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Décisions

TUE, 4e ch. élargie, 9 juin 2021, n° T-47/19

TRIBUNAL DE L'UNION EUROPÉENNE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Dansk Erhverv

Défendeur :

Danmarks Naturfredningsforening, Commission européenne, République fédérale d’Allemagne, Interessengemeinschaft der Grenzhändler (IGG)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

S. Papasavvas

Juges :

S. Gervasoni (rapporteur), P. Nihoul, R. Frendo, . J. Martín y Pérez de Nanclares

Avocats :

T. Mygind, H. Peytz, T. Mygind, H. Peytz

TUE n° T-47/19

9 juin 2021

LE TRIBUNAL (quatrième chambre élargie),

I. Antécédents du litige

A. Système allemand de consigne de certains emballages de boissons à usage unique

1 La Verordnung über die Vermeidung und Verwertung von Verpackungsabfällen (Verpackungsverordnung) (décret relatif à la prévention et au recyclage des déchets d’emballages), du 21 août 1998 (BGBl. 1998 I, p. 2379, ci-après la « VerpackV »), transpose la directive 94/62/CE du Parlement européen et du Conseil, du 20 décembre 1994, relative aux emballages et aux déchets d’emballages (JO 1994, L 365, p. 10).

2 L’article 9, paragraphe 1, de la VerpackV instaure un système de consigne pour certains emballages de boissons à usage unique (ci-après le « système de consigne »). Il prévoit, notamment, ce qui suit :

« Les distributeurs qui commercialisent des boissons dans des emballages de boissons à usage unique d’une capacité de 0,1 litre à 3 litres sont tenus de facturer à leurs clients une consigne d’au moins 0,25 euro par emballage, incluant la taxe sur la valeur ajoutée. La première phrase ci-dessus ne s’applique pas aux emballages vendus aux consommateurs finaux hors du champ d’application territorial de la VerpackV. La consigne est facturée par chaque distributeur en aval, à tous les stades de la chaîne commerciale, jusqu’à la vente de l’emballage au consommateur final. Les distributeurs indiquent sur l’emballage des boissons vendues dans des emballages de boissons à usage unique soumises à l’obligation de consigne au titre de la première phrase du présent paragraphe, avant leur commercialisation, de manière clairement visible et lisible, qu’elles sont soumises à la consigne, et prennent part à un système de consigne mis en place à l’échelle fédérale permettant aux participants de régler entre eux les demandes de remboursement du montant de la consigne. Celui-ci est remboursé lors de la reprise de l’emballage. Il ne peut pas être remboursé à défaut de reprise de l’emballage [...] »

3 Ainsi, la consigne doit être perçue à tous les stades de la chaîne de distribution jusqu’à la vente du produit au consommateur final et son montant doit être remboursé après restitution de l’emballage.

4 Aux termes de l’article 15, paragraphe 1, point 14, de la VerpackV, l’absence de perception de la consigne, en méconnaissance des dispositions de son article 9, paragraphe 1, constitue une infraction administrative. L’article 69, paragraphe 3, du Gesetz zur Neuordnung des Kreislaufwirtschafts und Abfallrechts (loi portant refonte du droit de l’économie circulaire et du droit des déchets), du 24 février 2012 (BGBl. 2012 I, p. 212, ci-après la « loi portant refonte du droit des déchets »), prévoit que ce type d’infraction peut être sanctionné par une amende d’un montant maximal de 100 000 euros.

5 Le système de consigne est entré en vigueur le 1er janvier 2003.

6 En 2005, les entreprises des secteurs allemands de la vente au détail et des boissons ont créé Deutsche Pfandsystem GmbH (ci-après « DPG »). DPG met à disposition le cadre juridique et organisationnel permettant aux distributeurs participant au système de consigne de procéder entre eux à la compensation de la consigne.

B. Procédure administrative

7 La requérante, Dansk Erhverv, est une association professionnelle représentant les intérêts d’entreprises danoises. Elle a introduit le 14 mars 2016 une plainte en matière d’aides d’État auprès de la Commission européenne.

8 Selon cette plainte, la République fédérale d’Allemagne accorderait à un groupe d’entreprises de vente au détail du nord de l’Allemagne, à savoir des commerces situés près de la frontière et ciblant exclusivement les consommateurs résidant dans des pays frontaliers, notamment au Danemark, une aide illégale, incompatible avec le marché intérieur, qui consisterait en une exonération de l’obligation générale de percevoir la consigne sur les emballages de boissons à usage unique prévue à l’article 9, paragraphe 1, de la VerpackV.

9 La requérante a précisé à cet égard que les commerces frontaliers vendaient aux consommateurs danois et suédois des boissons conditionnées dans des emballages à usage unique sans percevoir la consigne afférente (0,25 euro toutes taxes comprises par canette). Selon elle, c’est avec l’accord des autorités des deux Länder concernés, à savoir le Schleswig-Holstein et le Mecklembourg-Poméranie-Occidentale (Allemagne), qu’ils omettent de percevoir la consigne. En effet, ces autorités n’imposent pas d’amende aux commerces frontaliers lorsqu’ils ne perçoivent pas la consigne. Par ailleurs, l’exonération de la consigne implique également une exonération de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) afférente au montant de cette consigne.

10 Selon les autorités fédérales allemandes interrogées par la Commission à la suite de la plainte de la requérante, les prix de la bière et d’autres boissons sont nettement plus élevés dans des pays frontaliers tels que le Danemark qu’en Allemagne, en raison, notamment, de différences quant aux prix de gros, à la TVA et aux droits d’accise. Un commerce frontalier spécialisé, dans le cadre duquel des détaillants établis dans les deux Länder concernés ciblent les clients frontaliers, notamment danois, s’est développé en conséquence. Une vingtaine d’entreprises regroupant une soixantaine de magasins pratiquent un tel commerce frontalier. Ces entreprises (ci-après les « commerces frontaliers ») emploient environ 3 000 personnes et ont créé l’Interessengemeinschaft der Grenzhändler (IGG), une association représentant les intérêts des commerces frontaliers. L’offre de ces points de vente, qui sont généralement situés à quelques kilomètres de la frontière germano-danoise ou des ports de ferries, est composée, pour l’essentiel, de produits danois et suédois. On y vend principalement de la bière, de l’eau minérale et des boissons rafraîchissantes, mais aussi du vin, des spiritueux, des confiseries et des produits du tabac. La bière, l’eau minérale et les boissons rafraîchissantes sont vendues exclusivement par gros paquets, à savoir par « plateaux » (notamment par plateaux de 24 canettes emballées sous film plastique).

11 Les autorités fédérales allemandes ont également relevé que la mise en œuvre de la VerpackV et, par conséquent, du système de consigne, relevait de la responsabilité des autorités régionales, conformément à la répartition des compétences prévue par le Grundgesetz für die Bundesrepublik Deutschland (loi fondamentale pour la République fédérale d’Allemagne), du 23 mai 1949 (BGBl 1949 I, p. 1, ci-après le « GG »). Selon elles, seules ces autorités sont en mesure de faire appliquer les dispositions de la VerpackV par voie d’injonction administrative ou en imposant des amendes, le gouvernement fédéral ne disposant à ce titre d’aucune compétence d’exécution propre.

12 Enfin, les autorités fédérales allemandes ont indiqué que les commerces frontaliers étaient tenus de percevoir la consigne en vertu de la VerpackV, mais elles ont ajouté que, eu égard aux objectifs du système de consigne, lequel vise notamment à soutenir le système allemand de recyclage existant, dans lequel les emballages de boissons à usage unique vides sont réintroduits dans le circuit économique, les autorités d’exécution des deux Länder concernés (ci-après les « autorités régionales allemandes compétentes ») avaient estimé que l’obligation de percevoir la consigne ne s’appliquait pas aux commerces frontaliers si les boissons étaient vendues exclusivement à des clients domiciliés notamment au Danemark et si ceux-ci s’engageaient par écrit (en signant une « déclaration d’exportation ») à consommer ces boissons et à éliminer leur emballage hors du territoire allemand. Les autorités fédérales allemandes ont précisé que chacune de ces ventes était enregistrée séparément, avec le nom du client, son numéro de carte d’identité, sa signature et le numéro de ticket de caisse. Elles ont indiqué, en outre, que la vente sans consigne était limitée aux plateaux emballés sous film plastique (lesquels contenaient, en principe, 24 canettes).

C. Décision adoptée par la Commission

13 Le 4 octobre 2018, la Commission a adopté la décision C(2018) 6315 final concernant l’aide d’État SA.44865 (2016/FC) – Allemagne – Aide alléguée en faveur de magasins de boissons situés à la frontière allemande (ci-après la « décision attaquée »).

14 Dans la décision attaquée, la Commission s’est limitée à l’examen de la condition relative aux ressources d’État, énoncée à l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Elle a, à cet égard, examiné successivement les trois mesures susceptibles de constituer un avantage financé au moyen de ressources d’État (ci-après les « mesures litigieuses ») : l’absence de perception de la consigne elle-même, l’absence de perception de la TVA afférente à la consigne et l’absence d’imposition d’une amende aux entreprises qui ne perçoivent pas la consigne.

15 S’agissant de l’absence de perception de la consigne, la Commission a indiqué, aux paragraphes 32 et 33 de la décision attaquée, que cette mesure n’était pas constitutive d’une aide d’État, le système de consigne n’étant pas financé au moyen de ressources d’État. Elle a relevé que la requérante ne soutenait pas que l’absence de perception de la consigne constituait, par elle-même, une mesure financée au moyen de telles ressources.

16 S’agissant de l’absence de perception de la TVA afférente à la consigne, la Commission a expliqué, aux paragraphes 41 et 42 de la décision attaquée, que lorsque la consigne n’était pas facturée par les commerces frontaliers à leurs clients, l’absence de perception par les commerces frontaliers puis par l’État de la TVA afférente à celle-ci était la conséquence normale de l’application des règles générales en matière de TVA. En effet, selon la Commission, la TVA devant être perçue sur le prix d’une transaction (prestation d’un service ou fourniture d’un bien), il n’y avait pas lieu de la percevoir lorsque cette transaction faisait défaut. La Commission en a déduit que l’absence de perception de la TVA ne tendait pas, par sa finalité et son économie, à créer un avantage constituant une charge supplémentaire pour l’État et que cette mesure n’était donc pas une aide d’État.

17 S’agissant de l’absence d’imposition d’une amende aux entreprises qui n’appliquaient pas le système de consigne, la Commission a d’abord défini le cadre général d’analyse applicable en matière d’absence d’imposition d’une amende (paragraphes 45 à 49 de la décision attaquée) puis a fait application de ce cadre d’analyse à l’absence d’imposition d’une amende (paragraphes 50 à 69 de la décision attaquée).

18 La Commission a rappelé, aux paragraphes 45 et 47 de la décision attaquée, que, selon la jurisprudence, l’exonération de l’obligation de paiement d’une amende pouvait, en principe, constituer un avantage octroyé au moyen de ressources d’État. Elle a précisé toutefois que, lorsqu’il s’agissait de déterminer si la condition relative aux ressources d’État était remplie, il convenait, en principe, de distinguer les cas où les autorités nationales avaient prévu la possibilité d’échapper au paiement d’une amende normalement exigible de ceux où elles n’imposaient pas de sanction parce qu’elles avaient expressément autorisé un certain comportement.

19 La Commission a ajouté, aux paragraphes 48 et 49 de la décision attaquée, que l’interprétation d’une règle nationale prévoyant une obligation pouvait s’avérer difficile pour les autorités nationales elles-mêmes, notamment lorsque celles-ci étaient chargées de son application. Lorsque ces autorités étaient confrontées à des doutes sérieux et raisonnables quant à la portée et à l’interprétation d’une telle obligation, la non-imposition d’une amende n’était pas nécessairement le résultat d’une décision desdites autorités de ne pas percevoir les amendes exigibles, mais la simple conséquence de difficultés d’interprétation. De telles difficultés étaient, selon la Commission, malheureusement inhérentes à tout système juridique, même si elles se limitaient généralement à quelques dispositions précises. Par conséquent, la Commission a estimé qu’il convenait également d’établir une distinction entre les situations dans lesquelles les autorités étaient confrontées à des difficultés d’interprétation de la loi, dans le cadre de l’exercice normal de leurs prérogatives de puissance publique, et les situations dans lesquelles elles décidaient de ne pas percevoir les amendes pourtant exigibles ou donnaient aux entreprises la possibilité d’échapper à leur paiement. La Commission a ensuite considéré, au paragraphe 50 de la décision attaquée, que les autorités régionales allemandes compétentes estimaient que c’était de plein droit que les commerces frontaliers n’étaient pas tenus de percevoir la consigne, de sorte que l’absence de perception de celle ci ne constituait pas, selon elles, une infraction et que l’absence d’imposition d’une amende était la simple conséquence de cette absence d’infraction.

20 Toutefois, la Commission a indiqué au paragraphe 51 de la décision attaquée, qu’il lui semblait, au vu du libellé de l’article 9, paragraphe 1, de la VerpackV, que cette disposition, dans la mesure où elle s’appliquait au « territoire allemand » et à la « mise en circulation de la boisson », devrait être comprise comme imposant aux commerces frontaliers de percevoir la consigne.

21 Elle a néanmoins ajouté, au paragraphe 52 de la décision attaquée, qu’il était possible également de considérer que l’absence d’obligation pour les commerces frontaliers de percevoir la consigne s’ils vendaient des boissons en canettes exclusivement à des consommateurs « résidents étrangers » s’engageant à consommer ces boissons hors d’Allemagne était en cohérence avec les principes directeurs de la VerpackV.

22 La Commission a précisé, au paragraphe 53 de la décision attaquée, que, pour justifier leur interprétation de la VerpackV, selon laquelle les commerces frontaliers n’étaient pas tenus de percevoir la consigne, les autorités régionales allemandes compétentes s’appuyaient sur l’objectif de cette disposition, à savoir promouvoir la restitution des emballages de boissons à usage unique en Allemagne et, plus précisément, inciter les clients, notamment en Allemagne, à remettre les emballages de boissons vides dans le système de collecte et de recyclage mis en place dans tout le pays, lequel était facilement accessible aux résidents allemands. La Commission a précisé que, selon l’interprétation des autorités régionales allemandes compétentes, cet objectif n’exigeait pas d’appliquer la consigne à des boissons en canettes qui étaient consommées à l’étranger et dont les emballages n’étaient pas rapportés en Allemagne. Elle a ajouté que, toujours selon l’interprétation des autorités régionales allemandes compétentes, les commerces frontaliers se trouvaient dans la même situation que les exportateurs de boissons en canettes, lesquels vendaient des produits qui n’étaient pas destinés à être consommés en Allemagne et dont les emballages étaient destinés à être éliminés à distance des installations de recyclage intégrées au système allemand. Or, la VerpackV n’imposait pas à ces exportateurs de percevoir la consigne.

23 La Commission a indiqué, aux paragraphes 56 à 58 de la décision attaquée, que la position des autorités régionales allemandes compétentes se fondait, notamment, sur un rapport établi en 2005, à la demande des commerces frontaliers, par un professeur de droit. Selon ce rapport, l’obligation qui était faite à ces commerces de percevoir la consigne était contraire au GG, à certaines dispositions du droit primaire de l’Union européenne, à savoir les articles 18, 34 et 35 TFUE, ainsi qu’à l’article 7, paragraphe 1, de la directive 94/62, dans la mesure où elle s’étendait à la vente de boissons en canettes consommées à l’étranger. En particulier, la consigne représentait une entrave aux échanges pour les consommateurs finaux des commerces frontaliers qui ne rapportaient en aucun cas les emballages de boissons vides pour récupérer le montant de la consigne.

24 La Commission a ajouté, aux paragraphes 59 et 60 de la décision attaquée, que, selon un autre rapport, rédigé également en 2005, mais cette fois à la demande du gouvernement fédéral allemand, le système de consigne ne méconnaissait ni le GG ni le droit de l’Union, alors que, au contraire, l’absence de perception de la consigne par les commerces frontaliers auprès des clients consommant les boissons à l’étranger était contraire à la directive 94/62.

25 La Commission a conclu, au paragraphe 61 de la décision attaquée, que, bien que l’interprétation retenue par les autorités régionales allemandes compétentes ne fût pas en harmonie avec celle des autorités fédérales, cette dernière n’avait pas été confirmée par une décision de justice, les seules décisions de justice, remontant à 2003, tendant à confirmer l’interprétation des autorités régionales allemandes compétentes, ce qu’ont reconnu les autorités fédérales.

26 Sur la base des éléments qui viennent d’être exposés, la Commission, estimant qu’il était possible de supposer que, lorsqu’un consommateur achetait une boisson en Allemagne afin de l’emporter dans un autre État membre, l’emballage de cette boisson ne serait pas rapporté en Allemagne, mais se retrouverait dans le système de gestion des déchets de l’autre État membre, a indiqué qu’il apparaissait raisonnable de renoncer à l’obligation de percevoir la consigne lorsqu’un consommateur signait une déclaration d’exportation, s’engageant ainsi à emporter la boisson dans un autre État membre pour la consommer et y éliminer son emballage (paragraphe 65 de la décision attaquée). La Commission a également rappelé que les États membres étaient libres de décider de percevoir ou non la consigne sous réserve de respecter le principe de non-discrimination (paragraphe 67 de la décision attaquée). Elle a relevé que l’interprétation retenue par les autorités régionales allemandes compétentes constituait un compromis raisonnable entre l’objectif de protection de l’environnement poursuivi par la directive 94/62 et la libre circulation des marchandises (paragraphe 68 de la décision attaquée).

27 La Commission a conclu que les autorités régionales allemandes compétentes étaient ainsi confrontées, dans le cadre de l’exercice normal de leurs prérogatives de puissance publique, à des doutes sérieux et raisonnables quant à la portée et à l’interprétation de l’obligation de percevoir la consigne. Dans un tel cas, l’absence d’imposition d’une amende ne constituait pas un avantage octroyé au moyen de ressources d’État et cette mesure ne pouvait donc être qualifiée d’aide d’État (paragraphe 69 de la décision attaquée).

II. Procédure et conclusions des parties

28 Par acte déposé au greffe du Tribunal le 23 janvier 2019, la requérante a formé le présent recours.

29 Par acte déposé au greffe du Tribunal le 18 avril 2019, la République fédérale d’Allemagne a demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions de la Commission. Par décision du 9 septembre 2019, le président de la neuvième chambre du Tribunal a admis cette intervention. La République fédérale d’Allemagne a déposé son mémoire et les parties principales ont déposé leurs observations sur celui-ci dans les délais impartis. Dans ce mémoire, elle a déclaré partager l’intégralité des arguments de la Commission.

30 Par acte déposé au greffe du Tribunal le 26 avril 2019, Danmarks Naturfredningsforening (ci-après « DN »), association pour la protection de l’environnement au Danemark, a demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions de la requérante. Par ordonnance du 10 septembre 2019, le président de la neuvième chambre du Tribunal a admis cette intervention. DN a déposé son mémoire et les parties principales ont déposé leurs observations sur celui-ci dans les délais impartis.

31 Par acte déposé au greffe du Tribunal le 7 mai 2019, IGG a demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions de la Commission. Par ordonnance du 10 septembre 2019, le président de la neuvième chambre du Tribunal a admis cette intervention. IGG a déposé son mémoire et les parties principales ont déposé leurs observations sur celui-ci dans les délais impartis.

32 La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, en application de l’article 27, paragraphe 5, du règlement de procédure du Tribunal, le juge rapporteur a été affecté à la quatrième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

33 Sur proposition de la quatrième chambre du Tribunal, celui-ci a décidé, en application de l’article 28 du règlement de procédure, de renvoyer l’affaire devant une formation de jugement élargie.

34 Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (quatrième chambre élargie) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure, a posé aux parties des questions écrites, en les invitant à y répondre lors de l’audience.

35 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions écrites et orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 19 novembre 2020.

36 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– annuler la décision attaquée ;

– condamner la Commission aux dépens.

37 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– rejeter le recours ;

– condamner la requérante aux dépens.

38 La République fédérale d’Allemagne conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– rejeter le recours ;

– condamner la requérante aux dépens.

39 DN conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– annuler la décision attaquée ;

– condamner la Commission aux dépens.

40 IGG conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– rejeter le recours ;

– condamner la requérante aux dépens.

III. En droit

41 Il convient, dans un premier temps, d’examiner la recevabilité du recours puis, dans un second temps, d’apprécier le bien-fondé des arguments invoqués par la requérante.

A. Sur la recevabilité du recours

42 La Commission, dans la défense, a contesté la qualité pour agir de la requérante en émettant des « doutes » quant à l’existence d’une distorsion de concurrence causée par les mesures litigieuses qui serait susceptible de placer la requérante dans une situation défavorable. La Commission a, à ce propos, indiqué, dans la duplique, que la requérante n’avait pas apporté d’éléments de preuve concernant l’identité de ses membres et les activités qu’ils exerçaient.

43 Toutefois, au cours de l’audience, en réponse à une question du Tribunal portant sur l’application en l’espèce de la jurisprudence pertinente, la Commission a renoncé à opposer la fin de non-recevoir tirée de l’absence de qualité pour agir de la requérante, ce dont il a été pris acte dans le procès-verbal d’audience.

44 Il est en effet de jurisprudence constante qu’une association qui, comme la requérante, représente les intérêts de concurrents des bénéficiaires d’une mesure est une partie intéressée, au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 22 décembre 2008, British Aggregates/Commission, C 487/06 P, EU:C:2008:757, point 29 et jurisprudence citée), ce que la Commission a d’ailleurs relevé au paragraphe 1 de la décision attaquée. Or, une telle partie est recevable à contester une décision par laquelle la Commission constate, dans le cadre de la phase préliminaire d’examen des aides instituée par l’article 108, paragraphe 3, TFUE, qu’une mesure n’est pas une aide, à condition que cette partie tende, par l’introduction de son recours, à sauvegarder les droits procéduraux qui seraient les siens si la Commission décidait d’ouvrir la procédure formelle d’examen prévue par l’article 108, paragraphe 2, TFUE (voir, en ce sens, arrêts du 19 mai 1993, Cook/Commission, C 198/91, EU:C:1993:197, points 23 à 26 ; du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C 367/95 P, EU:C:1998:154, point 47, et du 13 décembre 2005, Commission/Aktionsgemeinschaft Recht und Eigentum, C 78/03 P, EU:C:2005:761, point 35).

45 Dans le présent litige, la requérante soulève un moyen unique par lequel elle soutient que la Commission, en n’ouvrant pas la procédure formelle d’examen prévue par l’article 108, paragraphe 2, TFUE, malgré les difficultés sérieuses que suscitait l’examen des mesures litigieuses, a violé les droits procéduraux dont elle dispose en qualité de partie intéressée en vertu de la même disposition. Dans ces conditions, la requérante a qualité pour agir et le recours est, par conséquent, recevable.

B. Sur l’examen du moyen unique

46 Ainsi qu’il vient d’être dit, à l’appui de son recours, la requérante soulève un moyen unique tiré de la violation de ses droits procéduraux. Ce moyen unique comporte trois branches. Par la première branche, la requérante invoque un examen insuffisant par la Commission de la compatibilité de l’exonération de la consigne avec l’article 4, paragraphe 3, TUE, la directive 94/62, le « principe du pollueur-payeur », ainsi que certaines dispositions du droit allemand. Par la deuxième branche, elle invoque un examen insuffisant par la Commission de l’absence de perception de recettes de TVA, cette mesure étant accordée au moyen de ressources d’État. Enfin, par la troisième branche, la requérante invoque un examen insuffisant par la Commission de la mesure consistant en l’absence d’imposition d’une amende, cette mesure étant également accordée au moyen de ressources d’État.

47 À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, la procédure instaurée à l’article 108, paragraphe 2, TFUE, laquelle donne aux autres États membres, ainsi qu’aux milieux concernés, la garantie de pouvoir se faire entendre et permet à la Commission d’être complètement éclairée sur l’ensemble des données de l’affaire avant de prendre sa décision, revêt un caractère indispensable dès que la Commission éprouve des difficultés sérieuses pour apprécier si un projet d’aide est compatible avec le marché intérieur. Il faut en déduire que la Commission ne peut s’en tenir à la phase préliminaire de l’article 108, paragraphe 3, TFUE pour prendre une décision favorable à un projet d’aide que si elle est en mesure d’acquérir la conviction, au terme d’un premier examen, que ce projet est compatible avec le traité. Par contre, si ce premier examen a conduit la Commission à acquérir la conviction contraire, ou même n’a pas permis de surmonter toutes les difficultés soulevées par l’appréciation de la compatibilité de ce projet avec le marché intérieur, la Commission a le devoir de s’entourer de tous les avis nécessaires et d’ouvrir, à cet effet, la procédure de l’article 108, paragraphe 2, TFUE (arrêts du 20 mars 1984, Allemagne/Commission, 84/82, EU:C:1984:117, point 13, et du 24 janvier 2013, 3F/Commission, C 646/11 P, non publié, EU:C:2013:36, point 28).

48 Il convient également de rappeler que, lorsqu’un requérant fait valoir que la décision adoptée par la Commission sur le fondement de l’article 108, paragraphe 3, TFUE viole ses droits procéduraux, il peut invoquer tout moyen, y compris un moyen tiré d’une erreur de droit, de nature à démontrer que l’appréciation des informations et des éléments dont la Commission disposait, lors de la phase d’examen préliminaire de la mesure litigieuse, aurait dû susciter des doutes quant à sa compatibilité avec le marché intérieur (voir, en ce sens, arrêt du 24 mai 2011, Commission/Kronoply et Kronotex, C 83/09 P, EU:C:2011:341, point 59). Le contenu insuffisant et incomplet de l’examen effectué par la Commission lors de la phase préliminaire est un indice, parmi d’autres, permettant de considérer que la Commission n’était pas en mesure de surmonter toutes les difficultés sérieuses rencontrées en ce qui concerne la question de savoir si la mesure en cause est une aide d’État (voir, en ce sens, arrêt du 25 novembre 2014, Ryanair/Commission, T 512/11, non publié, EU:T:2014:989, point 106).

49 Il y a lieu d’examiner successivement chacune des trois branches du moyen unique, étant précisé que l’examen des deux dernières branches, qui portent toutes les deux sur la condition relative aux ressources d’État, est regroupé au sein d’une même partie.

1. Sur la première branche du moyen unique

50 La requérante soutient que la Commission n’a pas pris en considération, dans son examen de la mesure consistant dans l’exonération de la perception de la consigne, les obligations incombant à la République fédérale d’Allemagne qui résultent de l’article 4, paragraphe 3, TUE, de la directive 94/62, du « principe du pollueur-payeur » ainsi que du droit allemand.

51 La requérante soutient que le fait que cette mesure ne soit pas conforme à ces différentes normes invalide l’analyse figurant dans la décision attaquée quant à la question de l’existence d’une aide d’État et implique que la Commission n’était pas en mesure d’évaluer correctement si l’absence de perception de la consigne et, de ce fait, l’absence de paiement de la TVA sur la consigne ainsi que l’exonération d’amende constituaient ou non une aide.

52 La requérante souligne qu’il appartient à la Commission de s’assurer que les systèmes nationaux transposant la directive 94/62 sont réellement appliqués et que cette transposition donne lieu à l’adoption d’une réglementation suffisamment claire. Elle ajoute que la République fédérale d’Allemagne n’a pas veillé à assurer que le résultat recherché par cette directive soit atteint. Elle indique également que la Commission n’a pas tenu compte des effets nuisibles considérables sur l’environnement que l’absence de perception de la consigne a provoqué.

53 Par ailleurs, la requérante critique différents paragraphes de la décision attaquée figurant dans la partie de celle-ci consacrée à l’absence d’imposition d’une amende aux commerces frontaliers.

54 La Commission soutient que la première branche du moyen unique est inopérante, ce que conteste la requérante.

55 DN soutient que la décision attaquée repose sur des postulats environnementaux manifestement erronés et ignore les effets néfastes importants de la pratique de la déclaration d’exportation sur l’environnement danois. Elle indique que, depuis 2005, elle organise des événements annuels appelés « collecte de déchets », destinés à protéger l’environnement danois par le ramassage des déchets et que, depuis 2008, elle s’est consacrée à la collecte et au ramassage de canettes vides et a ainsi pu collecter plus de 1,6 million de ces canettes vides. Selon ses observations, 90 à 95 % des canettes ainsi collectées seraient des canettes achetées sans application du système de consigne par des consommateurs danois dans les commerces frontaliers.

56 IGG soutient que la Commission, durant la phase administrative, a vérifié la conformité du système de consigne avec la directive 94/62 et qu’elle n’a eu aucun doute quant à la légalité de la pratique consistant en une exonération de la consigne fondée sur l’usage des déclarations d’exportation. Cette exonération serait parfaitement conforme à la directive 94/62. Les États membres ne seraient pas tenus d’étendre le système de consigne aux ventes pour lesquelles l’objectif de cette consigne, à savoir la restitution des emballages vides, ne peut pas être atteint, dès lors que de nombreux consommateurs n’ont pas la possibilité de rendre les emballages vides et de se faire rembourser le prix de la consigne. IGG ne partage pas les préoccupations de la requérante selon lesquelles l’absence de perception de la consigne aurait des effets négatifs sur l’environnement au Danemark. Le fait, pour les commerces frontaliers, de facturer une consigne qui ne sera pas remboursée au Danemark ne contribuerait pas à la reprise des emballages vides et ne réduirait donc pas le volume des déchets d’emballages. L’application systématique de la consigne par les commerces frontaliers aurait l’effet économique d’une taxe à l’exportation. Imposer une consigne sur les ventes des magasins frontaliers entraverait la libre circulation des marchandises alors que l’objectif de la consigne, à savoir la reprise des canettes vides, ne pourrait être atteint. L’application systématique de la consigne par les commerces frontaliers ne serait, dès lors, pas proportionnée.

57 Ainsi qu’il résulte de l’exposé de l’argumentation de la requérante, la première branche du moyen unique est tirée, en substance, de difficultés sérieuses résultant de la violation par la mesure en cause d’obligations s’imposant à la République fédérale d’Allemagne. Il y a lieu de souligner que ces obligations ne résultent pas des dispositions du traité FUE ou du droit dérivé applicables en matière d’aides d’État, mais d’autres dispositions du droit de l’Union, voire du droit allemand. Il s’agit, notamment, de dispositions relatives à la protection de l’environnement.

58 Au regard des arguments des parties et, en particulier, de celui invoqué en défense par la Commission, fondé sur le caractère inopérant de la première branche du moyen unique, il convient de préciser dans quelle mesure la méconnaissance de dispositions qui ne sont pas relatives au droit des aides d’État peut utilement être invoquée aux fins d’établir l’illégalité d’une décision adoptée en la matière par la Commission.

59 À cet égard, il y a lieu de faire une distinction selon que la décision en cause de la Commission statue sur la compatibilité d’une aide avec le marché intérieur ou qu’elle se prononce, comme en l’espèce, sur l’existence d’une aide.

60 Dans le premier cas, ainsi que la Cour l’a jugé dans son arrêt du 15 avril 2008, Nuova Agricast (C 390/06, EU:C:2008:224, points 50 et 51), il résulte de l’économie générale du traité FUE que la procédure prévue à son article 108 ne doit jamais aboutir à un résultat qui serait contraire aux dispositions spécifiques du traité. Dès lors, une aide d’État qui, par certaines de ses modalités, viole d’autres dispositions du traité FUE ne peut être déclarée compatible avec le marché intérieur par la Commission. Cette jurisprudence a été confirmée par l’arrêt du 22 septembre 2020, Autriche/Commission (C 594/18 P, EU:C:2020:742, points 44 et 45).

61 Ainsi, la méconnaissance par une mesure nationale, préalablement qualifiée d’aide d’État, d’autres dispositions du traité FUE que celles relatives aux aides d’État peut utilement être invoquée aux fins de contester la légalité d’une décision par laquelle la Commission estime qu’une telle aide est compatible avec le marché intérieur.

62 Dans le second cas, relatif à une décision de la Commission statuant sur l’existence d’une aide, il n’en va pas de même. En effet, la qualification d’une mesure nationale d’aide d’État repose sur des conditions énoncées limitativement par l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Premièrement, il doit s’agir d’une intervention de l’État ou au moyen de ressources d’État. Deuxièmement, cette intervention doit être susceptible d’affecter les échanges entre les États membres. Troisièmement, elle doit accorder un avantage sélectif à son bénéficiaire. Quatrièmement, elle doit fausser ou menacer de fausser la concurrence (arrêt du 21 décembre 2016, Commission/World Duty Free Group e.a., C 20/15 P et C 21/15 P, EU:C:2016:981, point 53). Or, aucune de ces conditions n’opère un renvoi à d’autres dispositions du traité FUE ou à la législation adoptée par l’Union européenne dans le domaine de l’environnement.

63 La Cour a ainsi jugé que la nécessité de prendre en compte les exigences tenant à la protection de l’environnement, telles qu’elles résultent des dispositions des traités, pour légitimes qu’elles soient, était sans incidence sur l’application de la condition de sélectivité figurant à l’article 107, paragraphe 1, TFUE et qu’elle ne justifiait pas l’exclusion de mesures sélectives, fussent-elles spécifiques telles que des écotaxes, du champ d’application de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, la prise en compte des objectifs environnementaux pouvant, en tout état de cause, intervenir utilement lors de l’appréciation de la compatibilité de la mesure d’aide d’État avec le marché intérieur conformément à l’article 107, paragraphe 3, TFUE (voir, en ce sens, arrêts du 22 décembre 2008, British Aggregates/Commission, C 487/06 P, EU:C:2008:757, points 90 à 92, et du 8 septembre 2011, Commission/Pays-Bas, C 279/08 P, EU:C:2011:551, point 75).

64 En outre, la Cour a considéré que la circonstance qu’une mesure nationale soit autorisée par une institution conformément à d’autres dispositions du droit de l’Union que celles relatives aux aides d’État n’empêchait pas la Commission de constater que cette mesure était une aide d’État (voir, en ce sens, arrêt du 10 décembre 2013, Commission/Irlande e.a., C 272/12 P, EU:C:2013:812, points 46, 47, 49 et 53). De même, la poursuite, par une mesure nationale, de motifs d’intérêt général – relevant, dans l’affaire en cause, du droit national, mais pouvant relever également du droit de l’Union – tels que la protection de l’environnement, est une circonstance « inopérante » au stade de la qualification d’aide d’État opérée sur le fondement des dispositions de l’article 107, paragraphe 1, TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 13 février 2003, Espagne/Commission, C 409/00, EU:C:2003:92, points 53 et 54).

65 Il serait donc contraire au libellé de l’article 107, paragraphe 1, TFUE de considérer qu’une mesure nationale, parce qu’elle méconnaîtrait d’autres dispositions du traité, constituerait une aide d’État alors même qu’elle ne remplirait pas les conditions expressément prévues par cette disposition aux fins d’identifier une aide.

66 De surcroît, les dispositions des articles 107 et 108 TFUE poursuivent un objectif spécifique, celui d’éviter que les interventions d’un État membre aient pour effet de fausser les conditions de concurrence sur le marché intérieur, qui ne correspond pas nécessairement aux objectifs poursuivis par d’autres dispositions des traités. De plus, la mise en œuvre des dispositions des articles 107 et 108 TFUE, contrairement à celle d’autres dispositions du traité, fait une large place à l’intervention de la Commission (voir, en ce sens, arrêt du 23 avril 2002, Nygård, C 234/99, EU:C:2002:244, point 55). Enfin, les effets qu’emporte l’application de ces dispositions sont considérables, dès lors que la Commission peut imposer à un État membre de suspendre l’exécution d’une mesure nationale, de la supprimer ou de la modifier dans le délai qu’elle détermine. Compte tenu de ces spécificités, le champ d’application du régime d’examen des mesures d’aide instauré par les dispositions des articles 107 et 108 TFUE ne saurait être étendu au-delà des mesures nationales qui remplissent les conditions mentionnées à l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

67 Certes, l’article 11 TFUE dispose que les exigences de la protection de l’environnement doivent être intégrées dans la définition et la mise en œuvre des politiques et des actions de l’Union. Toutefois, une telle intégration a vocation à se réaliser au stade de l’examen de la compatibilité d’une aide et non l’examen de son existence.

68 Par conséquent, la circonstance qu’une mesure nationale méconnaisse d’autres dispositions du droit de l’Union que celles relatives aux aides d’État ne saurait utilement être invoquée, en tant que telle, aux fins d’établir que cette mesure est une aide d’État.

69 Il en va de même, a fortiori, s’agissant de dispositions du droit d’un État membre.

70 En effet, selon une jurisprudence constante, il découle des exigences tant de l’application uniforme du droit de l’Union que du principe d’égalité que les termes d’une disposition du droit de l’Union qui ne comporte aucun renvoi exprès au droit des États membres pour déterminer son sens et sa portée doivent normalement trouver, dans toute l’Union, une interprétation autonome et uniforme qui doit être recherchée en tenant compte du contexte de la disposition et de l’objectif poursuivi par la réglementation en cause (voir arrêt du 27 février 2003, Adolf Truley, C 373/00, EU:C:2003:110, point 35 et jurisprudence citée).

71 Or, en l’espèce, aucun renvoi exprès au droit des États membres n’est prévu à l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

72 En outre, il n’appartient pas à la Commission, mais aux juridictions nationales compétentes, de contrôler la légalité de mesures nationales au regard du droit interne.

73 S’il était admis que la méconnaissance des dispositions du droit d’un État membre doive conduire la Commission à qualifier des mesures nationales d’aide d’État, celle-ci pourrait être amenée à se prononcer sur la légalité de ces mesures au regard du droit interne, en méconnaissance de la compétence des juridictions nationales.

74 Il résulte des considérations exposées ci-dessus que la première branche du moyen unique, tirée de l’examen insuffisant par la Commission de la mesure consistant en l’absence de perception de la consigne, au regard d’obligations s’imposant à la République fédérale d’Allemagne qui ne résultent pas des dispositions du traité ou du droit dérivé applicables en matière d’aides d’État, mais qui résultent d’autres dispositions du droit de l’Union, ainsi que du droit national, à supposer même qu’elle soit fondée, ne saurait conduire à l’annulation de la décision attaquée.

75 Il convient donc d’écarter la première branche du moyen unique comme étant inopérante, comme le soutient à juste titre la Commission.

76 Toutefois, certaines critiques formulées par la requérante à l’encontre de différents paragraphes de la décision attaquée figurant dans la partie de celle-ci consacrée à l’absence d’imposition d’une amende aux commerces frontaliers ainsi que les arguments relatifs à l’absence de difficultés d’interprétation du droit applicable, lesquels sont susceptibles de concerner également l’absence d’imposition d’une amende, seront examinées, pour autant que de besoin, dans le cadre de la troisième branche du moyen unique.

2. Sur les deuxième et troisième branches du moyen unique, relatives à la condition relative aux ressources d’État

77 Selon une jurisprudence constante, seuls les avantages accordés directement ou indirectement au moyen de ressources d’État ou constituant une charge supplémentaire pour l’État sont à considérer comme des aides au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. En effet, il résulte des termes mêmes de cette disposition et des règles de procédure instaurées à l’article 108 TFUE que les avantages accordés par d’autres moyens que des ressources d’État ne tombent pas dans le champ d’application des dispositions en cause (arrêts du 17 mars 1993, Sloman Neptun, C 72/91 et C 73/91, EU:C:1993:97, point 19, et du 19 mars 2013, Bouygues et Bouygues Télécom/Commission e.a. et Commission/France e.a., C 399/10 P et C 401/10 P, EU:C:2013:175, point 99).

78 Dans la décision attaquée, la Commission a constaté que la condition relative aux ressources d’État n’était pas remplie s’agissant tant de l’absence de perception de la TVA afférente à la consigne que de l’absence d’imposition d’une amende. Elle a conclu, sur la base du seul constat d’une absence de ressources d’État, que ces deux mesures ne constituaient pas une aide d’État.

79 Il convient d’examiner tout d’abord la deuxième branche du moyen unique relative à l’absence de perception de la TVA afférente à la consigne.

a) Sur la deuxième branche du moyen unique

80 La requérante soutient que la Commission s’est, à tort, référée à l’arrêt du 17 mars 1993, Sloman Neptun (C 72/91 et C 73/91, EU:C:1993:97), dans la partie de la décision attaquée consacrée à l’absence de perception par les commerces frontaliers puis par l’État de la TVA afférente à la consigne. En effet, cette mesure, à la différence de celle en cause dans ledit arrêt, ne s’insérerait pas dans un « système légitime ».

81 La requérante se fonde sur un ensemble d’arguments destinés à démontrer que l’absence de perception de la consigne, fondée sur la pratique de la déclaration d’exportation, n’est pas légitime et que, par conséquent, l’absence de perception de la TVA est constitutive d’un avantage financé au moyen de ressources d’État. Elle renvoie, notamment, à la violation de différentes normes juridiques déjà invoquée dans le cadre de la première branche du moyen unique.

82 La requérante soutient que, pour qu’une mesure nationale soit considérée comme n’étant pas financée au moyen de ressources d’État, l’État membre concerné doit agir en tant que régulateur lorsqu’il adopte cette mesure. Or, tel n’est pas le cas lorsque l’État membre renonce à des recettes du fait d’une mesure qui méconnaît le droit de l’Union.

83 La requérante indique également que l’absence de perception de la consigne est appliquée pour un motif qui n’a aucun lien avec l’objectif poursuivi par le système de consigne, à savoir maintenir l’emploi et améliorer la compétitivité des commerces frontaliers.

84 Par ailleurs, la requérante soutient que cette mesure conduit à accorder à ses bénéficiaires un avantage sélectif et qu’elle a pour but d’exonérer les commerces frontaliers de la TVA afférente au prix de la consigne.

85 La Commission conclut au rejet de la deuxième branche du moyen unique. À cet égard, elle soutient, en particulier, que l’absence de perception de la consigne est la question principale en l’espèce et que l’absence de perception de la TVA n’est qu’une conséquence « secondaire » de cette absence de perception de la consigne (ou « inhérente », selon le terme employé dans l’arrêt du 17 mars 1993, Sloman Neptun, C 72/91 et C 73/91, EU:C:1993:97).

86 DN soutient l’argumentation de la requérante. Elle invoque, notamment, l’arrêt du 12 octobre 2000, Espagne/Commission (C 480/98, EU:C:2000:559).

87 IGG soutient l’argumentation de la Commission. Elle ajoute que l’article 9, paragraphe 1, de la VerpackV est lié à l’article 92, sous b), de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO 2006, L 347 p. 1), lequel prévoit que, en ce qui concerne les montants des emballages à rendre, les États membres peuvent les inclure dans la base d’imposition en prenant les mesures nécessaires pour que cette base soit régularisée lorsque ces emballages sont effectivement rendus.

88 À titre liminaire, il convient d’écarter, sur la base des considérations exposées en réponse à la première branche du moyen unique, les arguments relatifs à la violation de différentes normes du droit de l’Union et du droit allemand déjà invoqués par la requérante dans cette branche.

89 Par ailleurs, dans la mesure où la présente branche a trait à la condition tenant à l’existence de ressources d’État, il convient de rappeler que, aux fins d’établir si l’avantage accordé au bénéficiaire grève le budget de l’État, il y a lieu de vérifier s’il existe un lien suffisamment direct entre, d’une part, cet avantage et, d’autre part, une diminution du budget étatique, voire un risque économique suffisamment concret de charges le grevant (voir arrêt du 19 mars 2013, Bouygues et Bouygues Télécom/Commission e.a. et Commission/France e.a., C 399/10 P et C 401/10 P, EU:C:2013:175, point 109 et jurisprudence citée).

90 En l’espèce, pour parvenir à la conclusion que l’absence de perception de la TVA n’impliquait pas l’usage de ressources d’État, la Commission s’est fondée, dans la décision attaquée (paragraphe 42), sur la solution retenue par la Cour dans l’arrêt du 17 mars 1993, Sloman Neptun (C 72/91 et C 73/91, EU:C:1993:97). Or, ainsi qu’il ressort de la présentation des arguments de la requérante, celle-ci conteste, en substance, la pertinence de l’application de cette solution à l’absence de perception de la TVA. Il convient donc de rappeler la solution retenue par la Cour dans cet arrêt, reprise dans d’autres arrêts postérieurs.

91 Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 17 mars 1993, Sloman Neptun (C 72/91 et C 73/91, EU:C:1993:97), était en cause un régime juridique permettant aux armateurs allemands de conclure des contrats de travail avec les membres d’équipage qui ne soient pas soumis au droit allemand (point 5). La Cour a constaté que la condition relative aux ressources d’État n’était pas remplie.

92 À cet égard, la Cour a considéré que le régime en cause ne tendait pas, par sa finalité et son économie générale, à créer un avantage qui constituerait une charge supplémentaire pour l’État, mais seulement à modifier, en faveur des entreprises de navigation maritime, le cadre dans lequel s’établissaient les relations contractuelles entre ces entreprises et leurs salariés. Par ailleurs, elle a estimé que les conséquences qui résultaient de ce régime, tenant tant à la différence de base de calcul des cotisations sociales qu’à l’éventuelle perte de ressources fiscales imputable au faible niveau des rémunérations, étaient inhérentes à ce régime et ne constituaient pas un moyen d’accorder aux entreprises concernées un avantage déterminé (point 21).

93 Il s’ensuit que, afin d’apprécier l’existence du lien évoqué au point 89 ci-dessus, il y a notamment lieu de vérifier si, de par sa finalité et son économie générale, la mesure tend à créer un avantage qui constituerait une charge supplémentaire pour l’État. En particulier, lorsque l’éventuelle perte de ressources qui découle de la mesure est inhérente à celle-ci, en ce sens qu’elle n’en est qu’une conséquence indirecte, la condition relative aux ressources d’État n’est pas remplie (voir, en ce sens, arrêts du 17 mars 1993, Sloman Neptun, C 72/91 et C 73/91, EU:C:1993:97, point 21 ; du 1er décembre 1998, Ecotrade, C 200/97, EU:C:1998:579, point 36, et du 13 mars 2001, PreussenElektra, C 379/98, EU:C:2001:160, point 62). En revanche, lorsque la mesure vise à exonérer une entreprise du paiement de sommes qui seraient normalement dues au budget de l’État, le lien entre la mesure et la diminution du budget étatique est suffisamment direct pour que la mesure soit regardée comme financée au moyen de ressources d’État (voir, en ce sens, arrêt du 8 septembre 2011, Commission/Pays-Bas, C 279/08 P, EU:C:2011:551, points 106 à 108).

94 En l’espèce, il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 9, paragraphe 1, de la VerpackV, le prix de la consigne facturé au client inclut la TVA. Par conséquent, lorsque les commerces frontaliers n’appliquent pas la consigne, la TVA afférente à la consigne n’est pas collectée pour les ventes concernées.

95 Il existe donc, potentiellement au moins, une perte de recettes fiscales pour l’État, dès lors que le système de consigne, s’il était appliqué, entraînerait vraisemblablement une recette nette de TVA. En effet, il est peu probable que, malgré la perception de la consigne, tous les emballages soient systématiquement rapportés et que, en conséquence, la TVA prélevée lors des ventes soit intégralement remboursée aux consommateurs auxquels elle a été facturée.

96 Toutefois, la mesure litigieuse, constituée par l’absence de perception de la consigne par les commerces frontaliers, ne vise pas à accorder à ces entreprises un avantage qui serait représenté par l’absence de perception de la TVA. L’absence de perception de la TVA, lorsque la consigne n’est pas appliquée, n’est, ainsi que la Commission le soutient à juste titre, qu’une conséquence indirecte du mécanisme de dispense de consigne, inhérente à l’absence de perception de la consigne, et ne permet pas d’établir que la mesure litigieuse viserait, à cet égard, à accorder un avantage à certaines entreprises au moyen de ressources d’État.

97 Il y a donc lieu de constater que c’est à bon droit que la Commission a pu conclure, en se référant à la jurisprudence issue de l’arrêt du 17 mars 1993, Sloman Neptun (C 72/91 et C 73/91, EU:C:1993:97), que la condition relative aux ressources d’État n’était pas remplie s’agissant de l’absence de perception de la TVA afférente à la consigne.

98 La conclusion figurant au point 97 ci-dessus ne saurait être remise en cause par les autres arguments de la requérante ou de DN.

99 Premièrement, contrairement à ce que soutient la requérante, il ne ressort pas de la jurisprudence rappelée au point 93 ci-dessus qu’il serait nécessaire, pour qu’une mesure nationale soit considérée comme n’étant pas financée au moyen de ressources d’État, que cette mesure constitue un « système légitime » ou que l’État concerné agisse en tant que régulateur.

100 Certes, il peut, dans certaines hypothèses, être tenu compte des finalités de la mesure en cause. Toutefois, cela n’est pas le cas dans l’hypothèse où cette mesure a seulement pour effet indirect de diminuer la matière imposable d’une taxe et qu’il n’existe pas, dès lors, de lien suffisamment direct entre cette mesure et la perte de recettes qui peut être constatée, de telle sorte que cette perte peut être qualifiée d’ « inhérente » à la mesure.

101 En outre, dans l’arrêt du 17 mars 1993, Sloman Neptun (C 72/91 et C 73/91, EU:C:1993:97), la Cour, aux fins de déterminer si la condition relative aux ressources d’État était remplie, n’a pas contrôlé, en tant que telle, la légitimité de la mesure en cause ou celle des objectifs qu’elle poursuivait. Elle s’est seulement assurée, sur la base de la finalité et de l’économie générale de cette mesure, que les pertes de ressources alléguées ne constituaient pas en réalité un moyen d’accorder aux entreprises concernées un avantage déterminé (arrêt du 17 mars 1993, Sloman Neptun, C 72/91 et C 73/91, EU:C:1993:97, point 21).

102 Deuxièmement, la circonstance que l’absence de perception de la TVA afférente à la consigne puisse conduire à procurer un avantage sélectif à ses bénéficiaires, à supposer même qu’elle soit établie, est inopérante, dès lors, d’une part, que les conditions énumérées à l’article 107, paragraphe 1, TFUE qui permettent de qualifier une mesure nationale d’aide d’État sont cumulatives (voir jurisprudence citée au point 62 ci-dessus ainsi que arrêt de la Cour du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg, C 280/00, EU:C:2003:415, points 74 et 75) et, d’autre part, que, en l’espèce, pour conclure dans la décision attaquée que l’absence de perception de la TVA afférente à la consigne ne constituait pas une aide, la Commission s’est seulement fondée sur l’absence de ressources d’État, c’est-à-dire sur une condition distincte de celle relative à l’existence d’un avantage sélectif.

103 Troisièmement, la requérante ne produit aucun élément qui permettrait de conclure que les mesures litigieuses avaient pour but, en réalité, d’exonérer les commerces frontaliers de la TVA afférente au prix de la consigne alors que cette exonération apparaît, ainsi qu’il résulte des considérations exposées ci-dessus, comme « un effet secondaire inhérent [à ces mesures] », selon l’expression retenue par l’avocat général Jacobs dans ses conclusions dans l’affaire PreussenElektra (C 379/98, EU:C:2000:585, points 161 et 162).

104 Quatrièmement, l’invocation par DN de l’arrêt du 12 octobre 2000, Espagne/Commission (C 480/98, EU:C:2000:559), n’est pas pertinente, car était en cause dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt une absence de recouvrement des dettes fiscales et sociales de certaines entreprises, hypothèse qui correspond à celle examinée par la Cour dans l’arrêt du 8 septembre 2011, Commission/Pays-Bas (C 279/08 P, EU:C:2011:551), dans laquelle le lien entre la mesure et la perte de recettes pour le budget de l’État est suffisamment direct.

105 Il résulte de tout ce qui précède qu’il convient d’écarter la deuxième branche du moyen unique invoqué par la requérante.

b) Sur la troisième branche du moyen unique

106 En premier lieu, la requérante soutient que la Commission a appliqué de manière erronée la jurisprudence de la Cour en introduisant une nouvelle norme juridique selon laquelle l’existence de difficultés d’interprétation de la loi applicable permettrait de conclure, pour une mesure nationale impliquant une absence d’imposition d’une amende, qu’elle ne remplit pas la condition relative aux ressources d’État.

107 À cet égard, la requérante se prévaut d’une erreur de droit. Le critère appliqué par la Commission, tiré de l’existence de difficultés d’interprétation de la loi applicable, ne serait pas conforme à la jurisprudence selon laquelle l’existence d’une aide d’État est appréciée sur la base des effets de la mesure et non sur celle de son objectif ou des intentions des autorités nationales à l’origine de cette mesure.

108 En outre, la requérante considère qu’il n’existe pas, en l’espèce, de difficultés d’interprétation quant à l’obligation d’appliquer la consigne et donc d’imposer une amende aux commerces qui n’appliquent pas cette consigne. Elle indique que l’absence d’imposition d’une amende résulte plutôt d’un choix délibéré des autorités régionales allemandes compétentes.

109 Enfin, la requérante ajoute que, s’il était possible de faire échec à l’application des règles en matière d’aides d’État simplement en établissant des doutes sérieux et raisonnables quant à la portée et au sens d’une obligation résultant d’un texte relevant du droit de l’Union ou de la législation nationale, cela conduirait à des abus. Elle précise qu’une telle possibilité irait à l’encontre de l’obligation des États membres de mettre en œuvre les directives de l’Union de manière claire et sans équivoque.

110 À cet égard, selon la requérante, les autorités régionales allemandes compétentes avaient décidé, en l’espèce, à la suite de jugements prononcés en 2003 par des juridictions du Land de Schleswig-Holstein, de ne pas imposer aux commerces frontaliers de percevoir la consigne prévue par la VerpackV et de ne prendre aucune nouvelle mesure de contrainte administrative à l’encontre de ces commerces, mesures qui auraient pu faire ultérieurement l’objet d’un contrôle juridictionnel par les tribunaux allemands. Ainsi, selon elle, l’absence de jurisprudence permettant une clarification de la loi sur la base de laquelle est imposée l’amende résultait uniquement de l’inaction de ces autorités. La requérante ajoute que l’application du droit de l’Union, notamment du droit en matière d’aides d’État, serait considérablement affaiblie si une autorité d’un État membre pouvait légalement éviter systématiquement d’appliquer le droit pendant de nombreuses années.

111 En second lieu, la requérante soutient qu’il existe des difficultés sérieuses s’agissant de la question de savoir si la condition relative aux ressources d’État est remplie en ce qui concerne l’absence d’imposition d’une amende.

112 Premièrement, dans le prolongement de ce qu’elle a indiqué dans le cadre de la première branche du moyen unique, la requérante rappelle que l’absence de perception de la consigne méconnaît diverses dispositions du droit de l’Union et du droit allemand et que, cette violation étant évidente, il n’existe aucune difficulté d’interprétation. Elle ajoute que les autorités fédérales allemandes ont régulièrement répété que la pratique de la déclaration d’exportation était illégale.

113 Deuxièmement, la requérante souligne qu’il n’existe, dans le droit applicable en matière d’environnement, aucune base juridique justifiant l’absence de perception de la consigne. Elle fait valoir également que cette mesure n’est pas appliquée de manière uniforme sur l’ensemble des zones frontalières de l’Allemagne. Elle ajoute que la Commission a procédé à un examen insuffisant et incomplet de la situation. Elle relève enfin que les commerces frontaliers ne se trouvent pas dans une situation comparable à celle des exportateurs.

114 Par ailleurs, la requérante soutient que le constat de l’absence de ressources d’État opéré par la Commission dans la décision attaquée ne saurait être justifié par le caractère nécessaire de l’absence de perception de la consigne aux fins d’éviter une violation du principe de libre circulation des marchandises. L’argument de la Commission, relatif au fait que l’application du système de consigne entraînerait l’imposition d’une taxe sur les exportations serait un argument nouveau, qui n’était pas présent dans la décision attaquée et qui, de ce fait, serait irrecevable. La requérante conteste également la supposition selon laquelle, lorsqu’un consommateur achète une boisson en Allemagne afin de l’emporter dans un autre État membre, l’emballage ne serait pas rapporté en Allemagne, mais se retrouverait dans le système de gestion des déchets de l’autre État membre.

115 La Commission conteste cette argumentation. Elle soutient notamment que l’interprétation de la réglementation applicable retenue par les autorités régionales allemandes compétentes était raisonnable, compte tenu, en particulier, de l’absence de toute décision juridictionnelle définitive en sens contraire et qu’il n’était, dès lors, pas possible pour elle de constater l’existence d’une aide d’État. L’absence d’imposition d’une amende résulterait en l’espèce seulement de l’interprétation de la réglementation retenue par les autorités régionales allemandes compétentes, selon laquelle la consigne ne doit pas être perçue par les commerces frontaliers. Elle devrait être distinguée des cas où les autorités compétentes décident d’exonérer les entreprises contrevenant à la réglementation du paiement d’une amende.

116 Selon la Commission, l’interprétation de la réglementation justifiant l’absence d’imposition d’une amende se rapproche d’une autorisation octroyée à certaines catégories de personnes par l’autorité compétente d’adopter un comportement qui est interdit pour d’autres catégories de personnes. En tout état de cause, l’absence d’imposition d’une amende dans un contexte de difficultés d’interprétation de la réglementation pertinente n’irait pas au-delà de la marge d’appréciation dont disposeraient les autorités chargées de l’application du droit.

117 La Commission indique par ailleurs que l’application de la consigne aux commerces frontaliers créerait une entrave aux échanges constitutive d’une taxe sur les exportations.

118 La Commission ajoute également que rien ne prouve que l’un des objectifs du système de consigne soit d’inciter le consommateur à acheter des boissons dont le conditionnement est moins dommageable pour l’environnement. Elle indique aussi qu’un système de consigne national ne peut pas viser à réduire les dommages causés à l’environnement dans d’autres États membres, qu’il ne peut pas non plus viser à réduire les ventes de boissons conditionnées dans des emballages à usage unique, mais qu’il doit seulement viser à inciter les consommateurs à retourner les emballages des boissons ainsi conditionnées.

119 Elle indique, par ailleurs, que les magasins frontaliers auraient demandé à rejoindre le système danois de consigne, mais qu’ils n’auraient pas été autorisés à le faire à la suite de l’opposition de la requérante.

120 Selon la Commission, l’acceptation par les autorités régionales allemandes compétentes de l’usage de la déclaration d’exportation est cohérente dès lors que, du fait de cet usage, la consigne n’est pas facturée dans les seuls cas où les clients s’engagent à ne pas consommer en Allemagne les boissons qu’ils achètent dans les commerces frontaliers.

121 La Commission soutient que la controverse dont se plaint la requérante découle en réalité d’un défaut de prise en considération des ventes transfrontalières par le système danois de gestion des emballages. Selon elle, le fait que les clients qui achètent des canettes dans les commerces frontaliers ne sont soumis à aucune obligation de prendre part au système danois est une question qui relève du système de recyclage danois et non un problème lié à l’exonération par l’Allemagne du droit de consigne.

122 Elle indique également que cette question ne peut être résolue que bilatéralement par les pays concernés ou au niveau de l’Union au moyen d’une harmonisation plus approfondie. Ainsi, la seule solution envisageable serait politique.

123 La Commission soutient aussi que la situation des consommateurs finaux qui effectuent des achats privés dans les commerces frontaliers, d’une part, et celle des exportateurs professionnels, d’autre part, est parfaitement comparable, dès lors que, dans les deux cas, les déchets sont générés au Danemark.

124 La Commission ajoute que la condition relative aux ressources d’État ne serait pas remplie, dès lors que la requérante n’aurait pas établi le montant des amendes qui auraient été dues et qui n’ont pas été payées.

125 DN soutient l’argumentation de la requérante. Elle rappelle, notamment, que la Commission a appliqué un critère erroné pour apprécier si l’absence d’imposition d’une amende était constitutive d’une aide d’État. Elle ajoute qu’aucune autorité raisonnable n’aurait agi comme l’ont fait les autorités régionales allemandes compétentes. Elle indique aussi qu’il n’existe aucune obligation d’établir le montant des amendes éludées pour qu’une mesure d’exonération d’une amende puisse être qualifiée d’aide d’État.

126 IGG soutient qu’il faut tenir compte du fait que les autorités régionales allemandes compétentes ne sont pas tenues d’imposer une amende et peuvent se contenter d’enjoindre à une entreprise de modifier son comportement, ainsi qu’il résulterait de l’article 62 de la loi portant refonte du droit des déchets. Elle ajoute que les autorités régionales allemandes compétentes suivraient cette approche lorsque se présentent des difficultés d’interprétation des textes, comme en l’espèce s’agissant de la portée de l’obligation d’appliquer la consigne.

127 À titre liminaire, il convient de rappeler que les commerces frontaliers s’abstiennent, sous certaines conditions, de percevoir la consigne. Ce comportement est rendu possible par une simple pratique des autorités régionales allemandes compétentes consistant à considérer que la consigne n’est pas due lorsque les boissons sont achetées dans le cadre de la déclaration d’exportation et, par conséquent, à ne pas imposer d’amendes à ces commerces dans cette hypothèse. En effet, il ne ressort pas des pièces du dossier que les autorités régionales allemandes compétentes ont adopté la moindre circulaire ou ligne directrice ayant pour objet d’autoriser le comportement en cause des commerces frontaliers. Interrogées sur ce point lors l’audience, la Commission et IGG n’ont pas été mesure de faire état de l’existence de tels actes juridiques.

128 Il y a lieu, dans un premier temps, d’examiner le grief invoqué par la requérante tiré de ce que la Commission aurait, à tort, pour apprécier si l’absence d’imposition d’une amende était constitutive d’un avantage financé au moyen de ressources d’État, appliqué un critère juridique inédit, tiré de l’existence de difficultés d’interprétation de la réglementation en cause.

1) Sur l’erreur de droit alléguée par la requérante

129 Il y a lieu, avant de se prononcer, d’une part, sur la validité du critère retenu par la Commission pour déterminer si la condition relative aux ressources d’État est remplie et, d’autre part, sur le caractère erroné ou non de l’application qu’elle a faite de ce critère en l’espèce, de rappeler la jurisprudence en la matière.

i) Sur la jurisprudence de la Cour concernant l’application de la condition relative aux ressources d’État en cas d’absence d’imposition d’une amende

130 La Cour a, à ce jour, distingué deux hypothèses. Dans la première, celle des « exonérations » d’amende, certaines entreprises se voient dispenser du paiement d’une amende qu’elles devraient normalement ou inévitablement supporter en vertu de la réglementation. Dans ce cas, la condition relative aux ressources d’État est regardée comme remplie (voir, en ce sens, arrêts du 1er décembre 1998, Ecotrade, C 200/97, EU:C:1998:579, point 45, et du 8 septembre 2011, Commission/Pays-Bas, C 279/08 P, EU:C:2011:551, point 106). Dans la seconde, celle des « autorisations », certaines entreprises se voient formellement accorder par les autorités compétentes, sur la base de critères transparents et préalablement définis, l’autorisation d’adopter un comportement. Ce comportement étant ainsi autorisé par la réglementation, l’absence d’imposition d’une amende à ces entreprises ne saurait, si l’autorisation n’entraîne aucune différence de traitement injustifiée par rapport à d’autres entreprises, être considérée comme un avantage financé au moyen de ressources d’État (voir, en ce sens, arrêt du 14 janvier 2015, Eventech, C 518/13, EU:C:2015:9, points 36, 37 et 49).

ii) Sur l’application d’un critère nouveau, tiré de l’existence de difficultés d’interprétation de la norme applicable auxquelles les autorités nationales sont confrontées dans le cadre de l’exercice normal de leurs prérogatives de puissance publique

131 En l’espèce, il convient de relever, à titre liminaire, que l’absence d’imposition d’une amende, à la différence de l’absence de perception de la TVA afférente à la consigne, n’est pas une conséquence indirecte ou « secondaire » de l’absence de perception de la consigne, qui serait inhérente à cette mesure au sens de l’arrêt du 17 mars 1993, Sloman Neptun (C 72/91 et C 73/91, EU:C:1993:97). Les autorités régionales allemandes compétentes considèrent, en effet, qu’il n’existe, dans le cas d’un achat de boissons dans le cadre de la déclaration d’exportation, aucune infraction à la réglementation qui serait passible d’amende. L’absence de perception de la consigne dans une telle situation étant conforme à cette réglementation, telle que ces autorités l’interprètent, il serait nécessairement exclu d’infliger une amende aux commerces frontaliers.

132 Un tel contexte, dans lequel l’absence d’imposition d’une amende est indissociable de l’absence de perception de la consigne et, donc, de l’interprétation de la réglementation pertinente, ne correspond à aucune des deux hypothèses jusqu’alors examinées par la jurisprudence en matière d’amendes.

133 En effet, d’une part, la Commission ne pouvait pas se fonder sur l’existence d’une autorisation que les autorités compétentes auraient accordée aux entreprises concernées d’adopter un comportement déterminé, en l’occurrence une dispense de l’obligation de percevoir la consigne. En effet, la dispense de consigne résulte, non d’une autorisation préalable et transparente, édictée par un texte, mais d’une simple pratique des autorités régionales allemandes compétentes, qui s’est établie depuis 2005, voire depuis 2003, de ne pas imposer d’amende aux commerces frontaliers lorsqu’ils ne prélèvent pas la consigne.

134 D’autre part, l’absence d’imposition d’une amende ne résulte pas d’une exonération explicite de l’obligation de percevoir la consigne figurant dans la VerpackV, qu’aurait adoptée l’auteur de cette réglementation. En effet, il ne ressort pas des pièces du dossier que les autorités régionales allemandes compétentes disposeraient du pouvoir de modifier la VerpackV – laquelle a été adoptée par les autorités fédérales – aux fins, notamment, d’y introduire des dérogations à l’obligation d’appliquer la consigne. Au contraire, il ressort des pièces du dossier que les autorités régionales disposent seulement, s’agissant de l’obligation d’appliquer la consigne, d’une compétence répressive. En outre, les autorités régionales allemandes compétentes n’ont adopté aucune norme ou instruction écrite reconnaissant l’existence d’une dérogation à l’obligation de percevoir la consigne. L’absence de perception de la consigne et, corrélativement, l’absence d’imposition d’une amende ne découlent donc pas d’une exonération de la réglementation, contrairement à la mesure sur laquelle s’est prononcée la Cour dans l’arrêt du 8 septembre 2011, Commission/Pays-Bas (C 279/08 P, EU:C:2011:551), mais d’une simple interprétation de la réglementation en vigueur, admise en pratique par les autorités régionales allemandes compétentes.

135 Dans ces conditions, c’est à juste titre que la Commission s’est fondée sur un critère juridique nouveau, tiré du lien entre l’interprétation de la réglementation pertinente et l’exercice du pouvoir répressif par les autorités qui en disposent, pour examiner si l’absence d’imposition d’une amende pouvait être regardée comme un avantage financé au moyen de ressources d’État. C’est également à bon droit que la Commission a estimé que les difficultés d’interprétation d’une réglementation étaient, en principe, susceptibles d’exclure que l’absence d’imposition d’une amende soit regardée comme une exonération d’amende constitutive d’une aide d’État. En effet, la situation dans laquelle il existe des difficultés d’interprétation de la norme dont la méconnaissance peut être sanctionnée par l’imposition d’une amende se distingue nettement, du point de vue de l’avantage en cause, de celle dans laquelle l’autorité compétente décide d’exonérer une entreprise du paiement d’une amende qu’elle devrait supporter en vertu de la réglementation. Dans la première hypothèse, contrairement à ce qu’il en est dans la seconde, il n’existe pas de charge préexistante. En effet, compte tenu de la portée incertaine de la norme, l’existence d’un comportement infractionnel n’apparaît pas avec évidence et la sanction d’un tel comportement par une amende n’apparaît donc pas, dans une telle situation d’incertitude, nécessaire ou inévitable.

136 En outre, la Cour a rappelé le caractère inhérent à tout système juridique de mesures consistant à ne pas soumettre certains comportements à des sanctions (voir, en ce sens, arrêt du 14 janvier 2015, Eventech, C 518/13, EU:C:2015:9, point 36) et l’avocat général Wahl, au point 39 de ses conclusions dans l’affaire Eventech (C 518/13, EU:C:2014:2239), a relevé que les amendes sont des instruments qui appartiennent à la sphère de l’ordre public. Il convient donc de préserver la marge d’appréciation des États membres en la matière, y compris dans l’hypothèse où il existe des difficultés d’interprétation de la norme applicable.

137 Il doit donc être conclu que la Commission n’a pas entaché son raisonnement d’une erreur de droit lorsqu’elle a estimé que, pour conclure à une absence de ressources d’État à propos d’une mesure consistant, pour une autorité publique, à ne pas imposer une amende, il convenait, dans une situation telle que celle du présent litige, d’appliquer un critère nouveau, tiré de l’existence de difficultés d’interprétation de la norme applicable auxquelles les autorités nationales sont confrontées dans l’exercice de leurs prérogatives de puissance publique.

138 Par conséquent, le grief de la requérante doit être écarté sur ce point.

139 Toutefois, la requérante soutient également que le critère retenu par la Commission pourrait conduire à des abus. Tel serait le cas en l’espèce, les éventuelles difficultés d’interprétation en cause présentant un caractère durable.

iii) Sur l’absence de délimitation temporelle du critère tiré de l’existence de difficultés d’interprétation de la norme applicable auxquelles les autorités nationales sont confrontées dans l’exercice de leurs prérogatives de puissance publique

140 Il convient de rappeler que le principe de légalité des délits et des peines fait partie des principes généraux du droit de l’Union se trouvant à la base des traditions constitutionnelles communes aux États membres et a également été consacré par différents traités internationaux, notamment à l’article 7 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (voir, en ce sens, arrêt du 22 mai 2008, Evonik Degussa/Commission, C 266/06 P, non publié, EU:C:2008:295, point 38 et jurisprudence citée). L’article 49, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne réaffirme ce principe en disposant que « nul ne peut être condamné pour une action ou une omission qui, au moment où elle a été commise, ne constituait pas une infraction d’après le droit national ou le droit international ».

141 Or, le principe de légalité des délits et des peines exige que la loi définisse clairement les infractions et les peines qui les répriment (arrêt du 22 octobre 2015, AC-Treuhand/Commission, C 194/14 P, EU:C:2015:717, point 40).

142 Il est souhaitable en effet que le libellé d’une réglementation, en particulier lorsqu’elle comporte des dispositions de nature répressive, ne comporte aucune ambiguïté, afin de permettre aux personnes auxquelles cette réglementation s’applique d’orienter leurs comportements en toute connaissance de cause et de n’être en conséquence sanctionnées que si elles ont, délibérément ou par négligence, méconnu une obligation qui s’impose à elles.

143 Il apparaîtrait, dès lors, paradoxal que les difficultés d’interprétation d’une telle réglementation permettent aux États membres, qui en sont les auteurs, de se soustraire, sans aucune limitation temporelle, à leurs obligations en matière d’aides d’État. Ces difficultés ne devraient pouvoir justifier une absence d’imposition d’une amende que durant une période limitée et d’une durée raisonnable, pendant laquelle doit s’opérer la clarification de la réglementation applicable.

144 L’ambiguïté ou l’imprécision d’une réglementation nationale apparaît d’autant moins susceptible de justifier l’exclusion d’une mesure du champ d’application de l’article 107, paragraphe 1, TFUE que cette réglementation a pour objet, comme en l’espèce (voir point 1 ci-dessus), de transposer une directive.

145 À cet égard, selon une jurisprudence constante, s’agissant de la transposition d’une directive dans l’ordre juridique d’un État membre, il est indispensable que le droit national en cause garantisse effectivement la pleine application de la directive, que la situation juridique découlant de ce droit soit suffisamment précise et claire afin de satisfaire pleinement à l’exigence de sécurité juridique et que les bénéficiaires soient mis en mesure de connaître la plénitude de leurs droits et, le cas échéant, de s’en prévaloir devant les juridictions nationales (voir arrêt du 27 octobre 2011, Commission/Pologne, C 311/10, non publié, EU:C:2011:702, point 24 et jurisprudence citée).

146 Il résulte des considérations exposées aux points 140 à 145 ci-dessus que le critère tiré de l’existence de difficultés d’interprétation de la réglementation applicable ne peut s’appliquer que sous réserve que ces difficultés soient temporaires et qu’elles s’inscrivent dans un processus de clarification graduelle des normes.

147 Il convient de rappeler à cet égard que le principe de légalité des délits et des peines est respecté lorsque le justiciable peut savoir, à partir du libellé de la disposition pertinente et au besoin à l’aide de l’interprétation qui en est donnée par les tribunaux, quels actes et omissions engagent sa responsabilité pénale (arrêt du 22 octobre 2015, AC-Treuhand/Commission, C 194/14 P, EU:C:2015:717, points 39 et 40). Un tel principe ne saurait dès lors être interprété comme proscrivant la clarification graduelle des règles de la responsabilité pénale par l’interprétation judiciaire d’une affaire à l’autre, à condition que le résultat soit raisonnablement prévisible au moment où l’infraction a été commise, au vu notamment de l’interprétation retenue à cette époque dans la jurisprudence relative à la disposition légale en cause (voir, en ce sens, arrêt du 22 octobre 2015, AC-Treuhand/Commission, C 194/14 P, EU:C:2015:717, point 41).

148 En l’espèce, la Commission a estimé, au paragraphe 69 de la décision attaquée, que la seule circonstance que les autorités nationales étaient confrontées, dans le cadre de l’exercice normal de leurs prérogatives de puissance publique, à des doutes sérieux et raisonnables quant à la portée et à l’interprétation de la norme applicable suffisait pour conclure à une absence de ressources d’État. Par un tel motif, la Commission n’a pas fait référence au caractère à la fois temporaire et inhérent à la clarification graduelle des normes des difficultés d’interprétation susmentionnées, alors que ces deux conditions doivent être remplies pour qu’il soit possible d’aboutir à un constat d’absence de ressources d’État.

149 Or, s’agissant du caractère temporaire des éventuelles difficultés d’interprétation de la réglementation applicable sur lesquelles s’est fondée la Commission dans la décision attaquée, il convient de relever que, alors que la décision attaquée a été adoptée le 4 octobre 2018 et que cette incertitude perdurait, selon la Commission, pour le moins, depuis 2005, voire 2003, celle-ci ne fait état d’aucune circonstance particulière permettant de justifier la persistance d’une telle incertitude sur une aussi longue période.

150 S’agissant du caractère inhérent à la clarification graduelle des normes des difficultés d’interprétation de la réglementation applicable sur lesquelles s’est fondée la Commission dans la décision attaquée, aucun élément du dossier ne permet de conclure que de telles difficultés étaient en voie d’être aplanies.

151 Au contraire, la Commission a indiqué ce qui suit, au paragraphe 62 de la décision attaquée :

« Les autorités allemandes ont expliqué que de tels désaccords concernant l’interprétation du droit fédéral sont résolus par la voie d’un dialogue intensif mené entre le gouvernement fédéral et les Länder concernés ; en cas de doute, il revient en fin de compte au Bundesrat (Conseil fédéral, Allemagne) de trancher la question. Cette procédure n’a cependant pas été engagée en l’espèce. »

152 Il s’agit d’un indice permettant de constater l’absence de mise en œuvre d’un processus de clarification graduelle des normes spécifiquement prévu à cet effet par le droit allemand.

153 Certes, il est par ailleurs fait référence, dans la décision attaquée, à un jugement de première instance, confirmé par la suite en appel, qui conforterait la position des autorités régionales allemandes compétentes.

154 Toutefois, la Commission a relevé l’absence de caractère définitif, eu égard à la nature provisoire de la procédure en cause, d’un tel jugement qui, au surplus, n’apparaissait pas fondé, selon les termes mêmes de la décision attaquée, sur un examen approfondi de la légalité de la pratique des commerces frontaliers. Si, lors de l’audience, IGG a souligné que l’Oberverwaltungsgericht Schleswig-Holstein (tribunal administratif supérieur du Land de Schleswig-Holstein, Allemagne) avait, dans son jugement du 23 juillet 2003, confirmé la décision de la juridiction inférieure en se prononçant clairement en faveur de l’interprétation retenue par les autorités régionales allemandes compétentes, cette constatation ne figure pas dans la décision attaquée.

155 En outre, il est constant que les autorités régionales allemandes compétentes ont décidé, à la suite des jugements rendus en 2003, de ne pas adopter de nouvelles mesures de contrainte administrative à l’encontre des commerces frontaliers n’appliquant pas la consigne alors qu’il existait, au niveau fédéral, une interprétation de la réglementation applicable incompatible avec la leur (paragraphe 61 de la décision attaquée) et que de telles mesures auraient pu donner lieu à une interprétation définitive de la réglementation applicable par les juridictions nationales. De plus, dans le cadre des procédures introduites devant elles, les juridictions nationales concernées auraient pu saisir la Cour de demandes préjudicielles portant sur la conformité de l’absence d’imposition d’une amende au droit de l’Union, que ce soit en matière environnementale ou en matière de liberté de circulation, domaines tous deux abordés par la Commission dans la décision attaquée.

156 L’absence de nouvelles procédures juridictionnelles depuis 2003, alors que l’interprétation de la réglementation fédérale retenue par les autorités régionales allemandes compétentes ne correspondait pas à celle du gouvernement qui en était l’auteur, est un indice supplémentaire du fait que les difficultés d’interprétation de la réglementation applicable ne s’inscrivaient pas dans un processus de clarification graduelle des normes.

157 Compte tenu des considérations exposées aux points 140 à 156 ci-dessus, il y a lieu de constater que la Commission a commis une erreur de droit en concluant que la condition relative aux ressources d’État n’était pas remplie sans examiner si les difficultés d’interprétation sur lesquelles elle se fondait étaient temporaires et inhérentes à la clarification graduelle des normes. Le contenu insuffisant et incomplet de l’examen effectué sur cette question par la Commission lors de la phase préliminaire est, conformément à la jurisprudence exposée au point 48 ci-dessus, un indice permettant de considérer que la Commission n’était pas en mesure de surmonter, au stade de cette phase préliminaire, toutes les difficultés sérieuses rencontrées pour déterminer si l’absence de perception de la consigne et l’absence d’imposition d’une amende constituaient une aide d’État.

158 Il convient encore d’examiner si, comme le soutient également la requérante, c’est à tort que la Commission a estimé qu’il existait en l’espèce des difficultés d’interprétation de la norme applicable susceptibles de justifier un constat d’absence de ressources d’État.

iv) Sur l’absence de difficultés d’interprétation de la norme applicable susceptibles de justifier un constat d’absence de ressources d’État

159 Ainsi qu’il a été dit au point 137 ci-dessus, il peut être admis que la condition relative aux ressources d’État n’est pas remplie, s’agissant d’une absence d’imposition d’une amende, lorsqu’il existe des difficultés d’interprétation de la réglementation applicable.

160 Toutefois, il convient encore que l’auteur de la mesure en cause fonde lui-même sa décision de ne pas imposer d’amende sur l’existence de telles difficultés.

161 Or, en l’espèce, les autorités régionales allemandes compétentes, pour justifier leur décision de ne pas imposer d’amende aux commerces frontaliers, ne se fondent pas sur l’existence d’une incertitude quant à l’interprétation de la VerpackV, mais sur l’interprétation constante qu’elles font de celle-ci depuis 2005, voire 2003, selon laquelle l’obligation de percevoir la consigne ne s’appliquerait pas aux commerces frontaliers lorsqu’ils vendent des canettes à des clients résidant dans des pays frontaliers, notamment le Danemark, et acceptant de signer une déclaration d’exportation.

162 La Commission elle-même admet, ainsi qu’il ressort du paragraphe 50 de la décision attaquée, que les autorités régionales allemandes compétentes estiment expressément que c’est de plein droit que les commerces frontaliers ne sont pas tenus de percevoir la consigne. De plus, elle précise que cette interprétation de la VerpackV est uniformément appliquée à tous les commerces établis sur les territoires allemands concernés (paragraphe 55 de la décision attaquée).

163 C’est donc à tort que la Commission a estimé qu’elle pouvait faire application en l’espèce du critère tiré de l’existence de difficultés d’interprétation de la norme applicable, alors que les autorités régionales allemandes compétentes ne se sont pas fondées sur l’existence de telles difficultés pour justifier leur pratique de ne pas imposer d’amende aux commerces frontaliers lorsque ceux-ci ne prélèvent pas la consigne.

164 La décision attaquée a donc fait une application erronée du critère des difficultés d’interprétation de la réglementation applicable. Cette erreur, comme celle constatée au point 157 ci-dessus, est un indice supplémentaire que la Commission n’était pas en mesure de surmonter, sans ouvrir la procédure formelle d’examen, les difficultés sérieuses que soulevait l’examen des deux mesures, indissociablement liées, que sont l’absence de perception de la consigne et l’absence d’imposition d’une amende.

165 Il convient à présent d’examiner les autres arguments de la requérante relatifs à l’existence de difficultés sérieuses que présentait, selon elle, l’examen de ces mesures.

2) Sur les autres arguments de la requérante relatifs à l’existence de difficultés sérieuses

166 En l’espèce, les autorités régionales allemandes compétentes permettent aux commerces frontaliers, en ne leur imposant pas d’amende, de ne pas percevoir la consigne sur certaines de leurs ventes de boissons. Elles estiment que cette pratique est conforme à la VerpackV si certains critères sont remplis. Les critères retenus par les autorités régionales allemandes compétentes aux fins de délimiter le champ d’application de l’exonération de la consigne sont, outre le fait qu’elle s’applique aux commerces frontaliers, la restriction de son bénéfice aux consommateurs résidant dans des pays frontaliers, notamment le Danemark, qui acceptent de signer une déclaration d’exportation.

167 La requérante conteste l’interprétation de la VerpackV retenue par les autorités compétentes et soutient que la Commission aurait dû conclure à cet égard à l’existence de difficultés sérieuses.

168 Il convient d’examiner ce grief, puis de répondre aux autres arguments invoqués en défense par la Commission et IGG pour contester l’existence de difficultés sérieuses.

i) Sur la contestation de l’interprétation de la VerpackV retenue par les autorités régionales allemandes compétentes

169 En premier lieu, la requérante soutient qu’il n’existe aucune base juridique, dans la réglementation applicable, justifiant l’absence de perception de la consigne par les commerces frontaliers.

170 À cet égard, il convient de rappeler que la Commission elle-même a indiqué, au paragraphe 51 de la décision attaquée, que l’article 9, paragraphe 1, de la VerpackV, compte tenu de son champ d’application, devait être compris comme imposant aux commerces frontaliers de percevoir la consigne.

171 De plus, la Commission a admis, dans ses écritures devant le Tribunal, que les autorités régionales allemandes compétentes « ne prétend[ai]ent pas qu’il exist[ait], dans [la VerpackV], une base juridique spécifique permettant d’exonérer les magasins frontaliers de l’obligation de facturer la consigne ».

172 En outre, s’agissant du droit de l’Union, la Commission a indiqué, dans la décision attaquée (paragraphe 67), que la directive 94/62 ne prévoyait pas d’exception justifiant l’absence d’application de la consigne aux commerces frontaliers.

173 Par conséquent, l’assertion de la requérante selon laquelle il n’existe aucune base juridique spécifique, dans la réglementation applicable, justifiant l’absence de perception de la consigne par les commerces frontaliers apparaît établie.

174 Or, une telle absence de base juridique, alors qu’il existe par ailleurs une obligation textuelle de percevoir la consigne, qui est explicite, dépourvue d’ambiguïté et dont la portée semble très large (voir points 2 et 3 ci-dessus), conduit à douter de l’interprétation de la VerpackV retenue par les autorités régionales allemandes compétentes et constitue un indice de l’existence de difficultés sérieuses.

175 En deuxième lieu, alors que les autorités régionales allemandes compétentes ont retenu une interprétation de la VerpackV selon laquelle l’obligation de percevoir la consigne ne s’applique pas aux commerces frontaliers lorsqu’ils vendent des boissons à des clients résidant dans des pays frontaliers, notamment le Danemark, et acceptant de signer une déclaration d’exportation, il ressort du paragraphe 59 de la décision attaquée que, selon un rapport réalisé à la demande des autorités fédérales allemandes, la consigne doit être appliquée y compris dans cette hypothèse.

176 En outre, il ressort du paragraphe 61 de la décision attaquée que « l’interprétation des [autorités régionales allemandes compétentes] n’est pas compatible avec celle [des autorités fédérales] ».

177 Cette divergence d’interprétation de la VerpackV entre les autorités fédérales allemandes et les autorités régionales allemandes compétentes, notamment sur la question de savoir si l’absence de perception de la consigne par les commerces frontaliers est compatible avec cette réglementation et avec la directive 94/62, conduit à douter que l’interprétation retenue par ces dernières puisse être un « compromis raisonnable », ainsi que l’a qualifiée la Commission au paragraphe 68 de la décision attaquée. Une telle divergence constitue un indice de l’existence de difficultés sérieuses.

178 En troisième lieu, la Commission a indiqué, au paragraphe 55 de la décision attaquée, que l’absence d’imposition d’une amende était « uniformément appliquée à tous les commerces établis sur le territoire allemand en question (notamment dans les deux Länder concernés) servant exclusivement des clients étrangers qui s’engag[eai]ent par écrit à exporter les boissons et à les consommer, ainsi qu’à éliminer les emballages vides hors d’Allemagne (ce qui est exigé au titre de la “déclaration d’exportation”) ».

179 L’assertion selon laquelle une dérogation au système de consigne serait appliquée de manière cohérente et uniforme à l’ensemble du territoire allemand est formulée de manière ambiguë. Ainsi, la Commission n’affirme pas explicitement qu’une absence de perception de la consigne est tolérée dans d’autres zones frontalières que celles se trouvant dans les Länder de Schleswig-Holstein et de Mecklembourg-Poméranie-Occidentale. En outre, elle ne donne aucun détail concernant d’autres régions allemandes dans lesquelles une telle tolérance serait également appliquée. Lors de l’audience, en réponse à une question du Tribunal, la Commission et IGG n’ont pas indiqué que d’autres Länder auraient adopté la même dérogation au système de consigne.

180 De plus, alors que l’assertion figurant au point 178 ci-dessus est contestée par la requérante, la Commission s’est bornée, dans ses écritures, à ajouter, sans plus de précisions, que les consommateurs des États membres autres que le Royaume de Danemark et le Royaume de Suède n’« [étaie]nt apparemment pas intéressés » par la possibilité d’utiliser des déclarations d’exportation.

181 Par conséquent, l’existence d’une dérogation à la perception de la consigne appliquée de manière récurrente dans l’ensemble des zones frontalières de l’Allemagne n’est pas établie, ce qui fragilise la thèse selon laquelle l’absence de perception de la consigne et l’absence d’imposition d’une amende seraient fondées sur des justifications objectives inhérentes au système de consigne, tenant à la spécificité des ventes pratiquées dans ces zones.

182 Cette conclusion permet de douter de l’interprétation de la VerpackV retenue par les autorités régionales allemandes compétentes et constitue un indice de l’existence de difficultés sérieuses.

183 En quatrième lieu, la requérante fait état d’une proposition de modification de la VerpackV, datant de 2004, introduite par les Länder de Schleswig-Holstein et de Mecklembourg-Poméranie-Occidentale.

184 Il n’est pas contesté que, dans cette proposition, figurait l’extrait suivant :

« À la demande du distributeur final, l’autorité compétente a octroyé une exonération des droits visés au paragraphe 1 pour les boissons contenues dans des emballages non réutilisables qui sont vendues à des consommateurs finaux dans les ports maritimes ou les zones situées près d’une frontière en vue d’être consommées en dehors du champ d’application du décret (commerce frontalier), lorsque le demandeur a pris des mesures appropriées et raisonnables pour s’assurer que les emballages ne créent pas de déchets dans le champ d’application du décret et que le remboursement de la consigne n’est pas possible dans le champ d’application du décret.

[…]

Justification

[…]

À la frontière avec le Danemark, ainsi que dans les ports de ferries et les zones qui les entourent dans le Schleswig-Holstein et en Mecklembourg-Poméranie-Occidentale, un commerce frontalier spécialisé dans les clients scandinaves s’est développé. Il est très important pour cette région économiquement sous-développée.

La proposition de modification vise à empêcher que cette base commerciale soit supprimée pour le commerce frontalier et les quelque 3 000 emplois qui en dépendent, directement ou indirectement, rien qu’au Schleswig-Holstein, et à empêcher que cette suppression ait un impact sur le tourisme, qui est très important pour ces régions. »

185 Il ressort de cet extrait que la proposition de modification en cause avait pour motif la protection de l’emploi et de l’activité économique liée au tourisme dans des zones où les autorités régionales allemandes compétentes, qui relevaient des Länder de Schleswig-Holstein et de Mecklembourg-Poméranie-Occidentale, ont commencé, au cours de la même période que celle de l’introduction de cette proposition, à mettre en œuvre la dérogation au système de consigne.

186 Il est donc probable que les motifs de cette proposition de modification soient également ceux ayant conduit à l’absence de perception de la consigne et à l’absence d’imposition d’une amende.

187 Il s’agit d’un indice de l’existence de difficultés sérieuses, car il permet de supposer que l’interprétation de la VerpackV retenue par les autorités régionales allemandes compétentes est sans rapport avec l’objectif de protection de l’environnement poursuivi par ce texte.

188 Cet indice est d’autant plus probant que le seul élément matériel sur lequel se fonde la Commission dans la décision attaquée pour déterminer la position des autorités régionales allemandes compétentes est le rapport, mentionné au point 23 ci-dessus, qui n’a pas été établi à leur initiative, mais à celle des commerces frontaliers.

189 En effet, si, aux paragraphes 50 et 53 de la décision attaquée, la Commission indique qu’elle expose l’interprétation de la VerpackV et, en particulier, de l’obligation de percevoir la consigne par les autorités régionales allemandes compétentes, elle ne mentionne aucun élément matériel permettant d’établir que la position qu’elle décrit émane de ces autorités et non d’IGG ou des commerces frontaliers que cette dernière représente.

190 Il peut être déduit de l’absence de tels éléments matériels que la Commission n’a pas procédé à un examen complet de la situation qui lui était soumise, ce qui constitue également un indice révélateur de l’existence de difficultés sérieuses (voir, en ce sens, arrêts du 22 septembre 2011, Belgique/Deutsche Post et DHL International, C 148/09 P, EU:C:2011:603, points 83 à 86 ; du 10 février 2009, Deutsche Post et DHL International/Commission, T 388/03, EU:T:2009:30, point 109, et du 20 juin 2019, a&o hostel and hotel Berlin/Commission, T 578/17, non publié, EU:T:2019:437, points 59, 67 et 99).

191 En cinquième lieu, les éléments concernant la portée, les modalités d’application et les objectifs des mesures en cause dont disposait la Commission lorsqu’elle a adopté la décision attaquée n’étaient pas suffisants pour lui permettre de conclure à une absence de difficultés sérieuses.

192 En effet, l’absence de perception de la consigne ne résulte pas d’une exception ou d’une exonération explicitement prévue par la réglementation applicable, et pas davantage de lignes directrices relatives à l’application de cette réglementation. Il apparaît donc qu’elle constitue une pratique administrative, voire même une simple tolérance dont la portée et le contenu sont peu précis. En particulier, lors de l’audience, il n’a pas été indiqué, en réponse à une question du Tribunal, que les modalités d’établissement, la forme et le contenu de la déclaration d’exportation auraient été fixés par un acte émanant des autorités régionales allemandes compétentes. Or, la Commission, dans la décision attaquée, n’a pas tenté de remédier aux imprécisions dont était entouré le cadre juridique des mesures litigieuses en établissant une description détaillée des dispositions régissant la dérogation au système de consigne. Au contraire, elle s’est bornée, pour l’essentiel, à rapporter quelques éléments que lui avaient transmis ses interlocuteurs lors de la phase préliminaire d’examen.

193 De plus, la Commission n’a mentionné, dans la décision attaquée, aucun élément matériel permettant d’établir que la position qu’elle y décrivait émanait des autorités régionales allemandes compétentes et non d’IGG ou des commerces frontaliers que cette dernière représente.

194 En outre, la Commission n’a pas indiqué précisément quels organes des Länder de Schleswig-Holstein et de Mecklembourg-Poméranie-Occidentale étaient compétents pour imposer aux commerces frontaliers l’application de la consigne et donc pour décider de les en dispenser. Elle n’a pas non plus décrit les modalités selon lesquelles les décisions en la matière étaient adoptées par ces Länder.

195 Les considérations exposées aux points 191 à 194 ci-dessus permettent de conclure à une absence d’examen suffisamment complet et approfondi de l’absence d’imposition d’une amende par la Commission, ce qui constitue un indice supplémentaire révélateur de l’existence de difficultés sérieuses.

196 En sixième lieu, pour justifier l’application aux commerces frontaliers d’une exonération de l’obligation de percevoir la consigne qui n’est pas expressément prévue par la réglementation applicable, la Commission a repris dans la décision attaquée (paragraphes 53 et 67) l’analogie utilisée par les autorités régionales allemandes compétentes entre, d’une part, la situation des produits achetés en Allemagne par un consommateur final pour être consommés à l’extérieur du territoire allemand et, d’autre part, celle des produits exportés en dehors de ce territoire.

197 Or, le bien-fondé d’une telle analogie, censée apporter une justification aux critères retenus aux fins de déterminer les comportements autorisés, n’apparaît pas avec évidence compte tenu de la différence qui existe entre les deux situations en cause.

198 En effet, la requérante indique, à cet égard, que les produits exportés seront soumis, le cas échéant, au système de consigne applicable dans l’État membre où ils sont exportés, contrairement aux produits auxquels s’appliquent les mesures litigieuses qui ne sont soumis à aucun système de consigne.

199 Or, il s’agit d’une différence qui apparaît à la fois substantielle et pertinente.

200 Certes, la Commission affirme, sans être contredite, que les magasins frontaliers auraient demandé à rejoindre le système danois de consigne, mais n’auraient pas été autorisés à le faire à la suite de l’opposition de la requérante.

201 Toutefois, la circonstance qu’un tel élément, qui pourrait s’avérer déterminant pour la compréhension du contexte dans lequel les mesures litigieuses ont été mises en œuvre, n’a pas même été mentionné dans la décision attaquée permet de conclure que la Commission n’a pas procédé à un examen complet de la situation qui lui était soumise.

202 De plus, les explications apportées par la Commission à cet égard dans ses écritures sont peu détaillées. Elle ne produit en outre aucun élément matériel, mais se borne à renvoyer à une page, dont elle ne cite aucun extrait, du rapport mentionné au point 23 ci-dessus.

203 Il résulte des considérations exposées aux points 169 à 202 ci-dessus qu’il existe un ensemble d’indices révélateurs de l’existence de difficultés sérieuses permettant de douter de l’interprétation de la VerpackV retenue par les autorités régionales allemandes compétentes. Ces indices permettent, à tout le moins, de conclure à l’absence de caractère complet de l’examen par la Commission de la situation qui lui était soumise, ce qui constitue, en tant que tel, un indice révélateur de l’existence de difficultés sérieuses.

ii) Sur les autres arguments invoqués par la Commission et IGG pour contester l’existence de difficultés sérieuses

204 Le constat d’existence de difficultés sérieuses ne saurait être remis en cause par les autres arguments de la Commission et d’IGG.

205 En premier lieu, la Commission se prévaut, dans ses écritures, d’une décision qu’elle a adoptée précédemment dans un contexte qu’elle estime comparable à celui de la présente espèce.

206 Il s’agit de la décision C(2015) 3064 final, du 8 mai 2015, concernant l’aide d’État SA.34528 (2015/NN) (ex-2012/CP) – Estonie – Exonération de la consigne et du droit d’accise sur les emballages pour les boissons livrées à bord des navires.

207 La Commission rappelle que, dans cette affaire, une exception à la législation nationale estonienne sur les emballages pour les ventes à emporter de boissons ayant lieu dans les eaux internationales, à bord de navires se rendant dans un autre État membre, n’a pas été considérée comme une aide.

208 Il convient d’emblée de rappeler que, selon la jurisprudence, la notion d’aide revêt un caractère juridique et s’interprète au regard d’éléments objectifs. La qualification d’une mesure d’aide d’État ne saurait donc dépendre d’une appréciation subjective de la Commission et doit être déterminée indépendamment de toute pratique administrative antérieure de cette institution, à la supposer établie (voir arrêt du 3 juillet 2014, Espagne e.a./Commission, T 319/12 et T 321/12, non publié, EU:T:2014:604, point 46 et jurisprudence citée).

209 Il y a lieu ensuite de relever que, dans la décision invoquée par la Commission, les entreprises concernées étaient soumises à des droits d’accise si elles ne respectaient pas le taux de valorisation des emballages prévu par la législation nationale estonienne (paragraphe 9).

210 La Commission a considéré, au paragraphe 45 de la décision qu’elle invoque, que la logique du système fiscal en cause justifiait l’exclusion des ventes concernées du paiement des droits d’accise. Elle a conclu, au paragraphe 46 de cette même décision, que la mesure examinée ne constituait pas une aide.

211 Cependant, le paragraphe 45 de la décision invoquée par la Commission ne concerne pas la condition relative aux ressources d’État, mais celle de sélectivité et, plus particulièrement, la troisième étape de la méthode permettant de distinguer les mesures nationales à caractère général des mesures sélectives, étape qui permet de conclure à une absence de sélectivité, alors même que l’existence d’une dérogation à un régime général a préalablement été constatée, lorsque cette dérogation résulte de la nature ou de l’économie du système dans lequel la mesure s’inscrit (voir, en ce sens, arrêt du 21 décembre 2016, Commission/World Duty Free Group e.a., C 20/15 P et C 21/15 P, EU:C:2016:981, points 55 à 58).

212 L’argument de la Commission est donc dépourvu de pertinence pour l’examen de la condition relative aux ressources d’État.

213 En outre, les droits d’accise, dès lors qu’ils ne s’appliquaient que si une entreprise adoptait un comportement que l’État concerné tentait de prévenir, peuvent s’apparenter, dans une certaine mesure, à une pénalité similaire à l’amende prévue en l’espèce lorsque les commerces frontaliers n’appliquent pas le système de consigne (voir point 4 ci-dessus).

214 Or, la Commission a considéré que l’absence d’application des droits d’accise pour l’achat de boissons qui étaient vendues dans des bateaux à destination du territoire d’un autre État membre que l’Estonie et qui n’étaient pas destinées à être consommées immédiatement, était constitutive d’une ressource d’État (paragraphe 42).

215 Par conséquent, non seulement la Commission n’est pas fondée à se prévaloir de la décision mentionnée au point 206 ci-dessus, mais celle-ci pourrait être analysée comme un précédent allant à l’encontre de la thèse retenue dans la décision attaquée.

216 En deuxième lieu, la suggestion de la Commission selon laquelle la solution la plus adaptée pour résoudre les difficultés liées à la coordination de systèmes de consignes nationaux distincts consisterait, en l’absence d’harmonisation exhaustive, en une intégration partielle des commerces situés dans une zone frontalière d’un État membre dans le système de consigne de l’État membre voisin, n’est pas susceptible de permettre de conclure d’emblée, sans ouverture de la procédure formelle d’examen, que l’absence de perception de la consigne et l’absence d’imposition d’une amende ne constitueraient pas un avantage financé au moyen de ressources d’État.

217 En effet, la question de savoir si une mesure nationale tombe ou non dans le champ d’application de l’article 107, paragraphe 1, TFUE ne dépend pas de considérations relatives à son opportunité (voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général Léger dans les affaires jointes Belgique et Forum 187/Commission, C 182/03 et C 217/03, EU:C:2006:89, point 401), dès lors que la notion d’aide d’État, telle qu’elle est définie dans le traité FUE, présente un caractère juridique et doit être interprétée sur la base d’éléments objectifs (arrêt du 16 mai 2000, France/Ladbroke Racing et Commission, C 83/98 P, EU:C:2000:248, point 25).

218 En l’espèce, la circonstance, à la supposer établie, qu’il existe une solution plus adaptée que l’application aux commerces frontaliers du système de consigne ne saurait retirer d’emblée le caractère d’aide à l’absence d’imposition d’une amende s’il était avéré que celle-ci remplit par ailleurs l’ensemble des conditions prévues par l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

219 En troisième lieu, il convient d’écarter, en tout état de cause, l’argument de la Commission selon lequel la condition relative aux ressources d’État ne serait pas remplie, dès lors que la requérante n’aurait pas établi le montant des amendes qui auraient été dues si elles avaient été imposées aux commerces frontaliers.

220 En effet, selon une jurisprudence constante, la Commission n’est pas tenue, lorsqu’elle ordonne la restitution d’une aide déclarée incompatible avec le marché intérieur, de fixer le montant exact de l’aide à restituer. Il suffit que la décision de la Commission comporte des indications permettant à son destinataire de déterminer lui-même, sans difficultés excessives, ce montant (voir arrêt du 13 février 2014, Mediaset, C 69/13, EU:C:2014:71, point 21 et jurisprudence citée).

221 A fortiori, il n’appartient pas à la requérante, au stade préliminaire de la procédure auquel la décision attaquée a été adoptée, de déterminer le montant exact des aides qu’il conviendrait, le cas échéant, de restituer, l’examen des mesures en cause opéré à ce stade présentant un caractère sommaire (voir, en ce sens, arrêts du 19 mai 1993, Cook/Commission, C 198/91, EU:C:1993:197, point 22 ; du 3 mai 2001, Portugal/Commission, C 204/97, EU:C:2001:233, point 34, et du 13 juin 2013, Ryanair/Commission, C 287/12 P, non publié, EU:C:2013:395, point 71).

222 En quatrième lieu, IGG soutient qu’il convient de tenir compte du fait que les autorités régionales allemandes compétentes ne seraient pas tenues d’imposer une amende et pourraient se contenter d’enjoindre à une entreprise de modifier son comportement, ainsi qu’il résulterait de l’article 62 de la loi portant refonte du droit des déchets. Elle ajoute que les autorités régionales allemandes compétentes suivent cette approche lorsque se présentent, comme en l’espèce, selon elle, des difficultés d’interprétation de la réglementation applicable quant à l’obligation d’appliquer la consigne.

223 À cet égard, il convient, premièrement, de relever que cette argumentation n’est pas mentionnée dans la décision attaquée.

224 Or, c’est sur la base de l’examen de la Commission, tel qu’il résulte de la décision attaquée, et non d’arguments présentés devant le Tribunal, que l’existence de difficultés sérieuses doit être appréciée. En effet, l’existence d’un doute doit être recherchée dans le contenu de la décision, en mettant en rapport les appréciations sur lesquelles la Commission s’est fondée dans la décision attaquée avec les éléments dont elle disposait lorsqu’elle s’est prononcée (arrêt du 24 janvier 2013, 3F/Commission, C 646/11 P, non publié, EU:C:2013:36, point 31).

225 Deuxièmement, en tout état de cause, l’article 62 de la loi portant refonte du droit des déchets prévoit que les autorités compétentes peuvent adopter des mesures individuelles de contrainte aux fins de faire appliquer les dispositions de cette loi et des décrets adoptés pour son application, parmi lesquels figure la VerpackV. Il a ainsi un champ d’application très largement défini.

226 Au contraire, l’article 69, paragraphe 3, de la loi portant refonte du droit des déchets prévoit l’imposition d’une amende pour certaines infractions spécifiques, telles que l’absence d’application du système de consigne (voir point 4 ci-dessus).

227 Il n’apparaît donc pas, de manière évidente, que l’article 62 de la loi portant refonte du droit des déchets, en tant que « loi générale », ait vocation à se substituer à la « loi spéciale » que constitue l’article 69, paragraphe 3 (voir, en ce sens, arrêt du 19 juin 2003, Mayer Parry Recycling, C 444/00, EU:C:2003:356, point 57).

228 Troisièmement, il peut être supposé que, si une entreprise n’obtempérait pas après avoir été, le cas échéant, soumise à une injonction adoptée sur le fondement de l’article 62 de la loi portant refonte du droit des déchets, l’autorité compétente lui imposerait une amende afin de la contraindre à appliquer le système de consigne.

229 Ainsi, l’imposition d’une amende apparaît, à tout le moins, comme étant une issue probable dans l’hypothèse où une entreprise refuserait, de manière persistante, d’appliquer le système de consigne.

230 L’argument invoqué par IGG doit donc être écarté.

231 En cinquième lieu, IGG se prévaut de l’arrêt du 14 décembre 2004, Radlberger Getränkegesellschaft et S. Spitz (C 309/02, EU:C:2004:799), et, en particulier, du point 46 de cet arrêt, duquel il ressort que l’État membre qui met en place un système de consigne doit veiller à ce qu’il existe un nombre suffisant de points de reprise afin que les consommateurs ayant acheté des produits conditionnés dans des emballages à usage unique consignés puissent récupérer le montant de la consigne même s’ils ne retournent pas sur le lieu d’achat initial.

232 Toutefois, l’arrêt du 14 décembre 2004, Radlberger Getränkegesellschaft et S. Spitz (C 309/02, EU:C:2004:799), ne saurait conduire à conclure que l’application systématique de la consigne sur l’ensemble du territoire d’un État membre, y compris dans des zones frontalières, serait contraire au principe de libre circulation des marchandises.

233 En effet, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 14 décembre 2004, Radlberger Getränkegesellschaft et S. Spitz (C 309/02, EU:C:2004:799, point 45), était seulement en cause la question de savoir si un État membre pouvait remplacer un système de collecte des emballages à proximité du domicile des consommateurs ou des points de vente par un système de consigne et de reprise individuelle, sans que la question des implications d’un système de consigne pour les zones frontalières soit prise en compte par la Cour.

234 En outre, il est constant que les consommateurs des pays frontaliers de l’Allemagne, notamment le Danemark, qui bénéficient de l’absence d’application de la consigne pourraient, si elle leur était appliquée, récupérer la consigne auprès de l’ensemble des distributeurs allemands (voir point 2 ci-dessus), c’est-à-dire sans nécessairement retourner sur le lieu d’achat initial.

235 Il résulte de l’ensemble des considérations exposées ci-dessus que l’existence de difficultés sérieuses est établie.

3) Conclusion sur la troisième branche du moyen unique

236 Le Tribunal a constaté que l’examen de la Commission figurant dans la décision attaquée était entaché de plusieurs erreurs et insuffisances et qu’il existait d’autres indices permettant de conclure à l’existence de difficultés sérieuses.

237 Par conséquent, la troisième branche du moyen unique, relative à l’absence d’imposition d’une amende, doit être accueillie.

238 Dès lors que l’absence de perception de la TVA est inhérente à l’absence de perception de la consigne, elle-même indissociable de l’absence d’imposition d’une amende aux entreprises qui ne perçoivent pas la consigne, il y a lieu d’annuler la décision attaquée dans son ensemble (voir, en ce sens, arrêts du 10 décembre 2002, Commission/Conseil, C 29/99, EU:C:2002:734, point 45, et du 7 novembre 2012, CBI/Commission, T 137/10, EU:T:2012:584, points 311 à 313).

 Sur les dépens

239 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

240 La Commission ayant succombé, elle supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la requérante et DN, intervenue au soutien des conclusions de la requérante, conformément aux conclusions de celle-ci et de DN.

241 En l’absence de conclusions en ce sens, IGG ne saurait être condamnée à supporter les dépens d’autres parties. Toutefois, étant donné qu’elle est intervenue au soutien des conclusions de la Commission, elle supportera ses propres dépens, conformément à l’article 138, paragraphe 3, du règlement de procédure.

242 Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs dépens. La République fédérale d’Allemagne supportera donc ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre élargie)

Déclare et arrête :

1) La décision C(2018) 6315 final de la Commission, du 4 octobre 2018, concernant l’aide d’État SA.44865 (2016/FC) – Allemagne – Aide alléguée en faveur de magasins de boissons situés à la frontière allemande, est annulée.

2) La Commission européenne supportera ses propres dépens ainsi que les dépens exposés par Dansk Erhverv et Danmarks Naturfredningsforening.

3) La République fédérale d’Allemagne et Interessengemeinschaft der Grenzhändler (IGG) supporteront chacune leurs propres dépens.