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Décisions

CA Paris, 16e ch. B, 28 avril 2000, n° 1999/17987

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Espace Loggia Expansion (SA)

Défendeur :

Conforama France (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Garban

Conseillers :

Le Bail, Provost-Lopin

Avocats :

SCP Bernabe-Chardin-Cheviller, Me Guilleminet, SCP Fisselier-Chiloux-Boulay, Me Menard-Dauvergne

TGI Bobigny, 5e ch. sect. 3, du 7 juill.…

7 juillet 1999

ARRET :

Contradictoire

Prononcé publiquement par S. GARBAN, Président, laquelle a signé la minute avec M.F. MEGNIEN, Greffier.

Par acte sous seing privé du 19 septembre 1990, intitule “Concession d’Emplacement”, la société Conforama a mis & la disposition de la SARL Espace Loggia un emplacement au sein de son magasin situé 53 avenue Gallieni à Bondy, d’une surface de 38 m2, pour le négoce de mezzanines, de lits superposés et d’accessoires, pour une durée de 3 ans & compter du 1er septembre 1990, renouvelable d’année en année sauf dénonciation par l’une des parties moyennant un préavis de 3 mois à chaque échéance annuelle, sans indemnité.

L’article 9 prévoit que les parties sont convenues que les conditions déterminantes à l’origine de la concession et son caractère provisoire l’excluent du champ duplication du décret du 30 septembre 1953 portant statut des baux commerciaux.

Par jugement du 26 juin 1992, le Tribunal de Commerce de Romorantin a ouvert une procédure de redressement judiciaire a l’égard de la société Espace Loggia. Par jugement du 7 aout 1992, ce même Tribunal a arrêté

le plan de redressement comportant cession globale des éléments d’actif a la société anonyme Espace Loggia Expansion, en cours de constitution, représentée par M. Jean-Philippe Boumy.

Le 12 décembre 1992, la société Conforama et M. Boutmy ont signé un acte, intitule comme le précèdent “Concession d’Emplacement” et identique à celui-ci.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 27 janvier 1998 adressée à la société “Espace Loggia”, la société Conforama lui a fait savoir qu’elle désirait récupérer l’emplacement et lui a demandé de libérer les lieux pour le 1er mai 1998 au plus tard, date qu’elle a rectifiée par courrier du 10 février 1998 en indiquant que les lieux devaient être libérés pour le 1er septembre 1998.

Faisant valoir qu’elle exploite dans les lieux de manière indépendante et autonome un fonds de commerce, la société Espace Loggia Expansion a saisi le Tribunal de Grande Instance de Bobigny aux fins de se voir- reconnaitre le bénéfice des dispositions du décret du 30 septembre 1953. Par jugement du 7 juillet 1999, ce Tribunal a :

-  rejeté les demandes de la soci6te Espace Loggia Expansion ;

-  dit que la convention de concession d’emplacement du 12 décembre 1992 qui a été souscrite par M. Boutmy pour le compte de la société demanderesse lui est opposable ;

-  dit que la concession d’emplacement ne constitue pas un bail ;

-  dit qu’en l’absence de toute autonomie d’exploitation et de clientèle propre, la société demanderesse ne peut prétendre être propriétaire d’un fonds de commerce pour l’emplacement considéré ;

-  dit que les courriers en date des 27 janvier et 10 février 1998 de dénonciation de la concession d’emplacement valent pour le 1er novembre 1998 et qu’à compter de cette date, la société demanderesse n’avait aucun droit ni titre dans l’emplacement considéré ;

-  dit que la société Espace Loggia Expansion a commis une faute en se maintenant dans les lieux et a ainsi cause un préjudice certain a la défenderesse ;

-  ordonne l’expulsion de la société demanderesse de l’emplacement qu’elle occupe avec exécution provisoire et sous astreinte de 1.000 F par jour de retard à compter de la signification du jugement ;

- condamne la société Espace Loggia Expansion à payer à la société Conforama une somme de 20.000 F à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi ainsi qu’une somme de 25.000 F sur le fondement de l’article 700 du nouveau code de procédure civile.

Par ordonnance du 1er octobre 1999, l’exécution provisoire du jugement a été arrêtée.

La Cour,

Vu l’appel de cette décision interjeté par la société Espace Loggia Expansion ;

Vu les conclusions de l’appelante en date du 20 janvier 2000 par lesquelles elle demande à la Cour :

-  l’infirmation en toutes ses dispositions du jugement ;

-  de dire nulle, a tout le moins inopposable à elle, la concession d’emplacement du 12 décembre 1992 ;

-  de constater qu’elle dispose d’un bail verbal suivant lequel elle exploite dans les lieux, de manière indépendante et autonome, un fonds de commerce ;

-  subsidiairement, si la Cour devait considérer l’acte du 12 décembre 1992 comme conclu en son nom et pour son compte :

*    de dire que compte tenu de l’ancienneté de la location, de l’existence d’un véritable local, de l’importance du loyer paye et du caractère propre et autonome de la clientèle, il s’agit d’un bail commercial soumis aux dispositions du décret du 30 septembre 1953 ;

*    d’enjoindre à la société Conforama de se rendre chez tel notaire ou avocat qu’il plaira à la Cour de designer aux fins de régularisation d’un bail commercial conforme aux dispositions du décret du 30 septembre 1953 ;

*    de dire qu’a défaut de se faire par la société Conforama l’arrêt vaudra bail commercial soumis au décret du 30 septembre 1953 ;

-  plus subsidiairement, de designer un expert avec mission de donner son avis sur le caractère propre et autonome de sa clientèle et plus généralement sur la réunion des conditions duplication du décret du 30 septembre 1953 ;

-  dire nuls et de nul effet les courriers des 27 janvier et 10 février 1998 par lesquels la société Conforama a prétendu mettre fin au bail ;

-  de condamner la société Conforama à lui payer la somme de 15.000 F pour ses frais irrépétibles de première instance et celle de 20.000 F pour ces mêmes frais en cause d’appel.

Vu les conclusions en date du 14 octobre 1999 de la société Conforama par lesquelles elle demande à la Cour :

-  la confirmation du jugement ;

-  de dire que la convention du 12 décembre 1992 est opposable à la société Espace Loggia Expansion ;

-  de constater que cette société a exécuté ladite convention et a donc ratifié les actes de son mandataire ;

-  de dire que la convention du 12 décembre 1992 conclue moyennant une redevance forfaitaire, sans aucune charge, ni dépôt de garantie ne constitue pas un bail ;

-  de dire que l’emplacement considéré ne constitue pas un local au sens de l’article 1er du décret du 30 septembre 1953 ;

-  de dire que la société Espace Loggia Expansion ne bénéficie pas d’un bail portant sur le local ;

-  de dire qu’en l’absence de toute autonomie d’exploitation et de clientèle propre, la société Espace Loggia Expansion ne peu prétendre être propriétaire d’un fonds de commerce pour l’emplacement considéré ;

-  de dire que le décret du 30 septembre 1953 est inapplicable à l’emplacement litigieux ;

-  d’ordonner l’expulsion de la société Espace Loggia Expansion de l’emplacement qu’elle occupe, sous astreinte de 5.000 F par jour de retard à compter de la signification de l’arrêt ;

-  de dire qu’en se maintenant après le 1er novembre 1998 dans l’emplacement en cause pour empêcher la société Conforama de réaménager le magasin et entraver ses travaux, la société Espace Loggia Expansion a commis une faute qui lui a causé un préjudice certain qui doit être réparé par l’allocation d’une somme de 100.000 F à titre de dommages-intérêts ;

-  de condamner l’appelant à lui payer la somme de 25.000 F au titre des frais irrépétibles afférents à la procédure d’appel.

Par courrier du 10 mars 2000, Me Guilleminet, avocat de la société Espace Loggia Expansion, déclare que la régie du contradictoire a été violée, son contradicteur ayant, selon lui, soulevé a l’audience un moyen de droit relatif à l’enquête de clientèle que la société Espace Loggia Expansion à diligentée, et demande que soit acceptée sa note en délibèré.

SUR CE,

Considérant, sur le courrier du 10 mars 2000 de l’avocat de la société Espace Loggia Expansion, que d’une part les parties sont aux termes de l’ordonnance du 2 novembre 1945 représentées devant les cours d’appel par les avoués et qu’il n’appartient donc pas à un avocat de déposer une note en délibéré, que d’autre part une telle note ne peut être déposée en vertu de l’article 445 du nouveau code de procédure civile qu’en vue de répondre aux arguments développés par le ministère public ou à la demande du président dans les cas prévus aux articles 442 et 444 du nouveau code de procédure civile, et que tel n’est pas le cas en l’espèce ; que le courrier en cause doit être rejeté ;

Sur les demandes de la société Espace Loggia Expansion

Sur la demande principale relative à la nature de la convention

Considérant que la société Espace Loggia Expansion soutient que la concession d’emplacement est nulle, ou à tout le moins lui est inopposable, et qu’elle dispose d’un bail verbal sur les lieux ; qu’elle fait valoir que la convention, signée par M. Boutmy, ne mentionne a aucun moment son existence, que les juges ne peuvent donc sans dénaturer la convention dire qu’elle lui est opposable ; que l’attitude de la société Conforama lui interdit d’inscrire l’établissement au registre du commerce et la prive ainsi, frauduleusement, du bénéfice de la propriété commerciale ;

Mais considérant qu’ainsi que le premier juge l’a à juste titre retenu, il ressort sans ambiguïté de l’ensemble des éléments recueillis que M. Boutmy a signé l’acte pour le compte de la société Espace Loggia Expansion ;

Qu’en effet, M. Boutmy apparait sur le jugement du Tribunal de Commerce du 7 aout 1992 ayant autorisé la cession des actifs de la société Espace Loggia a la société Espace Loggia Expansion, comme le représentant de cette dernière société, alors en formation ;

Que la société Conforama a écrit le 19 novembre 1992 à la société Espace Loggia Expansion, et non pas à M. Boutmy, pour lui demander si elle entendait poursuivre l’exploitation dans le local en cause ; que M. Boutmy lui a répondu par lettre du 30 novembre 1992, a en-tête de la société et comportant les références de celle-ci, : “nous désirons poursuivre l’exploitation du magasin Espace Loggia Expansion situe dans votre galerie marchande” ;

Que les factures de la redevance aient été adressées a la société “Espace Loggia”, et ont été réglées par la société Espace Loggia Expansion, qui manifeste ainsi qu’elle s’estimait tenue du paiement de cette redevance ;

Considérant que le jugement déféré doit ainsi être confirmé en ce qu’il a dit la convention du 12 décembre 1992 opposable à la société Espace Loggia Expansion ;

Sur la demande subsidiaire selon laquelle la convention du 12 décembre 1992 constitue un bail commercial soumis au décret du 30 septembre 1953

Considérant que l’appelante soutient qu’elle remplit toutes les conditions du décret du 30 septembre 1953 pour bénéficier d’un bail soumis aux dispositions de ce décret; qu’en effet, les lieux constituent un véritable local et non un simple emplacement ; qu’elle y exploite un fonds de commerce, totalement indépendant du magasin Conforama, doté d’une clientèle autonome par rapport à celle de ce magasin ainsi qu’il ressort des éléments qu’elle produit, notamment de l’étude de clientèle à laquelle elle a procédé ;

Mais considérant que pour pouvoir bénéficier des dispositions du décret du 30 septembre 1953, les lieux doivent répondre aux conditions posées par l’article 1er de ce décret, selon lequel : “les dispositions du présent décret s’appliquent aux baux des immeubles ou locaux dans lesquels un fonds est exploite, que ce fonds appartienne soit à un commerçant ou à un industriel immatricule au registre du commerce et des sociétés, soit au chef d’une entreprise immatriculée au répertoire des métiers, accomplissant ou non des actes de commerce” ; que quatre conditions sont ainsi posées : un bail, un local ou un immeuble, un fonds commercial, industriel ou artisanal, une immatriculation au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers ;

Considérant, en ce qui concerne la condition relative au local, que l’article 2 de la convention du 12 décembre 1992, intitule “Situation de l’emplacement” prévoit que “Conforama se réserve la possibilité de modifier cet emplacement, soit en le déplaçant, soit en réduisant la surface concédée, en fonction des besoins de sa propre exploitation”, qu’il apparait donc que la situation et la surface de l’emplacement concédé sont laisses a la discrétion de la société Conforama qui peut imposer des modifications de surface et d’implantation, et que par conséquent le l’emplacement en cause ne peut être considéré comme un local au sens de l’article 1er du décret du 30 septembre 1953 ;

Considérant, au surplus, que la société Espace Loggia Expansion ne rapporte pas la preuve de l’exploitation indépendante d’un fonds de commerce dans les lieux ; et notamment l’existence d’une clientèle attachée de manière autonome a cette exploitation ;

Qu’en effet, d’une part, il ressort de l’article 6.1 de la convention qu’elle a l’obligation d’aménager la surface mise à sa disposition en harmonie avec l’aménagement et la décoration du magasin, et de l’article 6.2 qu’elle doit respecter les horaires d’ouverture du magasin, obligation d’ailleurs inévitable puisqu’elle ne dispose pas d’entrée particulière ;

Que, d’autre part, l’enquête de clientèle à laquelle elle a précédé est insuffisante pour conclure à l’existence d’une clientèle indépendante et les publicités parues dans les journaux ne sont pas davantage probantes alors qu’elle dispose d’autres points de vente et que les publicités concernent l’ensemble de ceux-ci et non le seul emplacement de Bondy ;

Considérant qu’ainsi, sans qu’il soit besoin d’examiner si les autres conditions de l’article 1er du décret sont réunies ni de recourir à une mesure d’expertise, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a dit que les dispositions du décret du 30 septembre 1953 ne sont pas applicables à la convention en cause ;

Sur les demandes de la société Conforama

Sur le montant de l’astreinte

Considérant qu’il convient de rejeter la demande de la société Conforama tendant à ce que le montant de l’astreinte assortissant l’expulsion des lieux prononcée centre la société Espace Loggia Expansion soit portée à la somme de 5.000 F par jour de retard ;

Sur la demande de dommages-intérêts

Considérant que la société Conforama déclare que le maintien abusif de la société Espace Loggia dans les lieux lui interdit le réaménagement de son magasin rendu nécessaire par les besoins de son exploitation et lui cause un préjudice d’exploitation certain qui doit être réparé par l’allocation de la somme de 100.000 F à titre de dommages-intérêts ;

Mais considérant que la société Conforama n’apporte aucun élément quant à la perte d’exploitation qu’elle allègue, qu’il convient, réformant le jugement déféré sur ce point, de rejeter ce chef de demande ;

Sur la demande au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile

Considérant qu’il convient d’allouer à la société Conforama une somme de 25.000 F au titre des frais irrépétibles exposés pour la procédure d’appel ;

PAR CES MOTIFS

Rejette le courrier du 10 mars 2000 de l’avocat de la société Espace Loggia Expansion,

Confirmes-en toutes ses dispositions le jugement du 7 juillet 1999, sauf en ce qui concerne les dommages-intérêts alloues à la société Conforama,

Reformant le jugement sur ce point,

Déboute la société Conforama de ce chef de demande,

Ajoutant :

Condamne la société Espace Loggia Expansion à payer à la société Conforama la somme de 25.000 F au titre des frais irrépétibles d’instance afférents a la procédure d’appel,

Condamne la société Espace Loggia Expansion aux dépens d’appel, dit qu’ils seront recouvrés conformément à l’article 699 du nouveau code de procédure civile.