en mesure de justifier ; qu'en statuant comme elle l'a fait alors que le licenciement avait été prononcé pour faute grave et que le salarié n'avait rien à démontrer, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil ;

2°/ que les salariés jouissent, dans l'entreprise et en dehors de celle-ci, de leur liberté d'expression à laquelle seules des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché peuvent être apportées ; que dans son courriel du 28 mars 2007, le salarié a légitimement réagi aux agressions dont il était l'objet en limitant la diffusion de son courrier aux personnes assurant la gestion de son contrat de travail et aux délégués du personnel dans le cadre de leur mission d'alerte ; qu'en considérant néanmoins que le salarié avait commis une faute, la cour d'appel a violé les articles L. 1121-1 et L. 1235-1 du code du travail ;

3°/ que l'employeur ne peut se prévaloir de sa propre turpitude et ne peut reprocher au salarié un comportement qu'il a lui même provoqué en manquant à ses propres obligations ; que le salarié a soutenu que l'employeur avait manqué à ses obligations en matière de protection de sa santé et avait provoqué la réaction du salarié, malade, dépressif et fragilisé en le soumettant à deux entretiens éprouvants sans qu'il puisse bénéficier de la moindre assistance ; qu'en statuant sans se prononcer sur les contestations du salarié qui soutenait que l'employeur avait failli à ses obligations et avait provoqué la réaction du salarié fragilisé par la dégradation de son état de santé, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des articles L. 4121-1, L. 4121-2, L. 1221-1 et L. 1235-1 du code du travail ;

Mais attendu qu'effectuant la recherche prétendument omise, et sans inverser la charge de la preuve, la cour d'appel a, par motifs propres et adoptés, relevé que dans un courrier électronique adressé à son employeur et diffusé dans l'entreprise, le salarié avait prêté à ce dernier des propos insultants dont il n'est pas justifié qu'ils avaient été tenus ; qu'elle a pu en déduire que le salarié avait ainsi abusé de sa liberté d'expression et, exerçant les pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 1235-1 du code du travail, a décidé que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.