CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 9 juin 2021, n° 19/14865
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
2AMS (SARL)
Défendeur :
CA France (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Conseiller :
M. Gilles
Avocats :
Me de Kervenoael, Me Farenc, Me Vignes
Vu le jugement assorti de l'exécution provisoire rendu le 4 mars 2019 par le tribunal de commerce de Paris qui a :
- condamné la société 2AMS à payer à la société C.A. France la somme de 10 000, à titre de dommages-intérêts,
- débouté la société 2AMS de ses demandes reconventionnelles,
- condamné la société 2AMS à payer à la société C.A. France la somme de 2 000 par application de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté les parties de toutes leurs autres demandes,
- condamné la société 2AMS aux dépens ;
Vu l'appel relevé par la société 2AMS et ses dernières conclusions notifiées le 30 juillet 2020 par lesquelles elle demande à la cour, au visa de l'article 1103 du code civil
(Ancien article 1134 du code civil) d'infirmer le jugement et, statuant à nouveau, de :
- juger :
que la société C.A. France a modifié unilatéralement le contrat de franchise sans obtenir son accord, en violation des stipulations contractuelles,
que la société C.A. France n'a pas répondu à la mise en demeure d'avoir à renoncer aux modifications du contrat de franchise dans le délai d'un mois qui lui était contractuellement imparti,
que le contrat de franchise a été résilié de plein droit à compter du 5 octobre 2016,
- en conséquence :
débouter la société C.A. France de toutes ses demandes,
lui faire injonction d'émettre des avoirs correspondant aux factures adressées postérieurement à la résiliation du contrat de franchise, sous astreinte d'un montant de 500 par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir,
condamner la société C.A. France à lui rembourser la somme de 4 228,80 au titre des frais de changement d'enseigne consécutifs à la résiliation du contrat,
- en toute hypothèse :
débouter la société C.A. France de l'ensemble de ses demandes,
la condamner à lui payer la somme de 10 000 au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
la condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel ;
Vu les dernières conclusions notifiées le 15 janvier 2020 par la société C.A. France qui demande à la cour, au visa de l'article 1134 ancien du code civil et, subsidiairement, de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce, de :
- dire mal fondé l'appel de la société 2AMS et la débouter de toutes ses demandes,
- confirmer le jugement en ce qu'il a : « dit que le courrier du 29 octobre 2015 n'a constitué à aucun moment, en l'absence de signature par 2AMS, une obligation pour cette dernière (et) que, dès lors, 2AMS a résilié le contrat du 17 décembre 2014 de manière fautive et a engagé sa responsabilité »,
- élever à la somme de 45 074,54 le montant des dommages-intérêts dus par la société 2AMS au titre de la rupture anticipée et fautive du contrat de franchise « Camille Albane » du 17 décembre 2014,
- subsidiairement, dire brutale la rupture des relations commerciales à laquelle la société 2AMS a procédé sans motif valable ni préavis raisonnable et la condamner à lui payer la somme de 22 000, à titre de dommages-intérêts, pour rupture brutale des relations commerciales établies,
- en tout état de cause, condamner la société 2AMS aux dépens et à lui payer, en sus de la somme de 2 000, allouée en première instance par application de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 6 000 au titre des frais irrépétibles d'appel.
SUR CE LA COUR
La société C.A. France développe le réseau de salons de coiffure à l'enseigne « Camille Albane ».
Le 6 octobre 2010, M. A... a créé la société 2AMS, dont il est le gérant, pour exercer l'activité de salon de coiffure à La Celle Saint Cloud dans les Yvelines.
Le 17 décembre 2014, la société C.A. France a signé un contrat de franchise avec la société 2AMS en présence de M. A..., contrat prenant effet le 1er janvier 2015 pour une durée de cinq ans.
Par lettre du 29 octobre 2015, la société C.A. France a adressé à la société 2AMS un avenant à son contrat de franchise, y apportant deux modifications concernant, d'une part la ré indexation des minima garantis annuels prévus à l'article 6.3, d'autre part les minima d'achats annuels définis à l'annexe C ; elle précisait que ces modifications s'appliqueraient à l'ensemble du réseau Camille Albane à compter du 1er janvier 2016 et lui demandait de retourner un double de l'avenant dûment signé avec la mention « bon pour accord ».
La société 2AMS lui a répondu, le 15 décembre 2015, en se déclarant surprise de la démarche qui modifiait le contrat sans information préalable ; elle l'informait ne pas avoir signé l'avenant en l'état et exprimait le souhait d'être contacté pour échanger à son sujet.
Par une nouvelle lettre du 12 mai 2015, la société 2AMS a demandé à la société C.A. France des explications sur les deux modifications prévues par l'avenant.
Dans sa lettre en réponse du 25 mai 2016, la société C.A. France lui a donné des explications sur la ré indexation de la redevance minimum garantie annuelle de l'année 2016, a confirmé la prise d'effet de l'avenant au 1er janvier 2016 pour l'ensemble du réseau et l'a invitée à retourner un exemplaire de l'avenant signé.
Le 1er septembre 2016, la société 2AMS a reproché à la société C.A. France de lui imposer deux modifications résultant d'un avenant auquel elle n'avait pas souscrit :
- s'agissant de la ré indexation du minimum garanti annuel, elle lui faisait grief d'avoir augmenté le nombre de salons servant d'assiette de calcul, ce qu'elle-même ne pouvait accepter compte tenu du nombre et de la typologie des salons retenus,
- s'agissant de la modification de l'annexe C, elle considérait qu'il s'agissait d'une modification substantielle de son contrat à laquelle elle n'entendait pas donner une suite favorable.
Se référant à l'article 9.1 du contrat, elle mettait alors en demeure la société C.A. France de :
- lui confirmer que la ré indexation du minimum garanti annuel visé à l'article 6.3 de son contrat demeurerait identique,
- lui transmettre le dernier indice en vigueur accompagné de son mode de calcul,
- procéder le cas échéant au remboursement des sommes dues en vertu de la modification de l'indice résultant du maintien de l'assiette de ré indexation telle que prévue à l'article 6.3 du contrat,
- lui confirmer par retour de courrier que le minimum d'achat annuel fixé à l'avenant du 29 octobre 2015 ne serait pas applicable à son salon de coiffure et procéder à toute régularisation de ce chef.
Puis, par lettre du 18 octobre 2016, la société 2AMS, constatant que la société C.A. France n'avait pas déféré à ses demandes, a informé celle-ci que, conformément aux dispositions contractuelles et aux dispositions de l'article 1184 du code civil, le contrat se trouvait résilié de plein droit à ses torts exclusifs.
Le 31 octobre 2016, la société C.A. France a précisé à la société 2AMS qu'elle n'avait pas répondu à sa lettre du 1er septembre 2016 pour les raisons suivantes :
- en premier lieu, parce qu'elle avait constaté que d'une manière générale sa proposition avait été mal comprise et qu'une note collective parviendrait sous peu à l'ensemble des franchisés sur le caractère indicatif et non contraignant de sa proposition,
- en second lieu, parce que la demande de mise en conformité avec les termes du contrat était sans fondement et ne présentait aucune urgence, l'avenant ne s'appliquant pas du fait que la société 2AMS ne l'avait jamais signé et cet avenant n'ayant jamais fait l'objet d'une exécution forcée.
Par la suite, chacune des parties assistées de son conseil est restée sur ses positions.
C'est en cet état que le 26 juin 2017, la société C.A. France a fait assigner la société 2AMS devant le tribunal de commerce de Paris pour voir, à titre principal, juger fautive la résiliation du contrat de franchise par la société 2AMS, et obtenir la somme de 45 074,54, à titre de dommages-intérêts.
Le tribunal, par le jugement déféré, a condamné la société 2AMS à payer la somme de 10 000 à la société C.A. France et l'a déboutée de toutes ses demandes.
Au soutien de ses prétentions, la société 2AMS, appelante, invoque :
- l'article 12.1 du contrat de franchise qui stipule en son alinéa 4 que « toute modification des présentes devra résulter, ad validitatem, d'un avenant écrit et signé par les parties »,
- l'article 9.1 de ce contrat, intitulé « résiliation anticipée avec préavis », aux termes duquel à défaut de respect ou de la bonne exécution par l'une ou l'autre des parties d'une seule des obligations souscrites dans le contrat et ses annexes, le contrat sera résilié de plein droit un mois après une mise en demeure adressée par lettre recommandées avec avis de réception d'avoir à payer et/ou à exécuter une obligation restées infructueuse, sans qu'il soit besoin d'aucune autre formalité.
L'appelante prétend que la société C.A. France a modifié de façon unilatérale le contrat de franchise ; elle souligne que la société intimée a reconnu avoir procédé aux modifications litigieuses en se fondant sur la note qu'elle a diffusé le 7 novembre 2016, postérieurement à la résiliation, dans laquelle elle fait état de la modification de la clause d'approvisionnement en produits professionnels et de la nécessité d'un avenant modificatif afin de remettre en place les anciens minima d'approvisionnement.
Ajoutant que les deux clauses, à savoir l'article 6.3 relatif à la ré indexation des minima garantis annuels et l'article 5.1.1 paragraphe C relatif au minima annuel d'achat sont tous deux stipulées à peine de résiliation anticipée du contrat, l'appelante souligne que les modifications unilatérales qui ont été apportées à compter du 1er janvier 2016 impactent directement le montant de la redevance et des charges dues qui s'en trouvent augmentés.
Mais la société C.A. France réplique, à juste raison, que la société 2AMS n'a jamais signé l'avenant qui lui était proposé et que cet avenant n'a jamais été mis en œuvre à son encontre.
Il en résulte qu'il ne peut valablement être reproché au franchiseur d'avoir manqué à ses obligations contractuelles ; dès lors, la société 2AMS était mal fondée à prononcer la résiliation du contrat aux torts de la société C.A. France en application de l'article 9.1 du contrat de franchise ou encore de l'article 1134 ancien du code civil.
La résiliation du contrat de franchise a été ainsi prononcée par le franchisé sous un mauvais prétexte, alors même qu'il ne justifie d'aucun préjudice ; en conséquence, toutes ses demandes doivent être rejetées.
Pour réclamer la somme de 45 074,54 , la société C.A. France invoque l'article 10.2 du contrat, en réalité l'article 10.5, qui stipule : « ...si la résiliation du présent contrat intervient par la faute ou du fait du franchisé, tant dans les conditions de l'article 9.1 que de l'article 9.2, celui-ci sera redevable au franchiseur, conformément aux articles 1152 et 1226 du code civil, d'une indemnité minimale qui ne saurait être inférieure à (1) an de redevance de marque minimum garantie, telle que fixée à l'article 6.2.2 qui précède, complétée par une somme correspondant à la redevance minimum garantie qui aurait été versée par le franchisé si les présentes avaient été exécutées jusqu'au terme fixé à l'article 22. La présente indemnité, prévoyant une réparation minimale des préjudices subis par le franchiseur, ne fera pas obstacle au droit de ce dernier de réclamer par-devant la juridiction visée à l'article 11 ci-après une indemnisation complémentaire pour les préjudices matériels et immatériels, directs et indirects subis et non couverts par ladite pénalité. »
La société 2AMS se borne à objecter que la société C.A. France s'abstient de justifier du montant de l'indemnité réclamée et que sa demande est infondée dans son montant comme dans son principe, la résiliation résultant de ses manquements.
Le tribunal a justement retenu :
- que la société C.A. France ne justifiait pas du montant sollicité,
- que le montant de la redevance de marque minimum garantie, telle que fixée à l'article 6.2.2, s'établissait à 8 713, ce qui aboutissait à une somme de 34 852 à raison des 3 années restant à courir après la résiliation,
- que l'indemnité prévue au contrat constituait une clause pénale dont le montant était manifestement excessif au regard du préjudice subi,
- qu'il convenait de la réduire à la somme de 10 000.
Il convient donc de confirmer sa décision.
La société 2AMS qui succombe en toutes ses prétentions doit supporter les dépens.
Vu les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, il y a lieu d'allouer la somme supplémentaire de 4 000 à l'intimée et de débouter l'appelante de sa demande de ce chef.
PAR CES MOTIFS :
Confirme le jugement en toutes ses dispositions,
Y ajoutant, condamne la société 2AMS à payer la somme de 4 000 à la société C.A. France par application de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute les parties de toutes leurs autres demandes,
Condamne la société 2AMS aux dépens d'appel.