Livv
Décisions

CA Rennes, 3e ch. com., 15 octobre 2019, n° 16/07781

RENNES

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

BNP Paribas (SA)

Défendeur :

Affilyog (SAS), Selas Gérard Bodelet (ès qual.), Selarl Erwan Flatres (ès qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Contamine

Conseiller :

M. Garet

Avocats :

Me Gallet, Me Pedelucq

T. com. Lorient, du 6 mars 2015

6 mars 2015

Par acte sous seings privés du 4 novembre 2009, la SAS AFFILYOG a souscrit auprès de la SA BNP PARIBAS un prêt de 505.000 euros remboursable en huit années, avec un taux d'intérêt variable EURIBOR trois mois-moyen mensuel avec une marge de 1,76 %.

Par acte sous seings privés du 6 juillet 2010, la SAS AFFILYOG a souscrit auprès de la SA BNP PARIBAS un prêt d'un montant de 265.000 euros remboursable en huit années, avec un taux d'intérêt variable EURIBOR trois mois-moyen mensuel avec une marge de 1,30 %.

Ces prêts étaient garantis notamment par des nantissements.

Par ordonnance du 16 février 2012 a été ouverte une procédure de conciliation au bénéfice du Groupe EKYOG et de sa filliale AFFILYOG.

Un protocole d'accord a été régularisé le 30 mai 2012 sous l'égide de Me H. en qualité de conciliateur, aux termes duquel la SA BNP PARIBAS consentait à la SAS AFFILYOG un différé d'amortissement du 15 mars 2012 au 15 juin 2013 et un réaméagement du capital restant dû moyennant en contrepartie une augmentation de 0,50% du taux d'intérêt contractuel.

Ce protocole de conciliation a été homologué par le tribunal de commerce.

Par jugement du 13 septembre 2013, le tribunal de commerce de Lorient a prononcé l'ouverture d'une procédure de sauvegarde de la société AFFILYOG, puis le 17 décembre 2014 d'un redressement judiciaire converti le même jour en liquidation, la SELAS GERARD B. étant désigné liquidateur.

Par jugement 23 décembre 2014, le tribunal de commerce de Lorient a arrêté le plan de cession de la société AFFYLIOG en faveur de la société de droit canadien FRANCIS ALEXANDER INVESTMENT INC, avec cession des fonds moyennant la reprise par le cessionnaire des crédits accordés par BNP PARIBAS.

Par courrier recommandé du 21 octobre 2013, la SA BNP PARIBAS a déclaré sa créance:

- pour le prêt du 4 novembre 2009, à hauteur de 433.854,69 euros à titre privilégié, outre intérêts à échoir au taux d'intérêt EURIBOR trois mois-moyen mensuel avec une marge de 2,26 %,

- pour le prêt du 6 juillet 2010, à hauteur de 220.732,46 euros à titre privilégié outre intérêts à échoir au taux d'intérêt EURIBOR trois mois-moyen mensuel avec une marge de 1,80 %.

Par LRAR du 2 décembre 2014, le liquidateur a contesté que la société BNP PARIBAS puisse demander l'application du taux d'intérêt majoré résultant de la procédure de conciliation, celle-ci étant devenue caduque.

Par ordonnance le juge commissaire s'est déclaré incompétent pour statuer sur la contestation formée par le liquidateur et la SA BNP PARIBAS a saisi le tribunal de commerce. Devant celui-ci, la SELAS GERARD B., outre sa contestation initiale, a contesté la validité des stipulations d'intérêts.

Par jugement du 21 septembre 2016, le tribunal de commerce de Lorient a:

- enjoint à la SA BNP PARIBAS d'actualiser sa déclaration de créances au passif de la société AFFILYOG qui devra correspondre à un tableau d'amortissement présentant le solde des sommes restant dues selon les termes de l'acte sous seings privés du 30 mars 2010,

- débouté les parties de leurs autres demandes,

- condamné la SA BNP PARIBAS à payer à la SELAS GERARD B. ès qualités de liquidateur de la SAS AFFILYOG la somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SA BNP PARIBAS aux dépens.

La SA BNP PARIBAS a fait appel de ce jugement, et devant la Cour, le débat n'a repris que sur le point de savoir dans quelle mesure était applicable le taux d'intérêt résultant des contrats souscrits en application du protocole d'accord, le liquidateur soutenant qu'ils sont caduques tandis que la banque conclu à une novation.

Par conclusions du 25 juin 2019 la SA BNP PARIBAS a demandé que la Cour:

- infirme le jugement déféré,

- dise que la résolution non rétroactive de l'accord de conciliation du 30 mai 2012 ne s'étend pas aux stipulations des avenants du 06 octobre 2012 relatives à la modification du taux d'intérêt conventionnel,

- fixe ses créances au passif de la société AFFILYOG:

- à un montant de 433.854,69 euros à titre à échoir et privilégié nanti outre intérêts au taux conventionnel EURIBOR trois mois moyen avec une marge fixe de 2,26 % avec un taux plafond de 4,309 %,

- à un montant de 220.732,46 euros à titre à échoir et privilégié nanti outre intérêts au taux conventionnel EURIBOR trois mois moyen avec une marge fixe de 1,80 % avec un taux plafond de 3,849 %,

- déboute l'intimé du surplus de ses demandes,

- le condamne à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que les dépens seront employés en frais de liquidation.

Par conclusions du 9 mars 2017, la SELAS GERARD B. ès qualité de liquidateur judiciaire de la SAS AFFILYOG a demandé que la Cour:

- déboute l'appelante de ses demandes,

- constate que l'ouverture de la procédure de sauvegarde a mis fin de plein droit à l'accord conclu le 30 mai 2012, par application des dispositions de l'article L. 611-12 du code de commerce,

- dise et juge que les avenants du 06 octobre 2012 ne produisent aucun effet,

- confirme le jugement déféré,

- condamne l'appelante au paiement de la somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamne aux dépens de première instance et d'appel.

Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, la Cour renvoie aux conclusions susvisées.

MOTIFS DE LA DECISION:

Sur les conséquences à attacher à la procédure collective intervenue postérieurement au protocole de conciliation:

L'article L. 611-12 du code de commerce prévoit que l'ouverture d'une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire met fin de plein droit à l'accord constaté ou homologué.

Le terme « mettre fin » n'implique pas de rétroaction et la phrase suivante confirme cette analyse : les créanciers recouvrent l'intégralité de leurs créances et sûretés mais « déduction des sommes perçues », alors même qu'en cas de rétroaction, les sommes perçues par les créanciers durant l'exécution de l'accord auraient dû être restituées.

Parallèlement, pour le cas où l'accord serait inexécuté sans que s'ensuive l'ouverture d'une procédure collective, les dispositions de l'article L. 611-10-3 prévoient sa résolution, mais il est admis que celle-ci n'a d'effet que pour l'avenir, ne pouvant notamment remettre en cause les cessions de titre ou d'actifs intervenues en exécution des protocoles de conciliation.

Le protocole de conciliation signé par les sociétés EKYOG rappelle d'ailleurs ces dispositions légales, en prévoyant que les parties rappellent et conviennent expressément que la résolution judiciaire du protocole de conciliation n'aura pas d'effet rétroactif.

Ensuite, il ne peut être tiré aucune conséquence du fait que le protocole de conciliation prévoit expressément que les avenants qui seront conclus ne feront pas novation dans la mesure où cette précision est nécessaire pour que puissent être maintenues les garanties et sûretés attachées aux contrats initiaux.

Enfin, afin de favoriser les procédures de conciliation, le législateur a entendu prémunir les seuls créanciers des conséquences de la fin des accords signés, ce dont il résulte que les débiteurs ne peuvent s'en prévaloir.

En conséquence, les avenants conclus en application du protocole de conciliation doivent recevoir application et le jugement déféré est infirmé.

Sur la fixation des créances de la société BNP PARIBAS:

En conséquence de ce qui précède, les créances de la société BNP PARIBAS sont fixées dans les termes de sa déclaration de créance du 25 octobre 2013, soit à hauteur des montants suivants:

- au titre du prêt d'un montant initial de 505.000 euros, à hauteur de la somme 433.854,69 euros à titre à échoir et privilégié nanti outre intérêts au taux conventionnel EURIBOR trois mois moyen avec une marge fixe de 2,26 % avec un taux plafond de 4,309 %,

- au titre du prêt d'un montant initial de 265.000 euros, à hauteur de la somme de 220.732,46 euros à titre à échoir et privilégié nanti outre intérêts au taux conventionnel EURIBOR trois mois moyen avec une marge fixe de 1,80 % avec un taux plafond de 3,849 %.

Sur les dépens et les frais irrépétibles:

La liquidation judiciaire, qui succombe, paiera à l'appelante une somme de 2.000 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel.

Les dépens seront employés en frais de liquidation.

PAR CES MOTIFS:

La Cour,

Infirme le jugement déféré.

Statuant à nouveau:

Déboute la SELAS Gérard B. en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société AFFYLIOG de ses contestations.

Fixe au passif de la liquidation judiciaire de la société AFFYLIOG les créances de la société BNP PARIBAS dans les termes suivants:

- au titre du prêt d'un montant initial de 505.000 euros, à hauteur de la somme 433.854,69 euros à titre à échoir et privilégié nanti outre intérêts au taux conventionnel EURIBOR trois mois moyen avec une marge fixe de 2,26 % avec un taux plafond de 4,309 %,

- au titre du prêt d'un montant initial de 265.000 euros, à hauteur de la somme de 220.732,46 euros à titre à échoir et privilégié nanti outre intérêts au taux conventionnel EURIBOR trois mois moyen avec une marge fixe de 1,80 % avec un taux plafond de 3,849 %.

Condamne la SELAS Gérard B. en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société AFFYLIOG à payer à la banque BNP PARIBAS la somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Dit que les dépens seront frais de liquidation.