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Décisions

CA Paris, 4e ch. A, 14 mai 2008, n° 07/00843

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Modling (SAS)

Défendeur :

Papeteries Sill (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Carre-Pierrat

Conseillers :

Mme Rosenthal-Rolland, Mme Chokron

Avocats :

SCP Roblin - Chaix de Lavaréne, SCP Bernabé - Chardin - Cheviller

TGI Paris, du 13 déc. 2006

13 décembre 2006

Vu l'appel interjeté le 15 janvier 2007, par la société MODLING d'un jugement rendu le 13 décembre 2006 par le tribunal de grande instance de Paris qui a :

* déclaré valable le brevet français n° 9410611,

* débouté la société MODLING de l'ensemble de ses demandes,

* condamné la société MODLING à payer à la société PAPETERIES SILL la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens ;

Vu les dernières écritures en date du 23 janvier 2008, par lesquelles la société MODLING, poursuivant la réformation de la décision entreprise sauf en ce qu'elle a retenu la validité du brevet français n° 9410611, demande à la Cour de :

* dire que les conditionnements en carton utilisés par la société PAPETERIES SILL pour présenter ses protège-cahiers sous la marque 'FORCE 8-KOVER' et faisant notamment l'objet du procès-verbal de constat de Maître HELDT, huissier de justice à Versailles, du 3 octobre 2005 et de Maître ELEGOET du 6 septembre 2006, constituent la contrefaçon des revendications 1,2,3,4,6 et 17 du brevet dont elle est titulaire,

* dire qu'en fabriquant, faisant fabriquer et/ou en important de tels conditionnements et qu'en commercialisant des protège-cahiers munis desdits conditionnements, la société PAPETERIES SILL s'est rendue coupable de contrefaçon de brevet,

* dire qu'en adoptant, dans la partie supérieure de son conditionnement, un moyen d'accrochage reproduisant celui qu'elle utilise, d'une part, et en commercialisant ses protège-cahiers munis du conditionnement pré-conditionné sur un présentoir global, d'autre part, la société PAPETERIES SILL s'est rendue coupable d'actes de concurrence déloyale connexes,

* faire interdiction à la société PAPETERIES SILL de poursuivre la fabrication directe ou par sous-traitance et/ou l'importation du conditionnement litigieux, ainsi que la commercialisation de protège-cahiers munis du conditionnement litigieux, sous astreinte de 5 euros par infraction commise à compter de l'arrêt à intervenir,

* condamner la société PAPETERIES SILL au paiement de la somme de 50.000 euros sauf à parfaire, à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice consécutif à la contrefaçon du brevet,

* condamner la société PAPETERIES SILL au paiement de la somme de 50.000 euros sauf à parfaire, à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la concurrence déloyale,

* ordonner la publication de l'arrêt à intervenir dans cinq journaux aux frais de la société PAPETERIES SILL, dans la limite de 6.000 euros HT par insertion,

* condamner la société PAPETERIES SILL au versement de la somme de 25.000 euros HT au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Vu les dernières écritures en date du 25 février 2008 ,aux termes desquelles la société PAPETERIES SILL prie la Cour de :

* confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté la société MODLING de ses demandes en contrefaçon et en concurrence déloyale, l'a condamnée au paiement de la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

* réformer cette décision pour le surplus et statuant à nouveau :

- dire nul le brevet de la société MODLING n°9410611 pour insuffisance de description et à tout le moins les revendications 1 et 6,

- dire nulle pour absence de nouveauté pour partie et/ou d'activité inventive la revendication 1,

- dire nulles pour absence d'activité inventive les revendications 2,3,4,6 et 17,

* condamner la société MODLING au paiement de la somme de 10.000 euros pour procédure abusive,

* débouter la société MODLING de ses demandes faites en appel,

* condamner la société MODLING au versement de la somme de 40.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

SUR CE, LA COUR,

Considérant que, pour un exposé complet des faits et de la procédure, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures des parties ; qu'il suffit de rappeler que :

* la société MODLING, qui a pour activité la conception la fabrication et la commercialisation de produits de cartonnage, d'articles de papeterie, est titulaire d'un brevet français n°9410611 déposé le 5 septembre 1994, délivré le 20 février 1998, ayant pour titre 'conditionnement pour protège-cahier, élément individuel et élément groupeur en faisant partie',

* le 9 février 2005, cette société a mis en demeure la société PAPETERIES SILL de cesser la commercialisation de protège-cahiers reproduisant, selon elle, les caractéristiques de son brevet,

* le 16 février 2005, la société PAPETERIES SILL a informé la société MODLING qu'elle cessait immédiatement l'utilisation du 'peg-board' litigieux,

* le 3 octobre 2005, la société MODLING a fait procéder à un constat d'huissier afin d'établir l'offre à la vente, dans les locaux de l'hypermarché AUCHAN à Plaisir, d'autres protège-cahiers vendus sous la marque 'FORCE 8-KOVER' provenant de la société PAPETERIES SILL,

* estimant que ces conditionnements reproduisent les éléments protégés par son brevet, la société MODLING a assigné la société PAPETERIES SILL en contrefaçon devant le tribunal de grande instance de Paris ;

Sur la validité du brevet :

Considérant qu'il est expressément renvoyé au jugement déféré pour l'exposé de l'art antérieur et de la portée du brevet ; qu'il suffit de rappeler que l'invention qui a pour titre 'conditionnement pour protège-cahiers, élément individuel et élément groupeur en faisant partie' porte sur un conditionnement pour protège-cahier, réalisé en matière rigide et pliable, telle que du carton, destiné, dans sa partie supérieure, à être enfilé ou accroché sur la broche d'un présentoir, sa partie inférieure devant coopérer avec les replis du protège-cahier, de maniere à pouvoir présenter ledit protège-cahier de façon verticale et suspendue, et non plus en vrac ou à plat ;

Que le breveté rappelle qu'est connu de l'art antérieur un conditionnement de protège-cahier, sous la forme d'un sachet rempli de trois protège-cahiers ou davantage, par exemple cinq ou dix, le sachet étant déposé en vrac dans un bac d'un présentoir de magasin libre service ;

Que l'invention propose un conditionnement adapté à un présentoir de magasin, qui préserve davantage les protège-cahiers, évite leur déformation et leur froissement, pouvant être mis en oeuvre de façon simple, commode et économique et qui permet la vente à l'unité d'un protège-cahier suspendu par le haut et maintenu en forme individuellement ;

Considérant que le brevet comporte 18 revendications dont sont opposées les revendications 1,2,3,4,6 et 17 ainsi libellées :

1. Conditionnement pour protège-cahiers adapté à un présentoir de magasin libre-service, caractérisé en ce qu'il comporte pour chaque protège-cahier un élément individuel de conditionnement (1) fait dans une feuille de matière rigide et pliable telle que du carton, conformé avec une partie inférieure (3) adaptée à s'engager comme une couverture de cahier au moins dans le haut des replis (14) du protège-cahier (13), et avec une partie supérieure (2) munie d'un moyen d'accrochage (11) étant disposé de sorte qu'il se trouve centré au-dessus du protège-cahier (13) lorsque celui-ci est replié à l'état fermé avec l'élément de conditionnement (1) qui est mis en place,

2. Conditionnement selon la revendication 1, caractérisé en ce que ledit élément individuel de conditionnement (1) comporte deux moyens d'accrochage (11) disposés symétriquement de part et d'autre d'un pli central vertical (5) et coïncidant avec celui (15) du protège-cahier lorsque l'élément individuel (1) y est mis en place,

3. Conditionnement selon l'une quelconque des revendications 1 ou 2, caractérisé en ce que ledit élément individuel de conditionnement (1) comporte un volet (6) adapté à être positionné en regard d'une face externe du protège-cahier,

4. Conditionnement selon la revendication 3, caractérisé en ce que ledit volet (6) est obtenu par une découpe (7-10) pratiquée au moins en majeure partie dans la partie inférieure (3) de l'élément individuel (1),

6. Conditionnement selon l'une quelconque des revendications 1 à 5, caractérisé en ce que lesdites parties inférieure et supérieure (2,3) ont chacune une forme globalement rectangulaire avec le côté inférieur de la partie supérieure (2) et le côté supérieur de la partie inférieure (3) qui sont adjacents,

17. Elément individuel de conditionnement de protège-cahier ayant les caractéristiques figurant dans l'une quelconque des revendications 1 à 9 ;

Sur l'insuffisance de description :

Considérant que la société PAPETERIES SILL soulève la nullité des revendications 1 et 6 du brevet pour insuffisance de description ;

Considérant en droit, qu'aux termes des dispositions de l'article L.613-25 du Code de la propriété intellectuelle, un brevet est nul notamment s'il n'expose pas l'invention de façon suffisamment claire et complète pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter ;

Que les revendications qui définissent l'objet de la protection demandée doivent être claires et précises et se fonder sur la description ; que l'étendue de la protection conférée par le brevet est déterminée par la teneur des revendications, lesquelles s'apprécient au regard de la description et des dessins qui servent à les interpréter ;

Considérant en l'espèce, que la société PAPETERIES SILL soutient qu'il n'est nullement décrit comment pourrait être obtenu le résultat exposé, à savoir éviter que le protège-cahier ne se déforme ou ne se froisse, dès lors que le conditionnement n'est engagé que dans la partie supérieure du protège-cahier en matière souple ;

Mais considérant que selon la partie descriptive du brevet (page 1 ligne 23 à page 2 ligne 2) il est précisé que 'grâce à l'élément de conditionnement dont il est équipé, chaque protège-cahier est suspendu par le haut et maintenu en forme individuellement, ce qui permet qu'il ne se déforme ou se froisse, comme cela se produisait parfois avec le conditionnement antérieur précité' ;

Que cette phrase, qui se rapporte au 'sachet en vrac' appartenant à l'état de la technique, ne décrit nullement un protège-cahier dont le maintien en forme s'appliquerait sur l'intégralité de sa surface, mais seulement un maintien amélioré par rapport à l'absence totale de maintien existant antérieurement pour les protège-cahiers présentés à plats dans des sachets ;

Que la page 1, lignes 14 à 17 du brevet décrit un élément de conditionnement de matière rigide, conformé dans sa partie inférieure pour s'engager dans le haut des replis du protège-cahier ;

Que le fait d'insérer dans ces replis du protège-cahier souple une feuille de matériau plus rigide évite le froissement et la déformation au moins à l'endroit où se trouve cette feuille et rigidifie nécessairement au moins une partie du protège-cahier, quels que soient ses moyens de fixation et de mise en place, sa largeur et sa hauteur, peu important qu'il ne soit pas décrit que ce dispositif vienne en butée ;

Que par ailleurs, la spécificité du conditionnement, qui permet la présentation du protège-cahier de façon suspendue, communique par la gravité à la partie inférieure le maintien assuré en partie supérieure ;

Que de sorte, la description de ces moyens combinés expose clairement et suffisamment comment éviter que le protège-cahier ne se déforme ou se froisse comme cela se produisait antérieurement ;

Considérant que la société PAPETERIES SILL fait également valoir que le brevet serait imprécis sur la forme 'globalement rectangulaire' revendiquée et la ligne de séparation entre la partie supérieure et la partie inférieure ;

Mais considérant que la 'forme globalement rectangulaire' de la revendication 6 correspond à la description (page 4, ligne 24 à 30) de l'élément de conditionnement comportant une partie supérieure et une partie inférieure ayant chacune une forme globalement rectangulaire aux angles arrondis et figurant aux dessins annexés au brevet ;

Qu'en effet, peu important que les encoches ne sont pas rigoureusement rectangulaires, l'homme du métier, technicien spécialisé dans le domaine du conditionnement et du cartonnage, est en mesure, de reproduire la forme globalement rectangulaire aux encoches arrondies, telle qu'elle est décrite et illustrée par les dessins 1, 2 et 3 qui servent à interpréter les revendications ;

Considérant que l'homme du métier peut également situer la limite entre l'élément inférieur et l'élément supérieur ainsi décrite à la page 4, lignes 27 et 28 : 'la partie supérieure étant moins large et moins haute que la partie inférieure, le côté inférieur de la partie supérieure étant adjacent au côté supérieur de la partie inférieure, une encoche étant pratiquée à chaque extrémité de la jonction entre ces parties', dès lors, qu'il résulte avec évidence de cette description et des dessins 1 et 2 annexés au brevet que la ligne de démarcation se matérialise à l'endroit où le conditionnement devient plus large, soit à la ligne supérieure de l'élément inférieur ;

Qu'il s'ensuit, que l'invention étant suffisamment soutenue par la description qui en est faite et les dessins annexés, ne peut encourir le grief de défaut de description, de sorte que ce moyen de nullité a été, en conséquence, justement écarté par le tribunal ;

Sur le défaut de nouveauté :

Considérant que la société PAPETERIES SILL soulève la nullité de la revendication 1 pour défaut de nouveauté ;

Considérant en droit que selon les dispositions de l'article L.611-1 du Code de la propriété intellectuelle, une invention est considérée comme nouvelle si elle n'est pas comprise dans l'état de la technique ;

Que pour affecter la la nouveauté d'un brevet, l'antériorité doit être certaine dans son contenu, sans qu'il soit besoin de l'interpréter et divulguer tous les éléments constitutifs de l'invention ;

Considérant que contrairement à ce que soutient la société PAPETERIES SILL, la revendication 1 du brevet ne porte pas sur deux moyens juxtaposés, mais sur la combinaison dans un seul et même conditionnement, d'un moyen de suspension avec un moyen de préhension du protège-cahier, les expressions 'partie supérieure' et 'partie inférieure', employées dans un souci de clarté de la description de la forme du conditionnement, ne signifiant nullement que le produit breveté soit composé de deux parties indépendantes, constituant chacune un moyen ;

Considérant que la société PAPETERIES SILL a opposé devant le tribunal deux antériorités, le brevet US n° 5328065 et le brevet français 2438992 ;

Que ces documents sont relatifs à des cintres à chaussettes, lesquels d'une part, sont en plastique et non pas en matière rigide et pliable telle que du carton, et d'autre part, présentent un moyen d'accrochage situé, de façon centrée, au dessus de la partie supérieure qui n'a pas vocation, à la différence de l'invention, à être replié lorsque l'élément de conditionnement est présenté à l'état fermé ;

Considérant que devant la Cour, la société PAPETERIES SILL produit deux nouvelles antériorités constituées par les brevets français n° 7524828 et n° 7440718 ;

Que le premier document (Sield), relatif à un cartonnage de présentoir pliant destiné à être monté pour servir à l'emballage et la présentation de fleurs telles que les orchidées, ne comporte ni partie inférieure destinée à s'engager, ni de moyen d'accrochage et n'a pas pour fonction de coopérer de façon dynamique avec l'objet à conditionner pas plus de permettre la présentation suspendue de celui-ci ;

Que le second document (Barbieux), s'il se rapporte à un présentoir vertical à trois dimensions, notamment conçu pour le conditionnement et le maintien d'un produit en feuille ou en nappe sous forme pliée, n'enseigne aucun renseignement sur la rigidification du produit conditionné et à la différence de l'invention, ne peut être replié à l'état fermé selon un axe vertical ;

Qu'il s'ensuit que ces documents ne divulguent pas, dans la même forme, le même agencement, la même fonction en vue du même résultat technique, les éléments constitutifs de l'invention ;

Que la revendication 1 est donc nouvelle ;

Que les revendications 2,3,4,6 et 17, qui sont placées dans sa dépendance lui empruntent sa nouveauté ;

Sur le défaut d'activité inventive :

Considérant que la société PAPETERIES SILL soulève également la nullité des revendications opposées pour défaut d'activité inventive ;

Considérant que selon les dispositions de l'article L.611-14 du Code de la propriété intellectuelle, une invention est considérée comme impliquant une activité inventive si, pour un homme du métier, elle ne découle pas d'une manière évidente de l'état de la technique ;

Considérant force est de constater que les antériorités opposées précitées ne sont pas davantage pertinentes pour ruiner l'activité inventive, dès lors que, même combinés entre eux, ces documents n'invitaient pas l'homme du métier à concevoir un conditionnement, permettant la présentation verticale d'un protège-cahier suspendu, comportant un moyen d'accrochage coopérant avec l'objet à suspendre, en épousant sa forme générale et se repliant sur lui, permettant au consommateur de manipuler aisément le protège-cahier et d'en voir l'intérieur sans le retirer du conditionnement ;

Qu'en effet, il ne suffisait pas de juxtaposer les moyens divulgués dans le cadre d'une simple mesure d'exécution, sans faire preuve d'activité inventive, pour parvenir aux objectifs de l'invention, maintenir en forme individuelle un protège-cahier et éviter qu'il ne se déforme ou se froisse, en l'équipant d'un conditionnement adapté à un présentoir de magasin libre-service, fait dans une feuille de matière rigide et pliable telle que du carton, conformé avec une partie inférieure destinée à s'engager comme une couverture de cahier au moins dans le haut des replis du protège-cahier et avec une partie supérieure munie d'un moyen d'accrochage disposé de sorte qu'il se trouve centré au-dessus du protège-cahier lorsque celui-ci est replié à l'état fermé avec l'élément de conditionnement ;

Que par voie de conséquence, l'invention décrite à la revendication 1 ne découle pas de manière évidente de l'état de la technique et implique une activité inventive ;

Qu'il s'ensuit que la revendication 1 est valable ;

Considérant que les revendications 2, 3, 4,6 et 17 dépendantes de la revendication 1, à laquelle elles ajoutent, participent de l'activité inventive de cette dernière et sont donc également valables, de sorte que le jugement déféré sera, sur ce point, confirmé ;

Sur la contrefaçon :

Considérant que la société MODLING fait valoir qu'ayant mis en demeure la société PAPETERIES SILL le 9 février 2005, cette dernière, qui a cessé de commercialiser un protège-cahier comportant un conditionnement reproduisant les caractéristiques du brevet, a cependant commercialisé au mois de juillet 2005, ainsi qu'il ressort du procès-verbal de constat d'huissier dressé le 3 octobre 2995, des protège-cahiers munis d'un élément de conditionnement modifié, mais demeurant dans la portée du brevet, puis en cours d'instance, a adjoint de nouveaux éléments à son conditionnement demeurant contrefaisant ;

Qu'elle invoque la contrefaçon par équivalence des revendications 1,2,3,4,6 et 17 du brevet, faisant

valoir que les moyens utilisés, s'ils ont une forme quelque peu différente, remplissent la même fonction et ont des résultats semblables ;

Considérant qu'il n'est pas démenti que les conditionnements litigieux sont des produits de même nature que celui breveté dès lors qu'ils constituent un conditionnement pour protège-cahiers destiné à être présenté de façon suspendue et à la verticale sur un présentoir de magasin en libre service ;

Considérant cependant, s'agissant du premier modèle de protège-cahier qu'il est acquis aux débats, que le conditionnement cartonné litigieux n'est pas adapté à s'engager comme une couverture de cahier mais conformé pour qu'un protège-cahier s'engage dans ses fentes ;

Que, contrairement à ce que soutient la société MODLING, ce conditionnement cartonné, qui n'épouse pas les formes du protège-cahier et ne s'engage pas dans le haut des replis, n'a ni pour fonction, ni pour résultat technique de le rigidifier dès lors qu'il ne permet pas d'éviter que les extrémités droite et gauche de celui-ci, demeurées libres, ne se déforment ou ne se froissent ;

Considérant que le second modèle de protège-cahier incriminé est présenté dans un conditionnement comportant, outre la pièce cartonnée dans laquelle s'engage le protège-cahier, deux bandes de carton latérales s'insérant dans les replis de celui-ci afin d'en améliorer la rigidité ;

Qu'ainsi force est de constater que ce conditionnement, afin d'assurer les fonctions d'accrochage et de rigidification d'un protège-cahier, comporte trois bandes cartonnées, de sorte, que présentant une structure différente, il n'utilise pas le moyen essentiel d'une seule feuille en matière rigide et pliable revendiqué et décrit dans le brevet ;

Considérant qu'il s'ensuit, que les conditionnements incriminés ne mettant pas en oeuvre des moyens assurant la même fonction pour parvenir au même résultat technique, la société MODLING sera déboutée de sa demande au titre de la contrefaçon par équivalence de la revendication 1 ;

Considérant que les revendications 2,3,4,5,6 et 17 toutes placées dans la dépendance de la revendication 1, ne sont pas davantage contrefaites ;

Que par voie de conséquence, le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes formées par la société MODLING au titre de la contrefaçon de brevet ;

Sur la concurrence déloyale :

Considérant que la société MODLING reproche à la société PAPETERIES SILL d'avoir, en reprenant les modes de commercialisation de ses conditionnements, commis des actes de concurrence déloyale distincts de la contrefaçon de brevet alléguée ;

Considérant que si le simple fait de commercialiser un produit concurrent ne constitue pas en soi un acte de concurrence déloyale, il n'en est pas de même lorsqu'est caractérisé un comportement fautif ;

Qu'en l'espèce, force est de constater que la société PAPETERIES SILL a reproduit, d'une part, le moyen d'accrochage du conditionnement en forme de crochet central, dans la même orientation gauche/droite, et d'autre part, les modalités de conditionnement et d'assemblage des protège-cahiers sur un présentoir en tige métallique, précédemment utilisés par la société MODLING, rendant ainsi parfaitement substituables les conditionnements en présence sur les présentoirs de grande surface et créant un risque de confusion dans l'esprit du consommateur, normalement informé, raisonnablement attentif et avisé qui sera conduit à attribuer une origine commune aux protège-cahiers proposés à la vente ;

Qu'il s'ensuit que le comportement de la société PAPETERIES SILL contraire à une pratique loyale du commerce engage sa responsabilité, de sorte, que le jugement entrepris, sera sur ce point réformé ;

Considérant qu'il s'infère nécessairement des actes déloyaux constatés l'existence d'un préjudice commercial pour la société MODLING, lequel sera entièrement réparé par l'allocation d'une indemnité de 30.000 euros ;

Que la publication du présent arrêt n'est pas nécessaire ;

Sur les autres demandes :

Considérant que la solution du litige commande de rejeter la demande en dommages et intérêts formée par la société PAPETERIES SILL pour procédure abusive ;

Considérant que les dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile doivent bénéficier à la société MODLING ; qu'il lui sera alloué à ce titre la somme de 15.000 euros ; que la société PAPETERIES SILL qui succombe en ses prétentions doit être déboutée de sa demande formée sur ce même fondement ;

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il a débouté la société MODLING de ses demandes au titre d'actes de concurrence déloyale et a condamné cette société à payer à la société PAPETERIES SILL la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens,

Le réformant sur ces points et statuant à nouveau :

Dit que la société PAPETERIES SILL a commis des actes de concurrence déloyale au préjudice de la société MODLING,

La condamne à payer à la société MODLING la somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts,

Condamne la société PAPETERIES SILL à payer à la société MODLING la somme de 15.000 euros au titre des frais irrépétibles,

Rejette toutes autres demandes,

Condamne la société PAPETERIES SILL aux dépens et dit que ceux-ci pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.