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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 9 juin 2021, n° 17/20526

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Bernas Médical (SA)

Défendeur :

Philips France Commercial (Sasu)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Conseiller :

M. Gilles

Avocats :

Me Regnier, Me Contis, Me Boccon-Gibod, Me Bretzner

T. com. Paris, du 4 oct. 2017

4 octobre 2017

La société Bernas médical (ci-après « la société Bernas ») a pour activité la vente, l'installation et le service après-vente de matériels et dispositifs médicaux hospitaliers.

La société Philips France commercial (ci-après « la société Philips »), venant aux droits de la société Philips France, exerce son activité sur le marché des équipements et consommables médicaux destinés aux hôpitaux et cliniques, marché dit « PCCI » (« Patient care and clinical informatics » ou « Soins aux patients et informatique médicale ») intra-hospitalier.

La société Bernas a entretenu des relations commerciales depuis 1984, successivement avec les sociétés Hewlett Packard France, Agilent et à compter de 2001 avec Philips.

Suivant le dernier contrat de distribution du 28 décembre 2011 conclu entre les parties pour une durée de douze mois, la société Bernas a bénéficié d'une exclusivité sur certains produits Philips.

Le 14 juin 2013, le contrat a fait l'objet d'un avenant qui en a prorogé la durée jusqu'au 28 février 2014.

Le 16 décembre 2013, Philips a fait part à la société Bernas de sa volonté de réorganiser son réseau de distribution intra-hospitalier au cours d'une réunion tenue au siège de la société Philips en présence des autres distributeurs de cette dernière : les sociétés Lepine, Trumpf et AVF et a demandé à chacun de ses distributeurs de lui proposer individuellement pour le printemps 2014, un business plan pour la période postérieure au 30 juin 2015.

Par courrier recommandé en date du 19 décembre 2013, la société Philips a notifié par écrit à la société Bernas la fin de leur relation commerciale avec effet au 30 juin 2015.

Un nouvel avenant a été conclu à la demande de la société Philips, prorogeant ainsi la durée du contrat jusqu'au terme de la période de préavis, soit le 30 juin 2015.

La société Bernas a communiqué son business plan le 16 juin 2014 et présenté celui-ci le 23 juin 2014 lors d'une réunion.

Le 1er octobre 2014, la société Philips a indiqué oralement et par courrier du même jour, qu'elle ne retenait pas son offre de services pour la période postérieure au 30 juin 2015.

Par courrier du 27 novembre 2014, la société Bernas a contesté la durée du préavis fixé par la société Philips pour mettre fin à une relation commerciale de plus de 30 ans et l'a relancé sur diverses questions soulevées lors de la réunion du 1er octobre 2014, restées sans réponse.

Par acte du 29 janvier 2015, la société Bernas a assigné la société Philips France commercial venant aux droits de la société Philips France aux fins d'obtenir notamment des dommages-intérêts au titre d'une rupture brutale de la relation commerciale et d'un manquement à l'obligation de loyauté dans les pourparlers.

Par jugement du 4 octobre 2017, le tribunal de commerce de Paris a :

Dit que la relation entre les parties présente bien le caractère d'une relation commerciale établie depuis 30 ans,

Dit que les conditions de la rupture ne violent pas les prescriptions de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce,

Débouté la SAS Bernas médical de toutes ses demandes s'y rapportant,

Condamné la SAS Bernas médical à payer à la SAS Philips France commercial venant aux droits de la SAS Philips France la somme de 20 000 au titre de l'article 700 CPC déboutant pour le surplus,

Débouté les parties de leurs autres demandes, fins et prétentions,

Condamné la SAS Bernas médical aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 81,90 dont 13,43 de TVA.

Par déclaration au greffe du 8 novembre 2017, la société Bernas a interjeté appel du jugement.

Aux termes des dernières conclusions de la société Bernas déposées et notifiées le 04 septembre 2019, il est demandé à la Cour :

vu notamment l'article L. 442-6, I, 5° (ancien) du Code de commerce

et l'article 1382 (ancien) du Code civil,

vu la jurisprudence,

vu les pièces,

Déclarer la SA Bernas médical recevable et bien fondée en son appel,

Y faisant droit INFIRMER le jugement du 4 octobre 2017 du tribunal de commerce de Paris en ce qu'il retient que la rupture de la relation commerciale établie entre les sociétés Philips et Bernas médical n'est pas brutale au sens des dispositions de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce,

Et statuant à nouveau,

DIRE que le préavis auquel pouvait prétendre la société Bernas médical était de 36 mois,

CONDAMNER la société Philips à payer à la société Bernas médical la somme de 848 454 euros au titre de la marge brute perdue pendant le préavis auquel la société Bernas médical peut prétendre en application de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce,

CONDAMNER la société Philips à payer à la société Bernas médical la somme de 51 081,98 euros à titre de dommages-et-intérêts pour les frais afférents aux licenciements économiques prononcés du fait de la rupture brutale de la relation commerciale établie,

INFIRMER le jugement du 4 octobre 2017 du tribunal de commerce de Paris en ce qu'il déboute Bernas médical au titre de sa demande fondée sur l'attitude fautive de la société Philips au cours des pourparlers,

Et statuant à nouveau,

DIRE ET JUGER que le comportement de la société Philips au cours des pourparlers était fautif, et que celle-ci voit sa responsabilité engagée,

CONDAMNER la société Philips à payer à la société Bernas médical la somme de 17 842 euros au titre du manquement de Philips à son obligation de loyauté dans la conduite des pourparlers ;

En tout état de cause :

DEBOUTER la société Philips France de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

INFIRMER le jugement du 4 octobre 2017 du Tribunal de commerce de Paris en ce qu'il condamne la société Bernas médical à verser à la société Philips la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

CONDAMNER la société Philips à payer à la société Bernas médical la somme de 50 000 euros, à parfaire, au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

CONDAMNER la société Philips France aux entiers dépens de la présente instance.

Aux termes des dernières conclusions de la société Philips déposées et notifiées le 03 mars 2021,

il est demandé à la Cour de :

Vu l'article L. 442-6, I, 5° (ancien) du Code de commerce,

Vu l'ancien article 1382 du Code civil (désormais article 1240 du Code civil),

Vu les articles 562 et 901 du Code de procédure civile,

Dire et juger irrecevable et mal fondé l'appel formé par Bernas à l'encontre de Philips, l'en débouter,

Dire et juger recevable et fondé l'appel incident interjeté par PHILIPS,

Y faisant droit,

1. Sur l'absence de fait générateur de responsabilité susceptible d'être imputé à Philips

Sur l'absence de « rupture brutale de relation commerciale établie »,

1. Dire et juger que la « rupture » de la relation commerciale litigieuse résulte d'un accord intervenu entre les parties, de sorte qu'elle ne saurait donner prise à l'article L. 442-6, I, 5° (ancien) du Code de commerce ;

Infirmer sur ce point le jugement entrepris en ce qu'il a admis l'existence d'une rupture unilatérale, par Philips, de la relation litigieuse,

2. Subsidiairement, dire et juger que Bernas ne démontre pas l'existence d'une relation commerciale « établie » antérieure à 2012, de sorte que le préavis de 18,5 mois qui lui a été accordé de façon effective par Philips constitue un préavis suffisant au regard du droit positif ;

Infirmer sur ce point le jugement entrepris en ce qu'il a admis que la relation litigieuse constituait une relation commerciale « établie » depuis 30 ans.

3. Plus subsidiairement encore, dire et juger qu'aucune rupture « brutale » n'est intervenue en l'espèce puisque Bernas est parvenue, avant la fin du préavis litigieux, à se réorganiser pendant le préavis litigieux et à substituer au flux d'affaires qui existait avec Philips d'autres sources de chiffre d'affaires,

Confirmer en conséquence le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que le préavis accordé de 18,5 mois était suffisant et que la rupture litigieuse n'était pas brutale,

Sur l'absence de faute dans la gestion des pourparlers,

1. Dire et juger que les prétentions de Bernas relatives à la prétendue gestion fautive des pourparlers n'ont pas été dévolues à la Cour de céans, faute d'être expressément indiquées dans la déclaration d'appel,

Déclarer en conséquence irrecevables les demandes formulées à ce titre par Bernas.

2. Subsidiairement, dire et juger que le comportement de Philips lors des pourparlers survenus pendant le préavis litigieux n'expose la concluante à aucun grief,

Confirmer en conséquence le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Bernas de sa demande au titre du comportement de Philips lors des pourparlers.

2. Sur l'absence de préjudice indemnisable susceptible d'être allégué par Bernas,

Dire et juger que Bernas n'administre la preuve d'aucun préjudice indemnisable,

La débouter en conséquence de ses demandes d'indemnisation,

Débouter Bernas de toutes demandes, fins et prétentions contraires,

En tout état de cause,

Condamner Bernas à s'acquitter d'une somme de 30 000 euros entre les mains de Philips au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

La condamner aux entiers dépens dont distraction au profit de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES.

La cour renvoie à la décision entreprise et aux conclusions susvisées pour un exposé détaillé du litige et des prétentions des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR

Sur les demandes de la société Bernas au titre de la perte de marge brute et frais de licenciements fondées sur la rupture brutale de la relation commerciale

L'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 applicable au litige, dispose qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels.

Sur le caractère établi de la relation

Les parties s'opposent quant au caractère établi de leur relation depuis 1984.

La relation commerciale, pour être établie au sens des dispositions susvisées, doit présenter un caractère suivi, stable et habituel. Le critère de la stabilité s'entend de la stabilité prévisible, de sorte que la victime de la rupture devait pouvoir raisonnablement anticiper pour l'avenir une certaine continuité du flux d'affaires avec son partenaire commercial.

Par de justes motifs, non utilement contredits par la société Philips et que la Cour adopte, le tribunal a retenu que les parties ont noué une relation commerciale établie au sens des dispositions précitées depuis 1984, tel qu'il ressort des éléments produits par la société Bernas, à savoir notamment :

-  des extraits de contrats sur la période de 1985 à 1999 avec la société Hewlett Packard (pièces 23 à 25), puis avec la société Agilent se substituant à cette dernière (pièces 26 et 4) et de la reprise dans les mêmes conditions des contrats par la société Philips après le rachat de la division santé d'Agilent (pièces 5, 6, 27 et 28)

-  des différents contrats de distribution conclus entre la société Bernas et la société Philips entre 2002 et 2014 (pièces n° 29 à 35, 8, 9)

-  du préambule du contrat du 28 décembre 2011 énonçant que « le distributeur distribue et assure la promotion depuis plus de vingt-cinq ans de diverses gammes de dispositifs médicaux commercialisés successivement par les sociétés hexlett packard, Agilent et, à ce jour, Philips. C'est dans ce contexte que les parties ont décidé de proroger leurs relations » (pièce 8)

-  de l'attestation du cabinet d'expertise comptable récapitulant les volumes d'achats réalisés par la société Bernas auprès de la société Philips entre 2002 et 2015 (pièce n° 36),

-  l'état récapitulatif des objectifs annuels de chiffre d'affaires sur la période de 1993-2013

-  de la spécificité des produits objets des contrats de distribution

Sur l'imputabilité de la rupture

La société Philips soutient que la rupture de la relation commerciale résulte d'un accord intervenu entre les parties, dès lors que :

-  la société Bernas a expressément accepté de participer au processus de mise en concurrence organisé par la société Philips dans le cadre de la refonte de sa stratégie de distribution en France,

-  la société Bernas a signé l'avenant du 21 février 2014, aux termes duquel les parties ont contractuellement programmé l'arrêt de la relation litigieuse,

Comme le soutient à juste titre la société Bernas, il ressort du courrier du 19 décembre 2013 (pièce Bernas n° 10) que c'est la société Philips qui a décidé, sans négociation particulière, du principe de la rupture aux motifs de la réorganisation de son réseau de distribution PCCI intra-hospitalier et de la durée du préavis de 18, 5 mois, la signature de l'avenant du 21 février 2014 n'ayant que pour objet d'organiser les conditions commerciales pour la durée du préavis. Il ne peut davantage être déduit de la soumission par la société Bernas d'un business plan, sur sollicitation de son partenaire historique et dans l'espoir de poursuivre la relation, un accord ou une quelconque négociation sur la rupture de la relation commerciale.

Le tribunal sera confirmé en ce qu'il a retenu que la rupture de la relation commerciale était imputable à la société Philips.

sur la brutalité de la rupture

Le texte précité vise à sanctionner, non la rupture elle-même, mais sa brutalité caractérisée par l'absence de préavis écrit ou l'insuffisance de préavis.

Le délai de préavis doit s'entendre du temps nécessaire à l'entreprise délaissée pour se réorganiser en fonction de la durée, de la nature et des spécificités de la relation commerciale établie, du produit ou du service concerné.

Le tribunal a retenu que le préavis de 18,5 mois accordé par la société Philips avait été suffisant.

La société Bernas soutient que ce préavis était insuffisant et devait être de 36 mois, en considération, outre de la durée de la relation commerciale de plus de 30 années, des éléments suivants :

-  de l'existence d'une équipe dédiée à Philips à la demande expresse de ses fournisseurs qu'elle a été contrainte de licencier,

-  de la part importante du chiffre d'affaires de Bernas réalisée avec la vente des produits Philips (de 17 à 25 %)

-  de la perte de son image de marque par la perte de la distribution des produits notoires comme Philips

-  de l'engagement de non-concurrence imposé à la société Bernas pour une gamme significative des produits Philips maintenue pendant la durée du préavis

-  la technicité des produits nécessitant une équipe formée et dédiée de 6 salariés sur les 31 de la société Bernas,

-  la difficulté de retrouver un partenaire de rang équivalent sur un marché très concentré

Il est constant que l'ancienneté de la relation commerciale, la part du chiffre d'affaires, la spécificité des produits et la notoriété du partenaire, éléments non contestés par la société Philips, rendent nécessaire un préavis de 18 mois.

Cependant, pas plus que devant les premiers juges, la société Bernas ne produit aux débats des éléments concrets et probants, autre que des affirmations, pour démontrer que ce préavis de 18 mois était au moment de la notification de la rupture insuffisant et devait être augmentée à 36 mois pour préparer le redéploiement de son activité, trouver un autre partenaire ou une solution de remplacement.

Dès lors, le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu que le préavis de 18 mois accordé par la société Philips était suffisant et débouté la société Bernas de l'ensemble de ses demandes fondées sur une rupture brutale des relations commerciales.

Sur la demande de dommages-intérêts de la société Bernas au titre d'un manquement à l'obligation de loyauté dans la conduite des pourparlers

La société Bernas fait valoir que conformément aux seules indications données oralement par Philips, elle a construit un business plan autour de deux options possibles de distribution des produits Philips sur le territoire national et a remis son offre de services le 16 juin 2014 à Philips qui souhaitait l'obtenir avant la réunion de présentation fixée au 23 juin 2014. Ensuite, le 1er octobre 2014, au cours d'une réunion, Philips a énoncé ne pas retenir cette offre de services, sans expliquer les raisons de ce rejet, se contentant de déclarer avoir choisi une autre option. Elle ajoute que la société Philips a évoqué l'existence d'un cahier des charges, pourtant inexistant, pour justifier le rejet de l'offre, avant d'être finalement contrainte de reconnaître qu'aucun cahier des charges n'avait été établi, ce qui est parfaitement inhabituel dans les processus d'appel d'offres et ce qui témoigne de la déloyauté de Philips. Enfin, elle soutient que la société Philips a volontairement occulté deux informations primordiales au moment où elle a invité les distributeurs à lui transmettre un business plan pour la poursuite d'une relation d'affaires : d'une part, les pourparlers antérieurs engagés avec AVF participant de la rupture d'égalité entre les distributeurs et d'autre part, le choix de Philips de reprendre, en personne, une partie significative des activités antérieurement externalisées.

Sur le préjudice, la société Bernas allègue que pendant trois mois, son directeur produits de la division « Philips Systèmes Médicaux », a travaillé à temps plein pour élaborer le business plan demandé par Philips, et que dans ces circonstances, elle a subi un réel manque à gagner correspondant au préjudice subi par elle du fait de ne pas avoir pu mobiliser son salarié sur d'autres tâches et sur d'éventuelles opportunités d'affaires. A ce titre, la société Bernas affirme que le préjudice peut être évalué par référence au salaire brut charges incluses de son directeur pendant les 3 mois en cause, soit la somme de 17 842 euros.

La société Philips, préalablement soulève l'irrecevabilité de la demande au motif qu'il résulte de la déclaration d'appel que la société Bernas a expressément circonscrit son appel et n'a déféré à la Cour que les chefs de jugement qui ont trait à l'existence d'une faute imputable à Philips au regard de l'article L. 442-6, I, 5° (ancien) du code de commerce. En outre, la société Philips considère que l'expression « déboute la SA Bernas médical de toutes ses demandes s'y rapportant », présente dans le dispositif du jugement de première instance fait uniquement référence aux dispositions de l'article L. 442-6, I, 5° (ancien) du code de commerce. Enfin, la société intimée allègue qu'aucune indivisibilité n'existe puisque la société appelante développe deux argumentaires distincts qui prennent appui sur des faits distincts, se fondent sur des textes eux aussi distincts et formule en outre deux demandes d'indemnisation totalement distinctes.

Sur le fond, la société Philips fait valoir que, s'agissant de la conduite des pourparlers, seule la qualité des dossiers et des business plans élaborés par chacun des quatre distributeurs en cause a déterminé son choix, la conduisant à opter pour l'un de ces quatre distributeurs, en l'occurrence AVF. Elle précise que l'élaboration d'un cahier des charges stricto sensu n'était ni requise, ni nécessaire, ce d'autant que chacun de ses distributeurs disposait d'une connaissance fine des produits en cause, ainsi que des subtilités du fonctionnement du marché de ce type de produits. Elle ajoute qu'elle ne peut se voir reprocher d'avoir pris la décision d'assumer elle-même, à compter du mois de juillet 2015, la distribution des produits des gammes obstétrique et imagerie comme étant un comportement déloyal dans la conduite des pourparlers par Bernas dans la mesure où aucune des deux options retenues par la société Bernas dans son « business plan » ne reposait à titre principal sur la distribution des produits de la gamme obstétrique ; où la société Bernas n'a jamais constitué le distributeur de Philips pour les produits de la gamme imagerie ; et où la décision de confier à l'un des quatre candidats la commercialisation des autres gammes de produits Philips démontre que le processus de mise en concurrence auquel Bernas a volontairement pris part n'a en aucune façon pu être faussé par cette décision. S'agissant de l'issue des pourparlers litigieux, la société Philips affirme que la circonstance que les pourparlers aient duré environ neuf mois ne saurait permettre d'alléguer que les négociations étaient sur le point d'aboutir.

Sur la recevabilité de la demande :

Il résulte de la lecture de l'ensemble du dispositif du jugement que la demande de dommages-intérêts au titre de la déloyauté dans la conduite des pourparlers de la société Bernas est visée par la combinaison des chefs :

« - Dit que les conditions de la rupture ne violent pas les prescriptions de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce ;

-  Déboute la SAS BERNAS MEDICAL de toutes ses demandes s'y rapportant ; »

Ces chefs de dispositifs étant visés dans la déclaration d'appel, la demande de la société Bernas est recevable.

Sur le fond :

Des explications concordantes des parties, il ressort que le 16 décembre 2013 au cours d'une réunion tenue au siège de la société Philips en présence de l'ensemble des distributeurs (Bernas, Lepine, Trumpf et AVF), celle-ci a fait part de sa volonté de réorganiser son réseau de distribution intra-hospitalier avec le projet de l'époque de restructurer le réseau de distribution autour de deux distributeurs nationaux auxquels il aurait été confié la distribution sur tout le territoire national d'une ou plusieurs gammes de produits. Dans ce cadre, la société Philips a annoncé à ses distributeurs la cessation des relations commerciales avec chacun d'eux à compter du 30 juin 2015 et les a invités à établir un business plan pour la période postérieure au 30 juin 2015 susceptible de répondre à ses nouveaux besoins.

Il n'est pas contesté qu'aucun support particulier, autre que la présentation du « nouveau Business Modèle PCCI Intrahospitalier » lors de la réunion du 16 décembre 2013 (pièce Philips n° 2), ni de cahier des charges n'a été remis aux distributeurs. La société Bernas médical, bien qu'affirmant avoir demandé plus de documentation en ce sens, n'en justifie pas.

Entre janvier 2014 et juin 2014, la société Bernas a élaboré son business plan, une réunion s'est tenue le 23 juin 2014 pour la présentation de celui-ci et le 1er octobre 2014, la société Philips l'a informée qu'elle n'était pas retenue.

Il ressort de ce déroulé des pourparlers et de la teneur du business plan élaboré par la société Bernas (Pièce Bernas n° 12) que celle-ci ne peut sérieusement soutenir, autrement que par l'ancienneté des relations commerciales et de sa connaissance des produits, que la société Philips l'a entretenue dans une croyance légitime d'une poursuite des relations et qu'elle a subi un manque à gagner dans la préparation d'une nouvelle collaboration.

Dès lors, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la société Bernas de sa demande de dommages-intérêts au titre de manquement à l'obligation de loyauté dans la conduite des pourparlers.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la société Bernas aux dépens de première instance et au paiement de la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Bernas, partie perdante, sera condamnée aux dépens d'appel.

En application de l'article 700 du code de procédure civile en appel, la société Bernas sera déboutée de sa demande et condamnée à payer à la société Philips la somme de 7 500 euros.

PAR CES MOTIFS :

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne la société Bernas médical aux dépens d'appel,

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Bernas médical à payer à la société Philips France commercial la somme de 7 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Rejette toute autre demande.