Livv
Décisions

CA Pau, 2e ch. sect. 1, 15 juillet 2010, n° 08/03319

PAU

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Caisse régionale de Crédit agricole mutuel Pyrénées-Gascogne

Défendeur :

BCME (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Avocats :

SCP P. et C. Longin, SCP de Ginestet Duale Ligney

T. com. Dax, du 30 juill. 2008

30 juillet 2008

Objet succinct du litige - Prétentions et arguments des parties

Vu l'appel interjeté le 4 août 2008 par la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL PYRENEES GASCOGNE, (C.R.C.A.M.P.G.), d'un jugement du tribunal de commerce de Dax du 30 juillet 2008,

Vu l'ordonnance de jonction des procédures 08/3369 et 08/3319 du 18 novembre 2008,

Vu les conclusions de la SAS TYSSENKRUPP SOFEDIT et de la SAS THYSSENKRUPP SOFEDIT SUD OUEST du 3 février 2009,

Vu l'ordonnance de jonction des procédures 08/3424 et 08/3319 du 3 février 2009,

Vu les conclusions de la BANQUE COMMERCIALE POUR LE MARCHE DE l'ENTREPRISE, B.C.M.E., du 19 mai 2009,

Vu les assignations en intervention forcée délivrées par actes des 28 janvier 2010 à la requête du CREDIT COOPERATIF et de la C.R.C.A.M.P.G. à l'encontre de Maître JUN, ès qualités de liquidateur de la SAS ALEMA,

Vu l'ordonnance de clôture du 2 février 2010 pour fixation à l'audience du 23 février 2010,

Vu les ordonnances de jonction des procédures 10/459 et 10/458 avec celle numérotée 08/3319 du 4 février 2010,

Vu les conclusions de la SAS AUTOMATION, de la SARL TECHNOLOGY, de la SAS ALEMA PRODUCTION et de la SAS ALEMA CONCEPT du 16 février 2010,

Vu la constitution de Maître JUN, ès qualités de liquidateur de la SAS ALEMA, du 19 février 2010,

Vu l'avis donné aux parties le 19 février 2010, compte tenu de cette constitution, de ce que l'affaire sera fixée ultérieurement, avec révocation de clôture,

Vu les conclusions de Maître VIGREUX, ès qualités d'administrateur au redressement judiciaire de la SAS ALEMA, et de Maître JUN, ès qualités de mandataire liquidateur de la SAS ALEMA, du 8 mars 2010,

Vu les conclusions du GROUPE ALEMA SAS du 22 mars 2010,

Vu l'ordonnance de clôture du 23 mars 2010 pour l'audience fixée au 30 mars 2010,

Vu la demande de report au jour des débats de l'ordonnance de clôture, à défaut de rejet des conclusions du GROUPE ALEMA SAS, formulée par le DEPARTEMENT DES LANDES le 25 mars 2010,

Vu les conclusions de la C.R.C.A.M.P.G. et celles du CREDIT COOPERATIF du 26 mars 2010,

Vu les conclusions du DEPARTEMENT DES LANDES du 26 mars 2010,

Vu les conclusions responsives de Maître VIGREUX, ès qualités d'administrateur au redressement judiciaire de la SAS ALEMA, et de Maître JUN, ès qualités de mandataire liquidateur de la SAS ALEMA, déposées à l'audience du 30 mars 2010,

Vu la communication au ministère public qui s'en rapporte,

Vu la demande de renvoi de l'affaire, compte tenu de l'ouverture de redressement judiciaire de la SARL ALEMA TECHNOLOGY par jugement du tribunal de commerce de Nantes du 3 mars 2010, l'accord des parties pour une disjonction de l'affaire concernant cette société.

La SAS ALEMA, holding de gestion, a développé son activité depuis 2003 dans le domaine de l'aéronautique, à travers quatre filiales d'exploitation, un bureau d'études et de calculs d'aérostructure situé à Toulouse, la SAS ALEMA CONCEPT (55 salariés), un bureau d'études et de conception de solutions robotisées situé à Mérignac, la SAS AUTOMATION (55 salariés), un bureau d'études de conception et de réalisation d'outillages situé à Saint-Luce sur Loire, la société ALEMA TECHNOLOGY (15 salariés) et une entreprise de fabrication de pièces aéronautiques, située à Pontacq, la SAS ALEMA PRODUCTION (85 salariés), filiales dans lesquelles la holding détenait 100 % du capital.

La SAS ALEMA détenait également 20 % du capital d'un bureau d'études situé à Tarnos, la société CEMA, qui a fait l'objet d'un jugement de redressement judiciaire du tribunal de commerce de Dax du 20 décembre 2006, puis d'un plan de cession, avec la SA CONCEPTION PROCESS INGENIERIE (unicité des procédures) par jugement du tribunal de commerce de Dax du 16 janvier 2008, au profit de la SA VERDOSO INVESTMENT au prix de 180.000 €.

Le groupe VERDOSO, par l'intermédiaire d'une filiale de droit luxembourgeois, ALEMA AEROSPACE INDUSTRY, a constitué la SAS GROUPE ALEMA, dont le siège, initialement situé à Paris, a été transféré à Tarnos le 20 mars 2008.

Tant la holding SAS ALEMA que ses filiales d'exploitation ont rencontré des difficultés financières au courant de l'année 2006, probablement à cause de leur dépendance à l'égard d'AIRBUS et du décalage de certains programmes, qui ont nécessité en particulier la mise en oeuvre d'un plan de soutien financier auquel ont participé trois établissements bancaires, le CREDIT COOPERATIF par un prêt de 2 M€, la BCME et la CRCAMPG chacune pour 1 M€, consentis à la holding, mais garantis par le nantissement des titres de ALEMA AUTOMATION et de ALEMA CONCEPT (anciennement société RIOUT), et les cautions du CONSEIL REGIONAL D'AQUITAINE et du CONSEIL GENERAL des LANDES, chacun à hauteur de 25 %.

Par ordonnance du 26 janvier 2007 le président du tribunal de commerce de Dax a désigné, sur requête de la SAS ALEMA, Monsieur CASTAIGNEDE en qualité de mandataire ad hoc de cette société, avec pour mission, notamment, de vérifier l'état de solvabilité du groupe de sociétés animée par la société ALEMA, d'aider ce GROUPE à achever sa restructuration financière d'urgence en analysant, par site, puis globalement l'outil de production, l'endettement auprès des banques... pour une durée de trois mois, sur le fondement de l'article L 611-13 du code de commerce.

Cette mission a été prorogée à quatre reprises par ordonnances des 25 mai, 27 juillet, 2 novembre 2007 et 17 janvier 2008 (jusqu'au 26 avril 2008) sur demande de Monsieur Joel ROY, président de la SAS ALEMA, exposant que la négociation du report de plusieurs échéances de paiement n'était pas terminée, que l'intervention du mandataire ad hoc était toujours nécessaire.

Sur nouvelle requête du président de la SAS ALEMA du 25 février 2008, le président du tribunal de commerce de Dax a, par ordonnance du 29 février 2008, ouvert une procédure de conciliation du chef de cette société, sur le fondement de l'article L 611-4 du code de commerce, en désignant comme conciliateur Monsieur CASTAIGNEDE, avec la mission prévue par l'article L 611-7 du code de commerce.

La SA VERDOSO INVESTMENTS, à qui le tribunal de commerce avait cédé par jugement du 16 janvier 2008 la société CEMA, dans laquelle la SAS ALEMA détenait 20 % du capital, et qui avait constitué la SAS GROUPE ALEMA par sa filiale avec transfert du siège social à Tarnos le 20 mars 2008, a manifesté son intérêt pour les activités des filiales de la SAS ALEMA.

Un projet de protocole de conciliation a été établi sous l'égide du conciliateur le 3 avril 2008, entre la SAS ALEMA, ses quatre filiales, les trois établissements bancaires, les collectivités territoriales, la SAS GROUPE ALEMA, la société VERDOSO et les sociétés THYSSENKRUPP, sur le report des échéances par les banques avec mise en place de lignes de garanties.

Selon quatre ordonnances distinctes du 9 avril 2008 le président du tribunal de commerce de Dax a ouvert des procédures de conciliation du chef de chacune des filiales de la SAS ALEMA, sur requête de Monsieur ROY, gérant de chacune d'entre elles.

Par trois jugements du 28 mai 2008 et un jugement du 11 juin 2008 le tribunal de commerce de Dax, sur requête de Monsieur ROY, gérant de chacune des filiales, a mis fin à chaque procédure de conciliation des filiales, et homologué les accords de conciliation de la procédure :

- de la SARL ALEMA TECHNOLOGIE conclu le 6 mai 2008 entre cette société et SAS ALEMA et GROUPE ALEMA SAS,

- de la SAS ALEMA CONCEPT conclu le 6 mai 2008 entre cette société et SAS ALEMA et GROUPE ALEMA SAS,

- de la SAS ALEMA AUTOMATION conclu le 6 mai 2008 entre cette société et SAS ALEMA et GROUPE ALEMA SAS,

- de la SAS ALEMA PRODUCTION conclu le 4 juin 2008 entre cette société et SAS ALEMA, GROUPE ALEMA SAS, THYSSENKRUPP SOFEDIT SAS et SOFEDIT SUD OUEST.

Le tribunal de commerce a statué sur le fondement des articles L 611-8 II et suivants du code de commerce, en considérant :

- la régularité formelle des accords, l'absence de cessation des paiements de chaque filiale, compte tenu de l'apport conséquent de fonds effectué en cours de conciliation,

- l'existence d'une stratégie globale d'investissement dans le secteur aéronautique à travers le partenariat tant financier qu'industriel avec les sociétés du groupe adossées à la société VERDOSO, au travers de sa filiale GROUPE ALEMA,

- l'engagement d'un apport de trésorerie suffisant pour désintéresser l'ensemble des créanciers de la société.

Selon déclaration du 27 juin 2008 le CREDIT COOPERATIF a formé tierce opposition à ces quatre jugements d'homologation, à laquelle les deux autres banques se sont associées.

Par le jugement entrepris du 30 juillet 2008 le tribunal de commerce de Dax, après jonction des différentes instances, a :

- constaté la recevabilité des tierces oppositions formées par la C.R.C.A.M.P.G., le CREDIT COOPERATIF et la BCME,

- constaté la compétence rationane loci du tribunal de commerce pour connaître des procédures de conciliation des sociétés ALEMA CONCEPT SAS, ALEMA TEHCNOLOGY SARL, ALEMA AUTOMATION SAS et ALEMA PRODUCTION SAS, ainsi que de l'homologation des accords intervenus,

- débouté la C.R.C.A.M.P.G., le CREDIT COOPERATIF et la BCME de leurs recours en tierce opposition, ces dernières n'ayant ni qualité et ni intérêt à agir dans le cadre des procédures de conciliation des sociétés SAS ALEMA CONCEPT, ALEMA TECHNOLOGY SARL, ALEMA AUTOMATION SAS et ALEMA PRODUCTION SAS, ainsi qu'en ce qui concerne l'homologation des accords intervenus.

Après avoir constaté la recevabilité des tierces oppositions formées dans le délai de 10 jours à compter de la publicité au BODACC des 17 et 29 juin 2008, et retenu sa compétence compte tenu notamment de ce que l'ensemble des négociations avaient été menées par le même conciliateur, que le centre des intérêts des filiales de la SAS ALEMA et la politique du groupe étaient déterminées au siège social de Tarnos, le premier juge a considéré que :

- les établissements bancaires sont créanciers uniquement de la SAS ALEMA et ont la qualité de tiers par rapport aux procédures de conciliation de ses filiales,

- les prêts consentis demeurent assortis des garanties octroyées par les collectivités territoriales et la société OSEO,

- si les établissements financiers sont concernés par la procédure de conciliation de la SAS ALEMA, elles ne sont pas des tiers intéressés aux procédures de conciliation de ses filiales,

- ils étaient parfaitement informés des négociations menées dans le cadre des procédures de conciliation des filiales et pouvaient saisir le tribunal afin d'être entendues,

Dans le cadre de la procédure de l'appel interjeté par les banques le 4 août 2008, les événements procéduraux suivants sont intervenus :

- la SAS ALEMA a fait l'objet d'un jugement de redressement judiciaire le 28 janvier 2009, sur déclaration de cessation de paiement déposé par son président Monsieur ROY le 16 janvier 2009, Maître VIGREUX étant désigné comme administrateur et Maître JUN comme mandataire judiciaire,

- par jugement du 16 décembre 2009 le tribunal de commerce de Dax a prononcé la liquidation judiciaire de la SAS ALEMA, mit fin aux fonctions de Maître VIGREUX et désigné Maître JUN en qualité de liquidateur judiciaire, lequel a été assigné en intervention forcée en cette qualité,

- le DEPARTEMENT des LANDES est intervenu volontairement à la procédure,

- la SAS ALEMA PRODUCTION a fait l'objet d'un jugement d'ouverture de redressement judiciaire le 3 mars 2009, Maître LIVOLSI étant désigné comme administrateur et Maître LEGRAND en qualité de mandataire judiciaire, régulièrement appelés en intervention forcée,

- la SAS ALEMA TECHNOLOGY a fait l'objet d'un jugement de redressement judiciaire le 3 mars 2010 par le tribunal de commerce de Nantes, cette information ayant été communiquée à l'audience du 30 mars 2010, ce qui a conduit la Cour à ordonner la disjonction de l'affaire concernant cette société.

La CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL PYRENEES GASCOGNES demande, aux termes de ses conclusions déposées le 26 mars 2010, de :

- reporter le prononcé de la clôture à une date plus proche des débats et de juger recevables ses écritures, ou de rejeter les conclusions et pièces du GROUPE ALEMA du 22 mars 2010,

- infirmer le jugement entrepris du 30 juillet 2008,

- statuant à nouveau rétracter les jugements du tribunal de commerce de Dax des 28 mai et 11 juin 2008, annuler les accords de conciliation, dire la SAS ALEMA, les sociétés ALEMA AUTOMATION, TECHNOLOGY, PRODUCTION et CONCEPT et le GROUPE ALEMA SAS mal fondées en leurs demandes et prétentions, les débouter en toutes fins qu'elles comportent.

Après avoir rappelé les concours consentis à la SAS ALEMA depuis 2005 et les procédures de mandat ad hoc et de conciliation ouvertes à son égard, puis celles à l'égard de ses filiales, elle précise ne plus soutenir le moyen tendant à l'incompétence territoriale du tribunal de commerce de Dax devant la Cour.

Elle considère, sur le moyen soulevé par le GROUPE ALEMA de l'irrecevabilité des créanciers de la SAS ALEMA, représentés par Maître JUN, qu'elle justifie d'un intérêt propre et distinct de la collectivité des créanciers.

Sur la nullité des jugements d'homologation, elle soutient que le tribunal de commerce n'ayant pas tenu d'audience en présence des créanciers, en particulier des banques, contrairement à l'article L 611-9 du code de commerce, la procédure de conciliation ouverte à l'égard des filiales de la SAS ALEMA constitue une violation manifeste de cette disposition et du principe du contradictoire.

Elle soutient également que l'objet des accords est totalement étranger aux dispositions de l'article L 611-7 du code de commerce, aucun des créanciers n'étant partie aux accords litigieux, que ces accords ont pour objet de restructurer le capital des filiales en convenant de l'annulation des actes de cession conclus en fraude des droits des banques nanties, puis en décidant d'une réduction du capital des filiales permettant au GROUPE ALEMA de devenir propriétaire de la quasi totalité du capital des filiales et constituent un dévoiement des dispositions légales d'ordre public.

Elle soutient enfin :

- que ces accords de conciliation violent les nantissements constitués sur les titres des sociétés ALEMA AUTOMATION et ALEMA CONCEPT en ce que l'annulation des actes de cession puis la réduction du capital suivie d'une augmentation de capital réservée au seul GROUPE ALEMA ont été prévus pour contourner l'interdiction formelle pour le constituant de disposer des instruments financiers inscrits dans le compte gagé, par application de l'article L 431-4 IV du code monétaire et financier,

- qu'ils organisent le dépeçage des actifs de la SAS ALEMA et portent atteinte au droit de gage général de ses créanciers, puisque cette société a perdu toute perspective de remontée de dividendes de ses ex-filiales, a perdu la valeur que constituaient ces titres et se trouve en liquidation judiciaire, alors qu'aucun justificatif du sauvetage des filiales n'est produit pas le GROUPE ALEMA.

Le CREDIT COOPERATIF demande, aux termes de ses conclusions déposées le 26 mars 2010, de :

- reporter le prononcé de la clôture à une date plus proche des débats et de dire ses écritures recevables, ou de rejeter les conclusions et pièces du GROUPE ALEMA du 22 mars 2010,

- infirmer le jugement entrepris et statuant à nouveau de rétracter les jugements du tribunal de commerce de Dax des 28 mai et 11 juin 2008, d'annuler les accords de conciliation, de dire la SAS ALEMA, les sociétés ALEMA AUTOMATION, TECHNOLOGY, PRODUCTION et CONCEPT et le GROUPE ALEMA SAS mal fondés en leurs demandes et prétentions, de les débouter en toutes fins qu'elles comportent. Sauf des précisions sur les concours qu'il a apporté à la SAS ALEMA, le CREDIT COOPERATIF développe la même argumentation que celle de la C.R.C.A.M.P.G. qui vient d'être rappelée, et à laquelle il convient de se référer.

Le DEPARTEMENT des LANDES, intervenant volontaire, dans ses conclusions récapitulatives III déposées le 26 mars 2010, demande de :

- déclarer recevable et bien fondé son intervention volontaire et de lui en donner acte,

- révoquer l'ordonnance de clôture et de la reporter au jour des plaidoiries, à défaut de rejeter les pièces et conclusions du GROUPE ALEMA du 23 mars 2010,

- d'annuler et à tout le moins d'infirmer le jugement du tribunal de commerce de Dax du 30 juillet 2008 et statuant à nouveau d'infirmer les jugements du tribunal de commerce des 28 mai et 11 juin 2008 ayant homologué les protocoles d'accords des 6 mai 2008, de constater leur résolution.

Après avoir rappelé les engagements souscrits par la SAS ALEMA à l'égard des collectivités locales et des établissements de crédits et précisé que les aides publiques ont été octroyées à la SAS ALEMA en considération de la solvabilité notoire de ce holding et notamment de la valeur de son fonds de commerce dans lequel étaient logées les participations majoritaires des sociétés opérationnelles, pour soutenir le développement industriel du groupe, le DEPARTEMENT ayant consenti des garanties aux banques afin de mutualiser les risques notamment eu égard aux nantissements grevant les comptes d'instruments financiers de la SAS ALEMA ouverts dans les livres des sociétés ALEMA CONCEPT et ALEMA CONCEPTION, il soutient que les accords et opérations intervenus sur le capital des sociétés d'exploitation, gage le plus important des créanciers de la SAS ALEMA, sont intervenues en fraude des créanciers du holding, dès lors qu'elles ont permis au fonds d'investissement VERDOSO d'acquérir l'ensemble du groupe ALEMA, en se dispensant de tout apurement des dettes financières contractées par la société mère.

Le DEPARTEMENT DES LANDES précise que sa créance à l'égard du passif de la SAS ALEMA figure à ce jour à hauteur de 1.911.655 €, dont 500.000 € à titre privilégié, qu'en sa qualité de créancier contrôleur, il a intérêt à agir auprès du liquidateur, que son intérêt à agir résulte également de ce qu'il est créancier de cette société, qu'il garantit une partie des emprunts bancaires consentis et demeurés impayés, que son intervention est conforme au régime de la tierce opposition, en ce que les accords sont intervenus en fraude des droits des créanciers, qu'il dispose de droits propres, à l'instar des banques, distincts et dissociables.

Il soutient que l'homologation des quatre protocoles d'accord n'est plus possible en l'état des procédures collectives ouvertes à l'endroit de la SAS ALEMA et des sociétés ALEMA PRODUCTION et INDUSTRY, par application de l'article L 611-12 du code de commerce, que ces accords participent d'une volonté d'agir en fraude des droits de la société mère, par l'absence délibérée de toute information se rapportant aux quatre procédures de conciliation, alors qu'une seule procédure aurait dû être ouverte, par la volonté du GROUPE ALEMA de prendre le contrôle des sociétés opérationnelles en s'efforçant d'échapper aux effets du nantissement dont bénéficiaient les établissements de crédits sur les CIF.

Le DEPARTEMENT DES LANDES estime que les articles L 611-4 et suivants du code de commerce ont été conçus pour conclure un accord entre débiteur et ses principaux créanciers et nullement pour organiser un traitement différencié des créanciers en fonction de la nature de leur créance, que les quatre procédures de conciliation ont transgressé la lettre et l'esprit de la procédure de conciliation, que les protocoles homologués portent atteinte aux intérêts des créanciers non signataires.

Maître VIGREUX, ès qualités d'administrateur au redressement judiciaire de la SAS ALEMA, et Maître JUN, ès qualités de mandataire liquidateur de la SAS ALEMA, demandent dans leurs conclusions responsives déposées le 30 mars 2010, de :

- rejeter les pièces et conclusions déposées par les sociétés ALEMA AUTOMATION, TECHNOLOGY, PRODUCTION et CONCEPT le 22 mars 2010, à défaut de reporter la clôture au jour de l'audience de plaidoirie et d'accueillir leurs écritures,

- mettre hors de cause Maître VIGREUX, ès qualités,

- infirmer le jugement entrepris du 30 juillet 2008 et statuant à nouveau de rétracter les jugements des 28 mai et 11 juin 2008 homologuant les accords de conciliation et d'annuler ces accords.

Ils soutiennent que le groupe VERDOSO s'est manifesté en constituant le GROUPE ALEMA SAS, alors que les établissements bancaires étaient présents dans le cadre des réunions et négociations suivies entre fin 2007 et le premier semestre 2008, qu'il n'a pas répondu aux demandes d'information des différents partenaires, ce qui a conduit à l'échec de la procédure de conciliation, que de manière surprenante et concomitamment à ces discussions quatre accords présentés comme des accords de conciliation sont intervenus les 6 mai et 4 juin 2008 en l'absence de toute intervention et sollicitation des créanciers, alors que cette opération a eu pour effet de réduire à néant les garanties constituées par la SAS ALEMA, laquelle n'a eu d'autre choix que de solliciter l'ouverture d'un redressement judiciaire, converti en liquidation, avec un passif déclaré de 14 M€. Maître JUN estime qu'il dispose d'un intérêt à agir comme investi d'une mission de défense de l'intérêt collectif des créanciers de la SAS ALEMA, et de l'appauvrissement de cette société.

Sur les accords de conciliation, il soutient que la confidentialité de la procédure de conciliation a été utilisée aux dépens des intérêts des créanciers de la SAS ALEMA, que s'il avait adopté initialement une attitude neutre dans le cadre de l'instance devant la Cour, justifiée par la tenue de négociations laissant espérer la sauvegarde de la SAS ALEMA, il est fondé compte tenu de leur échec à obtenir la reconstitution de l'actif, dans l'intérêt collectif des créanciers.

Il considère que, contrairement à l'appréciation du premier juge, l'éviction des créanciers nantis, dans le cadre des accords de conciliation homologués, leur cause un préjudice qui leur confère un intérêt à agir, qu'en définitive ces accords sont le fruit d'une manoeuvre orchestrée par le GROUPE ALEMA SAS à son seul profit, pour tenir à l'écart les créanciers de la SAS ALEMA, que la méthode employée pour restructurer le capital des filiales fait suite à l'annulation des actes de cession des titres des filiales, en fraude des droits des créanciers.

La BANQUE COMMERCIALE POUR LE MARCHE DE l'ENTREPRISE, BCME, demande par conclusions du 19 mai 2009 d'annuler le jugement entrepris, et d'annuler les jugements du tribunal de commerce des 28 mai 2008 qui ont homologués les accords convenus entre la SAS ALEMA et ses différentes filiales.

Elle soutient que le premier juge a ignoré les moyens qui lui étaient soumis et a violé les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

Elle considère que les accords homologués ne relèvent manifestement pas de la procédure de conciliation, mais d'un artifice destiné à couvrir des opérations dont l'opacité est manifeste, que le premier juge a commis un excès de pouvoir.

Subsidiairement elle soutient que les accords homologués contreviennent aux clauses du contrat de prêt, qu'ils conduisent au dépeçage de la SAS ALEMA en organisant le transfert indirect de toutes ses participations dans le capital de ses filiales et en se privant de la quasi-totalité de ses actifs, que la restructuration organisée va s'effectuer au profit exclusif du GROUPE ALEMA SAS, que la sauvegarde des emplois ne peut pas s'imposer comme prétexte.

Les SAS TYSSENKRUPP SOFEDIT et SOFEDIT SUD OUEST, par conclusions déposées le 3 février 2009, demandent de leur donner acte qu'elles s'en remettent à la sagesse de la Cour quant à la recevabilité et au bien-fondé de l'appel du jugement du 30 juillet 2008.

Elles indiquent que, au cours du premier semestre 2007, suite à la décision de se désengager d'un site de production dédié à la construction automobile situé à Arudy, le groupe ALEMA, en partenariat avec un fonds d'investissement VERDOSO, actionnaire unique de ce groupe, s'est montré intéressé par son acquisition dans le cadre d'une reconversion du site en production aéronautique, proche de celui de Pontacq, qu'après de multiples discussions le groupe ALEMA et VERDOSO ont finalement proposé l'acquisition des actions par la SAS ALEMA PRODUCTION, dans le cadre d'une procédure de conciliation dont elle faisait l'objet.

Elles précisent qu'elles ont signées le 4 juin 2008 l'accord de conciliation concernant cette société, avec un master agreement annexé, qui prévoyait que la cession des actions devait intervenir au plus tard le 31 août 2008, sous condition suspensive tenant à l'homologation définitive et totale de l'accord de conciliation, à savoir l'absence de recours, que compte tenu du recours à l'encontre du jugement d'homologation, ce master agreement est caduc, l'opération n'a pu être réalisée ; elles précisent encore qu'elles sont complètement étrangères aux relations entre les banques, ALEMA SAS d'une part, et d'autre part les sociétés ALEMA PRODUCTION, ALEMA SAS et GROUPE ALEMA (VERDOSO).

Le GROUPE ALEMA SAS, au terme de ses conclusions déposées le 22 mars 2010, demande de :

- déclarer irrecevable et mal fondées la C.R.C.A.M.P.G., le CREDIT COOPERATIF et la BCME, de les débouter de toutes leurs demandes, fins et conclusions, de confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

- déclarer irrecevable et mal fondé le CONSEIL GENERAL des LANDES et de le débouter de ses demandes, fins et conclusions,

- déclarer irrecevable et mal fondé Maître JUN, ès qualités, de le débouter de ses demandes, fins et conclusions.

Il expose qu'après avoir fait bénéficier la SAS ALEMA en novembre 2007 d'un premier montant de 1,2 M€ et refinancé ALEMA AUTOMATION à hauteur de 300 k€, il a envisagé, à la demande expresse et réitérée de Monsieur ROY, de participer au sauvetage industriel de toutes les sociétés d'exploitation, pour contribuer à la sauvegarde de 270 emplois, qu'une première procédure de conciliation ouverte le 29 février 2008 a échoué à cause des trois établissements bancaires créanciers de la SAS ALEMA, qui se refusèrent à tout effort.

Il précise avoir réitéré sa proposition dans le cadre des quatre procédures de conciliation ouvertes le 9 avril 2008, en apportant 1,5 M€ supplémentaire aux quatre filiales opérationnelles, que ce soutien a été accepté par la SAS ALEMA et négocié sous l'égide du même mandataire de justice.

Le GROUPE ALEMA SAS soutient qu'à compter de la désignation du mandataire judiciaire par le jugement d'ouverture, Maître JUN, ès qualités, s'est vu confier le monopole des actions dans l'intérêt des créanciers, que par conséquent les créanciers de la SAS ALEMA sont irrecevables à agir.

Il soutient également que les banques, comme le CONSEIL GENERAL, sont uniquement créancières de la SAS ALEMA, qu'en formant tierce opposition à un accord de conciliation intervenu sur demande d'un débiteur qui n'est pas le leur, elles font litière du concept de personnalité juridique distincte entre mère et filiales et recourent abusivement au concept de Groupe ALEMA, qu'elles ne sauraient être considérées parmi les créanciers non signataires des sociétés parties aux protocoles de conciliation, qu'il en est de même pour Maître JUN, ès qualités, qui ne saurait faire tierce opposition à l'homologation d'un acte que la holding la SAS ALEMA a signé en qualité de partie.

Le GROUPE ALEMA SAS considère que son intervention en tant que nouveau partenaire susceptible de réaliser un apport financier permettant d'assurer la poursuite de l'activité s'inscrit incontestablement dans le cadre et la finalité de la procédure de conciliation telle que prévue par l'article L 611-7 du code de commerce, que le recours à un nouvel actionnaire s'est imposé en raison de l'intransigeance des banques qui interdisait à la SAS ALEMA de se refinancer, qu'autonomes juridiquement les sociétés d'exploitation devaient donc, pour garantir leur survie et leurs emplois, se financer seules.

Il précise que, si une procédure de conciliation a été ouverte dans un premier temps au bénéfice de la SAS ALEMA, c'est pour préserver les intérêts des créanciers bancaires et publics au sein de cette holding, compte tenu du poids économique et politique local de ces créanciers, et à la demande expresse de Monsieur ROY, président fondateur de la holding et de ses filiales.

Il soutient que contrairement à ce que soutiennent les banques, les accords homologués ne portent pas atteinte à leurs intérêts, que son engagement général d'injecter plus de 2 millions d'euros dans les quatre filiales avant décembre 2010 s'est matérialisé par l'apport de 1.940.000 € en capital, outre 1.909.647 € en compte courant, soit un total de 3.849.647 €, que les accords de conciliation ont organisé un second apport de 1.500.000 € au total, que ces tentatives sont indirectement bénéfiques aux créanciers de la société mère, dont les créances n'ont pas été atteintes, qui conservent l'assiette de leurs gages ainsi que les garanties accordées.

S'agissant des opérations sur le capital, le GROUPE ALEMA SAS soutient que la réduction du capital est intervenue sous forme de réduction du montant nominal, de sorte que les nantissements ont continué à porter sur les actions originelles, que la valeur des participations détenues par la SAS ALEMA a considérablement augmenté ; il ajoute que les apports en compte courant ont encore renforcé les sociétés d'exploitation, qui ont pu rémunérer la SAS ALEMA par le versement de plus de 1.900.000 € d'honoraires.

Sur la fraude alléguée, le GROUPE ALEMA SAS soutient que l'opération critiquée a eu pour but de financer une activité économique et maintenir 270 emplois, que si les banques et le DEPARTEMENT des LANDES ont préféré financer la holding la SAS ALEMA plutôt que les sociétés opérationnelles, c'est pour mutualiser leurs risques en bénéficiant de nantissements sur la totalité du capital de sorte qu'une défaillance d'une filiale puisse être compensée par les résultats des autres filiales, qu'en sollicitant l'homologation des accords de conciliation avec les autres parties, elles ont procuré une publicité à ces accords qu'elles n'étaient pas tenu de subir.

Enfin le GROUPE ALEMA SAS souligne et la mauvaise foi des créanciers de la SAS ALEMA, qui négociaient en même temps avec le même mandataire de justice et le dirigeant de la SAS ALEMA et des sociétés opérationnelles, et le rôle ambivalent de ce dirigeant qui avait oublié de prévenir les créanciers, alors que l'instigateur et demandeur du sauvetage des filiales, aurait négligé d'avertir les créanciers du flux de trésorerie, et négligé de l'avertir de l'existence des nantissements.

Les sociétés ALEMA AUTOMATION, TECHNOLOGY, PRODUCTION et CONCEPT demandent, par conclusions déposées le 16 février 2010, de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, de constater le défaut d'intérêt à agir des organismes bancaires.

Elles exposent que les négociations menées par le conciliateur n'ayant pu aboutir, et pour éviter leur défaillance en cascade, il a été décidé d'inscrire leur redressement dans le cadre de conciliations distinctes, la société ALEMA PRODUCTION menant quant à elle une autre négociation concernant le site d'Arudy avec le groupe THYSSEN.

Elles soutiennent que les banques ne peuvent agir en qualités de créancières à leur encontre, puisqu'elles ne disposent d'aucun titre, qu'elles n'établissent pas que les accords de conciliation porteraient atteinte à leurs droits dans la SAS ALEMA.

Sur les conciliations homologuées, elles soutiennent que l'intervention d'un tiers susceptible d'apporter la finance nécessaire s'inscrit dans le cadre naturel de la conciliation, l'accord par son homologation permettant au cocontractant de bénéficier d'un privilège, que les financements leur ont permis de maintenir leur activité et de préserver les emplois, que la SAS ALEMA n'a pas été lésée, que les banques n'ont rien perdu de leurs garanties qui ont été maintenues.

Le ministère public, à qui la procédure a été communiquée, et auquel les parties ont adressé leurs conclusions, s'en rapporte

Sur ce

1 - Sur la situation de la SARL ALEMA TECHNOLOGY

Cette société faisant l'objet de l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Nantes du 3 mars 2010, qui n'a été communiqué que sur l'audience, et l'intervention de l'administrateur désigné n'étant pas possible dans le cadre de l'instance en cours, sauf à en retarder encore le règlement, la disjonction de l'affaire sera ordonnée à son égard.

2 - Sur les demandes de report de la clôture et la recevabilité des conclusions déposées par les parties

Une ordonnance de clôture de la procédure avait été initialement prononcée le 2 février 2010 pour l'affaire fixée à l'audience du 23 février 2010, et maintenue à cette date malgré plusieurs demandes de renvoi des sociétés ALEMA AUTOMATION, TECHNOLOGY, PRODUCTION et CONCEPT et du GROUPE ALEMA SAS, la procédure suite à la liquidation judiciaire de la SAS ALEMA par jugement du 16 décembre 2009 ayant été régularisée par les assignations en intervention forcée à l'encontre de Maître JUN, liquidateur.

Celui-ci s'étant cependant constitué le 19 février 2010, et ayant déposé des conclusions, avec Maître VIGREUX, administrateur judiciaire, le 8 mars 2010, qui tendaient à l'infirmation du jugement entrepris, alors que les conclusions initiales de celui-ci tendaient à s'en remettre à justice (dernières conclusions du 17 novembre 2009), une nouvelle ordonnance de clôture a été prononcée le 23 mars 2010 pour fixation de l'affaire à l'audience du 30 mars 2010, pour permettre aux parties de répliquer, dans ce délai, à cette prise de position du liquidateur de la SAS ALEMA.

En déposant des conclusions le 22 mars 2010 la veille de la clôture, le GROUPE ALEMA SAS ne permettait pas aux autres parties, en particulier aux appelantes et au DEPARTEMENT DES LANDES, intervenant volontaire, d'y répliquer, alors que ces conclusions contenaient une argumentation nouvelle et des moyens nouveaux, en particulier sur la recevabilité des créanciers de la SAS ALEMA, et sur celle de Maître JUN, ès qualités de liquidateur.

Les appelantes, du moins la C.R.C.A.M.P.G. et le CREDIT COOPERATIF, et le DEPARTEMENT DES LANDES, ayant pu répondre le 26 mars 2010, et Maître JUN, ès qualités, le 30 mars 2010, à ces moyens d'irrecevabilité, le contradictoire a pu être respecté, il convient de révoquer la clôture du 23 mars 2010 et de la reporter au jour de l'audience, pour admettre tant les écritures du GROUPE ALEMA SAS que de celles des autres parties.

3 - Sur la compétence territoriale du tribunal de commerce de Dax

Le premier juge a retenu sa compétence en considérant, notamment, que le siège social de la SAS ALEMA, bénéficiant de la procédure de conciliation, était situé à Tarnos dans son ressort, que l'ensemble des négociations avaient été menées dans ce ressort par le même mandataire ad hoc et conciliateur, que le centre des intérêts des filiales et la politique générale du groupe étaient décidés à Tarnos ; la Cour constate et donne acte en tant que de besoin aux appelantes que cette exception n'est plus soulevée en cause d'appel.

4 - Sur la recevabilité en la forme des tierces oppositions

Le jugement entrepris a constaté que la C.R.C.A.P.M.G, par déclaration du 26 juin 2008, le CREDIT COOPERATIF et la BCME, par déclarations du 27 juin 2008, avaient régulièrement formé tierce opposition aux jugements d'homologation des 28 mai et 11 juin 2008, dans le délai de 10 jours suivant les publicités au BODACC effectuées les 17 juin 2008, par application de l'article L 611-10 du code de commerce, il convient de le confirmer sur ce point.

5 - Sur les moyens d'irrecevabilité tenant à la liquidation judiciaire de la SAS ALEMA du 16 décembre 2009 et l'intervention volontaire du DEPARTEMENT DES LANDES

Contrairement à ce que soutiennent le GROUPE ALEMA SAS et les sociétés ALEMA AUTOMATION, TECHNOLOGY, PRODUCTION et CONCEPT, les banques, en formant tierce opposition aux jugements d'homologation pour demander la nullité d'accords de conciliation qui auraient amoindri leurs garanties, en fraude de leurs droits de créanciers nantis, disposent d'un droit propre et sont fondées à invoquer un préjudice spécial et distinct de celui des autres créanciers, elles sont donc recevables en leur intervention, nonobstant celle du liquidateur de la SAS ALEMA.

De même le DEPARTEMENT DES LANDES, dont le président a été autorisé à agir par délibération de la commission permanente du Conseil Général du 11 mai 2009, est recevable en son intervention volontaire en sa qualité de créancier de la SAS ALEMA, et en ce qu'il garantit les emprunts des banques, étant par ailleurs justifié de la saisine de la Chambre Régionale des Comptes, à la demande de la C.R.C.A.M.P.M.G. aux fins d'inscription de la garantie conférée à cet établissement de crédit, et de l'assignation par le CREDIT COOPERATIF en exécution forcée de ses engagements devant le tribunal de grande instance de Mont de Marsan, ce qui démontre suffisamment l'intérêt à agir du DEPARTEMENT DES LANDES dont l'intervention volontaire en cause d'appel est conforme au régime de la tierce opposition, puisqu'il n'était pas présent en première instance, par application de l'article 554 du code de procédure civile.

Maître JUN, ès qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la SAS ALEMA, a évidemment qualité et intérêt à agir au nom et dans l'intérêt collectif des créanciers, par application de l'article L 622-20 du code de commerce, dans la mesure où la SAS ALEMA aurait été vidée de ses actifs par la mise en oeuvre des accords de conciliation.

6 - Sur les conséquences de l'ouverture des procédures collectives de la SAS ALEMA (redressement judiciaire du 28 janvier 2009 et liquidation judiciaire du 16 décembre 2009) et de la SAS ALEMA PRODUCTION (redressement judiciaire du 3 mars 2009).

L'article L 611-12 du code de commerce, dans sa version issue de la loi du 26 juillet 2005, non modifiée par l'ordonnance du 18 décembre 2008, dispose que :

L'ouverture d'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire met fin de plein droit à l'accord constaté ou homologué en application de l'article L 611-8.

En ce cas, les créanciers recouvrent l'intégralité de leurs créances et sûretés, déduction faite des sommes perçues, sans préjudice des dispositions prévues à l'article L 611-11.

Si le GROUPE ALEMA SAS et les sociétés ALEMA AUTOMATION, TECHNOLOGY, PRODUCTION et CONCEPT ne font pas valoir d'observations sur l'application de cette disposition, la C.R.C.A.M.P.G. et le CREDIT COOPERATIF considèrent que les procédures collectives n'ont pas d'incidence sur les accords litigieux, dès lors qu'ils n'ont pas été conclu en faveur de la SAS ALEMA, que l'accord concernant ALEMA PRODUCTION n'était plus en cours lors du redressement judiciaire, que la condition suspensive relative à l'homologation a été réalisée, même en présence d'un recours, mais le DEPARTEMENT des LANDES soutient que l'article L 611-12 entraîne la résolution de plein droit des quatre protocoles litigieux, dès lors qu'ils impliquent des sociétés débitrices de procédures collectives.

La loi du 26 juillet 2005 a introduit cette nouvelle cause d'anéantissement de l'accord prévu à l'article L 611-12, en ce que l'ouverture d'une procédure collective met fin de plein droit à l'accord constaté ou homologué, la cause tenant à l'inexécution des engagements résultant de l'accord étant prévue à l'article L 611-10 alinéa 5 par le prononcé de la résolution de l'accord par le tribunal (dans sa rédaction issue de cette loi, l'article L 611-10-3 issu de l'ordonnance du 18 décembre 2008 n'étant pas applicable).

Si l'article L 611-12 ne prévoit pas la résolution de l'accord, sanction judiciaire de l'inexécution contractuelle, la fin de plein droit de l'accord résultant de l'ouverture d'une procédure collective devrait avoir les mêmes effets juridiques.

Cependant il convient, en se référant à la mission confiée au conciliateur par l'article L 611-7 du code de commerce, de distinguer ce qui résulte d'un accord amiable entre le débiteur et ses principaux créanciers (mission principale ou première) de ce qui ressort des propositions se rapportant à la sauvegarde de l'entreprise, à la poursuite de l'activité économique et au maintien de l'emploi (mission dévolue également au conciliateur), pour apprécier les effets de la fin de plein droit de l'accord.

Si les mesures résultant d'un accord amiable entre le débiteur et ses principaux créanciers, remises de dettes, délais de paiement, apports en trésorerie, fournitures de services en particulier, devraient disparaître avec en particulier restitution par le débiteur des sommes perçues, comme une résolution impliquant une disparition rétroactive de l'accord, les mesures qui ont pour objectif la sauvegarde de l'entreprise ne devraient pas être remises en cause.

En l'espèce les accords de conciliation, en ce qu'ils avaient pour objectif affiché la sauvegarde des sociétés d'exploitation, filiales de la SAS ALEMA, ne devraient pas être remis en cause par l'ouverture d'une procédure collective à l'égard de celle-ci, pas plus que l'ouverture à l'égard de la SAS ALEMA PRODUCTION, aucune restitution n'étant possible à l'égard des créanciers qui n'étaient pas parties à ces accord; mais cette question reste théorique, dans la mesure où l'existence même d'accords de conciliation, conformes à l'article L 611-7 du code de commerce, est contestée.

7 - Sur le moyen tiré de la violation de l'article 455 du code de procédure civile

Seule la BCME, qui n'a conclu que le 19 mai 2009, reproche au premier juge de ne pas avoir répondu aux moyens tendant à dire si les accords homologués relevaient du régime des articles L 611-6 et 7 du code de commerce, en privant les banques de sûretés qui leur avaient été consenties.

Mais dès lors que le premier juge a considéré que, nonobstant la recevabilité en la forme des tierces oppositions, les banques n'avaient aucune qualité ni aucun intérêt à agir dans le cadre des conciliations des sociétés filiales ainsi qu'en ce qui concerne l'homologation des accords, il n'avait pas à répondre aux autres moyens présentés, aucune nullité du jugement ne saurait être encourue de ce chef.

8 - Sur les concours consentis par les banques et le DEPARTEMENT des LANDES, et les garanties

La CRAM PYRENEES GASCOGNE a consenti un prêt de trésorerie de 3 MF le 27 juin 2005 à la SARL ALEMA, devenue la SAS ALEMA, garanti par la caution du Conseil Régional d'Aquitaine, et par une déclaration de gage d'instruments financiers, un prêt de trésorerie de 300 k€ le 27 juin 2005 garanti par un nantissement de matériel et par OSEAO SOFARIS, et un prêt à moyen terme de consolidation de trésorerie du 29 mars 2006 de 1M€, faisant partie d'un financement global de 4 M€ avec la BCME et le CREDIT COOPERATIF, garanti par :

- les cautions du Conseil Régional d'Aquitaine et le DEPARTEMENT DES LANDES, 25 % chacun,

- la garantie D'OSEO SAFARIS, à hauteur de 25 %,

- une déclaration de gage de compte d'instruments financiers de la SAS ALEMA, dans les livres de la SAS ALEMA AUTOMATION, soit 9.729 actions d'une valeur unitaire de 100 €, et dans les livres de la SAS NOUVELLE RIOULT, devenue ALEMA CONCEPT, soit 500 actions d'une valeur unitaire de 683 €.

Le CREDIT COOPERATIF a participé au financement global par un prêt de 2 M€ le 31 mars 2006 au bénéfice de la SAS ALEMA, avec les mêmes garanties et en particulier la déclaration de gage de CIF La BCME a également participé à ce financement global par un prêt de 1 M€ le 22 mars 2006, avec les mêmes garanties que les deux autres établissements, et en particulier la déclaration de gage de CIF.

Le DEPARTEMENT des LANDES a consenti à la SAS ALEMA des aides financières sous forme d'un prêt à restructuration financière de 200.000 € le 20 juillet 2007, d'une avance de 500.000 € sur sept ans remboursable sans intérêts le 13 novembre 2006, et accordé des garanties aux trois établissements bancaires à hauteur de 25 % des emprunts le 14 avril 2006 ; ces garanties ont été à l'évidence consenties à la SAS ALEMA en considération des nantissements grevant les CIF de la SAS ALEMA dans les livres de ALEMA AUTOMATION et ALEMAN CONCEPT, la notification de garantie du Fonds National de Garantie Innovation des PME et TPE (OSEO Sofaris) à hauteur de 25 % également mentionne expressément comme autres garanties les nantissements de parts de la SN RIOUT et de ALEMA AUTOMATION détenues par ALEMA pari issu BCME, CRCAM et CREDIT COOPERATIF.

Les conditions particulières des nantissements stipulent expressément que le constituant, en l'espèce la SAS ALEMA, ne pourra pas disposer des instruments financiers inscrits dans le compte gagé, sauf dérogation à ce principe sur accord exprès et préalable du créancier et du constituant, aux termes d'une convention qui énumérera limitativement le(s) acte(s) que le constituant sera exceptionnellement autorisé à initier sur le compte gagé sous le contrôle du teneur du compte si celui-ci accepte sa mission, étant encore précisé que le gage portait sur les 9.729 actions de la SAS ALEMA AUTOMATION, représentant 100 % du capital, et sur les 500 actions de la SAS ALEMA CONCEPT, représentant la totalité du capital.

Par conséquent les concours des trois établissements bancaires, constitué en pool, et les aides publiques ont été octroyées à la SAS ALEMA dans l'intérêt du groupe ALEMA dans sa globalité, pour soutenir son développement industriel, et les garanties de premier rang ont été prises en considération de la surface financière de la holding, en raison de ses participations à hauteur de 100 % dans le capital de deux de ses filiales opérationnelles.

Les quatre accords de conciliation signés les 4 mai et 11 juin 2008 entre chacune des filiales, la SAS ALEMA et le GROUPE ALEMA SAS, qui seront examinés ultérieurement, prévoient comme première mesure d'ordre juridique (article 1) que le GROUPE ALEMA SAS et la SAS ALEMA conviennent de tenir pour nul et non avenu l'acte de cession des actions de chacune des les sociétés ALEMA AUTOMATION, TECHNOLOGY, PRODUCTION et CONCEPT signé entre elles le 22 février 2008.

Ces actes de cession, dont l'existence n'a été révélée aux banques qu'à l'occasion du projet de protocole de conciliation du 3 avril 2008, étaient contraires, s'agissant des nantissements dans les livres des SAS ALEMA AUTOMATION et ALEMA CONCEPT, aux dispositions de l'article L 431-4 du code monétaire et financier, en ce qu'elles stipulent que les instruments financiers figurant dans le compte gagé... en garantie de la créance initiale du créancier gagiste... sont compris dans l'assiette du gage et en ce que le créancier gagiste définit avec le titulaire du compte les conditions dans lesquels ce dernier peut disposer des instruments financiers... et bénéficie en toute hypothèse d'un droit de rétention sur les instruments financiers..., et aux conditions particulières des nantissements telles que rappelées ci-dessus, sur l'interdiction pour le constituant de disposer des CIF sauf dérogation exprès et préalable du créancier.

Sur ce point il est à observer que, in fine de ses écritures déposées le 22 mars 2010, le GROUPE ALEMA SAS paraît imputer à Monsieur ROY, président de la SAS ALEMA et des sociétés opérationnelles, sa négligence de ne pas l'avoir averti de l'existence de ces nantissements, sans qu'il soit possible de vérifier cette affirmation qui, en raison des négociations en cours sous l'égide du mandataire ad hoc depuis le 26 janvier 2007, apparaît peu plausible.

9 - Sur le déroulement des procédures de mandat ad hoc et de conciliations

Monsieur CASTAIGNEDE a été désigné comme mandataire ad hoc de la SAS ALEMA par ordonnance du président du tribunal de commerce de Dax le 26 janvier 2007, sur requête de la SAS ALEMA, avec la mission suivante, qui devait correspondre à la demande du président (article R 611-18 du code de commerce qui prévoit une demande écrite, exposant les raisons qui la motivent) :

- vérifier l'état de solvabilité du Groupe de sociétés animées par la société ALEMA et notamment le fait que cette dernière n'est pas en état de cessation de paiements,

- aider ce Groupe à achever sa restructuration financière d'urgence en analysant, par site, puis globalement l'outil de production, l'endettement auprès des banques et des fournisseurs, les perspectives commerciales et l'organisation du Groupe dans tous ses aspects (ressources humaines, finances, positionnement stratégique),

- valider les hypothèses économiques pour l'année 2007 et l'exercice suivant, valider le plan de trésorerie et le compte prévisionnel sur trois ans,

- valider les démarches de l'entreprise en vue de diversifier la clientèle notamment auprès de Dassault et de Turboméca.

Cette mission de trois mois, qui a été prorogée à quatre reprises jusqu'au 26 avril 2008 sur la demande du président de la SAS ALEMA exposant que la négociation du report de plusieurs échéances de paiement n'était pas terminée (motifs identiques des quatre ordonnances de prorogation), et qui a donc duré quinze mois, n'a apparemment fait l'objet d'aucun compte rendu écrit au président du tribunal de commerce, la confidentialité qui tient à cette procédure ne justifiant pas cette probable carence, compte tenu de l'importance et de la durée de cette mission.

La procédure de conciliation concernant la SAS ALEMA a été ouverte par ordonnance du 29 février 2008, sur requête du président de la SAS ALEMA, Monsieur CASTAIGNEDE étant désigné comme conciliateur, avec la mission prévue par l'article L 611-7 du code de commerce :

- favoriser la conclusion entre le débiteur et ses principaux créanciers ainsi que, le cas échéant, ses cocontractants habituels, d'un accord amiable destiné à mettre fin aux difficultés de l'entreprise, d'effectuer un diagnostic de l'entreprise et de rechercher un accord avec les créanciers,

- présenter toute proposition se rapportant à la sauvegarde de l'entreprise, à la poursuite de l'activité économique et au maintien de l'emploi.

Cette procédure de conciliation a abouti à la rédaction d'un protocole de conciliation rédigé par le conciliateur le 3 avril 2008, entre la SAS ALEMA, les sociétés ALEMA AUTOMATION, TECHNOLOGY, PRODUCTION et CONCEPT d'une part, les trois établissements bancaires, le CONSEIL REGIONAL d'AQUITAINE, le DEPARTEMENT des LANDES, OSEO, le GROUPE ALEMA SAS, la société VERDOSO, les sociétés THYSSENKRUPP d'autre part, soit l'ensemble des parties concernées, convenant en particulier :

- des engagements des banques sur le report de sept échéances trimestrielles, conditionnés par le maintien des garanties d'OSEO et des collectivités locales qui s'engagent par ailleurs à décaler le premier remboursement,

- du replacement du Groupe ALEMA dans son état d'origine, les sociétés la SAS ALEMA, le GROUPE ALEMA SAS et VERDOSO acceptent de considérer comme nulles et de nul effet les cessions intervenues au titre des filiales, lesquelles reviendront dans le patrimoine de la SAS ALEMA.

Ce protocole, qui devait être homologué par le tribunal de commerce, à peine de résolution de plein droit, n'a pas été signé.

Sur requêtes déposées le 21 mars 2008 par leur président Monsieur ROY, le président du tribunal de commerce a ordonné le 9 avril 2008, soit quelques jours après l'échec de la conciliation concernant la SAS ALEMA, quatre conciliations concernant chacune des filiales, en désignant Monsieur CASTAIGNEDE, avec une mission identique telle que prévue par l'article L 611-7 du code de commerce.

Ces quatre procédures de conciliation ont abouti à la signature des quatre accords litigieux les 6 mai et 4 juin 2008, qui seront homologués par le tribunal de commerce les 28 mai et 11 juin 2008, étant précisé que Monsieur CASTAIGNEDE a été de nouveau désigné comme conciliateur concernant la SAS ALEMA par ordonnance du 27 août 2008.

10 - Le contenu des accords de conciliation des 6 mai et 4 juin 2008

Les trois accords de conciliation des 6 mai 2008 sont conclus entre chacune des filiales SAS ALEMA AUTOMATION, SAS ALEMA CONCEPT, [SARL ALEMA TECHNOLOGY] d'une part, et la SAS ALEMA et le GROUPE ALEMA SAS d'autre part, l'accord du 4 juin 2008 étant conclu entre la SAS ALEMA PRODUCTION d'une part, la SAS ALEMA et le GROUPE ALEMA SAS d'autre part, et les sociétés THYSSENKRUPP SOFEDIT et SOFEDIT SUD-OUEST.

Sauf les dispositions particulières de l'accord du 4 juin 2008 concernant la reprise du site d'Arudy et la signature d'un nouveau master agreement annexé, ces quatre accords, après avoir rappelé la cession par la SAS ALEMA de la totalité de sa participation dans le capital de sa filiale le 22 février 2008, l'ouverture de la procédure de conciliation de la SAS ALEMA actuellement en cours, l'élaboration du plan d'affaires par VERDOSO SPECIAL OPPORTUNITY et le GROUPE ALEMA SAS, et les besoins en apport de la filiale considérée, ont convenu pour l'essentiel des modalités suivantes :

1° Mesures d'ordre juridique :

- nullité de l'acte de cession des actions signé le 22 février 2008 entre la SAS ALEMA et le GROUPE ALEMA SAS,

- engagement de la SAS ALEMA à réaliser une réduction du capital de la filiale par réduction du nominal de ses titres puis à voter la réalisation d'une augmentation de capital de 300.000 € (ALEMA AUTOMATION), de 50.000 €(ALEMA CONCEPT), de 50.000 € (ALEMA TECHNOLOGY), de 300.000 € (ALEMA PRODUCTION), réservée au GROUPE ALEMA SAS à l'issue de laquelle cette dernière détiendra 96,86 € du capital d'ALEMA AUTOMATION, 99,01 % du capital d'ALEMA CONCEPT, 99 % du capital d'ALEMA TECHNOLOGY, et 96,41% du capital d'ALEMA PRODUCTION, dans les 30 jours de la signature de l'accord.

2° Mesures financières :

- engagement du GROUPE ALEMA SAS d'apporter aux filiales les sommes respectives de 100.000 € (A. AUTOMATION), de 350.000 € (A. CONCEPT), de 350.000 € (A. PRODUCTION) par des apports en compte courant bloqué pendant la durée du plan soit jusqu'au 31 octobre 2010,

- engagement du GROUPE ALEMA SAS à soutenir A. AUTOMATION, A. TECHNOLOGY et A. PRODUCTION pour faire face à leurs dettes envers la SAS ALEMA, en fonction de l'accord qui sera négocié dans le cadre de la conciliation à laquelle se trouve soumise la SAS ALEMA, en cours, et à laquelle la filiale devra être partie, étant précisé que chaque protocole devait, à défaut de résolution de plein droit, être homologué par le tribunal de commerce.

11 - Sur les procédures de conciliation et l'homologation des accords par le tribunal de commerce, la recevabilité des tierces oppositions

L'article L 611-7 du code de commerce précise que le conciliateur :

- a pour mission de favoriser la conclusion entre le débiteur et ses principaux créanciers... d'un accord amiable destiné à mettre fin aux difficultés de l'entreprise,

- peut également présenter toute proposition se rapportant à la sauvegarde de l'entreprise, à la poursuite de l'activité économique et au maintien de l'emploi.

Il en résulte clairement que la mission première et essentielle du conciliateur, s'agissant d'une entreprise en difficulté, qui ne se trouve pas en cessation de paiement depuis plus de 45 jours, selon la définition et les conditions de l'article L 611-4 instituant la procédure de conciliation, est de favoriser la conclusion d'un accord amiable entre le débiteur et ses principaux créanciers, en particulier par des apports de fonds en trésorerie et des délais de paiement, que les propositions qu'il peut également présenter tendant à la sauvegarde de l'entreprise, la poursuite de l'activité économique et le maintien de l'emploi sont secondaires, et n'ont pas vocation à être formalisées dans un accord amiable, dans la mesure où les créanciers n'y ont aucune part ni intérêt.

En l'espèce et comme le soutiennent les banques, le DEPARTEMENT DES LANDES et Maître JUN, ès qualités de liquidateur, les actes passés entre la SAS ALEMA, les sociétés ALEMA AUTOMATION, TECHNOLOGY, PRODUCTION et CONCEPT et le GROUPE ALEMA SAS ne peuvent être considérés comme des accords amiables de conciliation tels que prévus par les articles L 611-4 et L 611-7 du code de commerce.

Il s'agit d'actes sous seing privé qui d'une part, annulent les actes de cession des actions de chacune des filiales passés le 22 février 2008 entre les mêmes parties, contraires aux conditions particulières des nantissements et aux dispositions de l'article L 431-4 du code monétaire et financier, d'autre part procèdent par le coup d'accordéon décrit paragraphe 10, à des augmentations de capital réservées au seul GROUPE ALEMA SAS, lui permettant de ne pas intégrer le compte d'instrument financier ouvert au nom de la SAS ALEMA pour échapper à son obligation de désintéresser les banques nanties, ce qu'il reconnaît expressément dans ses écritures.

Il n'existait aucun litige, aucun différend, aucun désaccord entre ces parties sur cette opération, justifiant de faire appel à la procédure de conciliation et de formaliser un accord, qui plus est par l'homologation du tribunal de commerce.

Ces actes visent en réalité à contourner l'obstacle constitué par le refus des créanciers dans la procédure de conciliation ouverte le 29 février 2008 au bénéfice et sur demande de la SAS ALEMA, et à passer outre l'échec du protocole proposé dans ce cadre par le conciliateur le 3 avril 2008, conciliation à laquelle participait toutes les parties intéressées, comprenant les principaux créanciers, conformément à l'article L 611-7 du code de commerce, et projet de protocole contenant les engagements des banques et le replacement du Groupe ALEMA dans son état d'origine, par la nullité des cessions du 28 février 2008.

Cet objectif résulte quasi explicitement des termes mêmes des requêtes déposées par Monsieur ROY, dirigeant de chacune des filiales de la SAS ALEMA, le 20 mars 2008, puisque il est fait état :

- du mandat ad hoc confié à Monsieur CASTAIGNEDE le 26 janvier 2007, c'est-à-dire des négociations entreprises dans ce cadre confidentiel avec le GROUPE ALEMA SAS, auxquelles les banques, les collectivités locales et les pouvoirs publics avaient participé,

- des solutions envisagées dans ce cadre qui n'ont pu à ce jour aboutir, en raison du refus opposé par deux banques au plan élaboré par les dirigeants du Groupe ALEMA, adossé à un partenaire industriel et financier VERDOSO, mais sans que les motifs et les modalités de ce refus ne soient exposés,

- de la conciliation ouverte le 29 février 2008 au profit de la SAS ALEMA, confiée à Monsieur CASTAIGNEDE, et de la nécessité d'ouvrir une conciliation pour chacune des filiales, en désignant Monsieur CASTAIGNEDE, dans le droit fil de cette ordonnance (du 29 février 2008) et pour assurer la cohérence de la procédure, ce qui apparaît contraire à l'esprit de la conciliation et à tout le moins paradoxal.

En réalité la procédure de conciliation ouverte le 29 février 2008 au bénéfice de la SAS ALEMA s'inscrit dans la cadre des négociations conduites sous l'égide du mandataire ad hoc depuis quinze mois, auxquelles les principaux créanciers, les collectivités locales et les pouvoirs publics participaient, négociations dont il a déjà été souligné qu'elles n'avaient pas donné lieu à un quelconque compte rendu écrit au président du tribunal de commerce.

Cette procédure de conciliation, à laquelle le président du tribunal de commerce aurait dû mettre fin le 3 avril 2008, par suite de l'échec du projet de protocole, par application de l'article L 611-7 6ème alinéa, qui prévoit qu'en cas d'impossibilité de parvenir à un accord, le conciliateur présente sans délai un rapport au président du tribunal... qui met fin à sa mission et à la procédure de conciliation, dont la durée en toute hypothèse ne pouvait excéder quatre mois, sauf prorogation d'un mois, par application de l'article L 611-6 3ème alinéa du code de commerce, a cependant été réouverte par ordonnance du 27 août 2008, dans des conditions irrégulières, jusqu'à la mise en redressement judiciaire de la SAS ALEMA le 28 janvier 2009.

Les actes conclus les 6 mai et 4 juin 2008 contiennent par ailleurs une clause qui, d'une part fait référence à la conciliation en cours concernant la SAS ALEMA, en ce que le GROUPE ALEMA SAS s'engage à soutenir chacune des sociétés afin qu'elles puissent faire face à leurs dettes envers la SAS ALEMA, en fonction de l'accord qui sera négocié dans le cadre de la conciliation en cours, d'autre part prévoit l'apport par le GROUPE ALEMA SAS à la SAS ALEMA des actions de ses ex-filiales reçues dans le cadre des augmentations de capital réservées, en échange d'une participation d'au moins 90 % dans la SAS ALEMA, et sous réserve de la participation du GROUPE ALEMA SAS à cette conciliation et que l'accord lui convienne.

Cette clause, qui conditionne et renvoi les engagements du GROUPE ALEMA SAS à la procédure de conciliation ouverte au bénéfice de la SAS ALEMA, toujours officiellement en cours, sous réserve que l'accord à venir lui convienne, confirme que les actes passés avec les filiales, en ce qu'ils étaient liés et conditionnés à l'accord à intervenir dans le cadre de la conciliation de la SAS ALEMA, ne peuvent être considérés comme des accords de conciliation.

En considérant que ces actes constituaient des accords réguliers, alors qu'ils n'avaient pour objectif que de contourner les difficultés existantes dans la seule véritable procédure de conciliation concernant la SAS ALEMA, à laquelle participaient les principaux créanciers, et nonobstant le fait qu'il aurait dû être mis fin à cette procédure, le tribunal de commerce n'a pas satisfait à la lettre et à l'esprit de cette procédure, telle que prévue par les articles L 611-4 et L 611-7 du code de commerce, étant observé que, succédant à une longue période de négociations confidentielles, la phase proprement judiciaire de l'homologation, par sa publicité et ses effets juridiques, nécessitait un autre respect de la procédure, que le tribunal de commerce, sans doute contraint par ce qui lui était présenté comme une solution indispensable à la sauvegarde de l'entreprise, a cru devoir, dans des conditions d'urgence, valider un processus contestable.

Il est évident que le traitement préventif du Groupe ALEMA, tel que la requête présentée en janvier 2007 par le président de la SAS ALEMA en désignation de mandataire ad hoc le décrit, à savoir de vérifier l'état de solvabilité du Groupe de sociétés animées par la société ALEMA... d'aider ce Groupe à achever sa restructuration financière en analysant par site puis globalement l'endettement auprès des banques... l'organisation du Groupe..., requérait par la suite une procédure de conciliation globale, ouverte à toutes les entités du Groupe, holding et sociétés opérationnelles, en présence notamment des principaux créanciers, que le tribunal de commerce ne pouvait pas, sous l'égide du conciliateur, homologuer les actes litigieux passés dans ces conditions et en fraude des droits des créanciers nantis, le GROUPE ALEMA SAS pouvant parfaitement effectuer des apports en compte courant dans les filiales, avec une participation minoritaire.

Le GROUPE ALEMA SAS et les sociétés ALEMA AUTOMATION, PRODUCTION et CONCEPT ne sont pas fondées à opposer une argumentation sur la distinction juridique entre les personnes morales de la holding et de ses filiales et sur un recours abusif au concept de Groupe ALEMA, dans la mesure où toute la procédure de prévention des difficultés de l'entreprise, mandat ad hoc et conciliation, a été sollicitée, élaborée et conduite pour aider le Groupe constitué de la holding et ses filiales d'exploitation, que cette distinction introduite uniquement en défense à la tierce opposition formée par les créanciers nantis contre le jugement d'homologation ne procède pas de la nature et des objectifs d'une procédure de prévention.

En l'absence de précisions de la loi du 26 juillet 2005 sur les modalités de recours à l'encontre d'un jugement d'homologation, la recevabilité de la tierce opposition obéit aux prescriptions de l'article 583 du code de procédure civile; en l'espèce les banques, qui n'étaient ni parties ni représentées à ce jugement, avaient intérêt à en solliciter l'infirmation, dés lors que les actes litigieux n'avaient d'autre objectif que de les écarter de la procédure de conciliation de la SAS ALEMA, dans les conditions qui viennent d'être précisées.

Inversement il convient d'observer que si cette procédure de conciliation avait été maintenue et conduite dans le seul cadre de celle ouverte au bénéfice de la SAS ALEMA, les banques, créanciers et parties à l'accord qui serait intervenu, auraient été obligatoirement entendues ou appelées à l'instance d'homologation pour faire valoir, dans le respect du contradictoire que cette phase judiciaire de la procédure nécessitait, leurs observations conformément à l'article L 611-9 du code de commerce, que seul le détournement de cette procédure opérée à leur insu et détriment a permis au tribunal de commerce de s'exonérer de cette obligation, étant en outre observé que les représentants du comité d'entreprise où, à défaut, les délégués du personnel, n'ont pas même été convoqués ni entendus, contrairement à cette disposition.

A supposer même que ces actes puissent être considérés comme des accords, le tribunal de commerce devait, par application de l'article L 611-8-II 3°, vérifier si ces accords ne portaient pas atteinte aux intérêts des créanciers non signataires ; or les opérations sur le capital des filiales décrites et analysées supra démontrent clairement qu'elles ont réduit considérablement le gage des établissements bancaires et porté atteinte aux droits du DEPARTEMENT DES LANDES dont la garantie est actionnée.

Par conséquent les banques disposaient, tant en ce qui concerne le respect des dispositions régissant la procédure de conciliation ouverte au bénéfice de la SAS ALEMA, dont elles ont été écartées au moyen de l'ouverture de procédures de conciliation ouvertes artificiellement au bénéfice des filiales, que de l'atteinte à leurs droits de créanciers nantis, d'une qualité et d'un intérêt à agir en tierce opposition à l'encontre des jugements d'homologation, le jugement entrepris sera donc infirmé.

L'infirmation de ce jugement entraîne la résolution des actes litigieux, par application des clauses qu'ils contiennent de la résolution de plein droit, à défaut d'homologation, y compris l'acte du 4 juin 2008 concernant par ailleurs les sociétés THYSSENKRUPP SOFEDIT et SOFEDIT SUD OUEST, le master agreement annexé l'étant sous réserve de l'homologation définitive, comme le font observer ces sociétés, qui s'en rapportent.

Sur les demandes formulées par application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Les banques étant fondées en leur appel, il convient également d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il les avait condamnées aux dépens, qui seront supportés par le GROUPE ALEMA SAS, y compris ceux d'appel, avec autorisation de distraction.

L'équité commande d'allouer aux appelantes chacune, au DEPARTEMENT DES LANDES et à Maître JUN, ès qualités, la somme de 5.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ces motifs

La Cour

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

- Ordonne la disjonction de l'affaire concernant la SARL ALEMA TECHNOLOGY, placée en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Nantes du 3 mars 2010,

- Révoque l'ordonnance de clôture du 23 mars 2010 et la reporte à la date de l'audience du 30 mars 2010,

- Constate et dit recevable en la forme l'intervention volontaire du DEPARTEMENT DES LANDES,

- Déboute le GROUPE ALEMA SAS et les sociétés ALEMA AUTOMATION, PRODUCTION et CONCEPT de leur moyen d'irrecevabilité tenant à la liquidation judiciaire de la SAS ALEMA, tant à l'égard de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL PYRENEES GASCOGNE, de la BANQUE COMMERCIALE POUR LE MARCHE DE L'ENTREPRISE, du CREDIT COOPERATIF, du DEPARTEMENT DES LANDES, qui disposent d'un droit propre, que de Maître JUN, ès qualités de liquidateur de la SAS ALEMA, habilité à agir dans l'intérêt collectif des créanciers,

- Déboute la BANQUE COMMERCIALE POUR LE MARCHE DE L'ENTREPRISE de son moyen tiré de la violation de l'article 455 du code de procédure civile,

- Confirme le jugement du tribunal de commerce de Dax du 30 juillet 2008 en ce qu'il a constaté la recevabilité des oppositions en la forme et, en tant que de besoin, constaté sa compétence ratione loci,

- Met hors de cause Maître VIGREUX, administrateur au redressement judiciaire de la SAS ALEMA,

- Infirme ce jugement en ses autres dispositions et statuant à nouveau,

- Dit que les actes passés les 6 mai et 4 juin 2008 entre la SAS ALEMA, le GROUPE ALEMA SAS et les sociétés ALEMA AUTOMATION, ALEMA PRODUCTION et ALEMA CONCEPT ne constituent pas des accords amiables, tels que prévus par les articles L 611-4 et L 611-7 du code de commerce, susceptibles d'être homologués par application de l'article L 611-8-II du code de commerce,

- Infirme les jugements du tribunal de commerce de Dax des 28 mai et 11 juin 2008 homologuant ces accords,

- Constate la résolution de plein droit de ces actes,

- Condamne le GROUPE ALEMA SAS à payer à la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL PYRENEES GASCOGNE, au CREDIT COOPERATIF, à la BANQUE COMMERCIALE POUR LE MARCHE DE L'ENTREPRISE, au DEPARTEMENT DES LANDES, à Maître JUN, ès qualités de liquidateur de la SAS ALEMA, pour chacun la somme de 5.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamne le GROUPE ALEMA SAS aux entiers dépens de première instance et d'appel, autorise la distraction au profit de la SCP P. et C. LONGIN / P. LONGIN-DUPEYRON / O. MARIOL, de Maître VERGEZ, de la SCP RODON, de la SCP DE GINESTET / DUALE / LIGNEY par application de l'article 699 du même code.