CA Toulouse, 2e ch. sect. 1, 10 mai 2007, n° 07/01149
TOULOUSE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Comptable de la direction générale des impôts de Toulouse Ouest
Défendeur :
EBF (SAS), Selarl Vincent Mequignon (ès qual.), Dutot (ès qual.)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Selmes
Conseillers :
M. Verde de Lisle, M. Belières
Avocats :
SCP Sorel-Dessart-Sorel, Me Mercie, SCP Malet, Me Lavergne
La SAS EBF a déposé le 21 mars 2006 une déclaration de TVA au titre du mois de février 2006 et d'une régularisation de l'année passée pour un montant de 938.413 €en joignant seulement un acompte de 8.413 €.
Après ouverture d'une procédure de conciliation, le mandataire ad'hoc de la SAS EBF a prévenu le 9 mars 2006 le comptable du Trésor que toute voie d'exécution grèverait la trésorerie disponible et ne permettrait pas la poursuite de l'activité. Le 10 mai 2006, le comptable du Trésor a délivré près de dix avis à tiers détenteur pour obtenir le paiement de la créance due au titre de la TVA, appréhendant ainsi une somme de 422.300, 75 € portée sur un compte de la SOCIETE GENERALE.
Par jugement du 9 juin 2006, le tribunal de commerce de Toulouse a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la SAS EBF et par jugement du 22 janvier 2002 ce même tribunal a prononcé la nullité des avis à tiers détenteurs délivrés par le Trésor Public postérieurement au 9 mai 2006 et condamné le comptable des impôts à payer à la SAS EBF la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et à supporter les entiers dépens comprenant ceux exposés pour l'introduction de la procédure en référé.
Suivant déclaration du 26 février 2007, le comptable de la direction générale des impôts de Toulouse-Ouest a relevé appel du jugement du tribunal de commerce du 22 janvier 2007 dont il sollicite la réformation par conclusions du 5 avril 2007 en demandant à la cour de valider les avis à tiers détenteurs délivrés le 10 mai 2006 aux motifs que ne connaissant pas l'état de cessation des paiements - qui n'était pas avéré et n'était pas en toute hypothèse irréversible, le passif fiscal n'étant pas exigé et l'entreprise ayant pu demander à bénéficier de deux ans de délai - il avait le droit d'engager des poursuites individuelles.
Par conclusions du 14 mars 2007, la SAS EBF et Me MEQUINION, administrateur au redressement judiciaire de cette société, rappelant la chronologie de la procédure et soutenant que le comptable du Trésor connaissait l'état de cessation des paiements, sollicitent la confirmation de l'ordonnance entreprise et la condamnation de l'appelant au paiement de 5.000 € en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Par conclusions du 19 mars 2007, Me DUTOT est intervenue volontairement en faisant état d'un jugement du 12 mars 2007 plaçant la SAS EBF en liquidation judiciaire et en approuvant les conclusions précédemment déposées par les intimés.
La procédure a été communiquée au ministère public.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 17 avril 2007.
SUR QUOI :
Attendu, selon l'alinéa 2 de l'article L 632-2 du code de commerce dans sa rédaction issue de la loi du 26 juillet 2005 applicable à la présente espèce que 'tout avis à tiers détenteur, toute saisie-attribution ou toute opposition peut également être annulé lorsqu'il a été délivré ou pratiqué par un créancier après la date de cessation des paiements et en connaissance de celle-ci' ;
Qu'en l'espèce, alors que les avis à tiers détenteurs litigieux ont été délivrés le 10 mai 2006, que le tribunal de commerce de Toulouse a, par jugement du 9 juin 0206, ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la SAS EBF en fixant la date de cessation des paiements au 24 mars 2006 ;
Que l'état de cessation des paiements de la SAS EBF était avéré au plus tard le 9 mai 2006, plus de vingt jours après l'envoi le 11 avril 2006 à la SAS EBF par le comptable des impôts d'une mise en demeure d'avoir à régler la somme de 930.000 €, solde dû au titre de la TVA après émission de l'avis de mise en recouvrement de cette somme en date du 30 mars 2006 - l'actif disponible étant inférieur à 500.000 € et le passif exigible et exigé étant supérieur à 900.000 € - ;
Que selon le rapport de Me MEQUINION, mandataire ad'hoc, du 29 mai 2006 soumis au tribunal de commerce 'cette chute d'activité au cours du second semestre 2005 n' a pas permis à l'entreprise de faire face à ses échéances. Ainsi, un passif de 1.300.000 € s'est créé dont 930.000 € de créance fiscale' ;
Que par lettre du 9 mai 2006, Me MEQUINION, mandataire ad'hoc, informait le comptable des impôts que toutes voies d'exécution conduiraient à grever la trésorerie disponible de l'entreprise et ne permettrait pas la poursuite de l'activité, l'entreprise étant alors contrainte de procéder au dépôt immédiat d'une déclaration de cessation des paiements ;
Attendu que le fait que la SAS EBF ait présenté le 23 mars 2006 une requête au président du tribunal de commerce pour solliciter l'ouverture d'une procédure de conciliation en précisant qu'elle n'était pas en état de cessation des paiements est sans incidence dès lors que le tribunal de commerce a fixé la date de cessation des paiements au 24 mars 2006 et que la procédure de conciliation peut être ouverte au bénéfice d'une entreprise qui éprouve des difficultés financières mais ne se trouve pas en état de cessation des paiements depuis plus de quarante-cinq jours ;
Que pareillement le fait que la SAS EBF aurait pu solliciter auprès du président du tribunal de commerce des délais de paiement pour apurer la dette fiscale est sans influence dans la mesure où l'état de cessation des paiements préexistait à la délivrance des avis à tiers détenteurs et a été constaté par un jugement intervenu avant l'octroi de tout délai, que ces avis ont été délivrés alors même qu'une demande de délais de paiement avait été formée, selon l'accusé de réception du 25 avril 2006, devant la commission des chefs des services financiers qui l'a ultérieurement rejetée, que le passif fiscal était exigé depuis la mise en demeure du 11 avril 2006;
Attendu que le comptable des impôts qui avait été informé du dépôt de la requête du 23 mars 2006 aux fins d'ouverture de la procédure de conciliation, qui avait reçu avec le chèque d'acompte de 8.413 la lettre de la société EBF du 21 mars 2006 lui indiquant ne pouvoir régler la somme de 938.413 € et sollicitant un échéancier, qui s'était déplacé dans l'entreprise le 31 mars 2006 suite à un avis de passage du 22 mars 2006 en sollicitant la communication des documents relatifs à la trésorerie et aux clients en mars 2006 ne pouvait ignorer lors de la délivrance des avis à tiers détenteurs que la SAS EBF était déjà en état de cessation de paiement alors qu'il avait été informé la veille par le mandataire ad'hoc que toute voie d'exécution entraînerait un dépôt de bilan immédiat ;
Qu'il convient dès lors de confirmer le jugement entrepris, observation étant faite que le jugement d'ouverture du redressement judiciaire mentionne que le montant du passif déclaré est de 4379.699, 10 € se décomposant comme suit : dettes fournisseurs : 3.173.787 €, dettes sociales : 269.958 €, dettes fiscales 930.000 €, découvert bancaire 5.954, 10 €, les avis à tiers détenteurs ayant permis au Trésor Public de rompre l'égalité des créanciers après cessation des paiements ;
Qu'au titre des frais irrépétibles exposés par la SAS EBF, Me MEQUINION es qualités et Me DUTOT, liquidateur judiciaire, il convient de condamner le comptable de la direction générale des impôts de Toulouse-Ouest à régler 2.000 € au titre des frais irrépétibles de première instance et 2.000 € au titre des frais irrépétibles d'appel ;
Que la partie qui succombe doit supporter les dépens ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR :
Donne acte à Me DUTOT, liquidateur à la liquidation judiciaire de la SAS EBF, de son intervention,
Confirme le jugement entrepris à l'exception de ses dispositions relatives à l'application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et réformant sur ce point et y ajoutant,
Condamne le Comptable de la direction générale des impôts de Toulouse à payer à la SELARL MEQUINION es qualités et à Me DUTOT, es qualités, les sommes de 2.000 €au titre des frais irrépétibles de première instance et celle de 2.000 € au titre des frais irrépétibles d'appel sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
Condamne le Comptable de la direction générale des impôts de Toulouse-Ouest aux dépens, avec pour ceux d'appel, distraction au profit de la SCP MALET, avoués.