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Décisions

Cass. com., 30 mai 2006, n° 04-18.076

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Tricot

Douai, 2e ch. sect. 1, du 5 févr. 2004

5 février 2004

Attendu, selon l'arrêt déféré (Douai, 5 février 2004), qu'à la suite de la liquidation judiciaire de la Société automobile de la Côte d'opale (ACO) le 20 octobre 1998, M. X..., étant nommé liquidateur, la société Fiat auto France (la société Fiat) a revendiqué le prix de sept véhicules neufs et de pièces de rechange vendues avec clause de réserve de propriété à la société ACO avec laquelle elle avait conclu un contrat de concession ;

Sur le premier moyen :

Attendu que le liquidateur fait grief à l'arrêt d'avoir exclu l'existence d'un compte courant et, d'avoir, en conséquence, ordonné la restitution à la société Fiat du prix des sept véhicules neufs revendiqués, soit 77 042,45 euros TTC avec intérêts au taux légal à compter du 1er décembre 1998 et capitalisation selon l'article 1154 du Code civil, et du prix des pièces de rechange revendiquées sous déduction de l'avoir, soit 92 416,84 euros TTC avec intérêts dans les conditions précitées et dit que ces condamnations seraient garanties par le privilège de l'article L. 621-32 du Code de commerce, alors, selon le moyen :

1°) que le règlement différé à des dates périodiques, à l'occasion de leur inscription sur un compte, de créances et de dettes déjà exigibles caractérise le fonctionnement d'un compte courant ; qu'en l'espèce, le liquidateur faisait valoir que le règlement des impayés "véhicules neufs", d'une part, et du prélèvement du compte "pièces de rechange, d'autre part, n'était réalisé, après leur inscription sur un troisième compte dénommé "compte divers", que le 15 du mois suivant par voie de compensation avec les créances de la société ACO également reportées sur ce compte ; qu'en analysant une telle opération comme le règlement régulier d'une créance individualisée après compensation légale, sans rechercher si les soldes n'étaient pas exigibles à l'occasion de leur inscription en compte, et, partant, si leur règlement différé au 15 du mois suivant leur inscription ne révélait pas l'existence d'arrêtés périodiques d'un compte courant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134,1290 et 1291 du Code civil ;

2°) que la contradiction de motifs équivaut au défaut de motifs ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que le solde du compte divers était tiré chaque mois et réglé par virement le 15 du mois suivant sur le compte bancaire du concessionnaire généralement, constatation qui impliquait l'existence d'une remise de créance de la société ACO ;

qu'en affirmant cependant ensuite que le montant des impayés du prélèvement pièce de rechange ou d'un véhicule neuf était porté au débit de ce compte sans remises réciproques, la cour d'appel s'est déterminée par des motifs contradictoires, violant ainsi l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

3°) que le paiement libératoire par l'effet de l'inscription en compte courant ne vaut que pour les dettes qui y sont reportées et à la condition que les parties n'excluent pas conventionnellement l'effet novatoire de cette inscription ; qu'en retenant dès lors que l'acceptation par le liquidateur de la revendication en nature le 16 avril 1999 des pièces de rechange contredirait l'existence du compte courant invoqué, sans préciser si la dette afférente était de celles que les parties avaient soumises à l'effet novatoire de l'inscription en compte, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil ;

Mais attendu que l'arrêt retient que les relations commerciales entre les parties étaient comptabilisées en trois comptes dénommés, le premier "véhicules neufs" payé par déclenchement télématique du concessionnaire, le deuxième " pièces de rechange" payé par prélèvements bancaires à échéance fixe et le troisième "compte divers" qui enregistrait les autres opérations comptables ainsi que les écritures correspondant au montant des pièces de rechange ou d'un véhicule neuf, en cas d'impayé des prélèvements et que ce compte avait un solde tiré chaque mois, réglé par virement le 15 du mois suivant sur le compte bancaire du concessionnaire ; qu'ayant ainsi fait ressortir que le solde du "compte divers" était payé à échéance régulière sans qu'intervînt la clôture du compte, la cour d'appel en a exactement déduit que les parties n'avaient pas eu la volonté de régler leurs relations par le mécanisme du compte courant; que par ce seul motif qui rend inopérants les griefs évoqués aux deuxième et troisième branches, elle a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que le liquidateur fait encore grief à l'arrêt d'avoir ordonné la restitution à la société Fiat du prix des sept véhicules neufs revendiqués, soit 77 042,45 euros TTC avec intérêts au taux légal à compter du 1er décembre 1998 et capitalisation selon l'article 1154 du Code civil, et dit que cette condamnation serait garantie par le privilège de l'article L. 621-32 du Code de commerce, alors, selon le moyen :

1°) que seul le prix de marchandises existant encore en nature dans le patrimoine du débiteur au jour de l'ouverture de la procédure collective peut être revendiqué ; qu'en l'espèce, la société ACO soutenait avoir vendu tous les véhicules dont le prix était revendiqué avant l'ouverture de la procédure collective, fait admis par les premiers juges ;

qu'en se bornant à retenir que la revendication du prix des marchandises était justifiée par l'absence de preuve de paiement avant l'ouverture de la procédure collective, sans rechercher si les biens litigieux se retrouvaient encore en nature dans la patrimoine de la société ACO avant cette date, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 621-123 et L. 621-124 du Code de commerce ;

2°) qu'il appartient au revendiquant de rapporter la preuve que le prix des marchandises revendiquées n'a pas été réglé antérieurement à l'ouverture de la procédure collective ; que le juge ne saurait donc se fonder sur la seule insuffisance des preuves produites par le liquidateur du débiteur pour accueillir la demande de revendication ;

qu'en se bornant à considérer que les factures ACO, le bordereau bancaire, la balance compte-client, la délivrance à titre commercial des procès-verbaux des mines et le listing comptable, documents produits par le liquidateur, n'établissaient pas le paiement du prix des marchandises avant l'ouverture de la procédure collective et en reprochant à ce dernier de ne pas produire une copie des chèques ou tout autre document comptable, la cour d'appel s'est exclusivement fondée sur une prétendue insuffisance des preuves produites par la société ACO et a violé l'article 1315 du Code civil ;

3°) que le revendiquant ne saurait établir l'absence de paiement du prix des marchandises revendiquées avant l'ouverture de la procédure collective ni par des factures de marchandises remises au débiteur en redressement judiciaire, ni par des factures émises par ce dernier à ses propres clients ; qu'en n'expliquant pas en quoi de telles pièces comptables, qui ne pouvaient qu'attester du montant du prix de vente des marchandises litigieuses, auraient pu établir l'absence de son paiement avant l'ouverture de la procédure collective, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 621-123 et L. 621-124 du Code de commerce ;

4°) que le juge doit indiquer l'origine et la nature des éléments qui lui permettent de constater le fait considéré ; qu'en indiquant que le dirigeant aurait reconnu le 10 novembre 1998 posséder les cartes d'identité de certains clients, sans aucunement indiquer l'origine d'une telle information, la cour d'appel a manqué aux exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

5°) qu'en n'indiquant pas quelle fraction du prix global revendiqué n'auraient pas payée les clients dont le dirigeant aurait conservé les cartes d'identité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 621-123 et L. 621-124 du Code de commerce ;

Mais attendu qu'en application de l'article L. 621-124 du Code de commerce dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, le vendeur qui a réservé son droit de propriété est fondé à revendiquer entre les mains du débiteur le prix ou la partie du prix qui n'a été ni payé, ni réglé en valeur, ni compensé en compte courant entre le débiteur et l'acheteur à la date du jugement d'ouverture de la procédure ; qu'appréciant souverainement les éléments du débat, l'arrêt retient que, contrairement aux allégations du liquidateur, il n'est pas justifié du paiement du prix par les sous acquéreurs des sept véhicules neufs revendiqués au jour de l'ouverture de la procédure ;

qu'en l'état de ces appréciations dont il résultait que les véhicules avaient été revendus avant l'ouverture de la procédure, sans que le prix en ait été payé à cette date, ce qui rendait inopérante la recherche visée à la première branche, la cour d'appel, sans inverser la charge de la preuve, a légalement justifié sa décision ; que le moyen inopérant en sa cinquième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

Et sur le troisième moyen :

Attendu que le liquidateur fait enfin grief à l'arrêt d'ordonner la restitution à la société Fiat du prix des pièces de rechange revendiquées sous déduction de l'avoir, soit 92 416,84 euros TTC avec intérêts au taux légal à compter du 1er décembre 1998 et capitalisation selon l'article 1154 du Code civil, et dit que cette condamnation serait garantie par le privilège de l'article L. 621-32 du Code de commerce, alors, selon le moyen, que les juges du fond ne peuvent dénaturer les écrits qui leur sont soumis ; qu'en l'espèce, il résultait de l'accord du 16 avril 1999, d'une part, que "l'identification des pièces à reprendre (avait ) été réalisée (...) par inscription contradictoire sur un listing" et, d'autre part, que dans le cas où elles seraient en bon état, la société Fiat n'aurait "rien à réclamer à la procédure collective pour les seules pièces récupérées" ; que cette dernière mettait donc un terme à ses revendications des pièces de rechange, à l'exception de celles qui étaient endommagées, tout en se réservant la possibilité de revendiquer le prix de véhicules neufs ; qu'en considérant que l'accord ne valait pas abandon de la revendication en nature pour toutes les pièces de rechange, la cour d'appel a dénaturé ledit accord et violé l'article 1134 du Code civil ;

Mais attendu que sans en dénaturer les termes, la cour d'appel n'a fait que donner son exacte portée à l'accord du 16 avril 1999, en décidant que l'abandon de la demande en revendication du prix des pièces de rechange de la part de la société Fiat ne portait que sur les seules pièces récupérées ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

Rejette le pourvoi.