Cass. soc., 22 janvier 2008, n° 06-43.534
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bailly
Avocats :
SCP Lesourd, SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon,19 avril 2006), que M.X... a été engagé par la société coopérative l'Avenir, le 16 octobre 1972, en qualité de maçon ; qu'un accord du 24 juillet 1977 a précisé les conditions d'attribution d'une prime de fin d'année aux salariés ; que la société coopérative l'Avenir a été déclarée en redressement judiciaire, le 4 mars 1992 ; que par jugement du 26 juin 1992, le tribunal de commerce a arrêté un plan de cession au profit de la SNC Entreprise nouvelle l'Avenir, prévoyant la reprise des 304 salariés-dont M. X...-" sans les droits qui leur sont acquis " ; que le contrat de travail de l'intéressé a été transféré à la Société auxiliaire d'entreprise Rhône-Alpes et Centre (SAEC), en mai 2001, puis à la Société lyonnaise de génie civil et compagnie (SOLGEC), en juillet 2001 ; que la SNC Entreprise nouvelle l'Avenir a été absorbée, en novembre 2001, par la société SETRAC, elle-même absorbée par la société Eiffage construction Rhône-Alpes, en juillet 2003 ; que la prime de fin d'année n'a plus été versée, à compter de l'année 2002 ;
Attendu que les sociétés SOLGEC et Eiffage construction Rhône-Alpes font grief à l'arrêt d'avoir dit que le versement de la gratification exceptionnelle était resté obligatoire et d'avoir condamné la société SOLGEC au paiement de la somme de 4 627,96 euros au titre des primes des années 1998,1999 et 2000 alors, selon le moyen :
1° / que l'article 1er du protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales porte que toute personne physique ou morale a le droit au respect de ses biens et ne peut être privée de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international ; qu'en écartant les dispositions des articles L. 621-63, alinéa 3, (anciennement 62 de la loi du 25 janvier 1985) et L. 621-65 du code de commerce, interdisant d'imposer aux personnes qui exécutent le plan de cession arrêté par un jugement rendu dans une procédure collective des charges autres que les arrangements qu'elles ont souscrits au cours de la préparation du plan et posant que le jugement arrêtant le plan est opposable à tous, pour condamner la Société lyonnaise de génie civil et compagnie (SOLGEC) à payer à M.X... une prime constitutive d'un avantage acquis en 1977 qui avait été expressément révoqué par le plan de cession de 1992, la cour d'appel a illégalement privé la société SOLGEC d'une partie de sa propriété, à savoir les sommes qui doivent être payées à M.X... en violation des dispositions du code de commerce et violé l'article 1er du protocole susmentionné ;
2° / qu'il résulte des dispositions combinées de l'article L. 621-63, alinéa 3, et L. 621-65 du code de commerce que les personnes qui exécuteront le plan, même à titre d'associés, ne peuvent pas se voir imposer des charges autres que les arrangements qu'elles ont souscrits au cours de sa préparation et que le jugement arrêtant le plan en rend les dispositions opposables à tous ; qu'il s'ensuit que les dispositions arrêtant le plan sont également opposables aux salariés dans les termes dans lesquels, le cas échéant, leur contrat de travail a été repris par le cessionnaire ; qu'en l'espèce, l'arrêt attaqué constate que le plan de cession arrêté par jugement du 26 juin 2002 (sic) en réalité,26 juin 1992, et signé le 14 septembre 1992, stipule que " les contrats de travail des 304 salariés... ont repris sans les droits qui leur sont acquis " ; qu'il s'ensuit qu'à compter de l'entrée en vigueur du plan de cession, aucun des salariés repris ne pouvait plus se prévaloir de la " gratification exceptionnelle " résultant de l'accord passé le 25 juillet 1977 entre l'ancien employeur (société Coop. Avenir) et les représentants du personnel ; qu'en condamnant la société Lyonnaise de génie civil et compagnie, dite SOLGEC, lointain successeur du premier cessionnaire, à payer à M.X... des sommes au titre des gratifications prévues par l'accord du 25 juillet 1977 expressément exclues par le plan de cession, la cour d'appel a violé les articles L. 621-63, alinéa 3, et L. 621-65 du code de commerce ;
4° / que lorsque le plan de cession d'une entreprise intervenu dans le cadre d'une procédure collective (redressement judiciaire ou liquidation des biens) a prévu la reprise des salariés de l'entreprise en redressement judiciaire en excluant expressément les avantages acquis par ceux-ci dans le cadre de cette dernière, la poursuite du contrat de travail ne peut se faire qu'aux conditions prévues par le plan et non dans les termes de l'alinéa 2 de l'article L. 122-12 du code du travail, lequel ne vise que les modifications dans la situation juridique de l'employeur, hors la modification dans le cadre d'une procédure de règlement judiciaire ou de liquidation des biens ; qu'il s'ensuit qu'en l'espèce, le contrat de travail de M. Joseph X... n'a pu se poursuivre avec l'entreprise cessionnaire dans le cadre d'un plan de cession qu'aux conditions prévues par ce plan, c'est-à-dire à l'exclusion des avantages acquis de l'ancien employeur ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 122-12 par fausse application ;
4° / que dès lors que le contrat de travail des salariés n'avait été repris par le cessionnaire que dans le cadre d'un plan de cession qui avait exclu les avantages acquis de l'ancien employeur, le nouvel employeur n'avait pas à dénoncer à chaque salarié la révocation, prévue par le plan, de l'avantage constitué par le paiement d'une prime exceptionnelle de fin d'année ; qu'en affirmant qu'une telle obligation pesait sur le nouvel employeur cessionnaire, la cour d'appel a encore violé l'article L. 621-63 du code de commerce et l'article L. 122-12-1 du code du travail ;
5° / que les avantages acquis du précédent employeur et en particulier la prime exceptionnelle de fin d'année ayant été révoqués par le plan de cession, l'obligation de payer cette prime n'a pu être transmise ni au premier cessionnaire, ni a fortiori au cessionnaire subséquent ; qu'en effet, les cessions de l'entreprise postérieures à la procédure collective n'ont pu avoir pour effet de faire revivre, pour les mettre à la charge des derniers employeurs, les avantages acquis supprimés par le plan de cession ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour a violé aussi,-par fausse application l'article L. 122-12 du code du travail,-par refus d'application l'article L. 122-12-1 du Code du travail ;
Mais attendu que l'engagement unilatéral pris par un employeur est transmis, en cas d'application de l'article L. 122-12, alinéa 2, du code du travail, au nouvel employeur qui ne peut y mettre fin qu'à condition de prévenir individuellement les salariés et les institutions représentatives du personnel dans un délai permettant d'éventuelles négociations ; que cette transmission s'opère de plein droit, y compris lorsque la cession intervient dans le cadre d'une procédure collective ouverte à l'égard de l'employeur ;
Et attendu, ensuite, que la cour d'appel, qui a constaté que l'engagement pris le 24 juillet 1977 par le cédant, en faveur des salariés, n'avait pas été dénoncé ni par celui-ci, ni par le cessionnaire, en a exactement déduit, sans encourir les griefs du moyen, que les employeurs successifs étaient tenus, après la cession, au paiement de la prime instituée en 1977 ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.