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Décisions

CA Paris, 16e ch. A, 5 mai 2004, n° 2002/07295

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Paris les Halles Ferronnerie (SCI)

Défendeur :

Roc (SARL), Paloan (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Duclaud

Conseillers :

Mme Imbaud-Content, Mme Fossaert-Sabatier

Avocats :

SCP Gibou-Pignot-Grappotte-Benetreau, Me Alalof, SCP Duboscq-Pellerin, Me Melot-Mauriac

TGI Paris, du 5 févr. 2002

5 février 2002

Les fails et la procédure peuvent être résumés ainsi qu’il suit :

La SARL ROC, locataire de locaux sis 13-15 me de la Ferronnerie à PARIS 1er, propriété actuelle de la SCI PARIS LES HALLES, ce selon bail du 5/7/1990 consenti pour 3, 6 ou 9 ans à compter du 1er/7/1990, moyennant un loyer annuel de 270 000 F et pour l’activité de "café -bar à titre principal avec possibilité d’y adjoindre des spectacles musicaux au rez de chaussée et au sous-sol. ainsi que toutes activités annexes au spectacle et a l’édition au premier étage”, a reçu congé de la part de la bailleresse par acte extra judiciaire du 23/12/1998 pour le 30/6/1999 avec offre de renouvellement moyennant un loyer annuel de 480 000 F ;

Les parties étant en désaccord sur le montant du loyer propose, la SCI PARIS LES HALLES FERRONNERIE a, après échange de mémoires, fait assigner aux fins de fixation la SARL ROC et la SARL PALOAN à laquelle celle-ci avait, en date du 15/1/2001, aux termes d'une cession régulièrement signifiée a la bail1eresse, cède son fonds de commerce incluant le droit au bail, devant le juge des loyers commerciaux du Tribunal de Grande Instance de PARIS, en invoquant comme motif de déplafonnement les modalités selon lesquelles le prix antérieurement applicable avait été originairement fixe, indiquant que ce prix avait été fixé sans rapport avec la valeur locative réelle compte tenu des liens d'amitié unissant l’ancien propriétaire des locaux et la famille PHILIPPE, actionnaire de la SARL ROC, ces liens ayant depuis disparu ;

Les sociétés ROC et PALOAN se sont opposées au déplafonnement ;

C'est dans ces conditions que le jugement déféré a été rendu ;

En cause d'appel. la SCI PARIS LES HALLES FERRONNERIE a fait notifier aux sociétés ROC et PALOAN un mémoire additionnel mentionnant d'autres motifs de déplafonnement tenant à la modification notable des caractéristiques propres des locaux et tenant, par ailleurs, à la modification des facteurs locaux de commercialité ;

La SCI PARIS LES HALLES FERRONNERIE, appelante, demande à la Cour :

-  d'infirmer le jugement déféré ;

-  de dire qu’il existe des motifs de déplafonnement et de fixer le loyer du bail renouvelé an 1er/7/1999 a la somme de 57 778,18 euros (379 000 F) ;

-  de dire que les sociétés ROC et PALOAN seront solidairement tenues au paiement des intérêts au taux légal ;

Subsidiairement,

-  d’ordonner expertise aux frais avances de f appelante ;

-  de condamner les intim6es au paiement d’une somme de 2 285 euros au titre de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et aux dépens de première instance et d’appel.

Les sociétés ROC et PALOAN, intimées, demandent à la Cour de :

-  confirmer le jugement déféré ;

-  condamner l’appelante à payer à chacune d’elles la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et la condamner aux dépens de première instance et d’appel ;

SUR CE,

Considérant que la SCI PARIS LES HALLES FERRONNERIE fait valoir, en premier lieu au soutien de son appel, que contrairement à l’appréciation du tribunal, la preuve de la modicité particulière du loyer d’origine par rapport à la valeur locative des locaux lors de la conclusion du bail litigieux est rapportée par l'expertise de M. MARX diligentée a sa demande faisant ressortir une valeur locative de 545 000 F soit 83 084,71 euros au 1er/7/1990 et par l’attestation de l’ancien propriétaire des locaux, M. ROUEL. mentionnant que le lover d'origine avait été fixé au-dessous de la valeur locative en raison des liens d'amitié le liant à la famille PHILIPPE qui avait des intérêts dans la société ROC. locataire, ces liens d'amitié ayant aujourd'hui disparu ;

Mais considérant que la seule attestation de M. ROUEL ne peut suffire à démontrer que le loyer, lors de la conclusion du bail du 5/7/1990, avait été fixé à un montant anormalement bas par rapport à la valeur locative ;

Considérant que celle-ci ne doit pas être appréciée, en l’espèce, comme le soutient l’appelante, a la valeur de marche mais, en raison des circonstances particulières dans lesquelles le bail a été conclu, a la valeur locative telle qu’elle aurait résulté d’un renouvellement ;

Considérant, en effet. que s'il est incontestable que le bail du 5/7/1990 a effet du 1er/7/1990 soit un nouveau bail comme ayant été conclu par suite de la résiliation des deux baux distincts dont bénéficiait la société BROAD SIDE ayant cédé, le 5/7/1990, à la société ROC son fonds de commerce incluant le droit au bail affèrent aux locaux en cause, ce nouveau bail a été conclu dans des rapports contractuels préexistants puisque simultanément a la résiliation amiable des deux baux initiaux alors en cours dont bénéficiait la société ROC par suite de la cession du même jour, et pour permettre la réunion de ces deux baux en un bail indivisible avec même activité sauf possibilité d’adjoindre une activité de spectacles musicaux avec augmentation subséquente du loyer qui était globalement pour les deux baux au 1er/7/1990 d’un montant de 175 298 F (26 724,01 euros) et qui a été fixé au nouveau bail a 270 000 F (41 161,23 euros);

Considérant que la SCI PARIS LES HALLES FERRONNERIE ne rapporte pas la preuve de ce que les loyers susvisés des deux baux d’origine aient été eux-mêmes fixés à un niveau très bas en raison de travaux dans le secteur, la seule attestation de M. ROUEL en ce sens étant insuffisante, en l’absence d’autres éléments, à établir ce fait ;

Considérant que le prix du nouveau bail du 5/7/1990 correspond, eu égard a la surface pondérée des locaux telle qu’elle résulte du rapport de M. MARX, a un prix unitaire de 2 226,98 F arrondi à 2 227 F (339,50 euros) alors que la valeur en renouvellement se serait établie, au vu des références contenues audit rapport et compte tenu de la configuration des lieux et de l’état de l’immeuble tel qu’il se déduit du constat d’huissier de justice du 20/6/2000 dresse a la requête de la locataire et des photos jointes à ce constat et faisant ressortir un manque d'entretien et une vétusté remontant à plusieurs années, a une somme n’excédant pas 2 800 F le m2 (426,86 euros), soit 339 472 F par an (51 752,17 euros);

Considérant. au regard de ce qui précède, qu’il ne peut être considéré que le lover du bail du 5/7/1990 ail été fixé à un prix anormalement bas par rapport à la valeur locative des locaux même si ce prix se révèle modéré en ; raison des relations d'amitié entre le bailleur de l’époque et les consorts PHILIPPE avant des intérêts dans la société ROC :

Considérant que le moyen de ce chef de l’appelante ne sera donc pas admis ;

Considérant que la SCI PARIS LES HALLES FERRONNERIE fait valoir, en second lieu, au soutien de son appel, que le loyer doit être déplafonné en raison d'une modification notable des caractéristiques des locaux loues tenant d'une part, a l’annexion par la locataire d'un second sous-sol compose de quatre petites pièces voutées et d’une pièce plus grande de 80 m2, tenant, d’autre part, a la réunion des locaux du rez de chaussée et du premier sous-sol désormais relies et tenant, enfin, a l’augmentation de la surface affectée a la réception du public par démolition de la cuisine et des sanitaires et déplacement du bar scelle dans le sol;

Considérant, concernant l’annexion alléguée d’un second sous-sol, qu’il s’agit, au vu du constat d’huissier de justice du 12/6/1997 invoque à cet égard par l’appelante, d’une cave composée de quatre petites pièces voutées et d’une pièce plus grande, cave à laquelle on accède par un premier sous-sol ;

Considérant que ces caves situées donc au deuxième sous-sol de l’immeuble dont dépendent les locaux loues ne sont pas visées au bail du 5/7/1990 et qu’elles ne sont pas, par ailleurs, incluses aux lots dont la SCI PARIS LES HALLES FERRONNERIE est propriétaire dans l’immeuble ;

Considérant, en effet, au vu du règlement de copropriété de l’immeuble en cause, que la SCI PARIS LES HALLES FERRONNERIE n’est propriétaire dans le bâtiment 13 de l’immeuble du 13-15 rue de la Ferronnerie, outre le local du rez de chaussée et du local du premier étage, que d'une cave au premier sous-sol ;

Qu’au vu de ce document combattant la présomption de l’article 552 du Code Civil invoquée par l’appelante pour justifier de son droit de propriété sur les caves litigieuses et au vu des plans figurant au dossier. L’ensemble des caves litigieuses situées au second sous-sol sous le bâtiment 13 est rattache au lot numéro 2 concernant le propriétaire de l’autre local commercial situe au rez de chaussée de l’immeuble n° 15, le règlement de copropriété incluant dans ce lot numéro 2 "les locaux du 2eme sous-sol sous les bâtiments 13 et 15",

Considérant que la SCI PARIS LES HALLES FERRONNERIE ne justifie pas s'être vu consentir droit de jouissance par le propriétaire du lot 2 sur les caves du deuxième sous-sol dont une des attestations par elle produite mentionne, au demeurant. qu'elles étaient remplies de gravats et n'ont été découvertes par la société ROC. locataire. qu'en 1994-1995 ;

Considérant, au vu de ce qui précède et l’annexion de caves en sous-sol ne pouvant avoir, par ailleurs d'incidence sur la commodité d'accès aux lieux loues. que la SCI PARIS LES HALLES FERRONNERIE ne peut faire utilement faire état de ce que l’annexion des caves litigieuses, constituerait une modification d’éléments vise à l’article 23-1 du décret du 30/9/1953 et relatifs aux caractéristiques propres aux locaux loues et notamment des éléments vises aux 1ers et avant dernier alinéas dudit article :

Que son moyen de ce chef sera donc déclaré non fondé ;

Considérant, concernant la réunion des différents niveaux et qui consiste, selon l’appelante à avoir relié après le bail du 5/7/1990, le rez de chaussée au local du premier étage qui, à l’origine, faisait l’objet d’un bail distinct, que si le bail du 5/7/1990 autorisait le preneur à faire effectuer les travaux nécessaires pour relier ces deux locaux, il résulte du constat dressé par huissier de justice a la requête de la locataire en date du 26/1/2004 qu’aucun accès n’avait été alors réalisé par la locataire entre les locaux du rez de chaussée et ceux du premier étage, l’accès au 1er étage se faisant, selon les constatations de l’huissier de justice, par les parties communes de l’immeuble

Considérant, concernant l’augmentation de la surface affectée a la réception du public et pour laquelle l’appelante se prévaut, à titre principal, de l’article 23-1 du décret du 30/9/1953 et, à titre subsidiaire, de l’article 23-3 dudit décret, que cette augmentation intéressant la salle de piano bar au premier sous-sol, résulte, selon elle, de la démolition de la cuisine et des sanitaires et du déplacement du bar scelle au sol, ce qui aurait eu pour effet de multiplier par deux la superficie de la salle de piano bar ;

Considérant que ces travaux réalisés en cours de bail puisque réalisés, au vu des plans et attestations produits, en 1992 sont susceptibles d’être pris en compte dans la présente instance mais qu’ils ne peuvent Petre que s’ils relèvent de la catégorie des travaux affectant les caractéristiques des locaux et non s’ils relèvent d’autres catégorie de travaux et notamment s’il s’agit de travaux d’amélioration auquel cas, le bailleur n'ayant pas contribué à leur financement, ils ne pourraient être pris en compte que lors du prochain renouvellement;

Considérant. à cet égard, que le déplacement du bar ne constitue ni une modification des caractéristiques des locaux loués ni même une amélioration en ce qu'il n‘a pas, par lui-même, au vu des plans avant et après travaux, eu. pour effet d’étendre la surface ouverte au public, le bar déplacé empiétant sur une surface auparavant fibre ;

Considérant que si le surplus des travaux allégués, consistant en la suppression de la cuisine et des sanitaires constitue. en revanche, une modification des caractéristiques des locaux, cette modification, au vu des plans susvisés avant et après travaux, if affecte qu’une surface très limitée par rapport à la superficie globale et que bien que présentant un intérêt certain pour l’activité exercée, elle ne saurait être considérée alors que dans le même temps, le bar en son nouvel emplacement et sa nouvelle configuration, empiète sur une partie de la salle de piano bar autrefois disponible comme ayant une incidence notable sur cette activité ;

Considérant que le moyen de l’appelante du chef des travaux sera des lots rejetés ;

Considérant, concernant la modification des facteurs locaux de commercialité que l’appelante invoque à cet égard la création d’une sortie du "Meteor” a proximité des locaux qui apporterait, selon elle, une clientèle potentielle au profit du preneur ;

Mais Considérant, que la sortie invoquée consiste en la création d’un ascenseur desservant la ligne "Meteor" et située à côté de la station, ancienne, de CHATELET LES HALLES et qu’elle n’est pas susceptible en soi d’augmenter de façon notable le flux de voyageurs empruntant les autres lignes desservies par cette dernière station et d’accroitre ainsi de façon notable la clientèle du commerce en cause et ce d’autant qu’une partie de cette clientèle, en raison de l’activité de spectacles se prolongeant a des horaires tardifs n’emprunte pas les transports en commun ;

Considérant. en définitive, et sans qu’il soit besoin, de recourir à une expertise, qu’il n’existe, en l’espèce, aucun motif de déplafonnement, de sorte que l’appel sera déclaré mal fonde, le jugement déféré étant confirme en ce qu’il a rejeté la demande de déplafonnement et fixé le lover du bail renouvelé au L77/1999 au lover indiciaire de 47 170 euros ;

SUR LES DEMANDES DES PARTIES AU TITRE DE L'ARTICLE 700 DU NOUVEAU CODE DE PROCEDURE CIVILE. ET SUR LES DEPENS.

Considérant que la nature du litige justifie que les dépens de première instance soient partagés par moitié entre les parties ;

Que les dépens de l’appel infondé seront, en revanche, supportés par l’appelante en leur entier ;

Considérant que celle-ci ne saurait, en conséquence solliciter indemnité au litre de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Considérant, concernant la demande du même chef de la société ROC qu'il serait inéquitable de laisser à sa charge les frais qu’elle a dû exposer dans l’instance, une somme de 1 524 euros lui étant allouée à cet égard ;

PAR CES MOTIFS.

La Cour statuant publiquement et contradictoirement,

Dit l’appel et les moyens et demandes de la SCI PARIS LES HALLES FERRONNERIE mal fondés,

Confirme, en conséquence, le jugement déféré en ce qu’il a rejeté la demande de déplafonnement et fixe le loyer du bail renouvelé au 1er77/1999 au montant du loyer indiciaire de 47 170 euros ;

Condamne la SCI PARIS LES HALLES FERRONNERIE au paiement d’une somme de 1 524 euros au titre de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Déboute celle-ci de sa demande du même chef a l’encontre des intimées ;

Dit que les dépens de première instance seront partagés par moitié entre les parties ;

Condamne la SCI PARIS LES HALLES FERRONNERIE aux entiers dépens d'appel dont distraction au profit de la SCP DUBOSCQ-PELLERIN conformément à l’article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.