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Décisions

CA Paris, 4eme ch. A, 6 mars 2002, n° 2000/02489

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Feather safety razor co limited (Sté), France export (Sté)

Défendeur :

Sté Andrex (S.A)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mabais

Conseillers :

Mme Magueur, M. Rosenthal-Rolland

Avocats :

SCP Bernabé-Chardin-Cheviller, SCP Roblin Chaix de Lavarene

CA Paris n° 2000/02489

6 mars 2002

LA COUR,

Vu l’appel de cette décision interjette le 9 février 2000 par les sociétés Feather Safety Razer Co Limited et Fejic ,
Vu les dernières conclusions en date du 21 janvier 2002 par lesquelles Feather Safety Razer Co Limited et Fejic, poursuivant l’infirmation de la décision, demandent à la cour de :
-     dire que le modèle «styling rasor» est protégeable tant sur les dispositions du Livre V du Code de la propriété intellectuelle que par le droit d'auteur,
-     constater les actes de contrefaçon commis par la société Andrex,
-     dire que celle-ci a également commis des actes de concurrence déloyale.
-      lui interdire, dès la signification de l'arrêt, sous astreinte de 77 par infraction constate, d'offrir la vente les rasoirs contrefaisants,
-      prononcer, dans les 72 heures de la signification de l'arrêt, la confiscation, et la destruction des modèles litigieux, sous astreinte de 77 ® par infraction constate,
-      condamner la société Andrex k payer à la société Feather Safety Razer Co Limited :
*     30.500 ® pour la violation de ses droits privatifs,
*     30.500 ® pour les faits de concurrence déloyale,
-      la condamner k payer k la société Fejic :
*     30.500 ® du fait des actes de concurrence déloyale,
-      réparer également leur préjudice par la publication de l’arrêt k intervenir, dans 3 revues, sans que ces publications n'excèdent 7.700 ® par insertion,
-       condamner la société Andrex à leur payer 7.700 ® au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,


Et soutiennent :

-       que la société Feather Safety Razer Co Limited a précède a trois dépôts de modèles pour protSger le manche et la lame du rasoir « styling rasor»,
-      qu'elle bénéficie également de la protection du droit d'auteur sur ce rasoir qu'elle a rSalisS,
-      que celui-ci commercialisé depuis 1992, est imports et distribue en France par la société Fejic qui a vendu des 1995, ce produit k la société Andrex,
-       que le rasoir « slidycut effilage» proposes que la vente par la société Andrex est en tous points identiques au modèle,
-       qu'un autre rasoir,« platinum slidycut eco-effileur» de cette société, reproduit la plupart des caractéristiques du modèle,
-       que le modèle déposé est original et se différencie d'autres rasoirs par son design, son effet esthétique particulier, lisse, brillant et par I ‘utilisation de matériaux de très haut de gamme,
-      que ses caractéristiques ne sont pas fonctionnelles,
-      que ce modèle est nouveau et que les antériorités opposées sont inexistantes,
-     qu'en outre, la société Andrex a commis des actes déloyaux en vendant à vil prix des rasoirs contrefaisants de mauvaise qualité et parasitant la notoriété de la society Feather Safety Razer Co Limited,
-     qu'elles ont subi un préjudice lie a un manque & gagner et a la désaffection de leur clientèle.
Vu les dernières écritures en date du 22 janvier 2001 par lesquelles la société Andrex demande à la cour de confirmer la décision critique et de condamner «solidairement» les sociétés Feather Safety Razer Co Limited et Fejic au paiement de 20.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ,
Et soutient :
-     que la société Feather Safety Razer Co Limited ne peut se prévaloir ni de la nouveauté de l‘objet prétendument contrefait, ni de son originalité,
-      que cette société se prévaut de plusieurs dépôts, alors que seul un certificat est produit,
-     qu'en ce qui la concerne, elle importe et vend depuis 1987, un rasoir «slider»,commercialisé par la société anglaise Flattoper,
-     que ce rasoir est en tout point similaire au modèle invoqué,
-      que le modèle « styling rasor » ne présente pas de caractère original le distinguant d'autres produits du mime genre et est déjà banalisé, tant pour le manche du rasoir, que pour les lames dotées de protection et les matériaux utilisés,
-     que les caractéristiques de ce rasoir sont fonctionnelles et ne relèvent pas de L’esthétisme,
-     que la contrefaçon est inexistante,
-     que la société Feather Safety Razer Co Limited n’établit aucun fait distinct des faits de contrefaçon reprochés,
-      que les rasoirs qu'elle distribue, même s'ils s’étendent sur une large gamme de prix, ne sont pas de mauvaise qualité,
-      que le modèle commercialise par la société Fejic est inconnu des professionnels de la coiffure, que la différence du rasoir « slider»,
-     que la société Fejic qui est un simple distributeur, ne justifie pas d'un droit exclusif d’exploitation sur le modèle invoqué et ne démontre aucun acte de concurrence déloyale.
Sur la protection du modèle

Considérant que la société Feather Safety Razer Co Limited prétend avoir précédé a trois depots :
-un modèle pour manche de rasoirs effectue au Japon le 17 décembre 1991, enregistré sous le n° 3 38101,
-  un modèle pour manche de lame de rasoir déposé que l’institut National de la Propriété Industrielle le 15 juin 1992, enregistre le 31 août 1992, sous le n°92 3690,
-  un module de lame de rasoir auprès de L’institut National de la Propriété Industrielle le 26 juin 1998, enregistre le 30 octobre 1998, sous le n° 98 3817 ;
Que cependant, n'est produit aux débats que le seul certificat du dépôt du modèle n° 92 3690 ;

Considérant que la société Feather Safety Co Limited caractérise son module de rasoir que main pour cheveux «styling rasor», par la combinaison:
-      d'un seul corps rigide constitué d'un manche fixe et d'une lame dotée d'une protection,
-      d'un manche, sous la forme d'un plan en coupe d'une goutte d’eau prolongée par une bande de matière, dessinant deux légères courbes d'abord concaves, puis convexes au rattachement fixe de la lame, de telle sorte que la partie centrale du manche est étranglée,
-     d’une goutte d'eau située k l'extrémité du manche, percée d'un orifice dont le but est d'alléger l’instrument sur un plan visuel et comportant k sa base un appendice superflu ;

Considérant que pour bénéficier de la protection spécifique instance par le livre V du Code de la propriété intellectuelle, il convient de rechercher si le module en cause est nouveau, s’est que dire s'il ne peut lui être oppose d'antériorité de toute pièce, et s'il possède un caractère propre résultant d'une impression globale différente des modèles divulgués antérieurement ;

Considérant que la société Feather fait valoir que son modèle, déposé en 1992, est nouveau en ce qu'il est forme d'un seul corps rigide, alors que les rasoirs a main sont généralement constitués de deux parties mobiles, soit un manche et une lame se repliant dans celui-ci ;
Considérant qu'effectivement, il est établi par les publicités et les catalogues produits que d'autres rasoirs a manche fixe, « Bellino Holder » et « Two in One Rasoio Hitachi», n'ont été respectivement commercialises en France qu'en 1997 et 1998, soit après la diffusion du modèle «styling rasor»;

Considérant que pour s'opposer k la nouveauté du modèle revendiqué, la société Andrex oppose un rasoir « solide qui serait similaire et antérieur au dépôt ;
Qu'elle produit que cet effet :
*     des attestations de coiffeurs aux termes desquelles, le rasoir « sliden> figure k son catalogue depuis 1990 ;*     un fax rédigé en langue anglaise que lui a adressé la société Flattoper le 5 mars 1999, dans lequel celle-ci lui indique : « we operate a distribution rôle in connexion with « the slider* which as invented en 1986 by Roberto Cocozza. Certainly, we can prove this item has been on the market since 1987 » ;
Que cependant, la société Andrex ne communique qu'un catalogue de vente date de 1993/1994 et qu'aucun élément matériel objectif ne corrobore les attestations produites et le fax prédit selon lesquels le rasoir « slider » aurait été mis sur le marché avant le dépôt du modèle « styling rasor » ;
Que dès lors, aucun document versé ne constitue une antériorité de toutes pièces susceptible de détruire la nouveauté du modèle déposé ;

Considérant que la société Andrex soutient que, comme pour les ciseaux, 1'orifice place en bout de manche a une fonction technique et servirait à placer un doigt de l ’utilisateur ;
Que les sociétés appelantes produisent des photos publiés dans la presse et un audiovisuel réalisé pour la société 1’Or dal qui ne révèlent pas 1’aspect fonctionnel de cet orifice; que cependant, sur la pièce n°2, publicité réalisé pour la démonstration de I ‘utilisation du rasoir «styling rasor» et communiqué par ces mêmes sociétés, une photographie montre un coiffeur utilisant cet orifice pour effectuer le travail de coupe ;

Considérant que la grille de protection de la lame que Ton retrouve sur d'autres modules de rasoirs à manches fixes, « Bellino Holder », « Rasoio Hitachi” et "Slider” a un caractère fonctionnel ;

Considérant qu’il n'en demeure pas moins que la combinaison du modèle "Styling razor», dans la spécificité qui est la sienne, confère a l'ensemble un caractère propre dès lors que s'en dégage une impression globale qui lui permet de se démarquer d’autres rasoirs du même type, cette perception s'imposant d'évidence a l'examen des modèles en présence ;

Considérant enfin, que la discussion sur la qualité des matériaux utilisés pour la fabrication du manche est inopérante, s'agissant de la protection revendiquée au titre des dessins et modèles ;

Considérant en conséquence que le modèle "Styling rasor” ayant une apparence nouvelle est valable et bénéficie de la protection instaurée par le livre V du Code de la propriété intellectuelle ;

Considérant au surplus que la combinaison revendiquée résulte d'un processus créatif qui porte l'empreinte de la personnalité de son auteur, quel qu'en soit le mérite qu'il n’appartient pas au juge d’apprécier ;
Que le modèle litigieux est donc également protégeable par le droit d’auteur ;
Sur la contrefaçon

Considérant que le rasoir « slydicut effilage » présente dans le catalogue de la société Andrex est la reproduction du modèle de la société Feather Safety Razer Co Limited, ce que la superposition des deux objets permet de vérifier
Que les moindres détails ont été repris, y compris l’empreinte permettant d’imiter le logo de la société Feather ;

Considérant que si 1’orifice et si la grille de protection ne peut être opposés, le rasoir « slidycut eco effileur”, reprend sans nécessité les caractéristiques du modèle ci-dessus décrit, s’est que dire, sa courbure du manche, son plan en coupe d'une goutte d'eau, ses courbes concaves puis convexes, qui leur confèrent la même impression d’ensemble ;

Considérant que ces rasoirs constituants ainsi, la contrefaçon du modèle de la société Feather Safety Razer Co Limited, la décision entreprise doit 6tre infirmée ;
Sur la concurrence déloyale

Considérant que la society Feather Safety Razer Co Limited prétend que la société Andrex, qui a entretenu des relations commerciales avec son distributeur, la société Fejic, a commis des actes de concurrence déloyale en commercialisant une copie servile de son modèle qu’ un prix nettement inférieur et en parasitant sa notoriété ; Mais considérant que si les griefs lies k la copie servile et au prix de vente sont susceptibles d'aggraver le préjudice résultant de la contrefaçon, laquelle se définit comme la reproduction intégrale ou partielle de l'œuvre sans 1'autorisation de son auteur, ils ne constituent pas des faits distincts de concurrence déloyale ;

Considérant sur le comportement parasitaire, que la société Feather Safety Razer Co Limited, si elle justifie avoir consacré la somme d'environ 300.000 francs pour des frais de publicité, elle ne démontre pas que ces frais auraient été tous engages pour la promotion du rasoir «styling razor» et que celui- ci serait notoire;
Que des lors, la décision déférée doit être confirmée en ce qu’elle a rejeté la demande de la société Feather Safety Razer Co Limited fondée sur des actes de concurrence déloyale ;

Considérant en revanche, que les faits de contrefaçon de modèle commis par la société Andrex constituent pour la société Fejic, qui commercialise des articles que partir du modèle dépose avec 1'autorisation du titulaire des droits, des faits de concurrence déloyale, même si cette dernière ne justifie pas d'un droit exclusif d’exploitation sur le dit modèle ; Que la décision critiquée doit être reformée en ce qu'elle a débouté la société Fejic de sa demande formée au titre d’actes de concurrence déloyale ; Sur les mesures réparatrices

Considérant que les deux rasoirs litigieux ont été proposes que la vente par la société Andrex dans son catalogue 1998/1999 ; Que 1'huissier n'a pu se faire remettre les éléments de comptabilité demandés; qu'il a pu saisir le modèle «slidycut effilage», 1'autre rasoir « slidycut eco effileur» ne paraissant pas être commercialise que la date du constat;

Considérant sur le marché des deux rasoirs contrefaisants a eu nécessairement pour effet de banaliser le module et d’inciter la clientèle à s’en détourner ; Que le préjudice lie a l'atteinte aux droits privatifs de la société Feather Safety Razer Co Limited sera réparé par l'allocation d'une indemnité de 15.245 euros (100 000 firs) ; Que celui éprouvé par la société Fejic au titre des fails de concurrence déloyale le sera par l'octroi de la somme de 30.490 euros (200 000 francs), outre la publication de la présente décision dans trois journaux, au choix des sociétés Feather Safety Razer Co Limited et Fejic et aux frais de la société Andrex, dans la limite d’une somme de 3.048,80 euros (20.000 francs) par insertion ;

Considérant que les dispositions de 1’article 700 du nouveau Code de procédure civile doivent bénéficier aux sociétés Feather Safety Razer Co Limited et Fejic ; qu’il leur sera alloué que ce titre la somme de 4.500 euros (29 518 francs) ; Que la société Andrex, qui succombe dans ses demandes, doit être débouté de sa demande formée que ce titre ;

PAR CES MOTIF

Infirme la décision entreprise,
Statuant à nouveau,

Dit que le modèle -'Styling razor» dépose par la société Feather Safety Razer Co Limited n° 92 3690 est protégeable au titre du livre V du Code de la propriété intellectuelle et au titre du droit d'auteur,
Dit que la société Andrex, en commercialisant les rasoirs, «slidycut effilage» et "platinum slidycut eco effileur», a commis des actes de contrefaçon de ce module au préjudice de la société Feather Safety Razer Co Limited et des actes de concurrence déloyale au préjudice de la society Fejic,
La condamne à payer k la société Feather Safety Razer Co Limited la somme de 15.245 euros (100 000 francs) au titre de la contrefaçon et k la société Fejic la somme de 30.490 euros (200 000 francs) au titre de la concurrence déloyale.

Fait interdiction & la société Andrex de poursuivre la commercialisation et la vente des articles incrimines, sous astreinte de 152 euros (997 francs) par infraction constatée a compté de la signification du présent arrêt,
Autorise ia publication de la présente décision dans 3 journaux au choix des sociétés Feather Safety Razer Co Limited et Fejic et aux frais de la society Andrex, dans la limite d’un montant de 3.048,98 euros (20.000 francs) H.T, par insertion,

Rejette toutes autres demandes,

Condamne 1a société Andrex 4 payer aux sociétés Feather Safety Razer Co Limited et Fejic la somme de 4.500 euros (29 518 francs) au titre des frais irrépétibles d’appel.
La condamne aux dépens d’appel et dit que ceux-ci pourront Stre recouvres conformément aux dispositions de F article 699 du nouveau Code de procédure civile.